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Les JO du fric et du nationalisme

samedi 4 août 2012, par Robert Paris

Les JO du fric et du nationalisme

Bien sûr, le sport tient une place importante dans le cœur des milieux populaires partout dans le monde et est certainement une des distractions favorites des travailleurs, probablement plus pour le sport spectacle télévisé ou radiodiffusé que pour l’activité sportive elle-même bien sûr. Dans la réalité, sans que la plupart des travailleurs n’en aient conscience, la société impose au travers du sport une idéologie et des valeurs complètement opposées aux intérêts des masses populaires et celles-ci n’ont pas trop envie de le savoir, estimant que la distraction est bien plus importante. En effet, le sport est le sujet de discussion et de préoccupation de bien des travailleurs, au-delà sans doute de tout autre sujet. C’est, du coup, un dérivatif fantastique de tous les sujets de préoccupation sociale qui évite que la conversation populaire ne dérive vers les questions sociales. Le sport véhicule d’autre part le nationalisme alors que le prétendu idéal olympique était censé rapprocher les peuples…
Celui qui regarde l’exploit sportif à la télévision n’aura droit, pour l’essentiel, qu’à l’exploit de « sa nation », ratant ainsi les plus beaux exploits sportifs et recevant en témoignage la fierté du sportif non de s’être dépassé mais d’avoir entendu … l’hymne national !

Mais la relation la plus détraquée du sport est celle avec l’argent. Pour cela les J.O., c’est le comble de tout, le règne du fric le plus éhonté, des profits les plus fabuleux réalisés par des firmes privées qui n’en n’ont rien à battre du sport et n’y voient qu’une occasion géante de publicité monstrueuse prenant en otage les peuples.

Après les scandales liés aux conditions de travail dans les usines indonésiennes où ont été fabriqués les maillots officiels, ou à ceux concernant les transports, la sécurité, l’entretien... Dans l’est londonien, à quelques centaines de mètres du stade olympique, un vaste campement constitué de préfabriqués en tôle grise s’étend à l’abri des regards. C’est ici que sont logés les agents d’entretien recrutés pour les Jeux. Dix couchages par baraquement, un seul WC pour 25 personnes et une douche pour 75. On est loin, très loin de l’image glamour habituellement associée à la compétition. Bien que les conditions d’hébergement ne soient pas conformes aux lois en vigueur, les autorités ont donné leur accord à l’installation de ce campement au prétexte qu’il est temporaire. Et même l’insalubrité a un prix. Les occupants des lieux doivent débourser chaque jour 18£, soit un peu plus de 22€, de loyer. Des critiques s’ajouter à celles concernant le coût exorbitant de la compétition, les conditions de travail dans les usines indonésiennes et chinoises où ont été fabriqués les maillots officiels et la mascotte des JO. Les maillots officiels des équipes qualifiées pour l’Euro-2012 sont toxiques et potentiellement dangereux pour la santé affirme le Bureau européen des associations de consommateurs (BEUC). Il les a passés au crible et affirme qu’ils contiennent des substances nocives.
Les joueurs vont également avoir sur les épaules du plomb (contenu dans les maillots de la France, l’Allemagne ou l’Espagne) ou du nickel (présent dans ceux du Portugal et des Pays-Bas). Les joueurs sont donc concernés par cette question. Mais pas seulement. Toutes ces substances, qui peuvent être très nocives pour la santé en perturbant par exemple le fonctionnement endocrinien, sont également présentes dans les maillots vendus au public, et aux enfants notamment très friands de ce type d’habits. A 90 euros (minimum) le maillot, le BEUC trouve que cela fait cher pour s’empoisonner la vie.

Ainsi, un pays en pleine austérité catastrophique pour les milieux populaires comme l’Angleterre affiche des investissements fabuleux pour les jeux, sous le prétexte que des sociétés privées vont profiter des jeux. Et, sous ce motif, plein d’argent public a été dépensé en installations diverses servant essentiellement non le sport mais les bonnes affaires de tous ces investisseurs, qu’ils vivent du tourisme, de la pub ou d’autres profits privés divers.

C’est au point qu’une manifestation a eu lieu en Angleterre pour dénoncer les dépenses énormes en faveur des jeux au moment même où on coupe les aides sociales aux plus démunis, où on supprime des allocations chômage, où l’Erat et les villes n’ont plus un sou pour le public.

L’étalage de fric en est d’autant plus choquant et il atteint, à Londres, des records dans tous les domaines : investissements publics, profits privés, publicités géantes, coût de l’animation dans tous les domaines, allant jusqu’aux revenus des gros organisateurs.

Pendant des années, il n’y aura plus d’argent pour le sport en Angleterre sous le prétexte qu’une somme colossale a été dépensée en ce moment pour les J.O. !

L’Etat prétend que les J.O. sont « utiles à l’économie » et, du coup, créateurs de revenus et d’emplois en plus grand nombre que les pertes d’argent public liées à l’événement. Mais c’est totalement mensonger. Les petits emplois créés sont très précaires. Les coupes sombres des budgets, elles, seront durables.

Selon les promesses officielles, le budget public des jeux Olympiques devait rester dans l’enveloppe de 9,3 milliards de livres (environ 11 milliards d’euros) fixée en 2007 après un quadruplement des premières estimations. Sans compter plus de 6 milliards de livres (7,5 milliards d’euros) pour la remise à niveau des transports défaillants de la capitale et plus de 2 milliards de livres (1,9 milliard d’euros) de fonds privés. Soit au total environ 20 milliards d’euros engagés. Mais, contrairement à ce qui avait été prévu au préalable, les Jeux olympiques de Londres seront les plus chers de l’histoire, après ceux de Pékin. La facture devrait coûter 11,6 milliards d’euros aux contribuables britanniques, une addition plutôt salée en ces temps de récession.

D’après un récent sondage publié par The Independent, 51% des Britanniques pensent déjà que ces JO ne vaudront pas l’argent dépensé. Pas de boom touristique attendu. Pas de développement économique induit. Pas de réduction du chômage à en attendre…
Les médailles coûtent 6 millions aux organisateurs. Puis viennent les sommes attribuées par chaque nation à l’athlète. Mais tout cela n’est rien face aux frais d’installations qui rapportent aux entreprises privées du Bâtiment…

Face à des JO très onéreux pour le Royaume-Uni, il a été décidé de n’attribuer aucune prime supplémentaire aux athlètes. Tout juste, les sujets de sa Majesté parés d’or se verront sur un timbre mis en circulation le lendemain de leur victoire. Une action symbolique, encore.
Financièrement, les comités nationaux olympiques de chaque pays prévoient une prime pour chaque athlète qui rapportera une médaille à la maison. En France, le vainqueur d’une discipline empoche un chèque de 50.000 euros, une deuxième place rapporte 20.000 euros et la troisième marche d’un podium 13.000 euros. Les mêmes qu’en 2008.

Ces chiffres placent la France en 10e position des nations les plus généreuses, loin, très loin derrière l’Ouzbékistan, l’Arménie ou l’Azerbaidjan. Chaque médaillé d’or pour ces pays recevra respectivement 811.000, 700.000 et 640.000 euros.
Depuis 2007, le budget des Jeux n’a officiellement pas varié d’un iota : ils coûteront 9,3 milliards de livres (11,5 milliards d’euros) aux contribuables, un chiffre déjà multiplié par quatre par rapport à celui avancé en 2005 dans le dossier gagnant de la candidature britannique.

Au dernier pointage, il reste même une enveloppe de près de 500 millions de livres qui n’a pas encore été dépensée et qui pourra servir pour les imprévus, a indiqué récemment le gouvernement. "Pas un penny" de ce fonds ne sera utilisé pour "pallier les défaillances de G4S", a précisé le gouvernement après que la société en charge d’assurer la sécurité pendant l’événement ait annoncé ne pouvoir honorer son contrat de fournir 10.400 gardiens pour la sécurité des Jeux.

Un comité parlementaire a cependant évalué la facture publique réelle à 11 milliards de livres, suscitant aussitôt les commentaires agacés du secrétaire d’Etat aux Sports Hugh Robertson sur des "calculs biaisés". Qui dit mieux ? Le tabloïd Daily Mail a, comme souvent, préparé ses lecteurs au pire : "Jusqu’à 24 milliards"... Mais il a tenu compte dans son calcul des 6,5 milliards de livres injectés dans les transports londoniens pour tenter de les mettre à la hauteur de l’enjeu.

Le mystère risque de durer : "les coûts sont opaques et le resteront", a assuré à l’AFP Julian Cheyne, membre de "Games Monitor", une association de "surveillance citoyenne" des JO qui penche pour l’estimation haute. Selon lui, le gouvernement continuera jusqu’au bout, pour des raisons politiques évidentes, à s’en tenir au budget annoncé.

Même dans le cas extrême, ces JO reviendraient pourtant presque deux fois moins cher que ceux de Pékin en 2008. Le gouvernement a d’ailleurs toujours pris soin de se différencier de ces olympiades pharaoniques en promettant des "Jeux modestes" et en insistant sur sa volonté de recycler les infrastructures construites pour l’occasion, qui devraient en outre permettre la régénération d’une zone déshéritée du nord-est de Londres. Pas question pour autant de rejouer à la face du monde les "Jeux de l’austérité" de 1948, les premiers de l’après-guerre, lorsque certaines équipes avaient apporté leur propre nourriture pour éviter tout problème de ravitaillement.
Le Premier ministre britannique David Cameron a ainsi décidé de doubler le budget de la cérémonie d’ouverture du 27 juillet.
D’après le comité d’organisation, le Locog, la préparation des JO a profité à 1.500 entreprises du pays qui se sont partagé un pactole de 7 milliards de livres de contrats. L’économie britannique, chancelante, n’en sera pas bouleversée pour autant. Membre du cabinet de recherche Capital Economics, Samuel Tombs estime le gain net de croissance généré par les JO à moins de 1% du Produit intérieur brut, le tout sur plusieurs années.

Les chiffres les plus optimistes évoquent la création de 300.000 emplois, mais la très grande majorité sont des contrats temporaires, insuffisants pour infléchir une courbe du chômage au plus haut depuis 17 ans.

Le gouvernement préfère pour sa part insister avec prudence sur les "effets à long terme" de ces JO, en terme d’image notamment, alors que même les visiteurs pourraient ne pas être aussi nombreux qu’espéré, si l’on en croit le niveau décevant des réservations dans les hôtels.

Du côté des experts, le scepticisme reste de mise : "Nous doutons que le mot d’ordre des JO ’plus vite, plus haut, plus fort’ puisse s’appliquer à l’impact économique des Jeux", conclut une récente étude du cabinet Capital Ecomomics, qui chiffre l’apport des Jeux à seulement 0,1% du Produit intérieur brut en 2012. "L’effet sera minimal", confirment leurs confrères de la Saxo Bank, en rappelant que la majorité du budget d’investissement a déjà été dépensée, sans que cela n’empêche le pays de retomber en récession. La banque américaine Goldman Sachs estime que les Jeux apporteront 0,3 à 0,4 point de croissance supplémentaire au troisième trimestre mais que "cet effet bénéfique à court terme sera largement inversé au quatrième trimestre".

Concernant l’emploi, les préparatifs ont donné un coup de pouce, mais l’effet devrait être temporaire. Le taux de chômage au Royaume-Uni a légèrement reculé à 8,1% de la population active en mai, un chiffre meilleur que prévu. Cette baisse est particulièrement marquée à Londres, ce qui indique un effet positif de la préparation des JO. Mais les économistes sont partagés sur l’effet réel des Jeux sur l’économie et donc potentiellement l’emploi. "A court terme, les JO devraient continuer à donner un coup de pouce. Cependant, les perspectives d’emploi semblent plus problématiques pour la suite", ajoute Howard Archer, économiste du cabinet IHS Global Insight, qui prévoit une montée du chômage à 8,8% à la mi-2013.

Les syndicats ont aussi demandé au gouvernement d’éviter tout triomphalisme après la bonne surprise des chiffres de mai. "L’effet olympique peut donner l’impression d’une reprise mais c’est un mirage", a mis en garde Dave Prentis, le secrétaire général d’Unison, la plus grosse organisation du secteur public, en soulignant la persistance du chômage de long terme, ainsi que pour les femmes et les plus jeunes.

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