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Tout mais pas la lutte de classe !

dimanche 17 mars 2013, par Robert Paris

Tout mais pas la lutte de classe !

Le pouvoir Hollande-Ayrault claironne sur tous les tons qu’il est le gouvernement de la concorde sociale et qu’il va ainsi éviter à la France une confrontation de classe tout en préservant les emplois et en sauvant l’économie ! Il déclare à qui veut l’entendre qu’il ne sert à rien de protester mais qu’il faut s’entendre pour "trouver des solutions". Il suffit de voir ses solutions pour comprendre qu’il ne pense pas avoir de difficulté à les faire passer du côté patronal et compte donc sur les syndicats pour faire semblant de les avoir fait accepter du côté des salariés...

Jean-Marc Ayrault, a déclaré que l’accord national patronat/syndicats/gouvernement, soi-disant pour sauver les emplois en rendant les entreprises françaises plus compétitives par des sacrifices pour les salariés, est "le premier accord de importance depuis 30 ans". "Aujourd’hui, c’est le succès d’une méthode, celle du dialogue social, celle de la négociation, celle de la recherche du compromis". "On ne peut pas réformer le pays uniquement par conflit, par affrontement. On peut le faire aussi (par) des accords, des négociations. (...) Cela sera la même chose pour les retraites, pour la formation professionnelle", a fait valoir Jean-Marc Ayrault. C’est tout un programme...

La concorde qui a permis de signer un accord par lequel le salaire d’un travailleur en CDI peut baisser jusqu’au SMIC si la charge de travail baisse, que le site de travail peut changer sans droit de refus du salarié et sous peine de licenciement immédiat, cette concorde va être appliquée pour allonger l"âge de la retraite et baisser les allocations chômage pour casser les services publics, pour imposer la vague de licenciement et le tout sans heurt ?

Et le but serait de "sauver les emplois" ? Mais, depuis que le gouvernement emploie sa méthode pacifique, les emplois ne cessent de s’effondrer ! Car les emplois précaires pour les jeunes, l’accord national et la banque d’aide au patronat, les trois mesures-phares gouvernementales, ne sauveront que les capitalistes et pas l’emploi !

Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a appelé vendredi à privilégier le dialogue pour sauver des emplois "plutôt que l’affrontement", dans une réaction implicite aux affrontements de la veille entre les salariés de Goodyear et forces de l’ordre.

"Je le dis à tous les salariés qui aujourd’hui sont aux prises avec le désespoir ou la colère : la seule solution (...) c’est d’avoir des solutions concrètes, donc de travailler tous ensemble à ces solutions", a-t-il déclaré à la presse après une rencontre à Bercy avec les commissaires au redressement productif.

"Mieux vaut le dialogue, la discussion, la recherche de solutions en commun plutôt que l’affrontement", a-t-il ajouté, à propos des affrontements lors de la manifestation qui a fait plusieurs blessés légers jeudi parmi les salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-nord et les policiers.

Et on a eu droit au même discours dès que des salariés de PSA Aulnay ont cherché simplement à se faire entendre ou à faire grève. Eh oui, ceux qui veulent fermer une usine prétendent que c’est scandaleux d’y... faire grève, que c’est scandaleux de s’y défendre contre les milices patronales et l’encadrement mobilisés contre les salariés !

Et la presse relaie les dénonciations à la vindicte publique de ces salariés qui veulent simplement défendre leur emploi et c’est ce gouvernement qui envoie les forces de l’ordre s’attaquer à des salariés qui défendent simplement leurs emplois... Voilà donc la paix sociale défendue par des nervis et par des matraqueurs !

Mais le gouvernement ne cesse de proclamer qu’il a des intentions pacifiques : il faut négocier et pas mener de combats, des affrontements sociaux alors qu’on peut s’entendre en discutant calmement ! Il suffit que les représentants des salariés s’assemblent avec les patrons qui veulent les licencier et ils trouveront comment il sera pacifiquement acceptable de perdre son emploi dans une période où on est assuré de ne pas en retrouver… C’est vrai à l’échelle nationale comme dans chaque entreprise : asseyez-vous et discutez dit très sagement le gouvernement. Quand il s’agit de demandes des banques et des trusts, le gouvernement ne montre-t-il pas l’exemple en s’entendant parfaitement avec eux après s’être tranquillement assis pour convenir d’annuler les dettes, les faillites, les impôts ou les taxes ? Pourquoi les salariés n’en feraient pas autant pour accepter des diminutions de salaires, des déplacements de centaines de kilomètres et des suppressions d’emplois sans droit de contester en justice ?

Régler les conflits sans lutte, c’est donc un ordre du gouvernement et tout particulièrement du ministère de l’Intérieur, matraques à l’appui, sans compter les gaz lacrymogènes et le pistolet tazer pour les récalcitrants comme ceux de Goodyear Amiens qui ont eu un avant-goût du pacifisme gouvernemental dans les relations patronat/Etat/salariés. Comme on le voit dans ces relations, l’Etat, impartial, donne des coups qu’aux salariés et offre des coûts aux patrons (crédits d’impôts, cadeau de taxes, salaires gratuits pour les contrats jeunes…).

Et si certains salariés ne comprenaient pas que c’est dans leur intérêt qu’on leur demande de rester pacifiques face aux licenciements ? Alors, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, va jusqu’à menacer les ouvriers qui se battent pour sauvegarder leurs emplois : « Il n’y a pas de place pour la violence, et je lance évidemment un avertissement, la police, elle fait son travail, mais on ne peut pas admettre qu’on cherche à casser l’outil de travail » déclarait-il sur Europe1.

Pas de violence ?

100.000 emplois détruits en 2012, ce n’est pas de la violence ?

Pas de violence quand « 2,5 millions de Français âgés de 15 ans ont été sans logement provisoirement ou durablement » selon une étude de l’INSEE ?

Pas de violence quand 230.000 foyers en France viennent d’être privés d’électricité et de gaz, selon les statistiques officielles ?
Pas de violence quand 450.000 personnes ont été interdits bancaires ?

Pas de violence quand les patrons des trusts, des banques et l’Etat détruisent chaque jour des milliers d’emplois ?

Pas de violence quand le patron de Renault se flatte de supprimer 8250 emplois rien qu’en poussant dehors des salariés sans plan social, sans risque de contestation en les attaquant un par un et en les faisant craquer individuellement alors que chacun sait que dehors il ne retrouvera plus aucun emploi ?

Pas de violence quand la dégradation concertée des services publics, en vue de collecter de l’argent pour les offrir aux patrons des trusts et des banques et de faire passer en douce leur privatisation, mène à des catastrophes : suicides des personnels, décès des patients, y compris d’enfants à naître ?

Pas de violence quand la misère empêche des familles entières d’accéder au logement, à la santé, aux études, à la nourriture, aux vêtements, au chauffage, à l’électricité, au crédit ?

Pas de violence quand on casse le CDI, quand on oblige les salariés à faire des centaines de kilomètres pour aller travailler sur un autre site sous peine de licenciement en cas de refus, quand on les oblige à suivre les hauts et les bas des commandes en voyant leur charge de travail et leurs salaires jouer ainsi au yoyo, quand on diminue les droits de contester un licenciement, quand on camoufle des licenciements collectifs en départs volontaires, etc…, quand on couvre tout cela de la signature de quelques syndicats aux ordres ?

Tout doit se faire à la bonne franquette, dans la bonne humeur et on doit trinquer aussi avec le patron qui vous jette dehors parce qu’il préfère spéculer et transformer une entreprise industrielle en banque. Tout doit se faire par accord partagé, dans la concertation et la négociation, sans lutte de classes, prétendent-ils. Pourtant, la lutte des classes, c’est exactement leur politique en faveur de la classe capitaliste et c’est une politique tout ce qu’il y a de violente contre les travailleurs et les milieux populaires.

Même leur hypocrisie est d’une violence accablante, ces pacifistes qui font des guerres aux quatre coins de monde, guerres dont les populations civiles sont les première victimes même si elles n’apparaissent jamais dans les décomptes officiels, guerres de la Côte d’Ivoire au Mali, du Niger à l’Afghanistan, de la Syrie au Centrafrique et on en passe. Elle n’a pas été violente la politique de la France de gauche et de droite réunis au Rwanda ?

Hollande est le boucher pacifique qui détruit les emplois en appelant à l’aide les syndicats pour l’anesthésie !

Pour le gouvernement, pour le patronat, pour les centrales syndicales, on peut tout faire, vue la situation catastrophique, mais surtout pas mener la lutte des classes. La prétendue violence des salariés, et de certains syndicats, qui se battent pour défendre leurs emplois est pointée par le gouvernement pour les discréditer auprès de l’opinion. Le gouvernement vient encore de le réaffirmer à l’occasion des derniers affrontements entre policiers et ouvriers de Goodyear à Amiens ou à l’occasion de la signature par certains syndicats d’accords prévoyant des sacrifices pour les salariés sous le prétexte d’ « améliorer la compétitivité des entreprises françaises ».

On peut éviter l’affrontement dit-il. Mais il ne nous évite pas bien sûr de subir l’attaque patronale, il entend seulement éviter la réaction ouvrière en empatouillant les syndicats dans des négociations sans fin et sans but, dans des recherches de « solutions économiques » qui ne résolvent rien pour les travailleurs ! Et les centrales, loin d’être réticentes de jouer ce jeu de tromperie, s’y engouffrent quand elles n’en prennent pas l’initiative. Elles ont des plans pour rendre les salariés plus exploitables, les entreprises plus rentables, pour y attirer des patrons, pour détourner l’argent des impôts, pour favoriser le patronat, sous le prétexte de sauver les emplois.

Et tous les exemples où les patrons ont signé avec les syndicats, ont ramassé le pactole pour licencier un peu plus tard ou fermer ne les a pas fait changer d’avis…Ils persistent et trouvent toujours des prétendues réformes à signer, à cautionner, pour en faire la propagande ensuite auprès des salariés comme plans de sauvetage des emplois et justifier ainsi leur rôle de tampons sociaux…

Dans les services publics comme SNCF, RATP ou Hôpital public, les syndicats sont englués dans des négociations sans fin pendant que le gouvernement entreprend quasi ouvertement la destruction des services publics sous prétexte de remise à niveau des comptes publics alors qu’il fabrique en même temps des trous dans ces comptes en donnant de l’argent aux patrons des trusts et des banques.

Certains syndicats ne cautionnent pas telle ou telle réforme, tel ou tel plan de prétendu sauvetage et éventuellement accompagnent quelques mouvements de colère locaux, mais ils cautionnent d’autres accords ailleurs et ne cherchent jamais à imposer que les syndicats soient responsables devant les salariés.

FO a ainsi souligné son refus de signer l’accord national de « flexi-compétitivité », appelé à manifester aux côtés de la CGT contre cet accord, pour finir par signer l’ « accord Renault » qui ne vaut pas mieux. A Renault, la CFDT a commencé à se fâcher contre l’accord proposé par Ghosn, allant jusqu’à appeler à la grève, pour finir par… signer.

On pourrait penser que cela ne concerne que quelques syndicats vendus mais cela est faux. Ainsi, la CGT, du moins sa direction, collabore elle aussi comme le démontre son nouveau secrétaire général qui, du haut du Conseil Economique Social et Environnemental, a programmé la privatisation de la SNCF en rédigeant un rapport en ce sens qu’il y a fait voter ! Dans sa séance du 27 juin 2012, il déclare notamment : « Il n’aura échappé à personne dans cette assemblée que la locution « ouverture à la concurrence » appliquée à un noyau dur du service public peut agir immédiatement comme un chiffon rouge. Dans le monde ferroviaire, agiter un chiffon rouge est justement le moyen le plus ancien, mais toujours en vigueur, pour signifier l’arrêt d’urgence notamment lorsqu’il s’agit d’une manœuvre. (…) Nous avons imaginé des évolutions possibles au plan social dans la perspective d’une ouverture à concurrence qui semble se dessiner. »

Et tous ces braves gens (pêle-mêle gouvernants, centrales ayant signé ou comptant signer, patronat, presse) dénoncent les salariés qui veulent se battre contre les patrons, contre la « violence des salariés » ! Mais où est-elle la violence ? Dans le fait de manifester, de faire grève, d’occuper, de se heurter à la violence encore plus grande des « forces de l’ordre » ou bien dans le fait de jeter à la rue, de supprimer les revenus de familles entières, de régions entières, de casser des individus, des familles, de leur retirer leur gagne-pain, leur logement, leur compte en banque, leur accès à l’énergie et même aux soins, à la nourriture, aux vêtements. Car perdre un emploi aujourd’hui, c’est quasiment l’assurance de ne plus avoir d’emploi fixe jusqu’à la fin de ses jours et même pas d’emploi du tout sauf quelques activités précaires… Ce n’est pas de la violence cela ? Et rendre les gens malades, les stresser pour les pousser à la démission comme le fait le patron de Renault qui se flatte de virer 8500 salariés sans les licencier, ce n’est pas de la violence ?

La lutte des classes, le patronat la mène et il n’a pas craint de l’affrontement ! Le choix du patron de PSA a bel et bien consisté à rendre publique une agression massive contre les ouvriers de PSA pour enclencher l’attaque patronale de l’ensemble des patrons et leur démontrer qu’ils étaient isolés grâce aux « stratégies » syndicales…

Loin d’en tirer les leçons, les syndicats continuent de plus belle à … négocier et lutter entreprise par entreprise. Les uns cherchent à jouer les pompiers et les autres soufflent localement sur les braises, se répartissant ainsi les rôles, mais aucun ne cherche à propager l’incendie à l’ensemble de la classe ouvrière. Et aucun syndicat, même ceux qui prétendent mener la lutte contre le chômage et les licenciements, ne met en contact permanent les salariés des entreprises qui licencient, sans parler des autres. Aucun ne met en contact privé et public, salariés CDI et précaires, avec et sans papiers, entreprises des constructeurs automobile et sous-traitants, salariés et chômeurs, etc… Aucun n’appelle les salariés à s’organiser en comités. L’extrême gauche officielle, quand elle le fait, le cache bien pour ne pas fâcher les centrales syndicales...

Au lieu de cela, ils ont des plans à proposer aux patrons comme le plan B de la CGT de PSA, comme le plan de CFE-CGC et FO qui planchent sur un projet d’établissement de zones franches, à fiscalité et charges très réduites, autour des usines françaises de la filière automobile, celles de Renault ou de PSA, mais aussi des équipementiers.

La CGT Goodyear, comme dans d’autres entreprises menacées de fermeture, veut maintenant faire une scop depuis que les repreneurs ont dit non. S’exploiter soi-même cela peut permettre de retarder le coup de colère, pas d’empêcher les licenciements et pourtant les syndicats marchent là-dedans… La CGT Petroplus comme celle de Goodyear s’était engagée dans les négociations des repreneurs avant de constater qu’ils avaient été menés en bateau avec ces prétendus repreneurs avancés par le gouvernement pour éviter l’explosion de colère et avoir les salariés à l’usure. Et les centrales avaient bien entendu marché…

Et, chez Renault, quelques prétendus syndicats et le patron ont, paraît-il sauvé nos emplois et Renault va développer l’entreprise en France. C’est du moins eux qui le prétendent. Mais on sait que, signature ou pas, Renault n’avait pas autorisation du gouvernement de licencier et de fermer des sites industriels tant que personne ne sait comment va se terminer le conflit de Peugeot ou celui de Goodyear et la conjonction avec les General Motors, avec Sanofi et avec ArcelorMettal est crainte par la classe dirigeante. Le patron de Peugeot joue les fiers à bras qui n’a peur de personne mais il ne faut pas croire ces boni-menteurs. Par contre, en retardant de quelques mois, Renault peut profiter de l’échec programmé d’une lutte isolée à PSA pour faire passer son attaque sans renier formellement sa signature puisqu’il lui suffira de dire qu’il est en faillite, ce qui sera vrai… Et dans moins d’un an, les mêmes syndicats diront que le patron les a trompés. On connait la chanson. Les mêmes syndicats ont entonné la même dans toutes les entreprises du pays successivement comme à ArcelorMittal ou Continental. Mais quand on est aussi souvent trompés, c’est qu’on le veut bien…

Quelles raisons y aurait-il de croire les signataires de l’« accord Renault » signé par des syndicats et que le gouvernement glorifie comme preuve de l’évitabilité de l’affrontement ?

Renault prétend avoir moins de travail et on va travailler… plus ! Malgré l’annonce d’un bénéfice net de 1, 735 milliard d’euros sur 2012 et de 13, 557 milliards d’euros de trésorerie disponible on va gagner moins ! L’accord signé entérine la suppression de 7500 emplois ! Les salariés seront prêtés à Nissan ou Daimler… Renault n’a eu aucun problème à trouver les 508 millions d’euros qu’elle compte verser à ses actionnaires au titre des dividendes. L’accord de compétitivité se distingue de celui conclu en novembre en Espagne. En France, les sites Renault vont perdre 8.260 postes sans plan social sur trois ans, alors qu’en Espagne, 1.300 créations d’emplois sont prévues, dont une part chez les fournisseurs. Côté production, les trois usines espagnoles connaîtront une hausse théorique de 40 % en volume, contre 33 % pour la France, dans le meilleur des cas.

Tout cela avec la caution du gouvernement de gauche. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a estimé mercredi soir que l’accord compétitivité agréé à Renault par deux syndicats était un « bon accord ». La bourgeoisie et le gouvernement parlent d’accord constructif… Quel besoin d’un accord Renault après l’accord national ? Demandez-le par exemple à la CGC qui a signé les deux !

Pas besoin de lutter ? Pas besoin de l’affrontement ? Et pour défendre les retraites que le gouvernement veut encore attaquer, notamment en retardant l’âge de départ en retraite ? Et pour défendre les chômeurs dont le gouvernement veut diminuer les allocations et les supprimer pour certains ? Et pour défendre nos emplois, notre santé, nos services publics, nos logements, nos revenus, l’avenir de nos enfants ?

Nous ne sommes plus à l’époque « réformiste » où des syndicats collaboration de classe signaient pour gagner des miettes et bradaient les luttes en échange de platées de lentilles. Maintenant ils signent des reculs majeurs, des dégradations des salaires, des conditions de travail, une flexibilité des charges de travail et des revenus imposée, des déplacements imposés, une surexploitation sous le prétexte de défendre les emplois alors que tous les reculs qu’ils cautionnent n’empêchent nullement les patrons de licencier ensuite ou de fermer des sites… Ce ne sont plus des syndicats réformistes mais des syndicats jaunes même si les salariés qui, à la base, font marcher le syndicat n’en ont pas conscience.

Autrefois, le patriotisme d’entreprise servait à cautionner l’exploitation sous prétexte d’améliorations minimes de telle ou telle clause. Aujourd’hui, c’est la destruction physique et morale du prolétariat à laquelle s’emploie patronat et gouvernement. Ceux qui, dans les syndicats, cherchent encore à participer ne font qu’aider à ce crime de classe !

Ce qu’il faut à la classe ouvrière, ce n’est pas de la docilité, ce n’est pas non plus de l’aveuglement. Le problème n’est pas de souhaiter que la colère explose violemment. Le problème, c’est que les travailleurs s’organisent pour discuter de ce qui se passe, se retrouvent entre eux et mesurent la situation, échangent leurs avis sur les buts des patrons, sur ceux du gouvernement, sur les forces des adversaires, sur les forces de la classe ouvrière, sur ce qui peut faire mal aujourd’hui à la classe capitaliste. Cela aurait une bien plus grande efficacité de voir des salariés d’une entreprise menacée de s’organiser puis de s’adresser ainsi à toute classe ouvrière en l’appelant à en faire de même que toutes les prétendues actions radicales par lesquelles les syndicats locaux entendent accompagner la colère des salariés qu’on a trop promené de promesses en promesses et de négociations en négociations...

Affirmer que l’on ne croit plus dans aucune forme de concorde sociale en s’organisant en tant que classe, voilà ce qui serait la réponse adéquate à une situation où patronat et gouvernement entendent déclarer la guerre aux travailleurs tout en se cachant derrière un calumet de la paix !

Classe contre classe ne signifie pas se couper des milieux populaires et de la petite bourgeoisie. Au contraire, seule une classe ouvrière organisée en dehors des centrales syndicales et de toute autre institution liée à la bourgeoisie et à l’Etat peut véritablement s’adresser à ceux des classes moyennes que l’effondrement économique frappe et frappera....



Collaboration de classe à Renault

Les syndicats de chez Renault ont approuvé un accord de réduction des coûts permettant au constructeur automobile de supprimer des emplois, d’allonger le temps du travail et de geler les salaires dans toutes les usines aux quatre coins de la France.

Jeudi 7 mars, la CFDT (Confédération française démocratique du Travail) a dit avoir accepté de signer un accord avec Renault. La CFDT est devenue le troisième syndicat après Force ouvrière (FO) et le syndicat CFE-CGC (Confédération française de l’Encadrement – Confédération générale des cadres) à soutenir le soi-disant « accord de compétitivité. » Les syndicats et la direction ont conclu les négociations sur cet accord, lesquelles avaient débuté le 19 février dernier.

Pour que la convention collective soit valide, Renault a besoin du soutien des syndicats représentant au moins 30 pour cent du personnel. Comme ces trois syndicats représentent environ 63 pour cent de l’effectif de Renault, la firme peut faire passer l’accord. Les syndicats signeront l’accord après sa présentation le 12 mars au comité central d’entreprise.

La CGT (Confédération générale du Travail) a fait preuve d’une opposition symbolique contre l’accord en le qualifiant de « régression sociale. » Son opposition verbale est toutefois totalement hypocrite. Elle a gardé le silence pendant plus de quatre mois alors que Renault négociait l’accord et n’a rien fait pour mobiliser la classe ouvrière contre l’austérité introduite partout dans l’industrie automobile.

A la bourse de Paris, le cours des actions Renault a grimpé mercredi de 3,5 pour cent pour atteindre 51,69 euros après la signature de l’accord par les syndicats. Les spécialistes des marchés ont dit que l’accord était significatif et stimulerait la compétitivité de Renault.

L’accord permet à Renault de réduire de 17 pour cent son effectif actuel de 44.000 travailleurs d’ici 2016 par des départs naturels. Les syndicats ont aussi accepté un gel des salaires pour 2013 et une augmentation de 6,5 pour cent des heures de travail. Les mesures de réduction des coûts permettent à Renault d’économiser 500 millions d’euros par an, a dit Gérard Leclercq, directeur des opérations France de Renault. Leclercq avait dit en février que les compromis des travailleurs en France permettraient à l’entreprise de réduire de 300 euros en moyenne le coût de chacune de ses voitures produites en France.

Les constructeurs automobiles sont en train d’intensifier les coupes dans le contexte d’une forte baisse des ventes de véhicules en Europe. En février, les ventes de voitures ont chuté en France de 12,1 pour cent par rapport à il y a un an. Selon l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), les immatriculations de voitures Renault neuves ont chuté en Europe de l’Ouest de 21 pour cent de 2011 à 2012.

Renault a déjà annoncé la suppression de 8.260 emplois en France d’ici 2016. Le nouvel accord lui permet d’accélérer les suppressions de postes, d’allonger le temps du travail et de geler les salaires. Cet accord fait partie d’une stratégie plus large de Renault de diminuer les coûts de production partout en Europe. L’année dernière, la société avait signé un accord avec les syndicats espagnols, accord incluant des horaires de travail flexibles et le recrutement de travailleurs intérimaires à bas salaire.

Les responsables syndicaux parlent au nom de la direction et contre les travailleurs. Laurent Smolnik, un représentant de Force ouvrière qui a négocié les coupes, a dit : « Il vaut mieux prendre le risque d’un avenir que de ne pas avoir d’avenir du tout, » en ajoutant que les travailleurs étaient coincés dans un cercle vicieux qui ne laissait aucun avenir pour Renault.

Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, a eu des mots élogieux pour le soutien apporté par les syndicats aux compromis. Au salon de l’automobile de Genève, il a dit que l’accord de compétitivité de Renault était la réponse indispensable à la crise du marché automobile européen. Ghosn a dit, « Beaucoup d’autres pays vont se pencher sur leur compétitivité, la question sera de savoir qui bougera plus rapidement et plus habilement sur ce terrain. »

Pour organiser la suppression « habile » des emplois et des avantages sociaux, les syndicats jouent un rôle clé dans cette offensive mondiale organisée par la classe dirigeante contre le niveau de vie des travailleurs. L’année dernière déjà, ils avaient accepté des compromis dans les usines automobiles, y compris à l’usine PSA Peugeot-Citroën de Sevelnord. (Voir : « Les syndicats français signent un accord de concession avec le constructeur automobile PSA. »)

Le constructeur automobile PSA Peugeot-Citroën a annoncé la suppression de 8.000 emplois en France et la fermeture de l’usine d’Aulnay près de Paris. L’entreprise Ford va fermer des usines en Belgique et au Royaume-Uni ; General Motors envisage de fermer son usine Opel de Bochum en Allemagne en éliminant 3.000 emplois.

L’accord chez Renault est un réquisitoire de plus contre les syndicats pro-capitalistes et le gouvernement du grand capital du président français, François Hollande, dont l’élection avait été soutenue par les syndicats et les groupes petits-bourgeois de « gauche » tels le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA.)

Tout en négociant les coupes avec les patrons, les syndicats sont en train d’étouffer l’émergence d’une opposition contre la suppression des emplois et des fermetures d’usines. Alors que les travailleurs protestent contre la fermeture de l’usine de production de pneus Goodyear à Amiens et de l’usine de PSA à Aulnay, les syndicats isolent leurs luttes, usine par usine.

Le gouvernement Hollande a salué l’accord conclu entre Renault et les syndicats et qui est un élément clé de son programme d’austérité plus vaste, comprenant une réforme du marché du travail permettant aux employeurs d’embaucher et de licencier à volonté ainsi qu’un allègement de 20 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a dit que l’accord chez Renault était un « bon accord » et que ce serait « meilleur » si la réforme du marché du travail était déjà appliquée.

La promotion de cet accord par le gouvernement Hollande repose sur une série de mensonges cyniques. Les responsables français ont promu le renflouement de l’industrie automobile du président américain Obama aux Etats-Unis en préconisant une politique identique en France. Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a dit, « Le gouvernement français s’inspire du modèle Obama pour défendre les emplois dans l’industrie. Nous cherchons exactement le même chemin pour redonner de la force à l’industrie française. »

En fait, le renflouement d’Obama, qui a été soutenu par le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (United Auto Workers, UAW), avait permis aux compagnies automobiles de fermer des dizaines d’usines, d’éliminer 35.000 emplois et de réduire drastiquement de moitié les salaires horaires pour les travailleurs nouvellement embauchés. Depuis ce renflouement, les constructeurs automobiles américains ont engrangé des dizaines de milliards de dollars de bénéfices. Pour avoir soutenu l’appauvrissement de leurs membres, l’UAW a bénéficié de la création d’un fonds d’affectation spéciale s’élevant à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Alors qu’ils imposent de brutales mises à pied massives des travailleurs de l’automobile, le gouvernement et les syndicats français tentent de diviser la classe ouvrière selon des frontières nationales et de promouvoir le patriotisme français en affirmant mener une campagne pour « défendre l’emploi français. »

Toutefois, du propre aveu de Montebourg, cette campagne est fondée sur l’imposition d’une réduction des salaires et la mise en place de conditions prévoyant l’exploitation de la classe ouvrière. En reprochant à Renault de ne construire que 500.000 véhicules en France même, il a souligné le 4 mars que Renault avait proposé une « relocalisation pour la fabrication de plusieurs centaines de milliers de véhicules. »

Il a ajouté, « Si des efforts doivent être faits de la part des salariés, ils doivent servir la cause du ‘Made In France’. »


Collaboration de classe à Goodyear

Les dirigeants locaux de la CGT ont accepté l’isolement de la lutte des Goodyear et la collaboration de la direction nationale de la CGT avec l’ancien président conservateur Nicolas Sarkozy. Cette colaboration se poursuit sous le gouvernement de la “gauche” bourgeoise, le Parti socialiste, de François Hollande, dont l’élection à la présidence a été soutenue par la CGT.

Au moment où les propositions des syndicats pour éviter la fermeture sont en train de s’effondrer, il devient de plus en plus clair que l’unique perspective possible est la construction de comités de lutte, indépendants des syndicats, pour organiser une riposte plus large contre la politique anti-ouvrière et de collaboration de classes de la CGT.

Le 12 février le manufacturier américain de pneus agricoles Titan a retiré son projet d’acheter la section “pneus agricoles” de l’usine, ce qui était censé sauver 500 emplois. Ce qui se négocie actuellement entre Goodyear et les syndicats, ce sont les indemnités de licenciements qui seront proposées, ou plutôt imposées aux 1,273 travailleurs du site entier.

Les négotiations ont commencé le 12 février au siège social de Goodyear près de Paris. Le dirigeant CGT du site, Mickaël Wamen, en sortant de la réunion, a dit aux travailleurs rassemblés : « On va sortir l’artillerie lourde devant les tribunaux. On n’a pas encore sorti dix pour cent de notre attirail juridique… si le gouvernement tremble aujourd’hui, il continuera à trembler. »

Entre temps, tandis que les travailleurs d’Amiens-Nord cherchaient à s’opposer à la fermeture avant la tenue des deuxièmes négociations le 7 mars, Wamen et le conseiller juridique de la CGT Fiodor Rilov ont proposé que les travailleurs investissent leur indemnité de licenciement dans une SCOP (coopérative). De nombreux travailleurs ont exprimé des doutes fort justifiés, car ceci revient à accepter la fermeture de l’usine. Le 26 février, Wamen a rencontré le député européen du parti conservateur UMP (Union pour un mouvement populaire), qui a dit qu’il essaierait d’obtenir une subvention de l’UE pour financer la SCOP.

Un peu plus tard, Wamen a quasiment reconnu que la proposition de SCOP est une manoeuvre visant à renforcer la position de la CGT lors des procédures judiciaires sur les indemnités de licenciement. Wamen a dit au Courrier Picard : “Nous verrons comment réagira la direction. Si elle n’en veut pas, cela nous permettra de retourner devant la justice et montrer combien Goodyear préfère fermer l’usine plutôt que la confier à ses salariés.”

Ces manoeuvres ont pour but de casser le moral des travailleurs de Goodyear et de les pousser à accepter les indemnités de licenciement, autrement dit la perte de leur emploi après six ans durant lesquels l’entreprise a laissé l’usine se dégrader et a réduit la production au dixième de sa capacité.

Aucune indemnité de licenciement ne compensera la perte d’emploi des travailleurs de Goodyear dans un contexte où il est extrêment difficile de retrouver du travail. Dans le contexte de la pire crise économique depuis les années 1930, le chômage a augmenté pendant 21 mois consécutifs en France et concerne 3,5 millions de personnes. Selon les prévisions, le chômage va encore augmenter dans les années à venir en France et dans toute l’Europe, notamment dans l’industrie automobile et manufacturière.

Le WSWS s’est toujours opposé à toute braderie des emplois contre de l’argent chez Goodyear et a appelé à la grève et à la mobilisation politiques les plus larges de la classe ouvrière contre les fermetures et les licenciements. Le WSWS s’est toujours opposé aux tentatives de la CGT de présenter les fermetures d’usines comme des victoires en mettant en avant les indemnités de licenciements.

Après le cas le plus connu où cela s’était produit, la fermeture de l’usine Continental de Clairoix en 2009, le WSWS avait écrit : “Les syndicats de l’usine Goodyear d’Amiens considèrent la trahison de Clairoix comme un exemple à suivre.”

Pour sa part, le leader de la CGT de l’usine Goodyear, Mickaël Wamen a fait l’éloge de l’accord « très honorable », « arraché par la lutte des Conti. » Wamen a dit que le but était de faire retirer les suppressions de postes, mais que s’ils n’y parvenaient pas, « 50 000 euros, ça sera le minimum. Il y a du fric chez Goodyear. Le groupe devra ouvrir le porte-monnaie, sans quoi ça va chier. »

En fait, l’accord acceptant la fermeture du site Continental de Clairoix avait été une trahison infecte. La plupart des travailleurs de Clairoix n’ont pas retrouvé de travail depuis. L’accord, conclu entre Continental, les syndicats conduits par Xavier Mathieu de la CGT, et le gouvernement, comprenait une promesse des syndicats d’empêcher les travailleurs de Clairoix d’intervenir dans d’autres sites de Continental dont la fermeture était prévue.


Collaboration de classe (de première classe !!) à la SNCF

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