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Quelle orientation face aux risques fascistes ?

mercredi 19 juin 2013, par Robert Paris

Quelle orientation face aux risques fascistes ?

Les éditoriaux d’une organisation révolutionnaire sont le texte politique diffusé chaque semaine dans les entreprises. C’est par ce texte que l’on peut voir dans quel sens une organisation d’extrême gauche entend orienter les travailleurs par rapport à l’actualité politique. Examinons donc cet éditorial du groupe d’extrême gauche français Lutte Ouvrière à propos des groupes fascistes suite à l’assassinat par un de ces groupes d’un militant d’extrême gauche.

Rappelons que nous avons déjà écrit plusieurs fois sur ce thème :

Si on résume ce que disent les textes précédents, nous estimons qu’un groupe révolutionnaire qui intervient sur ce sujet doit au moins souligner les points cruciaux suivants :

1°) Le fascisme est un danger dans la société bourgeoise du fait de la crise de la domination de la bourgeoisie débutée en 2007. Car c’est en période de crise systémique que la bourgeoisie peut faire appel au fascisme.

2°) En effet, le fascisme, ce n’est pas seulement des petits groupes ou grands groupes nazis, c’est une politique des classes dirigeantes dans les périodes où la crise de la société bourgeoise entraîne des risques révolutionnaires prolétariens.

3°) En ce sens, le fascisme est inséparable de la société bourgeoise. Il est, avec la démocratie bourgeoise, l’autre face de la même pièce. On ne peut combattre résolument le fascisme qu’en combattant pour en finir avec la domination de la bourgeoisie. On ne peut pas compter sur la démocratie bourgeoise et ses institutions pour combattre le fascisme. Les partis démocratiques bourgeois, inéluctablement liés aux intérêts de la bourgeoisie, sont incapables d’éradiquer ce qui est l’une de ses solutions en cas de crise.

4°) Le fascisme est un changement radical par rapport au choix classique de la bourgeoisie, hors des crises graves, et qui se caractérise d’abord par la décision de détruire les organisations de collaboration de classe de la classe ouvrière : syndicats, associations et partis. C’est la montée de la menace révolutionnaire du prolétariat qui amène la classe bourgeoise et ses représentant à la tête de l’Etat bourgeois à prendre une telle décision.

5°) Le fascisme n’est pas une rupture avec la bourgeoisie, ni dans Etat, ni avec ses méthodes de classe. Il est au contraire la continuité de la domination de la bourgeoisie et de la défense de ses intérêts. C’est la situation économique, sociale et politique qui a changé. Ce n’est pas le produit de partis méchants, violents, dangereux mais de la nécessité de maintenir la domination de la bourgeoisie quand les masses risquant d’entrer en mouvement, la classe dirigeante a besoin de dépasser les moyens classiques de répression pour aller piocher dans le lumpen prolétariat, dans les couches arriérées aussi de la petite bourgeoisie apeurée par la crise et même dans certaines couches pourries de la classe ouvrière ou de ses chômeurs, ou encore de la jeunesse, afin de les mobiliser contre les travailleurs et les organisations qui y sont plus ou moins liées.

6°) Les classes dirigeantes se garderont toujours de se débarrasser de leurs fascistes car, en période de crise grave, ils peuvent en avoir besoin. C’est une preuve que les classes dirigeantes conservent toujours à l’esprit le danger révolutionnaire du prolétariat, même quand les prolétaires eux-mêmes ont oublié qu’ils appartiennent à une classe révolutionnaire ou même ont oublié qu’ils sont des prolétaires !

7°) Le premier danger, dans cette situation, provient d’abord des organisations prétendument réformistes. Ce sont elles qui, en muselant l’élan de lutte des travailleurs, lui brisent les reins, étouffent la révolution, la détournent, la calment et permettent ensuite aux fascistes et aux forces de répression de détruire la classe ouvrière. En pleine mobilisation massive des travailleurs, les tentatives fascistes n’ont d’autre effet que de faire monter la révolution. Quand les dirigeants réformistes ont pu diriger les luttes vers le mur, c’est là que viennent les risques fascistes.

Peut-on lire un éditorial révolutionnaire qui ne rappelle pas le lien du fascisme et de la crise de la domination de la bourgeoisie, les liens avec le rôle révolutionnaire du prolétariat, les liens avec la nécessité pour la bourgeoisie de détruire politiquement et socialement, dans cette situation, le prolétariat ? Oui, cela existe.

Voici l’éditorial de Lutte Ouvrière.

Extrême droite : un danger pour toute la classe ouvrière

Mercredi 5 juin, le jeune Clément Méric a été frappé à mort par des skinheads. Son tort ? Avoir été antiraciste et ne pas l’avoir caché. Les groupuscules d’extrême droite n’en sont pas à leur premier coup. Armés, ils s’entraînent à frapper et agressent ceux dont la tête ou les idées ne leur plaisent pas, étrangers, homosexuels, ou encore militants de gauche, au hasard des rencontres.

Ce meurtre politique aurait pu survenir n’importe quand, mais il s’est produit après les manifestations contre le mariage homosexuel, transformées en démonstration de force de la droite réactionnaire. Il s’est produit alors que des groupes violents ont profité de ces manifestations pour se mobiliser, faire de la surenchère et multiplier les agressions.

On ne peut pas se contenter de déplorer une bagarre qui a mal tourné. Cet assassinat doit d’autant plus nous alerter qu’il y a dans le pays un climat qui favorise le renforcement du Front national et de ces groupuscules fascisants.

Quoi qu’en dise Marine Le Pen, les deux vont de pair. Depuis qu’elle a pris la tête du FN, elle dit avoir exclu ceux qui affichaient des idées fascisantes. Elle a compris que les petits patrons antiouvriers, les calotins et les ex-légionnaires ne suffiraient pas à la faire élire. Pour brasser plus large, il lui faut donc rendre le FN plus présentable.
Mais le Front national s’est créé et continue de prospérer sur l’idéologie raciste et nationaliste, sur la perspective d’un régime autoritaire et haineux à l’égard des pauvres et impitoyable avec les travailleurs et leurs organisations. Jean-Marie Le Pen, qui a été dans sa jeunesse un pilier de l’extrême droite fascisante, et parachutiste dans l’armée tortionnaire pendant la guerre d’Algérie, ne s’en est jamais caché.

Même quand Le Pen fille cherche à donner au FN une allure respectable, sa politique empeste le racisme. Le FN prétend se battre pour que chacun ait un emploi et un logement, mais c’est à condition d’être français. Il s’oppose à la baisse des allocations familiales pour les Français ; pour les travailleurs immigrés, il défend leur suppression !

Il n’y a donc rien d’étonnant de voir des nervis à croix gammée grenouiller dans le milieu du FN. Et rien de surprenant à ce que Marine Le Pen elle-même soit liée personnellement à ces gros bras. Plus le FN se renforcera, plus ces gens-là se sentiront confortés.

Il serait naïf de croire qu’une dissolution administrative nous protégera de ces groupes qui se reconstitueront aussitôt dissous. La crise, l’aggravation du chômage et de la misère ne manqueront pas de renforcer le nationalisme, les préjugés xénophobes, les idées protectionnistes.

La droite prétend combattre le Front national... en reprenant ses idées ! C’est la raison pour laquelle Sarkozy avait lancé le fameux débat sur l’identité nationale et s’en était pris aux Roms. C’est pourquoi Copé s’est inquiété du vol d’un pain au chocolat en plein ramadan et des prières de rue.

Le rapprochement de la droite et de l’extrême droite est tel que certains dirigeants de l’UMP n’ont pas été gênés de manifester contre le mariage homosexuel aux côtés des députés FN. Et combien se préparent à s’allier au FN lors des élections municipales ?

Mais, pendant que la droite court derrière le Front national, le Parti socialiste court derrière la droite.

Alors que la gauche dans l’opposition critiquait les expulsions de sans-papiers, c’est elle qui se retrouve aujourd’hui à les ordonner et à les justifier. Alors qu’elle dénonçait un « traitement inhumain » des Roms, c’est elle maintenant qui les chasse et les accable. Alors qu’elle avait promis le droit de vote aux étrangers non européens aux élections locales, elle y renonce !

Chacun de ces reniements renforce l’extrême droite. Mais elle prospère aussi et surtout sur la démoralisation engendrée par la politique antiouvrière du gouvernement, qui pousse les plus désespérés et les plus déboussolés à voter FN.

Alors, n’en doutons pas, le gouvernement de gauche sera aussi impuissant face à la montée de l’extrême droite qu’il l’est aujourd’hui face aux diktats patronaux.

Dans l’avenir, les travailleurs auront donc à se défendre non seulement contre les attaques patronales, mais aussi sans doute contre celles de groupes d’extrême droite. Les travailleurs en ont la force. S’ils prennent conscience de leurs intérêts matériels et politiques et se battent pour, ils trouveront la voie de l’unité.

Qu’ils soient français ou étrangers, les travailleurs ont besoin d’un emploi, d’un salaire et d’une retraite pour vivre. Le ciment de leur unité doit être leurs intérêts de classe.

Éditorial de Lutte Ouvrière des bulletins d’entreprises du 10 juin

Remarquons que même le titre est faux : le fascisme est un danger pour toute la population, pour tous les peuples et pas que pour la classe ouvrière mais il l’est parce que la classe ouvrière devient, en tant de crise, par sa seule existence, un danger pour la domination des exploiteurs.

La classe ouvrière n’est pas la seule en danger mais la seule à avoir des perspectives, à condition que ses prétendus amis ne l’attachent pas au système capitaliste, ne laissent pas les syndicats et partis de gauche attachés au système la diriger, ne lui fassent pas croire qu’elle est seulement une victime et non une force considérable. Et l’extrême gauche officielle, sur ce plan, n’est pas une aide pour la prise de conscience révolutionnaire du prolétariat !

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Conclusions

On ne peut vaincre le fascisme qu’en abattant la bourgeoisie capitaliste et en détruisant de fond en comble son appareil d’Etat.
On ne peut empêcher le développement d’un mouvement fasciste de masse qu’en faisant en sorte que la classe ouvrière mobilisée apparaisse comme une perspective de changement de système attirant une fraction de la petite bourgeoisie, des chômeurs et de la jeunesse.

On ne peut pas réaliser ces tâches en restant derrière les appareils syndicaux ou les partis de gauche qui ne visent qu’à sauver le système capitaliste, y compris leur aile gauche écologiste, stalinienne ou d’extrême gauche officielle qui ont abandonné la lutte pour le construction d’organisations de masse politiques des travailleurs sous la forme de soviets ou comités de travailleurs et de jeunes. L’unité qui est nécessaire face au fascisme est à réaliser avec tous ceux qui reconnaissent de tels comités. Sans ces comités, aucune alliance de classe ne peut exister car aucune organisation de classe n’existe. C’est par ses comités et par la politique qui y est défendue que la classe ouvrière peut se poser le problème d’être une alternative au capitalisme, de proposer aux autres couches sociales cette alternative et, du coup, de détruire les bases du fascisme en démasquant sa démagogie.

Aucune de ces conclusions n’est dans l’édito que nous avons cité !

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