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Socialisme et éducation

mercredi 9 octobre 2013, par Robert Paris

Messages

  • On demande à Einstein un jour ce qu’il aimerait dire aux étudiants des universités scientifiques, quels conseils il pourrait leur donner.

    Sans hésitation, il répond :

    "Je leur demanderais de passer une heure par jour à rejeter les idées des autres et à penser par eux-mêmes. Ce sera dur, mais ils progresseront bien plus vite."

  • Je suis en train de lire le livre de A. S. Neill :

    "Libres enfants de Summerhill"

    Est-ce qu’une expérience comme celle de Summerhill existe ailleurs ? Hormis la colonie Gorki de Makarenko (qui n’a finalement que peu à voir avec ce qu’a fait Neill) ?

  • Alexander Neill a écrit son livre Libres enfants de Summerhill après 38 ans d’existence de l’école qu’il a fondée, semble-t-il, en 1921.

    La lecture de son livre en 2015 m’a donné beaucoup de bonheur, en même temps qu’une grande remise en cause. Neill est un militant libertaire qui a su tenter dans la société capitaliste, de fonder une école, qui semble-t-il existe toujours, tenue aujourd’hui par sa propre fille, Zoe Breadhead.

    Disons d’emblée que son livre relatant les 38 premières années de l’existence de l’école est paru en 1960. A l’époque, nous sommes dans un tout autre monde que celui du capitalisme finissant du XXIe s.

    La période, en Europe, est à la reconstruction d’après guerre. Deux conflits mondiaux viennent d’avoir lieu pour détruire la vie révolutionnaire et la révolution a échoué : le capitalisme semble triomphant, la bannière étoilée main dans la main avec les massacreurs de la révolution qui continuent d’arborer le drapeau rouge pour se partager le monde afin de mieux réprimer toute tentative révolutionnaire vers une forme ou une autre de nationalisme afin de mieux contenir tout élan de la vie.

    Dans ce monde d’un capitalisme en reconstruction, des militants ayant connu la grande vague révolutionnaire mondiale des années 1910 (Irlande, Mexique, Russie, Allemagne, pour ne citer que ceux-là) ont survécu à la tempête des révolutions et contre-révolutions. Neill est de ceux-là. Beaucoup sont morts écrasés.

    Il est notable que la Colonie Gorki de Makarenko fasse ses premiers pas à l’hiver 1920/21 et que Summerhill naisse en 1921. La première guerre mondiale, la grande guerre a laissé des millions d’enfants orphelins de par le monde. Malgré les tendances mortifères profondes de la civilisation capitaliste, des individus veulent vivre et donner la vie, ou consolider la vie en pleine effervescence. Neill est de ceux-là.

    Neill est un freudien, grand lecteur et ami de Reich. Il défend les thèses de Reich et de Malinowski. Reich a écrit des ouvrages profonds qui lui ont valu d’être rejeté par le KPD autant que par les institutions psychanalytiques.

    Malinowski a étudié les mœurs les plus libres connues des Trobriands qui permettent quelque chose d’inconcevable pour beaucoup d’entre nous : l’autorisation et l’organisation dans les cases des villages d’une sexualité entre garçons et filles.

    Son ouvrage parle autant de pédagogie que de sexualité car pour lui, la liberté, c’est avant tout la possibilité pour les enfants de ne plus subir la répression. Or, toute répression est avant tout répression des instincts les plus profonds de l’enfant. Ces instincts les plus profonds, quels sont-ils ? Ils prennent la forme, chez l’enfant de la curiosité de la différence sexuelle, la curiosité sur l’origine de la vie et la curiosité concernant le plaisir sexuel. Dès lors, la découverte par l’enfant de la différence sexuelle entre garçons et filles implique le jeu spontané et naturel qui va avec la découverte de cette différence.

    Pour la morale chrétienne sous toutes ses formes, catholique, calviniste, luthérienne ou autre, les plus grands préjugés sont véhiculés sous la forme de « le sexe, c’est sale, les parties génitales sont sales, et la défécation également ». Or, toute l’éducation est profondément imprégnée de tout cela. A la fin du XX e siècle, dans quelques endroits de la planète, des réflexions ont été menées pour modifier la base morale de l’éducation, mais trop peu. Neill a apporté une pierre inestimable pour permettre la réflexion à ce propos.

    Car dire à un enfant, ou même simplement lui manifester que la défécation est sale, cela consiste déjà à lui signifier que les parties génitales sont sales... et tout le reste de l’éducation en dépend : refus par les parents de voir leur enfant se toucher les parties génitales, et de voir leur adolescent se masturber, et qui plus est de voir un frère et une sœur ou deux enfants de sexe opposé découvrir innocemment par des jeux totalement naturels leur différence. Tout cela entraine donc une profonde culpabilité chez l’individu, qui grandira hanté de cette répression et développera un ou plusieurs complexes et les névroses qui vont avec.

    Dans son école, Neill accueille des enfants de tous les milieux sociaux. Il sait que la morale a déjà fait son travail de description des élans de vie chez les enfants et même les tout-petits. Car au début, il accueille des enfants de moins de 5 ans, ce qui ne sera plus le cas ensuite.

    Les enfants sont donc complètement libres de faire tout ce qui leur plait durant le temps qu’ils passent à Summerhill. Aucune contrainte n’est tolérée de la part de Neill et certains enfants passent 10 ans de leur vie à jouer si le cœur leur en dit. Mais Neill est un observateur et il sait que derrière un vol, une tentative d’incendie ou tout comportement qui paraît totalement asocial ou anti-social, il y a un complexe qui s’exprime. Et Neill passe du temps à discuter avec les enfants, à leur poser des questions. Il va droit au but : là où un adulte a besoin d’années entières de thérapie, un enfant peut simplement en quelques discussions d’un coup répondre au problème qui le hante et ainsi voir son complexe disparaître.

    Parfois, il faut plus de temps. C’est le prix à payer de cette liberté : l’enfant qui a besoin d’explorer les thèmes qui le hantent ou l’intéressent va les explorer à fond, bien souvent par le jeu, ou pour les plus grands par le bricolage, ou toute activité manuelle. Bien sûr, les filles et les garçons ne recherchent pas les mêmes activités. Le pari, et même la réussite que Niell expose dans son livre, c’est que les enfants n’ayant pas eu de contrainte, ils sont plus à même d’avoir confiance en eux. Ils ont eu tout le temps d’explorer leur propre égoïsme : personne ne leur a inculqué l’altruisme ou l’obligation de travailler. Dès lors, parce que aucune contrainte ne s’est exercée sur eux, les enfants sont fiers d’eux-mêmes et lorsqu’ils décident de passer des examens, ils travaillent à fond et rattrapent ce que d’autres écoles estimeraient être du « retard ». Surtout, personne ne dit à l’enfant s’il doit être plombier ou médecin, physicien ou chauffeur d’engin. C’est l’adolescent qui choisi lui-même avec pleine décision d’autant plus qu’il est intérieurement libre. Là où un adolescent hésite sur ce qu’il va faire de sa vie, l’adolescent de Summerhill va décider sans passer son temps à hésiter par exemple.

    Bien sûr, parfois, il y a des échecs, ou bien les parents ne sont pas assez patients pour laisser leur enfant à Summerhill pour aller jusqu’à l’âge adulte.

    On pourrait même croire que dans ses relations avec les institutions d’état, Neill a pu négocier comme tout ce qui cherche à exister et perdurer dans la société capitaliste. Surtout, Neill est bien conscient des limites de Summerhill la liberté de relations sexuelles entre mineurs n’étant pas permise légalement et juridiquement dans l’état bourgeois, dan la légalité bourgeoise, il ne peut se permettre de laisser s’installer dans la communauté de l’école une permissivité à l’image de la société des Trobiraands.

    De même, on pourrait lui reprocher ses vues sur l’homosexualité, puisque, au fond, il reste attaché à l’idée que l’homosexualité serait malsaine. En effet, il conclue les deux pages concernant l’homosexualité ainsi :

    « Je ne sais pas quels refoulements de l’enfance mènent à l’homosexualité, mais il semble certain qu’ils prennent racine dans la prime enfance. Summerhill, de nos jours ne prend plus d’enfants de moins de 5 ans, par conséquent, nous avons affaire à des petits qui n’ont pas tous été éduqués sainement dans les premières années. Néanmoins, en trente-huit ans, l’école n’a produit aucun homosexuel. La raison en est que la liberté donne des enfants sains.

    Il est vrai que ce préjugé, Freud lui-même l’exprime dans ses trois essais sur la théorie de la sexualité : le terme employé par Freud est celui d’ « inverti ».

    Cependant, il est important de noter qu’en France, l’homosexualité relevait du code pénal et que la dépénalisation de l’homosexualité date de 1985. Même aux états-unis l’homosexualité est encore considérée comme un crime dans certains états.

    Ainsi, on peut associer ce type de jugement de Neill à deux interprétations possibles : soit il cède à un préjugé classique sur l’homosexualité, préjugé présent dans les propos de Freud lui-même, soit simplement, il souhaite présenter une image propre de Summerhill. Et on peut comprendre qu’au regard des critiques qu’il a subit, cela soit important. Car au cours des pages qu’il écrit, il montre bien que la moralité calviniste ambiante en Grande-Bretagne, favorise précisément l’homosexualité, puisque pour éviter les grossesses adolescentes (l’expression, en français, à l’époque n’existe pas, c’est l’expression péjorative de fille-mère qui prévaut tout au long du 20e siècle) on tolère les jeux sexuels entre enfant du même sexe, mais surtout pas entre garçons et filles !!!!

    Il semble donc qu’une faiblesse dans ses arguments se fasse jour concernant la question de homosexualité.

    Pourtant, ce livre est remarquable non pas tant par sa qualité littéraire, que pour sa clarté d’expression et le « matériel clinique » livré par l’éducateur qu’est Neill. On suit facilement la réflexion, ponctuée d’exemples clairs et limpides, et plus facile d’accès que les cas présentés par bien des analystes et même parfois par le père de la psychanalyse lui-même.

    Ce qui est également remarquable, c’est la compétence dont fait preuve Neill pour discuter avec les enfants si simplement. Il pose des questions, laisse l’association s’installer, et ainsi suggère à l’enfant l’explication dont il a besoin pour se libérer de son complexe. C’est tout-à-fait autre chose que la moralité qui gronde l’enfant lorsqu’il fait ce qui est considéré comme « bêtise », un acte asocial ou anti-social. Car si l’enfant commet un tel acte, c’est qu’il a été perturbé dans son comportement et qu’il subit un refoulement, quel qu’il soit. Aussi, le gronder ne fait que renforcer son refoulement et cela ne peut donc que renforcer son complexe et ainsi alimenter une névrose inextricable...

    Si un enfant commet un acte asocial ou antisocial, c’est bien souvent, voire toujours qu’il s’est vu interdire quelque chose. Dès lors, si on le gronde sur l’acte asocial qu’il a commis, on le gronde sur ce qui lui permet de symboliser l’acte premier qui lui a été interdit. Dès lors, on interdit deux fois la même expression naturelle de l’individu.. on rend donc malade l’individu qui ne peut plus exprimer quoi que ce soit de ce qu’il ressent et veut réaliser. On crée un incapable, un névrosé impuissant à l’action.

    C’est pour cela que Neill pense que la contrainte est contraire à la possibilité d’une éducation digne de ce nom. En ce sens, il condamne toute position kantienne sur l’éducation et passe pour un rousseauiste proposant la seule liberté comme principe inamovible de l’éducation.

  • « La doctrine matérialiste de la transformation par le milieu et par l’éducation oublie que le milieu est transformé par les hommes et que l’éducateur doit lui-même être éduqué. Aussi lui faut-il diviser la société en deux parties, dont l’une est au-dessus de la société. La coïncidence de la transformation du milieu et de l’activité humaine ou de la transformation de l’homme par lui-même ne peut être saisie et comprise rationnellement que comme praxis révolutionnaire. »

    Karl Marx, « Thèses sur Feuerbach »

  • « La doctrine matérialiste de la transformation par le milieu et par l’éducation oublie que le milieu est transformé par les hommes et que l’éducateur doit lui-même être éduqué. Aussi lui faut-il diviser la société en deux parties, dont l’une est au-dessus de la société. La coïncidence de la transformation du milieu et de l’activité humaine ou de la transformation de l’homme par lui-même ne peut être saisie et comprise rationnellement que comme praxis révolutionnaire. »

    Karl Marx, « Thèses sur Feuerbach »

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