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Emeutes en Algérie

jeudi 31 janvier 2013, par Robert Paris

Baraki, Bachdjarah, Réghaïa, Staouéli, Bordj Menaïel, Béjaïa, Jijel, Ghardaïa ont connu une semaine des plus enflammées. Cette succession d’événements et leur timing laissent planer des interrogations : où va le pays ?

La flamme des émeutes vient d’être rallumée. En cette dernière semaine de 2013, le pays est touché par une troublante série d’émeutes. Des poches de contestation sont signalées à travers les quatre coins du pays. Elles sont même aux portes de la capitale ! La commune de Baraki est en effet depuis lundi dernier, le théâtre de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les habitants de ses bidonvilles. Les intempéries de dimanche dernier avaient inondé des baraques de fortune, provoquant l’ire de leurs habitants. Ces derniers ont bloqué tôt dans la matinée de lundi dernier la route menant vers Larbaâ et Bentalha, à l’aide de pneus brûlés, de troncs d’arbres. Ce qui a mené à de violents affrontements avec les forces de l’ordre venues dégager la route. Un décor apocalyptique, qui nous rappelle celui de l’hiver 2011 avec les émeutes de l’huile et du sucre, s’est installé.

Les manifestants bombardant les CRS de projectiles et cocktails Molotov, lesquelles ripostaient avec des gaz lacrymogènes. Un véritable chaos ! Les affrontements se sont poursuivis jusqu’en fin d’après-midi de lundi, avant de reprendre hier, mardi. Les émeutiers réclament leur relogement dans l’immédiat, eux qui disent que les autorités leur avaient promis de les reloger avant la fin de l’année. Mais une rumeur circule sur le fait que le site qui devait les accueillir, à Bentalha avait été attribué à d’autres habitants, venus d’autres quartiers de la capitale. D’ailleurs, cette rumeur avait mis le quartier de la nouvelle banlieue d’Alger sur une poudrière. De pareilles émeutes avaient été évitées de justesse, lorsque les habitants de ces bidonvilles avaient eu vent une première fois de cette rumeur. Des centaines de personnes avaient investi le siège de la daïra de Baraki pour réclamer des explications. Le calme était revenu, mais cela avait démontré le malaise existant dans cette commune, qui est l’une des plus peuplées du Grand-Alger.

Les dernières intempéries ont ainsi été la goutte qui a fait déborder le vase ! Le danger est donc là ! Surtout que ces émeutes ont eu un effet domino. L’après-midi même, les habitants du quartier les Palmiers, de Oued Ouchayeh (Bachdjarah, banlieue d’Alger), ont également investi la rue pour réclamer leur relogement. Eux, dont les logements ont été endommagés lors de la construction du tunnel de Oued Ouchayeh, attendent leur relogement depuis plus de 20 ans. Mais en vain ! Alors, apprenant la révolte des habitants de Baraki, ils ont décidé de faire de même. Ils ont fermé la route menant vers Bachdjarah et menacé de fermer le tunnel de Oued Ouchayeh. Le dialogue a vite été ouvert avec les autorités locales. La sagesse des uns et des autres a évité un embrasement comme à Baraki. La route a vite été ré-ouverte. Mais ce n’est pas le cas à Béjaïa.

La Route nationale 9 est depuis trois jours (jusqu’à hier) coupée à la circulation au niveau de la localité de Souk El Tenine, à 30 km à l’est du chef-lieu de la wilaya. Alors que les sièges de l’APC et de la daïra locale, sont fermés par les manifestants. Une grève générale a même été observée par les commerçants de Souk El Tenine. Les habitants de Ziama-Mansouriah à Jijel se sont joint à ce mouvement de protestation. La raison de leur colère est le retard accusé dans les opérations de raccordement de leurs communes au réseau du gaz naturel. Hier, pendant que les habitants de Baraki et Souk El Tenine poursuivaient leur mouvement de contestation, une nouvelle poche de protestation s’est déclenchée au niveau de Réghaïa (Banlieue Est d’Alger). Cette fois, c’est le trafic ferroviaire qui a été perturbé. Il a été bloqué au niveau de Réghaïa par des habitants en colère qui réclamaient la fermeture d’un centre d’enfouissement technique (CET), réalisé à la sortie Est de leur localité. Cette situation a créé un véritable désordre au niveau du trafic ferroviaire, ce qui a provoqué une nouvelle grogne, celle des usagers. Cette semaine a également été marquée par les protestations qui ont « accueilli » le Premier ministre Abdelmalek Sellal, lors de sa visite jeudi dernier dans la wilaya de Djelfa. Des citoyens, banderoles à la main, ont observé des sit-in à chacun des points qu’a visités le Premier ministre. Certains réclamaient leur raccordement au réseau électrique, tandis que d’autres appelaient à leur relogement. Dimanche dernier, le Premier ministre a encore eu droit à des manifestations. Cette fois, c’est aux alentours de chez lui, que des chômeurs ont investi la rue pour dénoncer leur situation et exiger des locaux pour exercer l’activité commerciale. Cette protestation a eu lieu à quelques encablures de la résidence d’Etat du Club des pins. Ces chômeurs en furie ont bloqué l’axe routier qui dessert la ville de Staouéli en passant par Bouchaoui par des pneus auxquels ils ont mis le feu. Bordj Menaïel, à l’est de la wilaya de Boumerdès a aussi eu son lot de protestations. La RN12 reliant Thénia à Tizi Ouzou a été fermée à la circulation automobile. Des habitants sont sortis dans les rues pour dénoncer ce qu’ils qualifient de volte-face des autorités face à leurs promesses. Tous ces mouvements de protestations viennent s’ajouter au volcan de Ghardaïa qui connaît ces derniers mois des éruptions à répétition. Cette wilaya du sud du pays qui connaît ces derniers mois des émeutes chroniques a, cette semaine encore été secouée par deux fois par le vent de la révolte. Des magasins appartenant à des Mozabites ont encore été pillés dans la soirée de lundi dernier. Ce qui a réveillé les vieilles rancoeurs communautaires qui ont failli emporter la vallée du M’Zab. La stabilité du pays est-elle si menacée ? Cela au point d’inspirer le Premier ministre ? Celui-ci, qui a encore une fois rappelé, jeudi dernier, l’importance de la stabilité dans le développement du pays. « La stabilité avant tout », avait-il insisté lors de sa visite dans la wilaya de Djelfa, avant de réaffirmer l’engagement des autorités du pays dans la sauvegarde des acquis sociaux du peuple.

La caserne de la Marine nationale au centre-ville d’El Kala et mitoyenne de l’ancien port a été assiégée par des manifestants en furie, suite au repêchage, durant la matinée de ce mercredi 11 décembre, du corps d’un homme âgé de 30 ans sur la plage Boutribicha.

Au même moment, un autre groupe d’émeutiers a encerclé l’hôpital de la ville pour réclamer la dépouille de l’homme noyé.

Selon des témoins oculaires joints par téléphone, « les éléments de la Marine nationale ont usé de tirs de sommation pour disperser la foule, agglutinée autour du mur d’enceinte, qui voulait en découdre avec les occupants de la caserne ». Des projectiles et des pierres ont été jetés par les manifestants ».

Selon la version des émeutiers, l’homme aurait trouvé la mort lors d’une course-poursuite qui s’est déroulée il y a trois jours entre les fonctionnaires de la Marine et plusieurs contrebandiers de la pêche au corail ». « Les fuyards auraient tous plongé dans l’eau pour échapper à l’opération de ratissage routinier conduite par la marine. Malheureusement, l’un d’eux s’est noyé », ont indiqué nos interlocuteurs.

Suite aux émeutes qui ont eu lieu au chef-lieu de Draâ Ben Khedda, dans la journée d’avant-hier, avec la fermeture de la RN 12 et du siège de l’APC, plusieurs manifestants ont été interpellés par la police. Selon notre source, une vintaine de personnes, en majorité des résidents du bidonville du domaine ‘’Rahli’’ ont été arrêtées, accusées d’être derrière les échauffourées. Elles seront présentées devant le parquet de Tizi-Ouzou, ajoute notre source.

Un jeune Mozabite, grièvement blessé lors des émeutes de Guerrara, a succombé à ses blessures dans la soirée de jeudi, après plusieurs jours d’hospitalisation, a-t-on appris, ce vendredi 13 décembre, de Kamel Dine Fekhar, militant des droits de l’Homme.

Mohamed Abderahmani, la trentaine, a été trouvé grièvement blessé au crane dans un champ à Guerrara, précise Ahmed Cheikh Ahmed, militant des droits de l’Homme et membre du FFS. « Il a été transféré à l’hôpital. Il est resté dans un état comateux, pendant des jours, avant son décès », poursuit notre interlocuteur. Son enterrement est prévu samedi à Guerrara, selon lui.

Cette succession d’événement, et leur timing qui précèdent le début de la campagne pour la présidentielle 2014, la fin de l’année en cours, laissent planer des interrogations : où va le pays ? Le pouvoir est-il menacé ? Les milieux populaires vont-ils exploser ?

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