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Quand la petite bourgeoisie a cessé de croire à son avenir et à son rôle historique propre

samedi 22 mars 2014, par Robert Paris

Quand la petite bourgeoisie a cessé de croire à son avenir et à son rôle historique propre

La dernière fois où la petite bourgeoisie a pu jouer un rôle dirigeant d’une révolution : 1789

Les illusions perdues de Balzac

Le rouge et le noir de Stendhal

Le Manifeste communiste de Karl Marx

Lettre à la Ligue des communistes de Karl Marx

Ne pas se laisser influencer par le programme et les pressions politiques de la petite bourgeoisie

Quelle attitude du prolétariat révolutionnaire à l’égard de la paysannerie en période de crise du capitalisme ?

Comment le prolétariat peut s’adresser à la petite bourgeoise en période de crise du capitalisme et pourquoi syndicats et gauche s’y refusent

Les mobilisations actuelles de la petite bourgeoisie

L’influence petite bourgeoise dans l’extrême gauche

Fascisme et petite bourgeoisie

Face au fascisme ?

Et aujourd’hui ?

Quand les petits bourgeois rêvent de manière désespérée et velléitaire de devenir des surhommes

L’exemple de Nietzsche

Ci-dessous un texte de Trotsky (Où va la France – 1934) :

"Est-il vrai que la petite-bourgeoisie craigne la révolution ?
Les routiniers parlementaires, qui croient être des connaisseurs du peuple, aiment à répéter : « Il ne fait pas effrayer les classes moyennes avec la révolution, elles n’aiment pas les extrêmes ». Sous cette forme générale, cette affirmation est absolument fausse. Naturellement, le petit propriétaire tient à l’ordre, tant que ses affaires vont bien et aussi longtemps qu’il espère que demain elles iront encore mieux. Mais quand cet espoir est perdu, il entre facilement en rage et est prêt à se livrer aux mesures les plus extrêmes. Sinon, comment aurait-il pu renverser l’Etat démocratique et amener le fascisme au pouvoir en Italie et en Allemagne ? Les petites gens désespérées voient avant tout dans le fascisme une force combative contre le grand capital et croient qu’à la différence des partis ouvriers qui travaillent seulement de la langue, le fascisme se servira des poings pour établir plus de « justice ». Le paysan et l’artisan sont, à leur manière, des réalistes : ils comprennent qu’on ne pourra pas se passer des poings. Il est faux, trois fois faux, d’affirmer que la petite bourgeoisie actuelle ne va pas aux partis ouvriers parce qu’elle craint les « mesures extrêmes ». Bien au contraire. La couche inférieure de la petite bourgeoisie, ses grandes masses ne voient dans les partis ouvriers que des machines parlementaires, ne croient pas à la force des partis ouvriers, ne croient pas qu’ils soient capables de lutter, qu’ils soient prêts à mener cette fois la lutte jusqu’au bout. Et s’il en est ainsi, est-ce la peine de remplacer le radicalisme par ses confrères parlementaires de gauche ? Voilà comment raisonne ou sent le propriétaire à demi exproprié, ruiné et révolté. Sans la compréhension de cette psychologie des paysans, des artisans, des employés, des petits fonctionnaires, etc. – psychologie qui découle de la crise sociale – il est impossible d’élaborer une politique juste.
La petite bourgeoisie est économiquement dépendante et politiquement morcelée. C’est pourquoi elle ne peut avoir de politique propre. Elle a besoin d’un « chef » qui lui inspire confiance. Ce chef individuel ou collectif, c’est-à-dire un personnage ou un parti, peut lui être donné par l’une ou l’autre des classes fondamentales, soit par la grande bourgeoisie, soit par le prolétariat. Le fascisme unit et arme les masses disséminées ; d’une « poussière humaine » - selon notre expression – il fait des détachements de combat. Il donne ainsi à la petite bourgeoisie l’illusion d’être une force indépendante. Elle commence à s’imaginer qu’elle commandera réellement à l’Etat. Rien d’étonnant à ce que ces espoirs et ces illusions lui montent à la tête.
Mais la petite bourgeoisie peut trouver aussi un chef dans la personne du prolétariat. Elle l’a montré en Russie, partiellement en Espagne. Elle y tendit en Italie, en Allemagne et en Autriche. Mais les partis du prolétariat ne s’y montrèrent pas à la hauteur de leur tâche historique. Pour amener à lui la petite bourgeoisie, le prolétariat doit conquérir sa confiance. Et, pour cela, il doit avoir lui-même confiance en sa force. Il lui faut avoir un clair programme d’action et être prêt à lutter pour le pouvoir par tous les moyens possibles. Soudé par son parti révolutionnaire pour une lutte décisive et impitoyable, le prolétariat dit aux paysans et aux petites gens des villes : « Je lutte pour le pouvoir ; voici mon programme ; je suis prêt à m’entendre avec vous pour des changements dans ce programme ; je n’emploierai la force que contre le grand capital et ses laquais ; mais avec vous, travailleurs, je veux conclure une alliance sur la base d’un programme donné ». Un tel langage, le paysan le comprendra. Il faut seulement qu’il ait confiance dans la capacité du prolétariat de s’emparer du pouvoir. Or, pour cela, il faut épurer le front unique de toute équivoque, de toute indécision, des phrases creuses ; il faut comprendre la situation et se mettre sérieusement sur la voie de la lutte révolutionnaire".

Un autre texte de Trotsky (Qu’est-ce que le nazisme ?) :

Les nazis baptisent leur coup d’Etat du nom usurpé de révolution. En fait, en Allemagne comme en Italie, le fascisme laisse le système social inchangé. Le coup d’Etat d’Hitler, en tant que tel, n’a même pas droit au titre de contre-révolution. Mais on ne peut pas le considérer isolément : il est l’aboutissement d’un cycle de secousses qui ont commencé en Allemagne en 1918. La révolution de novembre, qui donnait le pouvoir aux conseils d’ouvriers et de soldats, était fondamentalement prolétarienne. Mais le parti qui était à la tête du prolétariat, rendit le pouvoir à la bourgeoisie. En ce sens, la social-démocratie a ouvert une ère de contre-révolution, avant que la révolution n’ait eu le temps d’achever son œuvre. Toutefois, tant que la bourgeoisie dépendait de la social-démocratie, et par conséquent des ouvriers, le régime conservait des éléments de compromis. Mais la situation intérieure et internationale du capitalisme allemand ne laissait plus de place aux concessions. Si la social-démocratie sauva la bourgeoisie de la révolution prolétarienne, le tour est venu pour le fascisme de libérer la bourgeoisie de la social-démocratie. Le coup d’Etat d’Hitler n’est que le maillon final dans la chaîne des poussées contre-révolutionnaires.

Le petit bourgeois est hostile à l’idée de développement, car le développement se fait invariablement contre lui : le progrès ne lui a rien apporté, si ce n’est des dettes insolvables. Le national-socialisme rejette le marxisme mais aussi le darwinisme. Les nazis maudissent le matérialisme, car les victoires de la technique sur la nature ont entraîné la victoire du grand capital sur le petit. Les chefs du mouvement liquident " l’intellectualisme " non pas tant parce que eux-mêmes possèdent des intelligences de deuxième ou de troisième ordre, mais surtout parce que leur rôle historique ne saurait admettre qu’une pensée soit menée jusqu’à son terme. Le petit bourgeois a besoin d’une instance supérieure, placée au-dessus de la matière et de l’histoire, et protégée de la concurrence, de l’inflation, de la crise et de la vente aux enchères. Au développement, à la pensée économique, au rationalisme - aux XX°, XIX° et XVIII° siècles - s’opposent l’idéalisme nationaliste, en tant que source du principe héroïque. La nation d’Hitler est l’ombre mythique de la petite bourgeoisie elle-même, son rêve pathétique d’un royaume millénaire sur terre.

Pour élever la nation au-dessus de l’histoire, on lui donne le soutien de la race. L’histoire est vue comme une émanation de la race. Les qualités de la race sont construites indépendamment des conditions sociales changeantes. Rejetant " la pensée économique " comme vile, le national-socialisme descend un étage plus bas : du matérialisme économique il passe au matérialisme zoologique.

La théorie de la race, qu’on dirait créée spécialement pour un autodidacte prétentieux et qui se présente comme la clé universelle de tous les secrets de la vie, apparaît sous un jour particulièrement lamentable à la lumière de l’histoire des idées. Pour fonder la religion du sang véritablement allemand, Hitler dut emprunter de seconde main les idées du racisme à un Français, diplomate et écrivain dilettante, le comte Gobineau. Hitler trouva une méthodologie politique toute prête chez les Italiens. Mussolini a largement utilisé la théorie de Marx de la lutte des classes. Le marxisme lui-même est le fruit de la combinaison de la philosophie allemande, de l’histoire française et de l’économie anglaise. Si l’on examine rétrospectivement la généalogie des idées, même les plus réactionnaires et les plus stupides, on ne trouve pas trace du racisme.

L’indigence infinie de la philosophie nationale-socialiste n’a pas empêché, évidemment, la science universitaire d’entrer toutes voiles déployées dans le chenal d’Hitler, une fois que sa victoire se fut suffisamment précisée. Les années du régime de Weimar furent pour la majorité de la racaille professorale, un temps de trouble et d’inquiétude. Les historiens, les économistes, les juristes et les philosophes se perdaient en conjectures pour savoir lequel des critères de vérité qui s’affrontaient, était le bon, c’est-à-dire quel camp resterait finalement maître de la situation. La dictature fasciste dissipe les doutes des Faust et les hésitations des Hamlet de l’Université. Sortant des ténèbres de la relativité parlementaire, la science entre à nouveau dans le royaume des absolus. Einstein fut obligé d’aller chercher refuge hors des frontières de l’Allemagne.

Sur le plan politique, le racisme est une variété hypertrophiée et vantarde du chauvinisme associé à la phrénologie. De même que l’aristocratie ruinée trouvait une consolation dans la noblesse de son sang, la petite bourgeoisie paupérisée s’enivre de contes sur les mérites particuliers de sa race. Il est intéressant de remarquer que les chefs du national-socialisme ne sont pas de purs Allemands, mais sont originaires d’Autriche comme Hitler lui-même, des anciennes provinces baltes de l’empire tsariste, comme Rosenberg, des pays coloniaux, comme l’actuel remplaçant d’Hitler à la direction du parti, Hess. Il a fallu l’école de l’agitation nationaliste barbare aux confins de la culture pour inspirer aux " chefs " les idées qui ont trouvé par la suite un écho dans le cœur des classes les plus barbares de l’Allemagne.
L’individu et la classe - le libéralisme et le marxisme - voilà le mal. La nation c’est le bien. Mais cette philosophie se change en son contraire au seuil de la propriété. Le salut est uniquement dans la propriété individuelle. L’idée de propriété nationale est une engeance du bolchevisme. Tout en divinisant la nation, le petit bourgeois ne veut rien lui donner. Au contraire, il attend que la nation lui distribue la propriété et le protège de l’ouvrier et de l’huissier. Malheureusement, le III° Reich ne donnera rien au petit bourgeois, si ce n’est de nouveaux impôts.

Dans le domaine de l’économie contemporaine, internationale par ses liens, impersonnelle dans ses méthodes, le principe de race semble sorti d’un cimetière moyenâgeux. Les nazis font par avance des concessions : la pureté de la race qui se contente d’un passeport dans le royaume de l’esprit, doit surtout prouver son savoir-faire dans le domaine économique. Cela signifie dans les conditions actuelles : être compétitif. Par la porte de derrière le racisme revient au libéralisme économique, débarrassé des libertés politiques.

Pratiquement, le nationalisme en économie se réduit à des explosions d’antisémitisme impuissantes, malgré toute leur brutalité. Les nazis éloignent du système économique actuel, comme une force impure, le capital usurier ou bancaire : la bourgeoisie juive occupe précisément dans cette sphère, comme chacun sait, une place importante. Tout en se prosternant devant le capitalisme dans son entier, le petit bourgeois déclare la guerre à l’esprit mauvais de lucre, personnifié par le juif polonais au manteau long et, bien souvent, sans un sou en poche. Le pogrome devient la preuve supérieure de la supériorité raciale.

Le programme avec lequel le national-socialisme est arrivé au pouvoir, rappelle tout à fait, hélas, le magasin " universel " juif dans les trous de province : que n’y trouve-t-on pas, à des prix bas et d’une qualité encore plus basse ! Des souvenirs sur le temps " heureux " de la libre concurrence et des légendes sur la solidité de la société divisée en Etats ; des espoirs de renaissance de l’empire colonial et des rêves d’économie fermée ; des phrases sur l’abandon du droit romain et le retour au droit germain et des proclamations sur le moratoire américain ; une hostilité envieuse pour l’inégalité, que symbolisent l’hôtel particulier et l’automobile, et une peur animale devant l’égalité, qui a l’aspect de l’ouvrier en casquette et sans col ; le déchaînement du nationalisme et sa peur devant les créanciers mondiaux... Tous les déchets de la pensée politique internationale sont venus remplir le trésor intellectuel du nouveau messianisme allemand.

Le fascisme a amené à la politique les bas-fonds de la société. Non seulement dans les maisons paysannes, mais aussi dans les gratte-ciel des villes vivent encore aujourd’hui, à côté du XX° siècle, le X° et le XII° siècles. Des centaines de millions de gens utilisent le courant électrique, sans cesser de croire à la force magique des gestes et des incantations. Le pape à Rome prêche à la radio sur le miracle de la transmutation de l’eau en vin. Les étoiles de cinéma se font dire la bonne aventure. Les aviateurs qui dirigent de merveilleuses mécaniques, créées par le génie de l’homme, portent des amulettes sous leur combinaison. Quelles réserves inépuisables d’obscurantisme, d’ignorance et de barbarie ! Le désespoir les a fait se dresser, le fascisme leur a donné un drapeau. Tout ce qu’un développement sans obstacle de la société aurait dû rejeter de l’organisme national, sous la forme d’excréments de la culture, est maintenant vomi : la civilisation capitaliste vomit une barbarie non digérée. Telle est la physiologie du national-socialisme.

Le fascisme allemand, comme le fascisme italien, s’est hissé au pouvoir sur le dos de la petite bourgeoisie, dont il s’est servi comme d’un bélier contre la classe ouvrière et les institutions de la démocratie. Mais le fascisme au pouvoir n’est rien moins que le gouvernement de la petite bourgeoisie. Au contraire, c’est la dictature la plus impitoyable du capital monopoliste. Mussolini a raison : les classes intermédiaires ne sont pas capables d’une politique indépendante. Dans les périodes de crise, elles sont appelées à poursuivre jusqu’à l’absurde la politique de l’une des deux classes fondamentales. Le fascisme a réussi à les mettre au service du capital. Des mots d’ordre comme l’étatisation des trusts et la suppression des revenus ne provenant pas du travail, ont été immédiatement jetés pardessus bord dès l’arrivée au pouvoir. Au contraire, le particularisme des " terres " allemandes, qui s’appuyait sur les particularités de la petite bourgeoisie, a fait place nette pour le centralisme policier capitaliste. Chaque succès de la politique intérieure et extérieure du national-fascisme marquera inévitablement la poursuite de l’étouffement du petit capital par le grand.

Le programme des illusions petites bourgeoises n’est pas supprimé ; il se détache simplement de la réalité et se transforme en actions rituelles. L’union de toutes les classes se ramène à un demi-symbolisme de service de travail obligatoire et à la confiscation " au profit du peuple " de la fête ouvrière du premier mai. Le maintien de l’alphabet gothique contre l’alphabet latin est une revanche symbolique sur le joug du marché mondial. La dépendance à l’égard des banquiers internationaux, parmi lesquels des juifs, ne diminue pas d’un iota ; en revanche, il est interdit d’égorger les animaux selon le rituel du Talmud. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, les chaussées du Troisième Reich sont couvertes de symboles.

Une fois le programme des illusions petites bourgeoises réduit à une pure et simple mascarade bureaucratique, le national-socialisme s’élève au-dessus de la nation, comme la forme la plus pure de l’impérialisme. L’espoir que le gouvernement de Hitler tombera, si ce n’est aujourd’hui, demain, victime de son inconsistance interne, est tout à fait vain. Un programme était nécessaire aux nazis pour arriver au pouvoir ; mais le pouvoir ne sert absolument pas à Hitler à remplir son programme. C’est le capital monopoliste qui lui fixe ses tâches. La concentration forcée de toutes les forces et moyens du peuple dans l’intérêt de l’impérialisme, qui est la véritable mission historique de la dictature fasciste, implique la préparation de la guerre ; ce but, à son tour, ne tolère aucune résistance intérieure et conduit à une concentration mécanique ultérieure du pouvoir. Il est impossible de réformer le fascisme ou de lui donner son congé. On ne peut que le renverser. L’orbite politique du régime des nazis bute contre l’alternative : la guerre ou la révolution ?

Un texte de R.Bibeau

La petite bourgeoisie comme classe sociale

Les petits bourgeois ne produisent aucune plus-value, mais ils parasitent la plus-value produite par les ouvriers qu’ils ont intérêt à maintenir en servage salariés, le gagne-pain du bobo en dépend. Les capitalistes les emploient à des tâches spécialisées afin d’entretenir la force de travail salarié, l’encadrer, la diriger (politiquement notamment), la réprimer et la pressurer afin qu’elle assure l’afflux maximum de plus-value vers les différents secteurs d’activité et vers les entreprises pour que le petit-bourgeois obtienne sa pitance en récompense de sa dépendance larmoyante. La petite bourgeoisie assume de multiples services tertiaires, internes aussi bien qu’externes aux entreprises, ce que les ouvriers d’Amérique appellent le « Red Tape », c’est-à-dire des coûts extra-production qui font enfler les soumissions et décourage les clients capitalistes des pays émergents. En effet, le sort de l’ouvrier est intimement lié au sort du petit-bourgeois salarié.

"Étant donné que, dans la quasi-totalité des pays à travers le monde, la classe ouvrière piétine, s’use et s’échine dans des luttes de résistance sur le front économique et ne parvient pas à développer une conscience de classe « pour soi », visant la conquête politique exclusive de tout le pouvoir d’État, alors la marée des petits bourgeois paupérisés frétille afin de s’emparer de la direction de ces luttes pour les diriger vers des revendications réformistes en faveur d’un changement électoral gouvernemental. D’autres voies et moyens sont préconisés tels la signature de milliers de pétitions de protestation, expressions pusillanimes de leurs rancœur juvénile ; la tenue de protestations pour des réformes juridiques en faveur des démunis (les Indignés campant sagement devant les bourses de ce monde en perdition) ; l’adoption de lois comme cette loi québécoise interdisant la pauvreté [sic] ; une autre loi présentant en débat des « valeurs » authentiquement bourgeoises et xénophobes ; une loi pour taxer les transactions financières (ATTAC et taxe Tobin avec l’appui de la grande bourgeoisie) ; une loi pour interdire la spéculation boursière frauduleuse ou l’évasion fiscale illicite vers les paradis fiscaux créés et protégés par l’État policier ; ainsi que moult autres gabegies du même acabit. Sans compter l’appétence de la petite-bourgeoise pour les commissions d’enquêtes publiques afin de réintroduire l’éthique dans l’administration gouvernementale et la politique nationale, provinciale, régionale et municipale, déviant ainsi l’aporie des classes antagonistes vers le marais de la social-démocratie réformiste et vers la déchéance électoraliste.

La petite bourgeoisie est individualiste et narcissique

Dans la vision de Marx, la petite bourgeoisie avait peu de possibilité pour transformer la société car elle ne pouvait guère s’organiser, la concurrence du marché positionnant ses membres « les uns contre les autres ». La petite bourgeoisie est le chien de garde social de la grande bourgeoisie, elle est un segment de classe intermédiaire engageant son existence comme entremetteur entre la grande bourgeoisie et la classe ouvrière ou encore offrant ses services à l’une et à l’autre de ces classes sociales antagonistes. De par sa position de classe la petite bourgeoisie, isolée, individualiste, égocentrique et pédante est très vulnérable aux aléas de l’économie et aux transformations sociales qu’elle appelle de ses vœux et craint tout à la fois. C’est la raison pour laquelle nous qualifions ce segment de classe d’hésitant, de pleutre, de chancelant, d’indiscipliné, d’anarchisant et de fortement attiré par la politique terroriste alors que sa résilience révolutionnaire est plus qu’incertaine. Le compromis, la conciliation, la collaboration de classe sont ses penchants naturels, instinctifs, ce qui explique que ses héros ont pour nom Gandhi, Mère Teresa et Nelson Mandela.

Son mode de vie narcissique et dépendant pousse instinctivement le petit bourgeois vers la grande bourgeoisie qu’il sert docilement. Mais que survienne une crise économique comme il en arrive régulièrement en mode de production impérialiste et le train de vie de la petite bourgeoise est menacé, elle est chassée de son loft hypothéqué, elle doit troquer ses vêtements griffés et sa grosse cylindrée empruntée. La petite bourgeoisie s’enrage alors, maudit l’ouvrier qui refuse de travailler davantage pour gagner moins, afin de permettre aux capitalistes de maintenir ses profits, soi-disant soutenir l’emploi, et prétendre doper l’économie et les marchés de biens et de service sur lesquels parasite la petite bourgeoisie démunie.

La différence entre ces deux classes (ouvriers et petits bourgeois paupérisés) tient à ceci que l’ouvrier sait, ou devrait savoir, que seule la destruction totale et l’éradication complète du système d’économie politique capitaliste peut sauver la planète et l’espèce humaine, alors que le petit-bourgeois, indécrottable fumiste et éternel utopiste entêté est convaincu que quelques bonnes réformes au mode de production impérialiste décadent, qui n’affecteraient nullement son statut social, suffiront à le remettre sur pied pour une nouvelle farandole des pieds nickelés.

Le petit-bourgeois a un ego démesuré et sa scolarité (souvent universitaire) ainsi que sa position sociale autoritaire, en tant que courroie de transmission et transmetteur d’ordre pour ses patrons, lui confère une grande suffisance narcissique. Le petit-bourgeois sait tout, n’obéit qu’à celui qui le stipendie et, assis dans son salon devant sa télévision entre deux bourbons, en parole et sur papier, il transforme la société. En réalité, il ne sacrifiera jamais sa vie pour autrui, et loin de lui le fusil de la révolution socialiste. Nelson Mandela, le pacifiste, comparse de Frederik de Klerk, et penseur de la Nation Arc-en-ciel de collaboration de classes entre les négriers Afrikaners et les noirs surexploités et assassinés dans les mines et les townships de pauvreté est son héros ex-voto.
De par son activité dans le procès social de production et de reproduction du capital, des marchandises, des biens et des services à commercialiser, la petite bourgeoisie est en contact fréquent avec la classe ouvrière et avec la classe capitaliste qu’elle admire de tout son être, qu’elle vénère et qu’elle envie. Une âme de petit prédateur capitaliste sommeille dans le cœur flétrit et mesquin de tout larbin petit-bourgeois malandrin

Les deux classes (ouvriers et bobos) s’épient et se méprisent mutuellement. Pour le moment la petite bourgeoisie servante de la grande bourgeoisie a le haut du pavé dans la lutte de résistance sociale et c’est elle qui mène le bal. La petite bourgeoisie cherche à utiliser la force de résistance de la classe ouvrière et de ses alliés afin de la monnayer aux grands bourgeois contre de meilleures conditions d’esclavage salarié pour elle et les siens. La classe ouvrière doit impérativement modifier ce rapport de force et reprendre son autonomie organisationnelle et militante. C’est la classe ouvrière qui doit diriger le combat de résistance féroce (pas du tout pacifiste) et non pas se mettre sous le parapluie de la petite bourgeoisie aigrie, chancelante, irrésolue, pacifiste et conciliatrice.
Depuis l’approfondissement de la crise systémique de l’impérialisme moderne l’État réduit les charges fiscales imposées aux entreprises accroissant d’autant les impôts et les taxes reposant directement sur les épaules de tous les salariés, les ouvriers tout autant que les employés des entreprises privées, publiques et parapubliques, ce qui comprend évidemment les petits-bourgeois (la pseudo classe moyenne qui n’a jamais existé) qui ont tout à coup le sentiment de ne plus être importants pour leurs maîtres capitalistes qui les soumets petit à petit à l’indigence...."

Bourgeoisie, Petty Bourgeoisie and Proletariat

Jacobinism, Social Democracy and Fascism – The Political Programs of the Petty Bourgeoisie

(August 1932)

Written by Leon Trotsky, 4 August 1932.

Any serious analysis of the political situation must take as its point of departure the relationship between the three classes : the bourgeoisie, the petty bourgeoisie (including the peasantry) and the proletariat.

The economically powerful big bourgeoisie, in itself, represents an infinitesimal minority of the nation. To enforce its domination, it must ensure a definite mutual relationship with the petty bourgeoisie and through its mediation, with the proletariat.

To understand the dialectic of the relationship between the three classes, we must differentiate three historical stages : at the dawn of capitalist development, when the bourgeoisie required revolutionary methods to resolve its tasks ; in the period of bloom and maturation of the capitalist regime, when the bourgeoisie endowed its domination with orderly, pacific, conservative, democratic forms ; finally, at the decline of capitalism, when the bourgeoisie is forced to resort to methods of civil war against the proletariat to protect its right of exploitation.

The Political Programs of the Petty Bourgeoisie

The political programs characteristic of these three stages : Jacobinism, reformist democracy (social democracy included) and Fascism are basically programs of petty bourgeois currents. This fact alone, more than anything else, shows of what tremendous – rather, of what decisive, importance the self-determination of the petty bourgeois masses of the people is for the whole fate of bourgeois society.

Nevertheless, the relationship between the bourgeoisie and its basic social support, the petty bourgeoisie, does not at all rest upon reciprocal confidence and pacific collaboration. In its mass, the petty bourgeoisie is an exploited and disfranchised class. It regards the bourgeoisie with envy and often with hatred. The bourgeoisie, on the other hand, while utilizing the support of the petty bourgeoisie, distrusts the latter, for it very correctly fears its tendency to break down the barrier’s set up for it from above.

While they were laying out and clearing the road for bourgeois development, the Jacobins engaged, at every step, in sharp clashes with the bourgeoisie. They served it in intransigent struggle against it. After they had culminated their limited historical rôle, the Jacobins fell, for the domination of capital was predestined.

For a whole series of stages, the bourgeoisie entrenched its power under the form of parliamentary democracy. Even then, not peacefully and not voluntarily. The bourgeoisie was mortally afraid of universal suffrage. But in the last instance, it succeeded, with the aid of a combination of violent measures and concessions, of privations and reforms, to subordinate within the framework of formal democracy, not only the petty bourgeoisie, but in considerable measure also the proletariat, by means of the new petty bourgeoisie – the labor aristocracy. In August 1914 the imperialist bourgeoisie was able, with the means of parliamentary democracy, to lead millions of workers and peasants into the war.

The Decline of the Democratic Forms

But precisely with the war there begins the distinct decline of capitalism and above all, of its democratic form of domination. It is now no longer a matter of new reforms and alms, but of cutting down and abolishing the old opes. Therewith the bourgeoisie comes into conflict not only with the institutions of proletarian democracy (trade unions and political parties) but also with parliamentary democracy, within the framework of which arose the labor organizations. Therefore, the campaign against “Marxism” on the one hand and against democratic parliamentarism, on the other.

But just as the summits of the liberal bourgeoisie in its time were unable, by their own force alone, to get rid of feudalism, monarchy and the church, so the magnates of finance capital are unable, by their force alone, to cope with the proletariat. They need the support of the petty bourgeoisie. For this purpose, it must be whipped up, put on its feet, mobilized, armed. But this method has its dangers. While it makes use of Fascism, the bourgeoisie nevertheless fears it. Pilsudski was forced, in May 1926, to save bourgeois society by a coup d’état directed against the traditional parties of the Polish bourgeoisie. The matter went so far that the official leader of the Polish Communist Party, Warski, who came over from Rosa Luxemburg not to Lenin, but to Stalin, took the coup d’état of Pilsudski to be the road of the “revolutionary democratic dictatorship” and called upon the workers to support Pilsudski.

At the session of the Polish Commission of the Executive Committee of the C.I. on July 2, 1926, the author of these lines said on the subject of the events in Poland :
A Few Lessons of the Pilsudski “Coup”

“Taken as a whole, the Pilsudski overthrow is the petty bourgeois, ‘plebeian’ manner of solving the burning problems of bourgeois society in its state of decomposition and decline. We have here already a direct resemblance to Italian Fascism.

“These two currents indubitably possess common features : they recruit their shock troops first of all from the petty bourgeoisie ; Pilsudski as well as Mussolini worked with extra-parliamentary means, with open violence, with the methods of civil war ; both were concerned, not with the destruction, but with the preservation of bourgeois society. While they raised the petty bourgeoisie on its feet, they openly aligned themselves, after the seizure of power, with the big bourgeoisie. Involuntarily, an historical generalization props up here, recalling the evaluation given by Marx of Jacobinism as the plebeian method of settling accounts with the feudal enemies of the bourgeoisie ... That was in the period of the rise of the bourgeoisie. Now we mast say, in the period of the decline of bourgeois society, the bourgeoisie again needs the “plebeian” method of resolving its no longer progressive, but entirely reactionary tasks. In this sense, Fascism is a caricature, of Jacobinism.

“The bourgeoisie is incapable of maintaining itself in power by the means and methods of the parliamentary state created by itself, it needs Fascism as a weapon of self-defense, at least in critical instances. Nevertheless, the bourgeoisie does not like the “plebeian” method of resolving its tasks. It was always hostile to Jacobinism, which cleared the road for the development of bourgeois society with its blood. The Fascists are immeasurably closer to the decadent bourgeoisie than the Jacobins were to the rising bourgeoisie. Nevertheless, the sober bourgeoisie does not look very favorably even upon the Fascist mode of resolving its tasks, for the concussions, although they are brought forth in the interests of bourgeois society, are linked up with dangers to it. Therefore, the opposition between Fascism and the bourgeois parties.

“The big bourgeoisie likes Fascism as little as a man with aching molars likes to have his teeth pulled. The sober circles of bourgeois society have followed with misgivings the work of the dentist Pilsudski, but in the last analysis they have become reconciled to the inevitable, though with threats, with horse-deals and all sorts of trading. Thus the petty bourgeoisie’s idol of yesterday becomes transformed into the gendarme of capital.”

To this attempt at marking out the historical place of Fascism as the political reliever of the social democracy, there was counterposed the theory of social Fascism. At first it could appear as a pretentious, blustering but harmless stupidity. Subsequent events have showed what a pernicious influence the Stalinist theory actually exercised on the entire development of the Communist International.*
* * *
Is the Alliance Between the Big and the Petty Bourgeoisie Indissoluble ?

Does it follow from the historical role of Jacobinism, of democracy and of Fascism that the petty bourgeoisie is condemned to remain a tool in the hands of capital to the end of its days ? If things were so, then the dictatorship of the proletariat would be impossible in a number of countries in which the petty bourgeoisie constitutes the majority of the nation

and more than that, it would be rendered extremely difficult in other countries in which the petty bourgeoisie represents an important minority. Fortunately, things are not so. The experience of the Paris Commune first showed, at least within the limits of one city, just as the experience of the October revolution has showed after it on a much larger scale and over an incomparably longer period, that the alliance of the petty bourgeoisie and the big bourgeoisie is not indissoluble. Since the petty bourgeoisie is incapable of an independent policy (that is also why the petty bourgeois “democratic dictatorship” is unrealizable) no other choice is left for it than that between the bourgeoisie and the proletariat.

In the epoch of the rise, the growth and the bloom of capitalism the petty bourgeoisie, despite acute outbreaks of discontent, generally marched obediently in the capitalist harness. Nor could it do anything else. But under the conditions of capitalist disintegration and of the impasse in the economic situation, the petty bourgeoisie tends, seeks, attempts to tear itself loose from the fetters of the old masters and rulers of society. It is quite capable of linking up its fate with that of the proletariat. For that, only one thing is needed : the petty bourgeoisie must acquire faith in the ability of the proletariat to lead society onto a new road. The proletariat can inspire this faith only by its strength, by the firmness of its actions, by a skillful offensive against the enemy, by the success of its revolutionary policy.

But, woe if the revolutionary party does not measure up to the height of the situation ! The daily struggle of the proletariat sharpens the instability of bourgeois society. The strikes and the political disturbances aggravate the economic situation of the country. The petty bourgeoisie could reconcile itself temporarily to the growing privations, if it arrived by experience to the conviction that the proletariat is in a position to lead it onto a new road. But if the revolutionary party, in spite of a class struggle becoming incessantly more accentuated, proves time and again to be incapable of uniting the working class about it, if it vacillates, becomes confused, contradicts itself, then the petty bourgeoisie loses patience and begins to look upon the revolutionary workers as those responsible for its own misery. All the bourgeois parties, including the social democracy, turn its thoughts in this very direction. When the social crisis takes on an intolerable acuteness, a particular party appears on the scene with the direct aim of agitating the petty bourgeoisie to a white heat and of directing its hatred and its despair against the proletariat. In Germany, this historical function is fulfilled by National-Socialism, a broad current whose ideology is composed of all the putrid vapors of disintegrating bourgeois society.

The Responsibility for the Growth of Fascism

The principal political responsibility for the growth of Fascism rests, of course, on the shoulders of the social democracy. Ever since the imperialist war, the labors of this party have been reduced to uprooting from the consciousness of the proletariat the idea of independent politics, to implanting within it the belief in the eternity of capitalism and to forcing it to its knees time and again before the decadent bourgeoisie. The petty bourgeoisie can only follow the worker when it sees in him the new master. The social democracy teaches the worker to be a lackey. The petty bourgeoisie will not follow a lackey. The politics of reformism deprive the proletariat of the possibility of leading the plebeian masses of the petty bourgeoisie and thereby alone convert the latter into cannon fodder for Fascism.

Politically, however, the question is not settled for us with the responsibility of the social democracy. Ever since the beginning of the war we have denounced this party as the agency of the imperialist bourgeoisie within the ranks of the proletariat. Out of this new orientation of the revolutionary Marxists arose the Third International. Its task consisted in uniting the proletariat under the banner of the revolution and thereby to secure for it the directing influence over the oppressed masses of the petty bourgeoisie in the towns and on the countryside.

The post-war period, in Germany more than anywhere else, was an epoch of economic impasse and of civil war. The international conditions as well as the domestic ones pushed the country imperiously on the road to socialism. Every step of the social democracy revealed its decadence and its impotence, the reactionary import of its politics, the venality of its leaders. What other conditions are needed for the development of the Communist party ? And yet, after the first few years of significant successes, German Communism entered into an era of vacillations, zigzags, alternating turns to opportunism and adventurism. The centrist bureaucracy has systematically weakened the proletarian vanguard and prevented it from bringing the class under its leadership. Therewith, it has robbed the proletariat as a whole of the possibility of drawing under its direction the oppressed masses of the petty bourgeoisie. The Stalinist bureaucracy bears the direct and immediate responsibility for the growth of Fascism before the proletarian vanguard.

Prinkipo, August 4, 1932

Messages

  • Les petites gens désespérées voient avant tout dans le fascisme une force combative contre le grand capital et croient qu’à la différence des partis ouvriers qui travaillent seulement de la langue, le fascisme se servira des poings pour établir plus de « justice ». Le paysan et l’artisan sont, à leur manière, des réalistes : ils comprennent qu’on ne pourra pas se passer des poings. Il est faux, trois fois faux, d’affirmer que la petite bourgeoisie actuelle ne va pas aux partis ouvriers parce qu’elle craint les « mesures extrêmes ». Bien au contraire. La couche inférieure de la petite bourgeoisie, ses grandes masses ne voient dans les partis ouvriers que des machines parlementaires, ne croient pas à la force des partis ouvriers, ne croient pas qu’ils soient capables de lutter, qu’ils soient prêts à mener cette fois la lutte jusqu’au bout.

  • Un autre roman qui symbolise l’impuissance de la petite bourgeoisie est "Les hommes de bonne volonté" de Jules Romains. Ses héros sont "de bonne volonté" mais n’ont pas de réelle volonté, sont perdus dans l’existence, ne trouvent pas de but, pas d’idéal, pas de perspectives propres, pas de manière de vivre, pas de bonheur.

  • Les deux leaders du fascisme sont des représentants de la petite bourgeoisie, qui, dans l’époque présente, est incapable d’apporter soit des idées originales, soit une conception créatrice. Hitler et Mussolini ont pratiquement plagié et imité chaque chose et chacun. Mussolini emprunta aux bolchéviks et à Gabriele d’Annunzio, et trouva son inspiration dans le camp de la grande industrie. Hitler imita les bolchéviks et Mussolini. Ainsi les leaders de la petite bourgeoisie, dépendants des magnats du capitalisme, sont de typiques personnages de second ordre - comme la petite bourgeoisie elle-même, considérée d’en haut ou d’en bas, assume invariablement un rôle secondaire dans la lutte des classes.

    La dictature de la petite bourgeoisie était encore possible à la fin du XVIII° siècle. Mais même alors elle ne put se maintenir longtemps. Robespierre fut vite précipité dans l’abîme.

    La vaine agitation pathétique de Kérensky n’était pas due entièrement à son impuissance personnelle ; même un homme aussi habile et entreprenant que Paltchinsky se montra également sans ressource. Kérensky n’était que le représentant le plus caractéristique de cette impuissance sociale. Si les bolchéviks ne s’étaient pas emparés du pouvoir, le monde aurait connu un mot russe pour fascisme cinq ans avant la marche sur Rome. Pourquoi la Russie n’a pu s’isoler de la réaction qui a balayé l’Europe d’après-guerre pendant les années vingt, c’est un sujet que l’auteur a discuté ailleurs. Il suffira de noter ici que la coïncidence de dates telles que la formation du premier ministère fasciste, avec Mussolini le 30 octobre 1922 en Italie, le coup d’Etat de Primo de Rivera en Espagne le 13 septembre 1923, la condamnation de la Déclaration des quarante-six bolchéviks par l’assemblée plénière du Comité central et de la Commission centrale de contrôle du 15 octobre 1923, n’est pas fortuite. [De tels signes des temps méritent la plus sérieuse considération.]

    Cependant, dans le cadre des possibilités historiques, Mussolini a fait preuve de grande initiative, d’habileté à duper, de ténacité et de compréhension. Il était dans la tradition de la longue série des improvisateurs italiens. Le don de l’improvisation appartient au caractère même de la nation. Souple et immodérément ambitieux, il brisa sa carrière socialiste dans sa quête avide du succès. Sa colère contre le parti devint sa force motrice. Il créait et détruisait à mesure des constructions théoriques. Il était la personnification même de l’égotisme cynique et de la poltronnerie dissimulée derrière le camouflage de ses fanfaronnades. Chez Hitler, ce qu’on remarque d’abord, ce sont des traits de monomanie et de messianisme. Les blessures d’amour-propre jouèrent un rôle énorme dans son développement. C’était un petit bourgeois déclassé qui refusait d’être un ouvrier. Les ouvriers normaux acceptent leur condition comme une chose normale. Mais Hitler était un raté prétentieux, affligé de troubles mentaux. C’est par l’exécration des Juifs et des social-démocrates qu’il se hisse au pouvoir. Il était désespérément résolu à s’élever. Il fabriqua au fur et à mesure, pour lui-même, une « théorie » pleine de contradictions et de réserves mentales - une mixture d’ambitions impériales allemandes et de rêveries rancunières d’un petit bourgeois déclassé. Si nous essayions de trouver un parallèle historique pour Staline, il nous faudrait rejeter non seulement Cromwell, Robespierre, Napoléon et Lénine, mais même Mussolini et Hitler. Nous nous approcherions davantage d’une compréhension de Staline en évoquant Mustapha Kémal pacha, ou, peut-être, Porfirio Diaz.

    Léon Trotsky dans "Kinto au pouvoir"

  • Le professeur répond au héros dans « La Paix » de Ernst Glaeser qui ne sait pas où se situer dans la révolution prolétarienne en Allemagne suite à la première guerre mondiale et ainsi il développe la thèse de la fin historique de la petite bourgeoisie :

     Nous sommes entre les classes nous autres. Il en est de nous comme des Juifs qui vivent entre les races ; car – et sa voix se fit plus vibrante – la base dont nous voulions nous servir pour former l’homme moral, c’est la base même de la civilisation bourgeoise, et actuellement cette base est violemment ébranlée. Après cette guerre, où elle s’est donnée elle-même le coup de grâce, la bourgeoisie ne se remettra pas. Notre idéal est anéanti. Car, ce que nous voulions, ce n’était pas détruire la civilisation bourgeoise par haine de la bourgeoisie ; au contraire, nous voulions former l’homme selon les préceptes moraux de cette civilisation, que la bourgeoisie, dans son aveuglement, avait reniés. Une autre classe, à laquelle nous n’appartenons ni par notre éducation ni par notre culture ni par notre conception du monde, dicte maintenant ses lois à l’histoire (le prolétariat). Dans vingt ns ce sera elle qui décidera du sort de l’humanité… Oui, il ya des destinées de classe et rien ne sert de se révolter. L’histoire se soucie peu des goûts de l’individu. Or, nous sommes des individus. Nous sommes condamnés à rester des individus. Le grand courant ne voudra plus de nous…. C’est ainsi que j’ai acquis la certitude que nous, les intellectuels, qui avons appris tant de choses, nous sommes entre les fronts. L’histoire nous a pour ainsi dire vomis ; si elle nous utilise encore, c’est tout au plus comme partisans… Nous sommes savants, mais inutilisables…

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