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L’Etat français, laïquement hypocrite ou hypocritement laïque ?

lundi 24 mars 2014, par Robert Paris

Valls, premier ministre d’un Etat dit laïc, a donné sa bénédiction à la canonisation des deux papes !

La laïcité française contient une bonne dose d’hypocrisie

L’Etat français se revendique fièrement de sa laïcité et tout le monde politique, les média, l’opinion en font un drapeau, mais cela ne veut pas dire qu’en France elle soit aussi appliquée qu’on le prétend et qu’elle ne serve pas parfois à des opérations pouvant aller exactement en sens contraire. Les accrocs de l’Etat à la laïcité sont bien plus fréquents qu’on le dit souvent et même l’égalité entre les religions n’a encore jamais existé en France. Sans parler de diffusion des idées athées ou même seulement agnostiques. La profession de foi selon laquelle Etat (et tout ce qui touche au domaine publique) et religion ne doivent avoir rien de commun, et qui était autrefois synonyme de laïcité, n’est même plus connue ni défendue. L’affichage laïque peut même servir à relancer la guerre de religion en France pour détourner la lutte sociale et opposer non Musulmans et Musulmans. Ce n’est pas seulement une politique de la droite puisqu’on voit le ministre de gauche Valls marcher dans les mêmes pas et annoncer partout que les Musulmans sont des futurs combattants du djihad en Syrie si ce n’est pas des futurs terroristes à la Merah en France. Les dirigeants politiques français sont loin de faire même la balance égale entre les religions puisqu’il est clair que le catholicisme est considéré comme dominant et qu’il est de bon ton de faire toutes les courbettes possible à l’égard de la communauté juive alors qu’il ne faut surtout pas en faire autant vis-à-vis des Musulmans. Une simple manifestation contre des actes anti-Musulmans est interdite parle ministre de l’Intérieur de gauche Valls alors que le même type de manifestation est soutenue directement par le pouvoir si ce sont des Juifs qui sont visés. On se souvient aussi que l’Etat de Léon Blum de 1936 avait conservé le fichier des Juifs qui allait permettre ensuite à Pétain de réussir la rafle dite du Vel d’Hiv. On verra que la gauche au pouvoir à l’après-guerre s’est bien gardée de revenir immédiatement sur toutes les mesures pro-catholiques de Pétain, pacte national avec la droite oblige.
Aujourd’hui, la gauche gouvernementale poursuit les actes et les discours de la droite qui l’a précédée au pouvoir en stigmatisant elle aussi les Musulmans que ce soit au nom du voile islamique, de la viande hallal, de la construction de mosquées, de la liberté des femmes et la laïcité prétendue de la France sert d’arme de guerre, récupérée même par une certaine extrême droite comme par exemple Riposte Laïque. A l’inverse, droite dure et extrême droite du type Soral tentent de récupérer les Musulmans au nom de la défense des religions contre l’Etat qui les opprimerait et la boucle est bouclée…

Mais d’abord, la France est-elle véritablement une république laïque ? C’est en tout cas ce qui est affirmé avec autant de vigueur que « liberté, égalité, fraternité » mais il est permis de se demander s’il y a plus de laïcité que de liberté, d’égalité ou de fraternité ! Car, pour ces derniers, on est très loin du compte dans la République bourgeoise française ! Il y a certes de nombreux pays où la liberté en matière de croyance est moins grande qu’en France, où on ne trouve aucune séparation entre la religion et l’Etat, mais cela ne signifie pas pour autant que l’Etat français ait rempli sa promesse d’être vraiment laïque ni même qu’on se souvienne vraiment de ce que cela voulait dire quand cela a été conquis. Ainsi, nombre de gens croient aujourd’hui que la laïcité, c’est la tolérance et l’égalité entre les droits accordés aux religions, oubliant ainsi l’existence des non croyants, des agnostiques, des athées, des antireligieux même. On ne doit pas confondre laïcité avec pluralisme religieux, démocratie inter-religieuse et égalité entre les cultes. La laïcité, ce n’est pas cela. La loi française affirme que l’Etat est laïque, mais elle se garde définir la laïcité car on s’apercevrait alors qu’elle a une laïcité à géométrie très variable selon les époques et les gouvernements. Ainsi, la laïcité s’est transformée de combat contre l’Eglise en défense des droits des catholiques (accessoirement aussi des autres religions les plus représentées et pas des autres) et l’interdiction de toute aide et intervention d’Etat dans le domaine religieux en une aide aux écoles religieuses et un encadrement des communautés par le ministère de l’Intérieur.

Il convient de rappeler la signification de l’affirmation laïque de 1905 puisque les gouvernants actuels font comme si tout l’idéal laïque provenait des gouvernants de 1905, oubliant gentiment deux révolutions sociales (1789 et 1871) qui avaient bien plus fait avancer cette question que la loi en 1905.

Mais, examinons d’abord la laïcité de 1905. Que dit la loi sur laïcité de cette année-là ?

Citons la : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte… Les établissements publics de culte sont supprimés… L’Etat français n’a pas à connaître ni à intervenir dans les questions de religion… Les lieux de culte doivent être nationalisés ou donnés à des associations cultuelles… Cette loi prend effet le 1er janvier 1906. »

Nous allons voir qu’aujourd’hui en France on est très loin d’appliquer cette loi pourtant officiellement en cours. Les chefs d’Etat « connaissent » parfaitement les questions de religion, s’en mêlent tellement qu’il leur arrive de réunir les chefs des communautés religieuses, qu’ils s’occupent de l’organisation de ces communautés au travers d’institutions qui sont reconnues ou pas par l’Etat et même fondées par lui (par exemple en fondant sous son égide en 2001 le Conseil français du culte musulman, que l’Etat se mêle même de ceux qui sont choisis comme responsables religieux (par exemple, l’Etat intervient dans la nomination de l’imam de la Mosquée de Paris et ne cesse de le faire intervenir publiquement pour soutenir la politique du même Etat, belle séparation des religions et de l’Etat !), que l’Etat subventionne des écoles dirigées par les cultes, que l’Etat finance des bourses d’élèves suivis par les cultes, que l’Etat paie des gardiens des locaux de culte, que l’Etat, les régions et les communes s’occupent de financer des travaux ayant une relation avec des lieux de culte.

Ne donnons qu’un exemple remarquable : en septembre 1996, le président de la république dite laïque, président de gauche qui plus est, François Mitterrand décide de célébrer sous l’égide de l’Etat une cérémonie qui encense tout le contraire de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la cérémonie du 1500 ème anniversaire du baptême de Clovis par lequel l’Etat, prétendument à l’origine de l’Etat français s’est allié au catholicisme romain ! Mieux même, c’est l’Etat français, toujours aussi prétendument laïque, qui a financé sur deniers publics la visite du pape de Rome à Reims pour cette « grande occasion » ! On voit que l’on ne parle pas d’hypocrisie de manière gratuite en matière de pratique de la laïcité par l’Etat français !

Le terme de « laïc » n’est d’ailleurs pas inventé par des irréligieux mais par la religion catholique française elle-même, laïc faisant allusion aux les frères lais, croyants catholiques qui n’étaient pas des clercs et restaient des civils tout en faisant acte de religion. Le terme de « laïcité » a été choisi pour n’avoir rien d’offensant, contrairement aux termes athée, agnostique, irréligieux, non croyant, anticlérical, antiprêtres, anticalottin, matérialiste, etc., pour la religion catholique qui reste très reconnue, influente et dominante en France et cela bien au-delà du nombre de ses adeptes et de ses fidèles.

Mais, comme on l’a déjà rappelé, il faut détruire un mythe propagé sans cesse par l’Etat français, les hommes politiques français, les auteurs et les média : ce n’est pas d’abord les institutions politiques bourgeoises françaises qui, en 1905, se seraient soudain avisées que l’Etat serait tellement mieux s’il était séparé de la religion, et particulièrement ne dépendrait plus de la papauté. C’est effectivement la bourgeoisie française qui n’a plus voulu en 1905 dépendre d’autre chose que d’intérêts nationaux et aussi les radicaux bourgeois qui sont parvenus à annexer le parti socialiste pour son opération de modernisation de l’Etat bourgeois français en un moment, 1905, où la classe ouvrière d’Europe et de Russie devenait offensive. Mais la laïcité, la vraie, ne date nullement de 1905 et n’est pas le produit des seuls combats des institutions de la bourgeoisie : ce sont les milieux populaires qui se sont battus contre l’Eglise lors de deux révolutions sociales, celle de 1789-1795 et celle de 1871.

Dans la « Grande Révolution » de 1789, la bourgeoisie révolutionnaire a été amenée par bien des raisons (politiques et sociales aussi bien qu’idéologiques) à combattre l’Eglise catholique, à l’affaiblir, à la discréditer et même à tenter parfois de la démolir. Toutes ces raisons provenaient du fait que la haute hiérarchie catholique était complètement engagée dans le camp de la féodalité contre la bourgeoisie et que la lutte en question était un combat à mort.

L’Eglise offrait non seulement une idéologie passéiste et de fatalisme utile à l’ordre établi mais aussi un appareil d’organisation et d’encadrement en faveur de la noblesse (dont ses grands dignitaires faisaient partie) et de la royauté, considérée comme « de droit divin » et l’Eglise, en contrepartie monopolisait nombre de richesses qu’elle retirait au commerce, à l’artisanat et à l’industrie. Ce n’est pas un hasard si la bourgeoisie avait ressenti le besoin d’une religion opposée au catholicisme : le protestantisme. Dès que la révolution a éclaté, l’Eglise, à son sommet, a entièrement pris le parti de la réaction, le parti de l’étranger, car la féodalité d’Europe s’est armée contre la révolution, et aussi le parti du roi, y compris quand celui-ci a tenté de fuir pour rejoindre l’armée des princes. L’Eglise est donc passée à l’ennemi et la bourgeoisie révolutionnaire n’a pu que la traiter en ennemie, lui enlevant ses biens, ses droits, ses revenus, son autorité, sa mainmise sur ses prêtres, son indépendance, etc. Tout religieux qui refusait de se soumettre à ces décisions était traité comme un noble pris les armes à la main et c’était normal : l’Eglise était véritablement une arme de guerre de la réaction de la noblesse et une menace mortelle pour la révolution bourgeoise.

Mais, plus encore que la bourgeoisie révolutionnaire, c’est le petit peuple qui a considéré l’Eglise comme un des ennemis à abattre à tout prix. Le peuple et le bas clergé, misérables, reprochent au haut clergé ses immenses revenus, prélevés sur la dîme, son luxe, son mépris, sa totale inutilité sociale. On a même du mal aujourd’hui à percevoir cette haine violente des religieux qui a mené à la formation en France d’un mouvement de déchristianisation populaire, radical et massif, sur lequel les dirigeants bourgeois révolutionnaires ont momentanément surfé avant de l’arrêter net, le même Robespierre se disant partisan des déchristianiseurs et se chargeant de leur couper les ailes.

En tout cas, la France est loin d’avoir attendu 1905, contrairement à la thèse qui a cours officiellement, pour couper le cordon ombilical entre l’Etat et l’Eglise catholique. C’est le 2 novembre 1789 que les biens du clergé catholique sont déjà nationalisés. On comparera à chaque fois à la situation actuelle : l’Eglise possède à nouveau des biens immenses en France et elle est le premier propriétaire immobilier, par exemple, à Paris.

Le 13 février1790, les ordres religieux sont supprimés. Tout maintien d’un ordre religieux est déclaré comme atteinte à la sûreté de l’Etat. Aujourd’hui, tous sont réapparus et ne sont nullement interdits. Les cloitres sont fermés et les religieuses sont libérées. Des établissements de religieuses existent toujours en France et la règle y est sévère. Par exemple, l’ordre de la Visitation continue à cloitrer des femmes. On peut citer également de nombreuses congrégations comme celle de l’Oratoire, celle de Jésus, celle de Saint Maur et celle du Saint Esprit, etc…

Voir ici la liste actuelle des ordres religieux en France

Les monastères actifs aujourd’hui en France

Femmes cloîtrées de l’ordre de la Visitation

Le 27 novembre 1790, l’assemblée exige de tous les prêtres un serment de fidélité à la constitution laïque. Ils n’ont absolument pas besoin d’y prêter serment aujourd’hui et peuvent proférer des discours politiques pour un retour réactionnaire en France, comme c’est le cas des plus intégristes mais aussi des autres qui se remettent à prétendre intervenir politiquement publiquement en politique, notamment contre le droit à l’avortement, le droit à la PMA ou le mariage des homosexuels, entre autres… Faire de la politique publiquement, de plus en plus de prêtres et de plus hauts chefs religieux ne se l’interdisent plus.

La séparation de l’Eglise et de l’Etat est exigée par l’assemblée le 21 février 1795 : « La République ne salarie aucun culte. » Nous allons voir par la suite que la République française s’ingénie de mille manières pour subventionner l’église catholique, même si elle ne salarie pas directement les prêtres.

Il convient de remarquer que la version de la laïcité défendue par la Révolution est un combat contre la religion, même si celle-ci reste en France un droit. C’est un combat contre son influence idéologique, organisationnelle, sociale et politique. Ce n’est nullement le cas aujourd’hui. L’Etat ne se sert nullement de ses moyens culturels, politiques, sociaux et économiques pour diminuer ou combattre l’influence des religions. Il ne cherche nullement à propager par la culture une idéologie de la science ni même de l’humanisme. Dans ses ouvrages d’Histoire, il donne même la part belle aux religions qui ont droit à de longues pages sur les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans, comme si c’étaient d’ailleurs les seules religions du monde… La France de la Révolution française se gardait de défendre la religion et développait plutôt un culte de la Raison, se revendiquant des philosophes des Lumières.

En 1791, Condorcet déclare dans son « Mémoire sur l’instruction publique » que la Constitution « ne permet point d’admettre un enseignement qui, repoussant des enfants d’une partie des citoyens donnerait à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions. » Du coup, il n’autorise pas l’enseignement monopolisé par les religieux tout en admettant la liberté des cultes en France. On remarquera que les religions, y compris la catholique, sont traités de « dogmes particuliers ».

C’est à Napoléon qu’est revenue la tâche réactionnaire de revenir en arrière sur la séparation complète de l’Eglise et de l’Etat instaurée par la Révolution. Le 14 juillet 1801, il signe même le Concordat par lequel le catholicisme est reconnu « religion de la majorité des Français » et les deniers publics recommencent à financer le culte et par lequel le chef de l’Etat, Napoléon, est sacralisé. On revient à l’alliance du trône et de l’autel, du sabre et du goupillon. L’Etat n’est plus du tout laïque. En 1806, un « catéchisme impérial » est instauré. Même si rabbins et pasteurs protestants sont aussi partiellement financés, le catholicisme est partiellement redevenu religion dominante en France et religion d’Etat.

Ce retour en arrière sera total avec la Restauration de la monarchie en 1814 qui scelle le triomphe des féodalités d’Europe contre la France révolutionnaire. Dans le domaine de la religion, il en va de même. Les congrégations retrouvent l’autorisation d’enseigner et le catholicisme retrouve sa place de première religion reconnue. En 1848 et 1850, la loi Falloux restaure le contrôle clérical sur l’école. C’est contre cette loi que Victor Hugo prononce la fameuse phrase « Je veux l’Etat chez lui et l’Eglise chez elle ». Et ce disant, il n’est effectivement pas du tout anticlérical.

Le second empire de Napoléon III poursuit la nouvelle politique cléricale de la bourgeoisie réactionnaire alliée aux anciens nobles et à l’aristocratie financière et terrienne. On est trop proche des révolutions et l’ordre a besoin de l’ordre moral, l’Etat n’est pas encore assez assuré pour se passer de sa béquille religieuse.

C’est la révolution prolétarienne de 1871, la Commune de Paris, qui va achever le combat de la Révolution de 1789. Là encore, il est clair que l’Eglise est engagée dans le combat aux côtés de la bourgeoisie versaillaise et contre la révolution parisienne. De son côté, la révolution dénonce les crimes des prêtres, ferme les couvents, occupe les églises pour y tenir les réunions de ses comités populaires de quartier.

La Commune décide la laïcisation des institutions publiques et de l’école. Le 3 avril 1871, la révolution parisienne décrète : « L’Eglise est séparée de l’Etat. Le budget des cultes est supprimé. Les biens de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles et immeubles, sont déclarés propriété nationale. Une enquête sera faite sur ces biens pour en constater la nature et les mettre à la disposition de la Nation. Signé : la Commune de Paris. »

La victoire des Versaillais annulera bien sûr toutes ces dispositions de la révolution et c’est seulement en 1884 par exemple que les députés français seront dispensés de prières au début des travaux parlementaires et seulement en 1887 que les crucifix disparaîtront des tribunaux !

Ce n’est pas en 1905 mais en 1888 que les subventions aux écoles privées ont été supprimées et que l’instruction primaire publique est devenue laïque. Mais les politiciens du parti radical bourgeois, au pouvoir en 1905, vont réellement décider d’aller plus loin vers la séparation complète de l’Eglise et de l’Etat.

Pour quelle raison, la bourgeoisie a-t-elle ressenti le besoin de soustraire son Etat et sa domination sur la Nation à l’influence du clergé ? Il faut d’abord noter que c’était une manière de supprimer le Concordat et de combattre ainsi le poids de la papauté, son influence directe sur la nomination de la hiérarchie catholique, influence politique autant que sociale et idéologique et qui allait dans le sens inverse de la politique européenne et internationale de la bourgeoisie française. Ensuite, c’était une manière d’achever l’affirmation de la république bourgeoise et de l’inscrire dans les institutions et dans les mœurs. L’affaire Dreyfus, affaire de racisme anti-Juif notamment, avait contribué à montrer le lien entre la hiérarchie militaire réactionnaire et la hiérarchie réactionnaire de l’Eglise et leur désir de remettre en question la République elle-même. La transformation réalisée en 1905 par l’affirmation de la laïcité aura pour but de leur couper les ailes, de les déclarer illégaux. Aucun but révolutionnaire bien sûr là dedans. Et même au contraire, c’était un moyen d’annexer à la politique du radicalisme bourgeois l’aile socialiste des hommes politiques alors qu’en 1905 dans toute l’Europe et en Russie, le courant socialiste apparaissait représenter un camp prolétarien montant en force, en révolte et en révolution.

Après la guerre de 1914-1918, la bourgeoisie française n’a accepté de dérogation à la loi de la laïcité qu’en Alsace-Lorraine, afin de trouver sur place une hiérarchie réactionnaire pour appuyer son occupation. Des églises catholiques ont même été édifiées en haute Alsace dans des régions majoritairement protestantes qui glorifiaient en leur sein la victoire de l’armée française ! Depuis cette époque l’Alsace-Lorraine dispose d’une loi à part en matière de religion et la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’y est pas appliquée et on va voir que c’est loin d’être la seule exception à la règle !

C’est seulement en 1937 que deux circulaires vont interdire le port des signes religieux dans l’enceinte des écoles.

Cependant, et contrairement à aujourd’hui, la France respecte jusqu’à Pétain l’exclusivité des fonds publics pour l’école publique et l’absence totale de subvention aux écoles catholiques. Les fonds publics pour l’école publique, aucun discours sur la religion dans l’école, aucun lien entre Etat et organisation des religions, tout cela n’était pas un simple slogan de manifestation laïque mais la loi française de 1905 à 1940 et les prétendus républicains laïques feignent de l’ignorer en affirmant qu’ils ont maintenu la laïcité de 1905 ! L’esprit des radicaux de 1905 était symbolisé par le slogan fameux « A bas la calotte ! » alors que la prétendue laïcité d’aujourd’hui pour l’être par « autant de droit à la croix qu’à la kipa ! »

C’est en août 1940, après la mise en place du pouvoir d’extrême droite anti-ouvrier de Pétain, réaction bien plus contre la vague ouvrière de 1936 que du fait de la guerre, que l’enseignement religieux est réintroduit en France dans les écoles publiques. La réaction idéologique accompagne la réaction politique et sociale. Le pouvoir de Pétain est béni par la hiérarchie catholique et, en retour, lui donne tout son appui. Par contre, la chasse aux Juifs est ouverte et pas seulement pour plaire à l’occupant nazi. Le 3 octobre 1940, les Juifs n’ont plus le droit de travailler dans la fonction publique. Il faut bien entendu citer l’action de l’Etat français dans l’arrestation en masse et la déportation des Juifs, hommes, femmes et enfants vers les camps de la mort.

Mais si la remise en cause de la laïcité était seulement un choix pétainiste, vichyste, on aurait pu s’attendre que la bourgeoisie gaulliste, stalinienne et social-démocrate réunie après la chute de Pétain allait supprimer immédiatement tous les décrets réactionnaires du fascisme français et il n’en a rien été, ni dans le domaine de la laïcité ni dans les autres… La gauche (PCF-PS) était pourtant largement majoritaire à l’époque…

En 1944, De Gaulle, avec un gouvernement à majorité de gauche, met en place un service des cultes dirigé par le ministère de l’Intérieur… Les suivants, la gauche justement, ne le supprimeront pas.

Et cela n’a pas été seulement question de manque de temps. On poursuit même après guerre l’augmentation de l’influence religieuse.

En 1951, deux lois antilaïques sont votées : la loi Marie du 25 septembre 1951 qui attribue le même chiffre de bourses à l’école privée (essentiellement confessionnelle et catholique en France) qu’à l’école publique suivie de la loi Barangé du 28 septembre 1951 qui crée une allocation pour aider les associations de parents du secteur privé essentiellement catholique. La pression de l’Association des parents d’élèves de l’école libre (Apell) avait triomphé. Charles Barangé affirme attribuer aux familles dont un enfant est scolarisé dans une école primaire privée une indemnité de 3 000 francs par enfant et par an. Nombreux sont ceux qui voient dans ces textes un coup porté à l’école gratuite et laïque.

La loi Debré du 31 décembre 1959 permet aux écoles privées confessionnelles de recevoir des crédits publics. La manifestation de défense de la laïcité du 19 juin 1960 échoue à rétablir ce principe en France.

On pourrait se dire que c’était une question gauche/droite et que la gauche revenant au pouvoir en 1981, la laïcité pleine et entière allait revenir en application mais c’était encore une illusion. La gauche a eu seulement la velléité de le faire avec la loi Savary appuyée sur les manifestations laïques de 1982 et 1984.

1984, sous la gauche au pouvoir, voit en effet l’abandon du projet Savary de Grand service public laïque unifié de l’Éducation nationale et la démission du ministre de l’Éducation nationale, après les manifestations des défenseurs de l’école privée. Mitterrand avait reculé.

Avec Balladur et Bayrou, la loi déplafonne le niveau des subventions étatiques aux écoles privées. La manifestation laïque du 16 janvier 1994 ne suffira pas à faire reculer le gouvernement.

En mars 2004, une loi encadre le caractère privé des manifestations confessionnelles mais elle est loin de rendre totalement privée l’expression de la religion. Selon la loi, les manifestations d’expression religieuses dans la sphère publique sont limitées mais pas interdites. Par exemple, les processions catholiques sont tolérées dans les lieux publics et, pour celles dans des lieux interdits, les forces de l’ordre ferment généralement les yeux quand il s’agit du culte catholique. Les limitations ne sont pas toutes clairement explicitées dans les lois, les différentes chartes et règlements régissant ce qui est admis ou non dans chaque lieu public.

La République actuelle applique-t-elle les principes laïques de 1789-1795, de 1871 ou de 1905 ? La réponse est clairement non !

Le cantonnement du religieux à la sphère privée n’est nullement respecté. Les émissions du culte à la télé et à la radio en sont une parfaite démonstration comme les grandes émissions sur l’intronisation des papes ou leurs grands voyages dans le monde.

Le non financement des cultes n’est pas respecté et l’école n’est pas une exception. Le fait que les églises et cathédrales soient des monuments permet de financer les fonctions non religieuses de l’église comme les gardiens. Les associations cultuelles peuvent se masquer en associations culturelles, éducationnelles, artistiques et autres pour toucher de l’argent de l’Etat, des régions, des communes…

Pour la loi actuelle, la laïcité n’est pas synonyme d’anticléricalisme ou d’indifférence de l’État. Elle prévoit en effet l’existence d’aumôneries et la prise en charge par l’État et les collectivités locales des crédits nécessaires pour « assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons » (article 2).

En février 2007, un ouvrage appelé l’Atlas de la création, est diffusé à des milliers d’exemplaires auprès d’établissements scolaires et universitaires, ainsi qu’à des centres de documentation pédagogique. La conclusion de ce volumineux ouvrage très illustré est édifiante : « la création est un fait » et « l’évolution une imposture. »

Le droit des hommes et des femmes à des relations mutuelles libres n’est pas reconnu par l’Eglise sans que l’Etat n’en fasse un délit contre les libertés individuelles.

Les très nombreux cas de pédophilie des prêtres avec complicité des supérieurs hiérarchiques n’ont jamais amené l’Etat à enquêter et à intervenir sur le terrain législatif, pénal, judiciaire ni social et politique, déconseillant par exemple aux parents de confier des enfants en bas âge aux prêtres des églises qui ont couvert les pédophiles par exemple. Toute association civile qui aurait commis de tels crimes de pédophilie couverts par les responsables serait déjà fermée et ses responsables en prison. Mais c’est l’Eglise catholique…

En institutionnalisant le Conseil du culte musulman, en organisant des relations officielles avec les institutions de l’Eglise catholique, des églises protestantes et du rabbinat, l’Etat se mêle de religion et permet que les religions se mêlent des décisions de l’Etat, que cela concerne le culte, le mariage, l’avortement, la contraception, l’AMP, l’homosexualité et on en passe… En fait, l’Etat a accepté que les églises recommencent à faire de la politique en France et elles ne s’en privent pas ! L’Eglise catholique est particulièrement active en ce moment dans ce domaine et le pape lui a assigné un rôle d’intervention sociale mais aussi politique qu’elle assume parfaitement. Jamais l’Etat ne lui a rappelé son devoir de rester dans la sphère privée.

Il y a mille manières pour l’Eglise de revenir dans la sphère publique et pour l’Etat de l’y tolérer. Et ce même dans l’école publique ! Il suffit d’utiliser les aumôneries (qui sont acceptées dans l’école publique, dans l’armée nationale et dans les prisons notamment), les fêtes religieuses, les cours d’histoire, les fêtes de la jeunesse, les visites du pape, les manifestations contre l’avortement et le mariage homo, les déclarations sur la misère et les guerres dans le monde, etc, etc... Les chefs d’Etat font leur petite visite papale, comme Hollande récemment. Ils réunissent les chefs des Eglises diverses pour discuter de la nourriture kasher. Ils interviennent dans les conférences religieuses comme récemment celle du Consistoire juif unifié de France. On est très loin de l’Etat laïque qui « n’a pas à connaitre des religions » de 1905 ou de « l’Etat chez lui et l’Eglise chez elle » de Victor Hugo.

Même la prétention de mettre un signe d’égalité entre toutes les convictions est mensongère et d’abord parce que c’est en niant l’existence de convictions animistes, athées, matérialistes, panthéistes ou même agnostiques : il n’y a pas d’émission sur l’athéisme dans les grands média par exemple, pas de page sur l’histoire du matérialisme dans les livres d’histoire ni sur les religions multiples qui ont disparu, pas de déclaration des chefs d’Etat dans les grandes cérémonies en reconnaissance des combats antireligieux de la Révolution française, pas d’effort de fonder une philosophie sur les sciences et les connaissances contemporaine ni de combattre les préjugés religieux, notamment ceux contre les femmes (le jardin d’Adam et Eve où Eve, tirée d’une côte de l’homme, a détourné du droit de chemin Adam en écoutant la voix du diable-serpent). Les religions monothéistes que défend l’Etat français sous prétexte du droit des individus sont toutes des religions qui méprisent les femmes. Voir la prière juive de l’homme le matin : « je te remercie mon dieu de ne pas m’avoir fait femme » et interdiction de sortir le texte religieux dans une pièce où une femme peut avoir pénétré. Et comme christianisme et islam reconnaissent l’ancien testament… Pas un mot sur tout cela dans les livres d’Histoire alors que des pages entières y sont consacrées à ces religions.

Mais même l’égalité de traitement par l’Etat des quatre grandes religions (catholicisme, protestantisme, judaïsme, islam) n’est qu’un mythe.

Un des exemples frappants est le refus de l’Etat français de changer les jours fériés en rajoutant les jours des principales fêtes religieuses autres que catholiques. Du coup, seul le catholicisme décide des fêtes nationales avec Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte, Toussaint et même la fête de Jeanne d’Arc. L’Etat a refusé de décider une autorisation générale des élèves à s’absenter lors du shabbat ou de la fête du mouton sous prétexte du « principe d’assiduité ».

Un autre exemple : il n’y a pas d’aumônerie islamique dans les écoles, l’armée et les prisons et elles ne sont pas autorisées par l’Etat français alors que les aumôneries catholiques sont toujours autorisées et sont nombreuses.

Encore un exemple : le foulard islamique des femmes musulmanes (il ne s’agit pas d’un couverture cachant entièrement le visage !) est poursuivi soi-disant au nom de la laïcité française alors que la kipa ou la croix ne le sont pas. L’hypocrisie d’Etat en la matière se cache derrière l’expression « possibilité du port de signes distinctifs en fonction de leur caractère discret (circulaire de septembre 1994). A noter que des Français agressent des femmes porteuses de longs voiles mais pas des « bonnes sœurs » qui ont le même type de costume ou des prêtres catholiques également en robe dans la rue !

Les prières musulmanes en extérieures sont interdites mais les processions catholiques sont autorisées comme les prières en plein air lors de la visite du pape ou par les mouvements de jeunesse catholique style Thésée.

La police n’a pas le droit d’intervenir dans les lieux de culte, sauf s’ils sont tenus par des associations. Comme par hasard, seul le culte catholique n’a pas à être tenu par une association cultuelle.

On peut également entendre les cloches des églises (et parfois très fort !!!) et pas le muezzin des mosquées !

Les subventions aux écoles confessionnelles sous toutes les formes possibles (des bourses, aux aides aux associations et à l’école elle-même) ne sont nullement également réparties entre les grandes religions de France et l’essentiel va dans la poche de la religion catholique.

Les discours des représentants de l’Etat, des partis politiques et des média pour flatter telle ou telle confession sont également loin d’être également répartis… Chacun peut le constater chaque jour !

Nombre de règles morales, de mœurs, de bonne conduite, considérées comme « proprement françaises », sont en fait d’origine catholique. Par exemple, le fait de considérer qu’une femme qui n’a jamais eu d’enfants n’est pas vraiment une femme, que l’amour est fait d’abord pour procréer, que la femme est faite pour l’homme et qu’elle aime lui être soumise, que les enfants appartiennent aux parents, que la morale et la nature réprouvent l’homosexualité, etc, etc…

L’Etat affirme que les religions sont tout à fait respectables contrairement aux sectes, même si les religions exercent des pressions, par exemple pour obtenir des détournements d’héritage ou pour pousser exagérément des individus à se dévouer pour le bien de l’organisme religieux. En fait, la plupart des critères de loi s’appliquant aux sectes pourraient parfaitement s’appliquer aussi aux grandes religions reconnues ou, au moins, à nombre de ses organismes et responsables.

La religion selon Daniel Guérin

La bourgeoisie révolutionnaire et les sans-culottes formaient par rapport à l’ensemble de la nation deux minorités. Ces deux minorités étaient d’accord sur la nécessité de briser par la contrainte révolutionnaire la résistance de la contre-révolution. Mais elles n’étaient pas du tout intéressées au même type de contrainte. La bourgeoisie révolutionnaire exerçait une « terreur » arbitraire, incontrôlée, barbare, au moyen d’une dictature par en haut, celle du Comité de Salut public (à peine camouflée sous la fiction de la Convention souveraine) ; l’avant-garde populaire voulait une « terreur » exercée à bon escient contre les saboteurs de la révolution par les sans-culottes en armes, organisés démocratiquement dans leurs clubs et dans la Commune. La confusion entre ces deux tendances à la contrainte est d’autant plus facile à commettre qu’elles prirent naissance ensemble. Quand, en avril 1793, après la trahison de Dumouriez, les bras-nus se levèrent pour exiger des mesures d’exception, la bourgeoisie révolutionnaire les suivit, mais, au lieu d’asseoir cette contrainte sur la Commune, sur les organes locaux du pouvoir populaire fédérés entre eux, elle la fit émaner d’un pouvoir central, qui prétendait tenir sa légitimité du parlement et qui se mua toujours davantage en dictature bourgeoise centralisée, dirigée non seulement contre la majorité réactionnaire du pays (aristocratie et girondins), mais également contre l’avant-garde populaire. (…)
La question religieuse joua dans la révolution française un rôle à peine moins important que les problèmes politiques fondamentaux qui viennent d’être évoqués.
Tout d’abord, elle était partie intégrante de l’assaut que les masses populaires donnèrent à l’Ancien Régime abhorré. L’hostilité des sans-culottes à l’égard de l’Eglise était une des formes de leur instinct de classe. Tandis que, dans le calme de leur cabinet, les philosophes du 18ème siècle s’étaient rangés contre la religion au nom de principes abstraits, ceux de la « base » avaient vu dans l’Eglise un des principaux obstacles à l’émancipation humaine. Le scandale que qu’offraient les mœurs des hommes noirs, leur corruption et leur vénalité en même temps que leur complicité avec l’aristocratie et l’absolutisme, avaient plus fait pour ouvrir leurs yeux que les méditations des philosophes. (…) Au début du 18ème siècle, un modeste curé d’origine plébéienne, Jean Meslier, avait poussé le premier cri de révolte contre l’Eglise. (…) De modestes travailleurs, copistes, colporteurs, artisans, typographes déchiffrèrent passionnément ces manuscrits et lièrent la lutte anti-religieuse à celle pour l’émancipation sociale. Longtemps avant 1789, ils avaient ouvert la voie à la déchristianisation. Quant à la bourgeoisie du 18ème siècle, elle était tiraillée entre deux impulsions contradictoires. D’une part, elle poursuivait l’Eglise d’une haine tenace, parce qu’elle était l’un des plus fermes soutiens du vieux monde absolutiste à survivances féodales, un des plus sérieux obstacles à sa pleine émancipation, et aussi parce qu’elle convoitait les riches biens temporels du clergé. Mais, d’autre part, elle considérait, à juste titre, la religion comme une force de conservation sociale. Elle lui savait gré de maintenir le peuple dans l’obéissance, de lui apprendre à révérer la propriété bourgeoise, de le faire renoncer à une amélioration de son sort terrestre en lui promettant le bonheur dans l’au-delà. Elle redoutait qu’un peuple ayant cessé d’être encadré par les prêtres, ayant rejeté les principes moraux inculqués par l’Eglise, livré à ses seuls instincts, ne mît en danger sa propre domination de classe. (…) Dès le début de la révolution, la peur des masses populaires incita la bourgeoisie à ménager l’Eglise. Ce ne fut qu’à très petits pas qu’elle s’achemina vers la solution démocratique bourgeoise du problème des rapports entre l’église et l’Etat, à savoir la séparation des deux puissances rivales ; plus de budget des cultes ; plus de culte dominant et privilégié ; plus de manifestations publiques d’un seul culte ; la religion « affaire privée ».
Le compromis bâtard auquel elle s’arrêta tout d’abord, la constitution civile du clergé (12 juillet 1790), resta très en deçà de ce programme. Les constituants accordèrent au catholicisme la situation d’un culte privilégié, dont les desservants étaient salariés et nommés par l’Etat, liés à lui par un serment. (…) Mais la cléricaille ne leur su aucun grè de leur timidité. Le Vatican engagea le fer contre la constitution civile du clergé. Il incita les prêtres à refuser de prêter serment, organisant contre la révolution le sabotage des prêtres réfractaires. La bourgeoisie révolutionnaire se trouva donc obligée de dépasser la constitution civile du clergé. Mais le fit avec prudence (…) Les moins timorés étaient les bourgeois qui acquirent des biens nationaux : le spectre d’une revanche de l’ancienne Eglise, avec pour corollaire la restitution des domaines confisqués au clergé, hantait leurs nuits.
N’osant supprimer le budget des cultes, on s’était bornés à le grignoter. Parallèlement, l’on s’engagea tout doucement dans la voie de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; avant de cesser ses travaux, le 20 septembre 1792, l’Assemblée législative décida que la tenue de l’état-civil incomberait non plus à l’Eglise mais à l’Etat. Enfin, des mesures furent prises qui constituèrent un premier pas vers la suppression des manifestations extérieures du culte catholique (…)
Dès l’été 1792, les premiers symptômes d’une crise industrielle se manifestèrent. Pour relancer l’activité économique, il y avait un moyen : la guerre. (…) Du côté français, la prétention d’apporter la liberté aux pays voisins ne fut qu’un prétexte recouvrant des appétits expansionnistes. (…) La guerre dans laquelle la bourgeoisie s’était engagée d’un cœur léger, aboutit à un résultat imprévu : loin de faire diversion à la révolution, elle entraîna celle-ci plus loin dans sa marche en avant. La vie chère et la disette tendirent à détacher les bras-nus de la bourgeoisie, à dissocier les forces dont la conjugaison avait permis le renversement de l’Ancien Régime. Les masses populaires souffrirent de la faim et tout particulièrement au lieu même où leur intervention avait été décisive : à Paris. Les sans-culottes avaient offert leurs bras et versé leur sang pour la bourgeoisie révolutionnaire. Celle-ci, en guise de remerciement, les privait des denrées indispensables à l’existence.
Les premiers symptômes d’une scission entre bourgeois et bras-nus apparurent dès le début de 1792. En janvier, une agitation assez étendue se produisit dans les quartiers populaires de la capitale contre la hausse du prix du sucre. Des délégations de sections firent entendre leurs protestations à l’Asssemblée, dénoncèrent les « vils accapareurs et leurs infâmes capitalistes ». Au début de 1793, l’antagonisme se précisa. A Paris et à Lyon, des mouvements d’un genre nouveau se produisirent, d’ordre purement économique, dirigés non plus contre l’Ancien Régime, mais contre la vie chère et la disette. Mais ils ne prirent que très rarement la forme de grèves, parce qu’à cette époque beaucoup de travailleurs n’étaient pas salariés (le nombre d’artisans l’emportait sur celui des ouvriers payés à la journée), et aussi parce que les salariés dispersés dans une multitude de petites entreprises, privés, en outre, par la loi Le Chapelier (14 juin 1791) du droit de coalition, ne pouvaient guère se concerter pour faire triompher des revendications de salaires.
Au surplus, les sans-culottes ne comprenaient pas bien le mécanisme, nouveau pour eux, de l’inflation ; ils ne saisissaient pas que la hausse des prix était la conséquence directe de la multiplication du signe monétaire et non pas seulement le résultat de la conspiration de quelques contre-révolutionnaires, spéculateurs ou accapareurs. Ils croyaient qu’il était relativement facile d’agir sur les prix, par la loi et par quelques mesures de police. C’est pourquoi ils demandèrent moins le relèvement du tarif des « journées » que la taxation des denrées. Pourtant quelques grèves se produisirent. Au début d’avril, les garçons boulangers se coalisèrent, exigeant 50 sols par jour et une bouteille de vin. Au début de mai, les compagnons charpentiers, tailleurs de pierre, etc…, réclamèrent une augmentation de salaires, justifiée par la hausse des denrées. En mars et en juin, la Convention dut prendre des mesures pour réprimer l’agitation gréviste dans les fabriques de papier. Mais, à la fin de 1792 et au début de 1793, les bras-nus luttèrent moins sur le plan de l’entreprise que sur celui de la section locale, qui rassemblait tous les citoyens. Les sections parisiennes se concertèrent pour faire pression sur la Convention et lui arracher des mesures contre la vie chère. Leurs députations sans cesse renouvelées portèrent à la barre de l’assemblée des pétitions qu’appuyait la foule massée au-dehors ou pénétrant dans la salle.
La bourgeoisie ne se trompa pas sur le caractère de classe que prirent ces manifestations. Sa réaction fut très vive et –le point mérite d’être souligné – elle fut unanime. Oubliant leurs querelles fratricides, l’aile droite girondine et l’aile gauche montagnarde se retrouvèrent d’accord contre l’avant-garde populaire. Les jacobins, plus directement en contact avec les sans-culottes, menacés, en outre, de perdre leur clientèle et d’être débordés par les extrémistes, ne se montrèrent pas les moins acharnés. (…) A Paris, au début de février 1793, une délégation des 48 sections de Paris présenta à la barre de la Convention une pétition demandant une loi sur les subsistances et un prix maximum pour le blé. Une violente rumeur s’éleva dans toutes les parties de la salle. On réclama l’expulsion d’un des orateurs. Marat, l’« Ami du peuple », se fit, en cette occasion, le défenseur des possédants effrayés. (…) Au lendemain de cette journée, les députés du département de Paris éprouvèrent le besoin de désavouer par une « Lettre à leurs commettants » les auteurs de la pétition. Parmi les signataires de cette lettre, on retrouve les principaux chefs jacobins : Robespierre, Danton, Marat, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Robespierre et le jeune David.

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