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Nous sommes entrés dans une ère nouvelle

vendredi 18 avril 2014, par Robert Paris

Nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle des guerres, des guerres civiles et des révolutions

Bien sûr, en apparence, nous sommes toujours dans le vieux monde capitaliste mais, en fait, nous sommes entrés dans une ère nouvelle qui sera, qu’on le veuille ou pas, autre chose que le capitalisme et non pas parce que nous désirions sortir du capitalisme mais parce que lui-même n’est plus capable de fonctionner.

C’est un fait objectif qui n’est pas dépendant des gouvernants, quelque soient leur couleur. Les Etats peuvent tout au plus retarder l’issue mais pas l’empêcher. Le capitalisme, ayant atteint son apogée, ne peut que retomber et, en s’effondrant, détruire tout ce qu’il a construit. C’est dur à admettre mais c’est la réalité que nous allons avoir de plus en plus sous nos yeux dans les années qui viennent. Les capitalistes s’y préparent et nous, travailleurs et peuples, devons nous y préparer.

Ils ne prennent pas des mesures pour éviter cette crise mais seulement pour retarder l’issue afin de l’entrainer de leur côté. Cela ne signifie pas qu’ils pensent sauver le capitalisme.

La bille est tout en haut et va forcément basculer d’un côté ou d’un autre. Ils cherchent à agir pour qu’elle bascule du côté des contre-révolutions et pas du côté des révolutions, du côté des guerres et pas du côté de la fraternité des peuples.

Nous sommes entrés dans l’ère des guerres et des crises, des révolutions et des contre-révolutions. Nous pouvons fermer les yeux pour refuser de le voir mais cela n’empêchera pas que ce soit la réalité. Les périodes que nous avons connues n’étaient pas ainsi et ne nous ont pas préparé.

Les anciennes organisations qui prétendaient défendre la classe ouvrière et les peuples ne sont pas faites pour nous aider parce qu’elles sont trop adaptées à l’ancien monde. Il va nous falloir construire du neuf. Les anciennes manières de lutter et de raisonner ne sont plus adaptées aux nouvelles situations que nous allons connaître.

Les classes dirigeantes choisissent de lancer progressivement le monde dans la guerre et la guerre civile. Nous pouvons chercher à nous convaincre que cela ne concernera que la Syrie ou que la Libye, ou encore que l’Ukraine. Cela nous permettra seulement de rester endormis un peu plus longtemps. Mais les classes dirigeantes, elles, sont en éveil et elles avancent leurs pions politiques.

Bien sûr que les classes dirigeantes préparent les peuples aux guerres. L’Ukraine le démontre pleinement. La Syrie aussi. La France est prête, là comme en Afrique, à entrer dans toutes les guerres.

Et ce n’est pas tout. Les classes dirigeantes montent partout les haines au sein même des peuples aussi bien que contre les peuples voisins. Ce n’est pas seulement la Russie qui est désignée du doigt. C’est aussi les Musulmans. Ce sont les Roms. C’est en général les étrangers. Les milieux populaires peuvent croire que cela exprime leurs sentiments profonds mais cela a été concocté par d’autres. C’est voulu par des ennemis de ces mêmes milieux populaires. Le passé nous a pleinement montré, dans tous les pays qui ont connu des mouvements contre-révolutionnaires, des mouvements fascistes, que c’étaient les classes dirigeantes qui les manipulaient pour contrer la montée inexorable de la révolution, car le système dominant était alors dans l’impasse. Mussolini ou Hitler n’ont pas été l’émanation de volontés populaires mais de celles des grandes bourgeoisies. L’opinion petite bourgeoise en a été la dupe et la victime. La classe ouvrière a été muselée par ses organisations réformistes.

Il y a toujours, et il y aura toujours, des partis et des syndicats pour expliquer qu’ils ont une autre perspective que d’affronter réellement les classes dirigeantes, que l’on peut trouver un autre patron quand le patron ferme l’entreprise, qu’on peut négocier des arrangements quand le patron veut détruire les salariés, qu’il y a moyen de négocier le poids des chaînes quand la classe dirigeante veut nous esclavagiser, qu’il y a une solution dans le cadre du système quand justement il n’y en a pas, qu’il suffit d’un bon gouvernement quand cela ne peut nullement suffire parce que personne n’y peut rien quand le système a atteint ses limites.

La question est : à quel moment les travailleurs et les peuples vont refuser d’en rester là et vont entrer en lutte et, à ce moment-là, vont-ils demander des solutions à ces vieux partis qui ne voulaient justement pas qu’ils entrent véritablement en lutte. Car ce serait mettre à la tête de la lutte ceux-là mêmes qui sont les plus aptes à la faire échouer.

Il n’est nullement grave que les travailleurs et les peuples se trompent en mettant des petits bouts de papiers dans des urnes lors des élections. Même s’ils mettent dans leur vote des noms de partis d’extrême droite, ce n’est pas cela qui est vraiment déterminant. Même s’ils votent pour la gauche de la gauche, cela ne changera pas en soi la politique des classes dirigeantes, celle qui sera de toutes façons menée par l’Etat. Le fascisme n’est jamais sorti des urnes. Le changement social et politique non plus. Si on s’était contenté de voter pour les assemblées, il n’y aurait jamais eu de révolution française et jamais de renversement de l’ordre féodal ni de la monarchie !

Par contre, il est catastrophique que les travailleurs et les peuples suivent des faux amis au moment où ils sont prêts à risquer leur vie pour que cela change vraiment. Il est catastrophique que le peuple ukrainien soit tiraillé entre ceux qui sont pro-européens et ceux qui sont pro-russes car ils ne peuvent alors que suivre des bourgeoisies décidées à leur faire payer la crise de l’économie ukrainienne, crise causée par la crise mondiale et pas par des causes locales comme ils l’ont fait payer à la Grèce, à l’Italie ou à l’Espagne.

Il est catastrophique que les peuples commencent à intégrer l’idée qu’il va falloir une nouvelle guerre mondiale contre la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord.

Il est catastrophique aussi que les peuples s’opposent entre soi-disant peuples occidentaux et soi-disant peuples musulmans. C’est une des preuves que les classes dirigeantes ne se pensent plus capables de gouverner comme avant et ne voient plus d’autre issue que des bains de sang à grande échelle…

Au moment où on commémore le massacre du Rwanda, prenons garde que nos classes dirigeantes ne nous réservent pas à nous aussi le sort qu’elles ont réservé au peuple rwandais parce que lui aussi était révolté par une crise et qu’il se mobilisait en masse dans les rues de Kigali entre 1990 et 1992. Bien sûr, on se garde de nous rapporter pourquoi les Mitterrand et les Léotard, gauche et droite réunis, ont organisé avec les classes dirigeantes rwandaises, un génocide. Mais ces choses là ne tombent pas du ciel et les classes dirigeantes ne s’y livrent que lorsque, sans cela, elles se trouveraient mises en cause par la révolution sociale.

Mais, avant que le Rwanda bascule dans l’horreur, il y a eu une offensive civile contre le pouvoir et ce dernier a reculé. Il a accepté l’entrée dans le pouvoir des réformistes, qui ont prétendu être capables de résoudre les problèmes. Les poules ont pactisé avec les renards et le résultat a été sanglant deux ans plus tard. Aucune bourgeoisie du monde n’a dénoncé le fascisme au Rwanda et aucune ne le fait même vingt ans après. Tous les Hollande et tous les Valls sont aussi fermement convaincus que la France a bien fait que les Juppé, les Balladur et les Léotard.

Soyons bien convaincus que cette détermination ne concerne pas seulement une intervention française en Afrique et qu’ils sont capables d’autant de décision dans l’horreur s’il s’agit d’un autre peuple, y compris du peuple français. Jeter les opprimés les uns contre les autres semble la seule issue aux classes dirigeantes dès qu’elles savent que l’issue devient la révolution sociale et qu’elles risquent d’y perdre le pouvoir.

C’est les classes dirigeantes qui organisent alors la tuerie mais ce sont les réformistes, politiques et syndicaux, qui lient les mains du peuple, qui le convainquent d’arrêter sa mobilisation. On se souvient que c’est la gauche qui a arrêté la grève générale de 1936 et que cela a mené au pouvoir de Pétain. C’est la gauche espagnole qui a arrêté l’élan révolutionnaire de 1936 et cela a mené au pouvoir de Franco. C’est la gauche allemande qui a muselé la classe ouvrière la plus forte du monde et cela amené au pouvoir d’Hitler. Nos faux amis et nos vrais ennemis nous mènent à des issues catastrophiques mais elles le font toujours sous le prétexte de nous sauver. Méfions-nous des sauveurs et sauvons nous nous-mêmes en nous organisant et en nous donnant par nous-mêmes les moyens de faire notre propre politique et pas de suivre celle que d’autres ont prétendu concocter pour nous et alors l’avenir risque de ne pas être si sombre…

Messages

  • « Il y a toujours, et il y aura toujours, des partis et des syndicats pour expliquer qu’ils ont une autre perspective que d’affronter réellement les classes dirigeantes, que l’on peut trouver un autre patron quand le patron ferme l’entreprise, qu’on peut négocier des arrangements quand le patron veut détruire les salariés, qu’il y a moyen de négocier le poids des chaînes quand la classe dirigeante veut nous esclavagiser, qu’il y a une solution dans le cadre du système quand justement il n’y en a pas, qu’il suffit d’un bon gouvernement quand cela ne peut nullement suffire parce que personne n’y peut rien quand le système a atteint ses limites. »
    S’il s’agit-là d’une description ou d’une caractérisation du réformisme, je crois qu’elle n’est pas juste. Le réformisme syndical consiste en effet à lutter pour des améliorations graduelles, impliquant ou non un "débouché" politique, au moins à maintenir les acquis. Si cette perspective est abandonnée de façon éhontée par la bureaucratie dans la mesure où le système ne peut éviter la régression, cela prouve deux choses :
    1) que la bureaucratie est encore plus nuisible en période de réaction durant laquelle elle continue de travailler à sa propre préservation,
    2) que le réformisme au sens défini plus haut revêt malgré lui un caractère rupturiste et révolutionnaire dans cette même période.
    Dans les syndicats, nous pouvons donc interpeller les buros : " Soyez au moins réformistes ! ", ce qui n’empêche pas de lutter aussi pour les comités d’action, les alternatives en acte, etc., au sein desquels de fieffés coquins pourront d’ailleurs étendre leur influence ou affirmer leur domination (un soviet, ça se manipule !).
    Ce que je veux dire, c’est que rien ne s’oppose. Il suffit seulement d’abandonner le point de vue léniniste, vertical, incapable de prendre en compte les différents cheminements qu’empruntent les travailleurs en lutte ou qui sont prêts à y entrer. Le plus important, dans un premier temps, c’est pas " contre " ou " pour " les syndicats, c’est l’indépendance de classe.
    C’est un peu court, mais je soumets ça au débat. Une nouvelle ère implique que des débats soient menés, pas forcément nouveaux !
    Frédéric

    • Cher Frédéric,
      tu sembles craindre que ce texte te dise que tu trahis parce que tu milites dans un syndicat. Tel n’est pas mon propos. Je ne dis même pas que tu trahis parce que tu milites dans un parti, ce qui n’est pas ton cas. Bien entendu, une fois de plus du défend un certain syndicalisme pur, débarrassé de l’esprit de parti, une espèce de syndicalisme révolutionnaire à défendre au sein des syndicats. Pourquoi pas ? Nous faisons quelque chose de ce genre au sein des syndicats quand nous y sommes.
      Mais tout cela ne peut être la seule réponse à la question posée aujourd’hui par la société capitaliste. Il va falloir à nouveau faire du neuf, à nouveau concevoir une manière pour les travailleurs de participer directement et massivement à la politique de tous les jours, de façon révolutionnaire car c’est la société qui pose ce problème et toutes les directions syndicales du monde seront tout aussi impactées par ce changement que les vieilles directions politiques car elles sont attachées à ce vieux monde.

  • "Le monde capitaliste n’a pas d’issue, à moins de considérer comme telle une agonie prolongée. Il faut se préparer pour des longues années, sinon des décennies, de guerres, de soulèvements, de brefs intermèdes de trêve, de nouvelles guerres et de nouveaux soulèvements. C’est là‑dessus que doit se fonder un jeune parti révolutionnaire. L’histoire lui donnera suffisamment d’occasions et de possibilités de s’éprouver lui-même, d’accumuler de l’expérience et de mûrir. Plus vite les rangs de l’avant-garde fusionneront, plus l’époque des convulsions sanglantes sera raccourcie, moins notre planète aura à supporter de destructions. Mais le grand problème historique ne sera en aucun cas résolu jusqu’à ce qu’un parti révolutionnaire prenne la tête du prolétariat. La question des rythmes et des intervalles est d’une énorme importance, mais elle n’altère ni la perspective historique générale ni la direction de notre politique. La conclusion est simple : il faut faire le travail d’éduquer et d’organiser l’avant‑garde prolétarienne avec une énergie décu­plée. C’est précisément en cela que réside la tâche de la IV° Internationale."

    Léon Trotsky

    dans "Manifeste d’alarme" (1940)

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