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Bouteflika, réélu pour la quatrième fois président bien que grabataire, se propose de développer l’amnistie générale des crimes des classes dirigeantes

jeudi 24 avril 2014, par Robert Paris

Face à des révoltes incessantes, les classes dirigeantes essaient de tenir le pouvoir autour des généraux

Bouteflika, réélu pour la quatrième fois président bien que grabataire, se propose de développer l’amnistie générale des crimes des classes dirigeantes

Déjà, lors de son premier mandat, l’amnistie était un des axes de Bouteflika et il a alors amnistié un grand nombre de combattants islamistes. Il ne compte pas s’en tenir là et souhaite que tous crimes politiques soient amnistiés, ce qui sous-entend aussi les crimes des généraux algériens, le crime aussi des classes dirigeantes consistant à avoir, depuis l’indépendance, constitué des fortunes sans en faire un instrument de développement du pays car ces fortunes devaient rester clandestine, « socialisme algérien » officiel oblige.

En septembre 1999, il a obtenu un oui massif au référendum sur la loi de la "Concorde civile", qui amnistie les islamistes armés n’ayant pas commis de crimes de sang et de viols et se soumettant à l’autorité de l’Etat. La loi entraînera la reddition de milliers d’islamistes. Le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika, un ex-ministre des Affaires étrangères appuyé par l’armée, est élu président en promettant une politique de réconciliation nationale. En juillet, il fait adopter une loi d’harmonie civile qui donne six mois aux membres des groupes armés pour se rendre. La loi leur offre une immunité contre des poursuites, sauf pour ceux qui ont commis des assassinats ou des attentats. En retour, les militants islamistes doivent déposer les armes et déclarer leurs activités passées. La nouvelle politique est approuvée par une majorité écrasante lors d’un référendum tenu le 19 septembre 1999. En janvier 2000, des centaines de membres du Groupe islamique armé (GIA) déposent les armes et acceptent l’amnistie. Trois jours avant l’expiration du délai de six mois, Bouteflika émet un décret accordant son pardon avec force d’amnistie à toutes les personnes qui se rendent volontairement et acceptent de cesser la violence. Celles-ci sont exemptées de faire une déclaration sur leur passé et protégées contre d’autres sanctions. La suspension pour dix ans de leurs droits civiques et politiques est levée, le pardon leur accordant une impunité totale. Le jour suivant, Madani Mezrag, commandant de la Ligue Islamique de la Daâwa (prédication) et du Djihad (guerre sainte), accepte le pardon et dissout son organisation. Le ministre de l’Intérieur affirmera le 20 janvier 2000 que la majorité des combattants se sont rendus, à l’exception de quelques centaines de membres du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) et d’anciens militants liés au GIA.

L’amnistie dont parle Bouteflika va bien au-delà…

Bouteflika ne veut pas seulement amnistier Khalifa et Chakib Khalil. Le représentant de la dynastie des généraux algériens entend agir pour rendre durable cette dictature en la rendant légitime d’un point de vue bourgeois, en reconnaissant les fortunes réalisées indûment par l’exercice du pouvoir et le détournement des revenus du pétrole par cette caste de généraux, du moins ceux d’entre eux qui sont dans le secret des dieux…

Victoire militaire sur les islamistes algériens, soutien armé aux indépendantistes du Front Polisario contre le Maroc au Sahara occidental, coopération avec l’Occident en matière de lutte antiterroriste, l’Algérie de Bouteflika s’est affirmée durant la dernière décennie comme une puissance régionale incontournable, marquant notamment son refus de toute ingérence étrangère sur son sol. "Militairement parlant, l’Algérie est indéniablement un pays fort", concède Rachid Tlemçani.

L’Algérie est parvenue à imposer son choix économique et politique : une nouvelle alliance avec la Chine, tenant à distance la France qui ne peut même pas rendre publique cette rupture…

Selon le rapport 2012 de l’Institut international de recherche sur la paix (Sipri), l’Algérie occupe le sixième rang des plus grands importateurs d’armes conventionnelles dans le monde, et a augmenté ses achats en armement de 277 % entre les périodes 2003-2007 et 2008-2012. Mais le chercheur Kader Abderrahim relativise la portée de tels chiffres, soulignant les limites opérationnelles d’Alger. "Ce n’est pas parce que l’on a de l’argent et que l’on peut donc s’équiper en armes que l’on est une réelle puissance, affirme le politologue. L’armée algérienne n’a jamais servi à autre chose qu’à réprimer son propre peuple." Entre avril 2001 et 2002, en pleine période de "réconciliation nationale", l’armée algérienne réprime dans le sang les émeutes identitaires qui éclatent en Kabylie, connues sous le nom de "Printemps noir" : plus de 120 manifestants kabyles sont abattus, 5 000 sont blessés.

"En matière de liberté individuelle, le bilan d’Abdelaziz Bouteflika est catastrophique, souligne le politologue Rachid Tlemçani. La liberté de manifester n’existe pas réellement, les grèves sont jugées illégales : l’État d’urgence, officiellement levé en février 2011, est toujours en vigueur." Cette mesure, adoptée en 1992, interdisait tout rassemblement et autorisait les arrestations arbitraires, au nom de la lutte contre les islamistes.

En matière de liberté de la presse, Bouteflika a, dès sa première élection, fait part de sa détermination au respect de la liberté d’expression. Or comme le rappelle Reporter sans frontières, le délit de presse est toujours passible de peines de prison et d’amendes en Algérie. "La pénalisation du délit de presse constitue une véritable épée de Damoclès qui pèse sur les journalistes algériens", souligne l’ONG, qui place l’Algérie au 125e rang sur 176 de son classement mondial 2013 pour la liberté de la presse. "Le champ public, la télévision, les partis ou les journaux sont restés sous le contrôle de l’État", note le chercheur Kader Abderrahim. Le 12 mars dernier, les autorités algériennes ont fermé la télévision privée d’opposition Al Atlas TV après la diffusion d’émissions très critiques sur la présidentielle à venir.

Sur le plan politique, le président Bouteflika reprend en main le parti historique du Front national de la libération (FLN, ancien parti unique), dont il est nommé président en 2005. Le FLN s’allie alors au Rassemblement national démocratique (RND) et aux islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP) pour créer l’"Alliance présidentielle", une coalition pro-Bouteflika qui va remporter les législatives de 2007 et de 2012. "Les élections en Algérie ont toujours été marquées par des fraudes massives et par une participation très basse, certifie le politologue Rachid Tlemçani. Tous les partis sont cooptés par le pouvoir, sans exception."

Malgré l’impossibilité pour lui de briguer un troisième mandat, Abdelaziz Bouteflika est allé jusqu’à modifier en 2008 la Constitution pour pouvoir se présenter à la présidentielle l’année suivante, qu’il remportera avec... 90,24 % des voix.

L’Algérie a le malheur d’être riche. Elle arrivait, en 2011, au 15e rang mondial des pays producteurs de pétrole et au 11e rang des pays producteurs de gaz naturel, selon l’Agence internationale de l’énergie. Ainsi, les hydrocarbures représentent 97 % des ventes du pays à l’étranger. Fort des prix élevés du baril de brut au cours de la dernière décennie, Abdelaziz Bouteflika se lance dans de vastes chantiers publics (métro d’Alger, autoroute est-ouest ou barrage de Beni Haroun). Il fait également le pari de l’ouverture du pays aux entreprises étrangères.

Problème, comme le rappelle Kader Abderrahim, "l’État algérien s’est octroyé la plupart des grands contrats pour continuer à contrôler l’économie du pays". "Or, s’il est bien de vouloir moderniser un pays, poursuit le chercheur, encore faut-il un garde-fou pour éviter les dérapages." Ainsi, le bilan présidentiel va être terni par plusieurs scandales de corruption à grande échelle : dissimulation des malversations de la banque privée Khalifa, versement de milliards de dollars de pots-de-vin autour de contrats avec la société nationale des hydrocarbures Sonatrach... La multiplication d’affaires impliquant l’entourage de Bouteflika va illustrer la corruption généralisée au sommet de l’État.

"La corruption politique est devenue la maladie chronique du système politique algérien, juge le politologue Rachid Tlemçani. Elle ne cesse d’augmenter, dans toutes les institutions du pays, publiques comme privées." En 2012, l’ONG Transparency International classait l’Algérie à la 105e place sur 176 pays en matière de corruption. "Abdelaziz Bouteflika n’a pas réussi à remettre sur pied l’économie de l’Algérie, car elle a été entravée par les recettes du pétrole et la corruption", estime de son côté l’historien Benjamin Stora. "Le pétrole est tombé du ciel, mais n’a pas été utilisé à bon escient, renchérit Rachid Tlemçani. L’argent aurait dû être investi dans les ressources humaines. La principale crise en Algérie est celle du secteur éducatif."

Résultat, l’Algérie a importé en 2012 plus de 11 milliards de dollars de services (assurances, études de marché, audits, assistance technique) dans un pays où les jeunes, y compris les hauts diplômés, sont touchés de plein fouet par le chômage. Le taux officiel de 9 % serait en réalité bien supérieur. Quant à l’inflation, elle frôle les 10 %. "C’est le paradoxe algérien", souligne Kader Abderrahim. "L’Algérie est un pays très riche avec une population en constante paupérisation depuis vingt ans. S’il devait y avoir une vraie déflagration, elle se produirait au niveau social", prévient-il.

D’ailleurs, début 2011, à l’image de leurs voisins tunisiens, les Algériens descendent eux aussi dans la rue pour réclamer davantage de justice sociale. En réponse, le président injecte quelque 24 milliards de dollars pour mieux indemniser les fonctionnaires et aider la jeunesse. "L’argent permet d’acheter la paix sociale de temps à autre, mais ce n’est pas cela qui règle les vraies questions politiques", regrette le chercheur Kader Abderrahim. Pour Benjamin Stora, "l’Algérie n’a pas été entraînée dans le tumulte des révolutions arabes, car la société algérienne ne voulait pas revivre le traumatisme de la guerre civile des années 1990".

Si le président algérien promet également une révision de la Constitution ainsi que des réformes démocratiques, ses nouvelles mesures sur les partis politiques, les associations et les médias ne convainquent personne. Et sur le terrain, les grèves se poursuivent. "Le pays demeure aujourd’hui pratiquement à l’arrêt", souligne Mourad Hachid, rédacteur en chef du site d’El Watan. "Institutions, économie, tout est bloqué depuis deux ans." Soit depuis l’aggravation de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika.

Dans le sud du pays, ce sont des milliers de chômeurs qui réclament haut et fort un emploi, un logement. "Les immolations sont quotidiennes, assure Rachid Tlemçani, alors que le pays compte 200 milliards de dollars de réserves et a prêté fin 2012 cinq milliards de dollars au FMI."

La présidentielle du 17 avril ne devrait donc pas bouleverser la donne. "Il est nécessaire que la nouvelle génération prenne le relais", estime Rachid Tlemçani. "Toutes les personnalités au pouvoir depuis cinquante ans en Algérie sont issues de la génération coloniale. Or, plus de 70 % de la population algérienne est née après l’indépendance", rappelle le politologue algérien. D’ailleurs, n’est-ce pas Abdelaziz Bouteflika qui a annoncé, en mai 2012, que sa "génération avait fait son temps" ?

Dans tout le pays, les jeunes se révoltent sans cesse, même si ces révoltes n’ont pas de conséquence politique nationale car ce sont des mouvements locaux isolés pour le moment.

Les milieux populaires ne sont pas moins révoltés mais les années de la guerre civile et leur bain de sang sont trop proches pour que les travailleurs tentent à nouveau de s’attaquer au pouvoir comme en 1988…

Mais demain, qui sait ?

En termes de perspectives politiques et sociales, ce ne sont pas les syndicats officiels qui pactisent avec le pouvoir, ni les partis politiciens bourgeois d’opposition qui peuvent offrir une alternative : Benflis est une opposition de sa majesté, Aït Ahmed veut être intronisé président par le pouvoir, Baraka est un parti de la petite bourgeoisie qui n’en sort pas, les islamistes, on a déjà donné et l’extrême gauche type Louisa Hanoune est la dernière roue du carrosse de Bouteflika, d’autres groupes d’extrême gauche ou catalogués à gauche de la gauche comme PST et le stalinien PAGS tentent de former « le mouvement » avec Louisa Hanoune, opposition de sa majesté, à la botte du pouvoir.

Décidément, pour que ça change, il faudra que les femmes, les jeunes, les chômeurs et les travailleurs fassent vraiment du neuf…

Messages

  • Sitôt installé, il s’attelle à vendre « sa » (?!) Concorde civile par voie plébiscitaire, le 16 septembre 1999. Un projet de loi de « grâce aministiante » dont les principes émanent de l’ordonnance du 25 février 1995 initiée par l’ancien président Liamine Zeroual. Sans débat préalable, le 29 septembre 2005, la « Concorde civile » se mue en « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » par un autre référendum. Un mois auparavant, le 22 août, Amnesty International dénonçait « un référendum organisé pour effacer les crimes du passé ». Avec du recul, même s’il y a eu un relatif retour à la « paix civile » (car le terrorisme frappe toujours en Algérie), il n’en demeure pas moins que la « vente » a été concomitante. Il y a eu troc contre troc, « paix » contre « oubli ». Paix des cimetières contre impunité. Un marché de dupes. Or, on ne peut pas faire abstraction de la douleur des familles des 200 000 morts, des dizaines de milliers de disparus. Depuis 1998, les familles de ces derniers se rassemblent chaque mercredi devant la Commission nationale pour la promotion et la protection des droits de l’Homme, à Alger. Ils clament le droit à la vérité, la justice et la mémoire. On ne bâtit pas l’avenir d’une nation sur du sable mouvant. Pas plus qu’on ne peut crier victoire tant les plaies sont toujours béantes. Oui pour la réconciliation, mais aussi pour la justice. Sans justice, aussi humaine soit-elle, le spectre des victimes nous hantera jusque dans nos rêves les plus fous pour ce pays, aussi longtemps que durera notre lâcheté d’imbéciles heureux. Sans mémoire apaisée il n’y a point de salut. Des voix de conscience nous interpelleront pour nous rappeler, à chaque instant, que nous les aurions sciemment oubliées. Peut-être même qu’elles nous harcèleront jusqu’à ce que perte de raison s’ensuive. Cessons donc d’ânonner à longueur de journée, ou de colonnes, les "faits d’armes" de Bouteflika. Nous avons lâché la proie pour l’ombre.

    Cela étant dit, on ne peut pas endosser tout notre malheur national à l’actuel Président "désigné". Mais on ne peut pas non plus l’en exempter. Car il a toujours fait partie du système. Donc prisonnier de son passé dont il ne peut se soustraire. Nous nous limitons à ces 15 dernières années pour dire que Bouteflika n’a rien d’un homme d’Etat. Non seulement il n’a rien apporté au pays, mais il nous a enfoncés davantage dans le pétrin. Il a toujours été un homme plutôt porté sur le passé, imbu de sa petite personne, qu’il est arrivé au pouvoir en revanchard. C’est un homme tourmenté qui voit partout des spectres le malmener, se croyant en butte à des ennemis invisibles, qu’il se tient sur la défensive. Il se bat contre des moulins à vent. Il fait et défait ses hommes au gré de ses sautes d’humeur machiavéliques. Roublard, il fait sortir certains d’entre eux par la fenêtre pour les faire revenir après par la grande porte. C’est quelqu’un qui ne s’embarrasse pas de ses contradictions flagrantes, qui a toujours cultivé une chose et son contraire à la fois. Pas plus qu’il ne s’embarrasse de son hagiographie de chef révolutionnaire, qui cache mal son passé sous une dorure spécieuse de la légende d’Abdelkader El Mali. Enfants désabusés, nous disions chez nous, en Kabylie : "Tarr tarr", pour déjouer un mensonge patent de nos aînés. Nous avons tous à l’esprit les "aventures prodigieuses" de Tartarin de Tarascon, d’Alphonse Daudet !

  • Le Chine est satisfaite de la réélection de Bouteflika...

    Le président chinois Xi Jinping a adressé samedi ses félicitations à Abdelaziz Boutefilika pour sa réélection à la présidence de l’Algérie.

    La Chine et l’Algérie sont liées par une amitié traditionnelle et profonde, et les deux pays sont de bons amis, de bons frères et de bons partenaires depuis qu’ils ont établi les relations diplomatiques il y a 55 ans, a indiqué M. Xi dans un message de félicitations.

    Les deux pays ont annoncé en février dernier l’établissement d’un partenariat stratégique global, ce qui a montré le haut niveau des relations sino-algériennes et a créé de plus belles perspectives pour le développement des relations bilatérales, a poursuivi M. Xi.

    "J’attache une grande importance au développement des relations Chine-Algérie et suis prêt à faire des efforts communs avec le président Bouteflika pour consolider et faire avancer le partenariat stratégique global Chine-Algérie afrin de bénéficier aux deux pays et aux deux peuples", a déclaré M. Xi.

    M. Bouteflika a remporté un quatrième mandat présidentiel avec plus de 80% des voix lors de l’élection présidentielle organisée le 17 avril en Algérie, a annoncé vendredi le ministre algérien de l’Intérieur Tayed Belaiz.

  • J’écrivais en octobre 1999 :

    Après huit ans de conflit meurtrier et environ cent mille morts, assiste-t-on à la fin de la guerre civile en Algérie ? Le nouveau président Bouteflika affirme est près d’en finir avec le terrorisme grâce à sa loi de "la concorde civile ", déjà votée au parlement et qu’il fait entériner lors du référendum du 16 septembre. Cette loi prévoit l’amnistie des islamistes qui abandonnent la lutte armée. Bouteflika accompagne ses déclarations de quelques gestes : libérations de détenus, jugements de non-lieu dans des procès d’intégristes ou prétendus tels, désarmement de groupes dits d’autodéfense liés au pouvoir. Cela suffira-t-il à arrêter les attentats ? Ceux commis en août et septembre permettent d’en douter.
    La main tendue aux islamistes

    Que deviendront les islamistes repentis et quel rôle peut leur faire jouer le pouvoir ? Le secret entretenu sur ses négociations avec l’AIS ( l’Armée Islamiste du Salut, la fraction des combattants islamistes liés au FIS, le Front Islamiste du Salut, le principal parti intégriste), la réhabilitation politique de certains dirigeants du FIS, dont le premier d’entre eux, Abassi Madani, un début d’intégration dans la police de gens qui étaient jusque là qualifiés de terroristes, tout cela montre que l’intégrisme peut à nouveau être utilisé par le pouvoir. Ce n’est pas parce qu’on a assisté à des années de guerre entre eux qu’ils ne peuvent pas s’entendre demain sur le dos des travailleurs comme entre 1988 et 1992.

    Le but de Bouteflika est d’abord de réconcilier la population avec un pouvoir militaire auquel elle a voué une haine violente. Il mise sur l’aspiration de la population d’en finir avec cette guerre dans laquelle elle était prise en otage par les deux parties. Les islamistes se sont attaqués systématiquement à des civils désarmés, massacrant et violant. Mais l’armée, directement ou par l’action de bandes armées para-militaires ou celle de barbouzes comme les ninjas, a elle aussi fait régner la terreur, particulièrement sur les plus pauvres, par les arrestations, les tortures, les assassinats, les interventions violentes dans les quartiers populaires. Dans certaines zones elle a fait le choix de laisser agir les assassins pour discréditer le mouvement islamiste et aussi faire payer les populations qui avaient voté FIS (en laissant le GIA, les Groupes Islamistes Armés, des dissidents du FIS, les massacrer) comme dans le "triangle de la mort " près d’Alger. Dans la plaine de la Mitidja et à Médéa les massacres ont permis aux grands propriétaires d’expulser de nombreux paysans pauvres et d’occuper les terres pour des constructions de luxe ou de grandes exploitations agricoles et vinicoles. La guerre enfin a justifié l’interdiction des grèves et des manifestations et permis de faire passer des licenciements massifs et accepter une chute incroyable du niveau de vie de la population alors qu’à l’autre bout elle favorisait la constitution de fortunes fabuleuses.
    Pardonner à l’armée ?

    A tous ceux qui manifestent pour demander ce que sont devenus ces milliers de personnes enlevées et que l’on n’a jamais revues, torturées, assassinées par les forces de l’ordre ou par des bandes armées du pouvoir ou des islamistes, Bouteflika répond : " à propos des disparus, la concorde civile implique que l’on fasse le compte en termes de pertes et profits d’une situation extraordinaire que personne n’a souhaitée... ". (cité par l’hebdomadaire algérien " La Tribune " du 22 juillet). Et dans le journal " El Watan " du 13 août un lecteur, remarquant qu’on demande à la population d’amnistier les assassins islamistes parce qu’ils ont été marginalités, qu’ils regrettent leurs actes et ne sont plus un danger, pose la question : " faut-il amnistier le pouvoir ? (..) avant de nous prononcer sur la clémence, nous avons le droit de nous interroger si son pouvoir est marginal, son repentir sincère et sa capacité de nuisance inopérante. Rien n’est moins sur !"

    Même sans illusion sur le pouvoir, la population ne peut que souhaiter que l ’Etat lève la chape de plomb qu’il faisait peser sur elle au nom de la lutte contre le terrorisme. Au moment où nous écrivons nous ne connaissons pas le résultat du référendum mais d’ores et déjà le président a obtenu des succès : il a non seulement l’accord d’Abassi Madani et de Madani Mezrag, le dirigeant de l’AIS, mais le soutien à la fois d’autres partis islamistes ralliés au pouvoir, comme le Hamas et l’Ennahda et de partis anti-islamistes comme le RCD de Saïd Saadi, en passant par le syndicat officiel UGTA et les partis qui se sont toujours confondus avec l’appareil d’Etat : FLN, RND et ANR. Il rassemble des foules, répond aux questions de l’auditoire, est bien vu de la " communauté internationale ", renoue avec les dirigeants de l’Etat français. Que de soutiens pour un président élu il y a peu d’une manière si contestée que tous les autres candidats s’étaient retirés, dénonçant la fraude !
    Une politique dictée par la crainte de la classe ouvrière

    Depuis octobre 1988, combattre les islamistes ou s’entendre avec eux ont été des politiques successives des généraux, mais toujours en fonction de la crainte que ceux-ci avaient d’une force autrement inquiétante pour le pouvoir : la classe ouvrière.

    Car alors la menace de déstabilisation du pouvoir face à la révolte de la jeunesse algérienne (réprimée par l’armée qui a fait entre 500 et 1000 morts) a été d’autant plus grave que dans le même temps la classe ouvrière était mobilisée pour ses revendications. Le mouvement des jeunes avait lui-même été déclenché par le mouvement des travailleurs de l’usine RVI Rouiba suivi par le bruit d’une grève générale et d’une manifestation ouvrière centrale dans Alger. Pendant que les jeunes étaient arrêtés, torturés, assassinés, que les tanks occupaient les rues, les grèves se sont généralisées. A l’époque les organisations qui avaient des militants dans la classe ouvrière, le PAGS, descendant du parti communiste algérien, et le syndicat unique UGTA, ont mis tout leur poids pour empêcher que la classe ouvrière devienne le fer de lance de la révolte générale. De la grève générale larvée ils ont fait des grèves locales, non reliées entre elles et surtout non reliées aux aspirations démocratiques contre le régime. Ils ont fait en sorte que leur ampleur soit quasi ignorée du reste de la population. L’occasion a ainsi été complètement manquée.

    1988 : 285 619 grévistes

    1989 : 357 652 grévistes

    1990 : 301 694 grévistes

    En 1991, il y avait encore 71 500 grévistes. Mais l’échec de 1988etl’isolementdelaclasse ouvrière ont ouvert un boulevard aux islamistes. C’est eux qui, organisés politiquement derrière le FIS, ont canalisé le mécontentement populaire, gagné des militants et des voix aux élections. Le pouvoir a non seulement laissé faire mais plutôt favorisé cette évolution qui lui semblait bien moins dangereuse qu’une explosion dirigée par la classe ouvrière. Mais le succès du FIS, l’existence en son sein de courants radicaux incontrôlables comme celui de Ali Belhadj, à l’époque le second de Abassi Madani, ont amené le pouvoir à choisir de le casser. Le 12 janvier 1992, l’armée démissionnait le président Chadli, artisan de la politique qui associait le FIS, annulait les élections législatives dont celui-ci allait être le grand vainqueur, proclamait l’état d’urgence et l’interdiction du FIS. Le choix de celui-ci d’entrer dans la clandestinité et la lutte armée marquait le début de la guerre civile.

    L’affaiblissement militaire, sinon la défaite complète, des islamistes est indispensable pour mettre fin à l’état de guerre. Pourtant ce n’est pas en 1996, quand les islamistes ont semblé battus, ni en 1997 quand l’AIS a annoncé sa reddition, que le pouvoir a lancé cette politique de réconciliation, mais seulement en 1999. C’est seulement maintenant que les classes dirigeantes pensent pouvoir en toute sécurité pour elles soulever la chape de plomb que la guerre leur a permis de faire tomber sur toute la population.

    Celle-ci semble en effet considérablement démoralisée par le chômage et la misère qui ont encore grandi pendant la guerre civile. De 1995 à1997,1’0ffice National des statistiques estime la perte du pouvoir d’achat des ménages à plus de 45 %. La part de la population en dessous du seuil de pauvreté serait de 12 millions soit 40,2 %. Le revenu par habitant et par an est de 1700 dollars contre 2000 dans les années 1970. Quant aux licenciements, ils continuent de plus belle : ainsi l’annonce en août de 3400 licenciements à Sider (entreprise de sidérurgie qui était déjà passée de 22 000 à12 000 en 1997).

    Les travailleurs sont toujours aussi révoltés mais épuisés à la fois par les horreurs de la guerre civile, la misère et les licenciements (plus de 600 000 depuis 1992) et dégoûtés par la politique syndicale des dirigeants de 1’UGTA. Lors de la grève des P et T en octobre 1998 son leader Sidi Saïd déclarait : " nous n’avons pas besoin de grèves inutiles ". Un encouragement, s’il en était besoin, au pouvoir pour interdire tout mouvement, commune la marche de protestation de 200 travailleurs de Sider et SNVI du 19 octobre dernier à l’appel de la coordination des métallos et mécanos, durement sanctionnés, ou la grève des aiguilleurs du ciel déclarée illégale en mars.
    L’indispensable politique de classe

    Selon Bouteflika, la paix sera la porte ouverte aux investissements étrangers qu’il présente à la population comme la condition pour sortir de la misère et du chômage. Aux riches, il a dit : " on ne demandera pas aux investisseurs d’où vient leur argent ". Une manière de dire que même les profits de la guerre civile sont blanchis. Aux travailleurs, il tient le langage de la fermeté et de l’austérité. " Je n’ai pas d’argent à distribuer ", a-t-il répondu aux enseignants du CNES en grève.

    Les travailleurs auront non seulement à se battre contre les patrons et l’Etat qui veulent leur faire payer les sacrifices économiques mais aussi se battre politiquement. Sur ce plan, les partis d’opposition ne représentent en rien une perspective pour les travailleurs. Aussi bien les partis dits éradicateurs, comme le RCD de Saïd Saadi, qui ont soutenu le pouvoir sous prétexte de "lutte contre le fascisme intégriste" ou ceux dits du "pacte de Rome", comme le FFS d’Aït Ahmed, qui ont prêché, avant Bouteflika, la conciliation avec les islamistes. Ceux-là prétendaient que la politique de "la paix avant tout" ouvrait la voie à la démocratie, les généraux étant selon eux incapables de la mettre en œuvre sans laisser la place. Bouteflika est en train de leur infliger un cinglant démenti.

    De nouvelles exactions des classes dirigeantes ne peuvent qu’entraîner de nouvelles explosions sociales comme celle de 1988, donc de nouvelles occasions de renverser ce régime. Mais le problème pour la classe ouvrière est non seulement de se défendre sur le terrain revendicatif mais d’avancer son propre programme politique et social contre les classes dirigeantes et contre la dictature, d’être à la tête des autres couches sociales hostiles à celle-ci. Car il n’y aura ni démocratie ni fin du chômage et de la misère en Algérie sans mettre à bas cette dictature militaire où quelques généraux détiennent l’essentiel des richesses du pays, notamment celles du gaz et du pétrole, n’en partageant le bénéfice qu’avec les pays impérialistes.

    L’impérialisme français satisfait

    Chirac, Jospin, Gayssot et Voynet sont sur la même longueur d’onde pour se dire satisfaits de l’évolution du régime algérien. Le journal " I’Humanité " du 2 août, commentant le propos de Védrine, ministre des affaires étrangères en visite en Algérie et selon qui " I ’alchimie franco-algérienne est à nouveau à l’œuvre ", ajoute : " I’alchimie, un art de transmutation des métaux en or (..) est-ce le cas entre la France et l ’Algérie ? " Et de citer les 23 % de parts de marché occupées par la France en Algérie, " loin devant les USA ", " les 698 millions de francs de solde commercial en faveur de la France " " les 400 millions de francs d ’investissements français qui ont reçu l’agrément des autorités algériennes et qui représentent 40 projets de partenariat industriel. Ces investissements s’ajoutent à ceux conclus dans le secteur pharmaceutique (groupe l’Oréal, Laphal et Rhone Poulenc) et bancaire (Société Générale et Natexis) ", " 2,2 milliards, c ’est le montant des investissements réalisés par Total en association avec la compagnie algérienne Sonatrach pour l’exploitation de pétrole de Hamra dans le sud-est algérien ". On voit comment Bouteflika rassure les sentiments démocratiques et pacifiques de l’impérialisme français.

  • Suite à l’’avant-projet du code travail :
    Le droit de grève est aboli indirectement en Algérie.
    L’’Algérie devient dans le monde le premier pays de non grève.
    Grande victoire pour le patronat

    A la lecture de l’avant-projet, ma première impression est que cet écrit est le fruit d’un employeur ou plutôt d’un patron qui s’est fixé comme but « que plus jamais aucun syndicat ne pourra avoir recours à une grève en Algérie et que le travailleur algérien n’est plus libre et qu’il est obligé d’obéir aux ordres ».
    Lire ici la suite.

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