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Etat d’urgence à Ferguson dans le Missouri

mercredi 20 août 2014, par Robert Paris

Etat d’urgence à Ferguson dans le Missouri

Par Barry Grey

L’instauration de l’état d’urgence et l’imposition d’un couvre-feu sur la ville ouvrière de Ferguson dans le Missouri représente une escalade majeure de la répression paramilitaire des manifestations provoquées par le meurtre de Michael Brown, adolescent afro-américain non armé, commis par la police le 9 août dernier.

L’état d’urgence annoncé samedi par le gouverneur Jay Nixon, un démocrate, s’est accompagné d’un nouveau déploiement de policiers anti-émeute maniant des armes d’assaut et tirant du gaz lacrymogène et soutenus par des véhicules blindés et des hélicoptères militaires. Sept autres résidents ont été arrêtés dimanche matin pour avoir défié le couvre-feu nocturne imposé de minuit à 5 heures du matin et une personne a été blessée par balles et se trouve dans un état grave.

L’escalade de la répression d’Etat a rapidement révélé l’imposture du soi-disant « dialogue » et « transparence » mis en avant par Nixon et Ron Johnson, capitaine de police du Missouri, choisi par Nixon pour s’occuper des opérations de sécurité dans la banlieue de St Louis. Avec l’aide de divers politiciens et opérateurs démocrates tels Al Sharpton et Jesse Jackson, Nixon qui travaille en étroite consultation avec le gouvernement Obama, a exécuté une manoeuvre pour gagner du temps.

Les nouvelles mesures, suspendant de fait les libertés civiles et accordant de vastes pouvoirs au gouverneur et une marge de manoeuvre plus importante encore à la police, font qu’il est impossible de maintenir de façon crédible la thèse que la répression menée en début de semaine dernière par la police de Ferguson était le fait de forces de l’ordre sans scrupules et hors de contrôle.

La répression par des forces de police militarisées et la suspension des droits démocratiques à Ferguson ne sont pas un simple problème local. Et ces événements ne sont pas non plus fondamentalement une question ethnique malgré l’intensification des efforts du gouvernement et des médias pour dire le contraire. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour entendre le capitaine Johnson, afro-américain originaire de Ferguson, déclarer qu’il soutenait l’état d’urgence, le couvre-feu et le redéploiement de véhicules blindés et de la police anti-émeute paramilitaire contre des manifestants principalement afro-américains.

Les événements de Ferguson sont un concentré de l’état réel des relations politiques et sociales en Amérique. Les Etats-Unis sont un pays déchiré par les tensions de classes. Les travailleurs et les jeunes de villes comme Ferguson et de bien d’autres villes dans le pays, sont confrontés à un chômage de masse, à la baisse des salaires et du niveau de vie et à la destruction des services sociaux de base.

Dans le même temps, une nouvelle aristocratie, dont la fortune immense provient en très grande partie de la spéculation financière de nature parasitaire et quasi-criminelle, accapare une part toujours plus importante de la richesse et des revenus nationaux. Cette élite dirigeante est terrifiée par le spectre d’une opposition sociale de la part de la classe ouvrière. Elle se prépare donc en conséquence depuis déjà un long moment.

Au cours des quelques décennies passées, la classe dirigeante, sous des gouvernements tant démocrates que républicains, a bâti un immense appareil militaro-policier et du renseignement, qui n’a pas à répondre de ses actes et qui sert à défendre ses intérêts économiques et sociaux. Au cours des quinze dernières années notamment elle a systématiquement transformé les services de police de tout le pays en des forces paramilitaires qu’il est difficile de distinguer de l’armée.

Le Pentagone et d’autres agences nationales ont distribué des milliards de dollars d’armements militaires à la police locale, allant d’hélicoptères d’attaque à des chars, des avions et des drones en passant par des fusils d’assaut, des lance-grenades, des gilets pare-balles et des lunettes à vision infrarouge. Ils ont formé la police locale à voir la population ouvrière de leur ville comme l’ennemi à réprimer dans le sang en utilisant les tactiques de la guerre urbaine.

De très nombreuses études faites par des agences militaires et du renseignement et des universitaires ont été faites sur les techniques de répression de masse au sein des Etats-Unis. Un récent document de stratégie du Pentagone sur la guerre urbaine à l’intérieur du pays fait référence aux « disparités de revenus radicales » comme étant le « principal moteur d’instabilité. »

Une étude universitaire de 2006 intitulée « Un monstre de surveillance policière paramilitaire » fait remarquer que « La société de surveillance Blackwater [renommée Xe en 2009], à présent tristement célèbre, a formé des policiers en civil aux aspects plus techniques de la guerre urbaine. » Il s’agit de cette entreprise dont les mercenaires avaient perpétré des tueries de masse durant l’occupation américaine de l’Irak.

Aux Etats-Unis les policiers sont formés à voir leur population locale de la même façon que les soldats américains étaient formés à voir les habitants de Fallouja. Etant donné la réaction de la classe dirigeante face à l’agitation sociale d’une petite banlieue du Missouri de 21 000 habitants, on peut imaginer ce qui est en train de se préparer pour les grandes villes comme New York, Detroit, Chicago et Los Angeles.

La militarisation de la police n’est qu’une facette de la construction de l’appareil d’Etat de la répression. Sous prétexte d’une « guerre contre le terrorisme » on détruit tous les droits démocratiques fondamentaux. Le Patriot Act a ouvert la voie à l’espionnage généralisé de chaque Américain par la NSA, le FBI et la CIA, en liaison avec la police locale et d’Etat. Le ministère de la Sécurité intérieure a mis en place une énorme source de financement et une chambre de compensation pour l’accroissement des forces de police dans le pays. Le commandement du Nord a mis en place pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis un commandement militaire couvrant les Etats-Unis.

Toutes ces agences ont été étendues sous Obama qui fait valoir le droit de détenir et même d’assassiner des citoyens américains sans respecter les procédures normales, et reconnaît même l’avoir fait.

La militarisation des Etats-Unis et la mise en place du cadre d’un Etat policier vont de pair avec les agressions militaires et les guerres sans fin. Il n’existe pas de barrière étanche entre politique étrangère et politique intérieure. Le militarisme et la criminalité à l’étranger engendrent inévitablement la destruction de la démocratie dans le pays. Alors même que la classe dirigeante américaine mène la guerre à l’étranger, elle considère les Etats-Unis comme un champ de bataille et la classe ouvrière comme l’ennemi.

La guerre impérialiste tout comme la destruction de la démocratie sont motivées par le vaste déclin de la position économique du capitalisme américain dans le monde, intensifié par l’effondrement du capitalisme américain et mondial lors du krash de Wall Street en 2008 et qui ne cesse de s’aggraver depuis six ans.

Il est frappant que dans les commentaires incessants des médias sur les événements de Ferguson, il n’y ait quasiment aucune référence à la situation économique et sociale catastrophique qui sous-tend à la fois l’intensification de la répression policière et l’éruption de la colère populaire qui s’ensuit. On ne se douterait pas qu’un habitant de St Louis sur quatre vit dans la pauvreté. Ou que la fermeture systématique des entreprises automobiles, des brasseries et autres entreprises manufacturières a conduit à la perte de deux tiers de la population de St Louis depuis 1950. Ou que 47 pour cent des hommes d’origine afro-américaine âgés de 16 à 24 ans dans cette zone métropolitaine sont au chômage.

Les commentateurs, avocats, universitaires, prêcheurs et politiciens aisés, afro-américains pour la plupart, qui sont mis sur le devant de la scène devant les caméras de télévision n’osent même pas mentionner de tels faits. Ils sont pétrifiés à l’idée de soulever une quelconque question qui fasse référence aux clivages de classes, et le système économique et politique capitaliste qu’ils défendent n’a rien à proposer pour répondre à la crise sociale.

Contrairement aux années 1960 où la classe dirigeante américaine réagissait aux soulèvements urbains en concédant de modestes réformes sociales, aujourd’hui elle n’a rien à proposer sinon l’austérité et davantage de répression.

Les événements de Ferguson doivent servir d’avertissement. Les préparatifs pour une dictature sont très avancés. La question des meurtres commis par la police, ainsi que toutes les autres attaques contre les droits démocratiques, est une question politique qui confronte de manière pressante l’ensemble de la classe ouvrière.

L’opposition est vaste au sein de la classe ouvrière à l’intensification des inégalités sociales, à la guerre et à la répression. La défense des droits démocratiques doit être reliée à la lutte contre les guerres impérialistes et à la lutte pour garantir les droits sociaux fondamentaux de la classe ouvrière : le droit à un emploi décemment rémunéré, le doit à l’éducation, à la santé, au logement, à l’accès à la culture et à une retraite confortable.

Il faut mettre fin à la répression policière et à l’espionnage d’Etat policier en démantelant le ministère de la Sécurité intérieure, le commandement du Nord, la NSA, la CIA, le FBI et le Pentagone.

Les manifestations de Ferguson ne font qu’annoncer les soulèvements sociaux à venir. Ce qui est requis de toute urgence c’est un programme révolutionnaire clair et une direction pour transformer ces luttes en un mouvement politique indépendant contre les deux partis du patronat et contre le système capitaliste de profit.

Cette direction pour la classe ouvrière est le Socialist Equality Party (SEP, Parti de l’Egalité socialiste) qui est le seul à lutter pour un programme socialiste international contre la guerre, les inégalités sociales et la poussée vers la dictature. La tâche à laquelle sont confrontés les travailleurs, les jeunes et les étudiants ayant une conscience de classe est de prendre la décision de rejoindre et de construire le SEP.

Messages

  • L’assassinat de Ferguson et le soutien d’Obama à la police de Ferguson répondent à tous ceux qui croyaient que l’élection d’Obama représentaient a moins une avancée pour les Noirs. Mais elle ne représente ni une avancée pour l’état social des USA (plus de pauvres que jamais et moins d’aides sociales) ni une avancée pour la paix du monde : plus de guerres que jamais dans lesquelles sont impliqués les USA.

  • Les manifestations se poursuivent à Ferguson après la mort de Michael Brown, adolescent noir abattu par un policier le 9 août dernier, alors que la garde nationale vient d’être mobilisée pour les réprimer. L’opinion publique prend la mesure d’une réalité ancienne : celle d’une police aux méthodes souvent brutales et dont les principales victimes sont noires.

  • A Ferguson, "être jeune et noir suffit à vous rendre suspect"...

    Ils m’ont pris pour un autre. Heureusement, je n’ai rien dit. Sinon, je serai sans doute mort, dit l’un d’eux.

    C’est très banal par ici. Quand ils n’ont pas de preuves, ils les fabriquent, dis un autre...

  • Les funérailles du jeune homme de 18 ans ont commencé vers 10h30 heures locales à Saint-Louis, dans une église baptiste comble, qui peut accueillir 5 000 fidèles.
    La foule était telle qu’une salle supplémentaire de 2 500 places a également été remplie non loin de l’église Friendly Temple Missionary, aux abords de laquelle étaient massés nombre de journalistes et de caméras sous une chaleur étouffante dépassant les 40 degrés.

    Michael Brown, abattu le 9 août en pleine journée par un policier blanc alors qu’il n’était pas armé, doit être ensuite enterré en présence de sa famille au cimetière St Peters de Saint-Louis. Le jeune homme, qui était sur le point de commencer des études supérieures, a été tué par le policier Darren Wilson une vingtaine de minutes après avoir volé une boite de cigares dans un magasin de spiritueux de cette banlieue de Saint-Louis.

    Les versions de la police et de plusieurs témoins diffèrent. Pour les uns, Michael Brown aurait tenté de se saisir de l’arme du policier qui l’a abattu. Pour d’autres témoins, dont l’ami de Michael Brown qui l’accompagnait, il avait les mains en l’air. Selon les autopsies diligentées par la famille et le ministère américain de la Justice, le jeune homme a été atteint d’au moins six balles.

    Le capitaine de police Ron Johnson, qui a géré les émeutes de Ferguson, était également présent, ainsi que les familles de récentes victimes de bavures supposées racistes, comme Sean Bell tué par la police en 2006 à New York ou Trayvon Martin abattu par un vigile de quartier en 2012 en Floride.

  • Depuis 1993, la criminalité s’est effondrée dans les villes américaines, alors que la population carcérale a été multipliée par cinq en vingt ans. Aujourd’hui, plus de 2,2 millions de personnes sont en prison, dont 45 % sont noires. L’incarcération de masse a des effets terribles dans les quartiers noirs, où les enfants grandissent sans père ni tissu communautaire, où les ex-détenus sont exclus du marché du travail, et où la moitié des adolescents noirs sans diplôme ira en prison au cours de sa vie adulte. La prison est devenue une expérience structurante de la vie de générations entières d’hommes noirs américains.

    Selon la police, le « crime » de Michael Brown est d’avoir traversé la rue en dehors du passage piéton. Les polices américaines en sont venues à s’intéresser à des infractions aussi vénielles parce qu’elles ont une approche statistique de leur métier. Grâce à des logiciels de cartographie, les policiers identifient les zones criminogènes et allouent les moyens humains, avec pour mission d’arrêter autant de « suspects potentiels » que possible.

    Tous les individus commettant des infractions, même mineures, sont arrêtés « préventivement », avant qu’ils ne commettent un crime plus grave, comme le prédisent les statistiques. Pressés par la logique des indicateurs de performance, les policiers contrôlent et fouillent massivement les jeunes hommes des minorités raciales.

    Ferguson est une banlieue résidentielle historiquement blanche, devenue noire durant les années 1980. Mais le pouvoir local est resté aux mains des Blancs. La police est à 90 % blanche. Les emplois publics et les subventions municipales n’ont pas profité à la majorité noire. De plus, les Noirs, à Ferguson et ailleurs, ont connu, durant les années 2000, une illusion de prospérité financée par des prêts hypothécaires à risques (subprimes), après des décennies de discriminations sur le marché du crédit. Le salaire médian des familles noires a stagné durant cette période, et les écarts de patrimoine entre Blancs et Noirs se sont accrus. Les coûts de l’éducation, de la santé et du logement ont augmenté, devenant hors de portée des familles avec deux revenus moyens. Enfin, la revalorisation foncière des villes américaines depuis 1990 et le déplacement de la pauvreté vers les banlieues ont déstabilisé le tissu historique des organisations locales de soutien aux pauvres. Pour les Noirs américains, c’est l’ensemble des forces de légitimation du système social qui s’est érodé durant les années 2000.

    La mort de Michael Brown, le 9 août, a déclenché un mouvement de protestation qui dure depuis presque deux semaines à Ferguson (Missouri), avec plus de 160 arrestations, un couvre-feu et l’intervention de la garde nationale. La violence de la répression des manifestations à Ferguson est à replacer dans un contexte institutionnel. Il y a plus de 18 000 services de police aux Etats-Unis, répartis entre la ville, le comté, l’Etat et le gouvernement fédéral. Chacun a sa hiérarchie, son budget, ses moyens humains. Ce sont les policiers de chaque ville qui gèrent les émeutes, sans qu’ils y soient formés. Composées de personnels souvent issus de l’armée et préoccupées par les armes que peuvent posséder les criminels, les polices américaines dépensent des sommes considérables dans du matériel militaire (lance-grenades, mitrailleuses, véhicules blindés, etc.) qu’ils utilisent quand la situation les dépasse. Les manifestations ne sont pas considérées comme un mode légitime d’expression politique aux Etats-Unis, et leur répression les réduit à l’émeute, sans que le message politique soit entendu.

  • Un nouveau Noir mort, tué par un flic blanc !!!

    Un policier, qui travaillait pour une société de sécurité privée, a abattu un jeune homme noir de 18 ans à Saint-Louis.

  • Des dizaines de personnes ont manifesté leur colère mercredi soir après une nouvelle confrontation fatale entre un policier et un jeune Noir à Saint Louis (Missouri), dont la banlieue Ferguson a été le théâtre de violentes émeutes raciales en août dernier.

    Le policier qui travaillait alors pour une société de sécurité privée a tiré et tué un Noir de 18 ans qui l’avait pris pour cible lors d’une confrontation dans la rue, a expliqué le chef de la police Sam Dotson, sans préciser la race du policier.

  • Le chef de la police de Ferguson a démissionné, après la publication d’un rapport accablant sur les méthodes des forces de l’ordre, dénonçant des abus récurrents commis contre les Afro-Américains. Une ville sous tension depuis août, lorsqu’un policier blanc avait tué avec son arme de service Michael Brown, un adolescent noir de 18 ans désarmé, lors d’un contrôle de routine.

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