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Entre animal et végétal, le chaînon manquant ?

vendredi 26 septembre 2014, par Robert Paris

Entre animal et végétal, le chaînon manquant ?

On croit souvent qu’il serait facile de distinguer l’animal du végétal et que l’immobilité de la base du dernier et son fonctionnement chlorophyllien par exemple seraient des critères simples permettant d’opposer de manière diamétrale les deux domaines, encore appelés faussement le « règne » végétal et le « règne » animal…

Tout cela est en réalité parfaitement dépassé dans les études scientifiques contemporaines.

Il y a bien opposition entre végétal et animal mais c’est une opposition dialectique, comme dans toutes les « évolutions » du vivant… comme nous allons tenter de l’exposer.

Rappelons tout d’abord qu’être vivant, c’est produire de la nouveauté sur la base d’une destruction de l’état ancien. La vie cellulaire n’est déjà rien d’autre qu’une naissance de nouvelles cellules par la destruction d’anciennes…

Le mode de fonctionnement génétique, lui-même, est fondé en même temps sur la conservation et la réplication, tout en possédant de multiples moyens de créer de la nouveauté, de l’inhiber ou de la laisser s’exprimer, créant espèces, branchements, …
Stephen Jay Gould écrit ainsi dans « Cette vision de la vie » :

« L’évolution procède par embranchements, et non par métamorphose d’une forme à une autre, l’ancien disparaissant dans le triomphe du nouveau… »

« Avec chaque niveau d’organisation, apparaissent des nouveautés, tant de propriétés que de logiques. (…) Une dialectique fait s’interpénétrer les contraires et s’engendrer la qualité et la quantité. » écrit François Jacob dans « La logique du vivant ».

L’un des points qui montrent le caractère dialectique de la relation végétal/animal est l’existence de multiples interactions constructives entre ces deux domaines « opposés »… Il est bien connu que nombre d’espèces animales et végétales vivent en interaction permanente et qui sont aussi nécessaires aux végétaux qu’aux animaux… En étudiant par exemple le monde végétal et celui des insectes, il apparaît presque évident que leurs vies sont intimement liées et inter-dépendantes. Il y a eu coévolution des plantes et des animaux.

Tout d’abord, quelques erreurs classiques sur les définitions de « végétal » et d’ « animal » et sur leur prétendue opposition diamétrale, et sur leur prétendue frontière infranchissable…

Au niveau des Protistes, aucune frontière nette n’existe entre Végétaux et Animaux, à un niveau d’organisation plus élevé, les spécialisations animale et végétale ne font plus de doute. Le matériau vivant fondamental, le protoplasme, est identique dans les deux règnes, quel que soit le niveau d’évolution considéré : dans toute cellule vivante animale ou végétale, on observe les mêmes organites autoreproductibles (noyaux et chromosomes, mitochondries), les mêmes structures cytoplasmiques (réticulum, dictyosomes, ribosomes), les mêmes relations entre tous ces éléments. Ces caractères structuraux similaires témoignent d’une identité de fonctionnement : la constitution et la synthèse des lipoprotéides protoplasmiques et des acides nucléiques, les mécanismes enzymatiques, la respiration, l’information génétique à chaque stade du développement sont fondamentalement les mêmes chez les Animaux et chez les Végétaux ; la biologie générale, la physiologie générale, la génétique sont des sciences communes aux Végétaux et aux Animaux. Les différences entre les deux règnes signifient que les Végétaux, d’une part, les Animaux, d’autre part, ont, à partir d’un protoplasme identique, structuralement et fonctionnellement, édifié des organismes construits suivant deux modalités opposées et complémentaires ; une évidente solidarité existe entre Animaux et Végétaux ; les uns et les autres se sont partagés à leur manière, et suivant leurs aptitudes respectives, les milieux offerts par la terre pendant les milliards d’années écoulées depuis la naissance de la vie.
Les animaux comme les végétaux sont des eucaryotes. On a d’abord cru qu’ils avaient divergé à partir d’un ancêtre eucaryote, pour donner deux embranchements monophylétiques (un seul phylum animal et un seul phylum végétal).

Il est exact que tous les végétaux ont la même origine ainsi que tous les végétaux. La séparation historique est indiscutable mais cela ne signifie pas que l’opposition entre la voie végétale et la voie animale du vivant soit diamétrale… Et cela ne signifie pas qu’il y ait une seule séparation avec d’un côté un seul phylum animal et, de l’autre, un seul phylum végétal…

Marc-André Sélosse explique dans « Les végétaux existent-ils ? » :

« Puisque le concept de végétaux évolue, peut-on encore appliquer l’ancienne opposition entre animaux et végétaux, et individualiser les animaux ? Ce terme regroupait tous les organismes hétérotrophes (donc incapables de photosynthèse) et généralement mobiles. Il réunissait les animaux pluricellulaires– les métazoaires – et l’ensemble des unicellulaires hétérotrophes collectivement nommés « protozoaires ». Ce terme (proto) sous-entendait que leur apparition avait précédé celle des métazoaires. Or, si les métazoaires sont bien monophylétiques, les protozoaires sont constitués de nombreuses lignées indépendantes, dont les métazoaires ne dérivent pas. Les « animaux » ne sont donc pas monophylétiques ! »

Animal et végétal sont fondés sur le même mécanisme cellulaire global, sur la même rythmologie du développement, sur le même mécanisme de sélection naturelle, sur le même mode évolutif global, etc… Dans leur ouvrage « Les rythmes du vivant », Boissin et Canguilhem écrivent : « un des grands problèmes commun aux animaux et aux végétaux est l’anticipation c’est-à-dire l’adaptation des êtres vivants à leur environnement par l’utilisation des horloges biologiques. »
La frontière entre le monde végétal et animal n’est pas aussi précise et simple que l’on pourrait le penser, par exemple fondée sur des fonctions opposées, des fonctionnements opposés, des critères opposés diamétralement. Le critère de mobilité, par exemple, n’est pas un bon critère : certaines algues (mais faut-il parler de "végétaux" pour les algues ?) ont des stades mobiles (cellules ciliées...) tandis que certains animaux sont immobiles...

Pour l’animal, celle-ci se distingue principalement par sa capacité de mouvements et de sensations qui lui permet de se diriger et de prendre des décisions grâce à la vue, l’odorat, l’ouïe, le toucher et le goût.

Les végétaux ont certaines capacités de mouvements, mais ceux-ci sont en général lents et liés à la terre avec laquelle ils puisent leur nourriture. Les végétaux ont, eux aussi, des capacité de perception des molécules émises par d’autres végétaux…

Pour commencer, disons qu’aucun caractère précis ne distingue, nettement, indiscutablement et définitivement, la plante de l’animal. Les essais tentés pour définir rigoureusement les deux règnes ont toujours échoué. Il n’est pas une seule propriété de la vie végétale qui ne se soit retrouvée, à quelque degré, chez certains animaux, pas un seul trait caractéristique de l’animal qu’on n’ait pu observer chez certaines espèces, ou à certains moments, dans le monde végétal.
Il existe en effet des animaux bizarres aux allures végétales : les éponges, les coraux, les anémones de mer, certains sénateurs… Ces animaux sont dits « zoophytes » et leur existence même démontre que la différence entre les deux règnes n’est pas si simple à établir.
La première définition intéressante, tentant de séparer nettement animaux et végétaux, est la suivante :

 Les végétaux sont autotrophes et sont capables de croître à partir d’éléments minéraux, d’eau et de lumière. Ce sont des producteurs primaires de matière biologique/organique (1er maillon des chaînes alimentaires).

 Les animaux (comme les champignons qui ne sont ni animaux ni végétaux) sont hétérotrophes et doivent assimiler de la matière biologique/organique (végétale ou animale) pour assurer leur croissance.
On peut se dire que les végétaux sont autotrophes et sont capables de croître à partir d’éléments minéraux, d’eau et de lumière. Ce sont des producteurs primaires de matière biologique/organique (1er maillon des chaînes alimentaires). Mais ceci ne semble pas vrai pour tous les végétaux : certains végétaux (orobanches, cuscute, certaines orchidées comme la néotie...) sont non-chlorophylliens. En aucun cas la photosynthèse ne permet de regrouper ensemble des végétaux ! Si on créait artificiellement un groupe de tous les êtres vivants dotés de plastes, ces organites contenant de la chlorophylle, on obtiendrait un ensemble non monophylétique et n’ayant aucun ancêtre commun de tous ses membres…

Donc il n’est pas possible de regrouper ensemble les eucaryotes ayant un fonctionnement chlorophyllien.

Les critères du végétal et de l’animal sont loin d’être aussi évidents qu’il y paraît. On peut même dire qu’une expression comme « végétal » n’a pas de signification précise au sens phylogénétique.
Le fait d’avoir un ancêtre commun a un sens. Mais ce n’est pas le seul point de l’évolution. Il peut y avoir des croisements évolutifs dans lesquels deux espèces s’échangent des éléments évolutifs. C’est l’évolution par fusion. Il peut y avoir transmissions de gènes d’une espèce à une autre. Il peut y avoir absorption d’un animal par un autre. Les frontières des espèces et des branches ne sont pas étanches…Du coup, de espèces qui se ressemblent, on en commun des propriétés ou des modes de fonctionnement ne sont pas nécessairement plus proches par apparentement !

Le mode de raisonnement par classification permanente, par séparation en tiroirs doit définitivement être abandonné.

Déjà, il faut comprendre que l’animal comme le végétal sont des êtres vivants macroscopiques, c’est-à-dire que la gravitation est un phénomène fondamental de leur existence. Tous les êtres pluricellulaires ont une échelle suffisamment importante pour entrer dans le domaine où la force principale est la gravitation. Vaincre la gravitation est un problème des animaux qui se déplacent mais il l’est aussi des plantes qui, même si elles ne changent pas de base dans le sol, se déplacent… vers le haut. Cependant, le fondement du vivant, lui, n’est pas à la même échelle. La cellule est d’une taille inférieure à 0,1 mm alors que l’être vivant animal ou végétal est d’une taille supérieure à 1 mm. Entre les deux, il n’existe quasiment aucun animal et aucun végétal. En effet, dans les deux domaines d’existence (en dessous de 0,1 mm et au dessus de 1 mm), les lois physiques ne sont pas les mêmes. Pour les plus petits organismes comme la cellule, la gravitation n’intervient pas et les forces déterminantes deviennent dès lors la tension superficielle, la viscosité, le frottement et le mouvement brownien, forces peu sensibles dans la plupart des phénomènes à notre échelle. Or tous les animaux et tous les végétaux sont formés de cellules. Ils sont donc fondamentalement contradictoires car ils obéissent à la fois à deux logiques contradictoires, le monde de la gravitation qui reconnait les verticales comme des directions particulières et le monde sans la gravitation qui ne reconnait pas cette rupture de symétrie. La discontinuité entre ces deux mondes (appelée le hiatus) subsiste et les deux mondes sont interdépendants à la fois chez les animaux et chez les plantes. L’apparition ou émergence des structures d’organisation des animaux et des plantes provient de la coopération d’un très grand nombre de cellules eucaryotes (avec un noyau cellulaire), émergence qui s’est produite il y a environ deux milliards d’années (apparition des pluricellulaires). La séparation entre animaux et plantes date de 700 millions d’années. Les formes de vie complexe comme les végétaux et les animaux dateraient de 700 millions d’années. La vie pluricellulaire daterait d’il y 2,1 milliards d’années alors que la vie unicellulaire naîtrait il y a 3,5 milliards d’années.

La rupture entre animaux et plantes, alors que les deux sont fondés sur le même fonctionnement de base de la cellule eucaryote provient d’une opposition entre le mode de gestion de l’énergie : par photosynthèse pour les plantes et par ingestion d’aliments pour les animaux. Il en résulte que l’action de surface est externe pour la plante et interne pour l’animal. La première développe des structures fractales externes pour maximiser sa surface extérieure afin d’absorber le plus de lumière possible. Le second développe des structures fractales intérieures pour maximiser la surface d’action sur la nourriture et sur l’oxygène, par exemple. Alors que la plante agglomère les cellules de manière compacte, l’animal utilise l’apoptose (suicide cellulaire) pour sculpter des structures internes en creux.

La divergence n’est pas seulement au niveau du mode d’organisation des cellules eucaryotes mais des cellules elles-mêmes. La taille déjà les différencie : la cellule végétale est plus grande. La cellule végétale adulte mesure 100 micromètres de long alors que la cellule animale mesure de 10 à 20 micromètres. La cellule végétale est pleine d’armes chimiques défensives (oxalate de calcium, anthocyanes, flavonoïdes, composés cyanogènes, etc) alors que l’animal a d’autres solutions pour se défendre des agressions de son environnement. On constate dans les cellules végétales la présence de plastes (petites cellules dépourvues de noyau qui sont des cyanobactéries intégrées par la cellule végétale) alors que les cellules animales en sont dépourvues. Les plastes n’ont pas un caractère secondaire pour la plante. Il y a trois sortes de plastes : les chloroplastes qui assure la synthèse des glucides en utilisant le gaz carbonique atmosphérique, les amyloplastes qui stockent l’amidon et les chromoplastes qui sont bourrés de pigments assurant la coloration des fleurs et des fruits, couleurs indispensables à l’interaction avec les animaux qui elle-même est nécessaire à la dissémination des gamètes et à la procréation des plantes.

La plante n’a que trois sortes d’organes et ses cellules restent totipotentes (elles ne se spécialisent pas contrairement aux cellules animales).

La cellule végétale a des fonctionnements supplémentaires par rapport à la cellule animale : elle rajoute au fonctionnement cellulaire animal les fonctions supplémentaires : synthèse de la chlorophylle, photosynthèse, production de métabolites (flavonoïdes, phytochrome, caréténoïdes, coumarine, lignine, anthocyanes, alcaloïdes, etc).
Tous ces fonctionnements ont un caractère dialectique. Par exemple, les produits nocifs nécessaires pour écarter les animaux prédateurs sont utilisés de manière sélective car, à certains moments, il convient d’attirer ces animaux. Ils ne sont pas produits en permanence mais seulement si l’agression dépasse un certain seuil ou se produit à un moment inadéquat.

Les mécanismes de protection ne sont donc pas les mêmes y compris de manière interne puisque les plantes n’ont de système immunitaire du même type que les animaux.

Le mode de croissance n’est pas non plus le même puisque l’animal croit en faisant grandir l’ensemble des parties (homothétie) alors que la partie ancienne de la plante se conserve et se complète (en hauteur ou en bout) par des parties nouvelles. L’animal possède dès le début l’ensemble de ses parties qui ne font que changer de taille alors que la plante produit sans cesse de nouvelles parties. La plante est le lieu de nouvelles naissances alors que l’animal ne nait qu’une fois. La plante produit sans cesse de nouveaux germes.

La naissance n’a pas le même caractère chez les animaux et chez les plantes et la transmission sexuelle ou génétique non plus. Il n’y a pas, chez les plantes, de germen fabriqué dès la naissance de manière séparée du soma, contrairement aux animaux.

Il y a une véritable opposition de conception de structure entre animaux et plantes et pourtant les deux sont devenus complètement imbriqués au point qu’il est difficile de concevoir maintenant le fonctionnement de l’un sans l’autre. C’est une opposition dialectique et non diamétrale.

Même Francis Hallé qui souligne les oppositions entre animaux et végétaux, écrit : « Cellules eucaryotes animales et végétales ont en commun bon nombre de dispositifs structuraux et d’organites. Ils ne sont ni végétaux ni animaux, mais peuvent être regardés comme des constantes de la cellule eucaryote. » Il cite à la fois pour la cellule de la plante et de l’animal : le noyau cellulaire, le nucléole qui contient les ribosomes, le centre organisateur de la cellule avec deux acides nucléiques, le réseau des feuillets, des sacs et tunnels membranaires, l’appareil de Golgi, les mitochondries, les lysosomes, les perysomes. « Ces constantes de la cellule eucaryote sont extraordinairement anciennes ; elles sont certainement antérieures à la séparation entre les plantes et les animaux, il y a 700 millions d’années… Plantes et animaux ne sont pas les seuls êtres vivants constitués de cellules eucaryotes ; c’est aussi le cas des champignons et des protistes, mais pas celui des bactéries… Le fait d’être constitués de cellules eucaryotes ne signifie pas que leurs cellules soient identiques. Elles le sont au niveau des mécanismes moléculaires fondamentaux : autorégulation de l’ADN, synthèse des protéines, production d’ATP mitochondrial, cycle de Krebs, structuration des membranes, etc, mais, à des niveaux d’intégration plus élevés, ceux qui concernent les structures et les fonctions de la cellule dans son ensemble, des différences remarquables apparaissent entre la cellule animale et la cellule végétale... Animale, la cellule est petite et potentiellement mobile, au moins pendant les phases embryonnaires ; végétale, elle est beaucoup plus grosse, et elle immobile du fait que sa biologie est dominée par la présence de la paroi cellulosique… Même si les solutions, animale et végétale, sont différentes, voire opposées, chacun des deux groupes est capable de faire pratiquement tout ce que sait faire l’autre… Les cellules végétales ne sont pas aussi isolées que la présence des parois cellulosiques pourrait le laisser croire ; chacun communique avec ses voisines par des tunnels ou des plasmodesmes qui permettent le passage du cytoplasme d’une cellule à l’autre. »

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