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Le pacifisme est-il une arme adéquate pour lutter contre la montée vers la troisième guerre mondiale impérialiste ?

jeudi 11 septembre 2014, par Robert Paris

Le pacifisme est-il une arme adéquate pour lutter contre la montée vers la troisième guerre mondiale impérialiste ?

« La violence joue encore dans l’histoire un autre rôle, un rôle révolutionnaire ; que selon les paroles de Marx, elle soit l’accoucheuse e toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flans ; qu’elle soit l’instrument grâce auquel le mouvement social l’emporte et met en pièces des formes politiques et mortes… »

Engels, « Anti-Dühring »

« Si l’argent, d’après Augier, vient au monde avec une tache naturelle de sang sur la joue, le capital naît dégouttant de sang et de boue des pieds à la tête. »

Karl Marx, « Le Capital »

« Une évolution historique ne peut rester « pacifique » qu’aussi longtemps qu’elle ne rencontre pas des obstacles violents de la part de la classe sociale détentrice du pouvoir. Si, par exemple, en Angleterre ou aux Etats-Unis, la classe ouvrière obtenait la majorité au Parlement ou au Congrès, elle pourrait abolir par la voie légale les lois et les institutions qui gênent son développement et cela dans la seule mesure où le progrès social l’exigerait. Toutefois, le mouvement « pacifique » pourrait se changer en un mouvement « violent » au cas où les hommes intéressés au maintien de l’ordre ancien se révolteraient ; si leur révolte est réprimée par la force (comme dans la guerre civile des Etats-Unis et dans la Révolution française), c’est parce que ces hommes sont des rebelles qui s’opposent à la « force légale ». »

Karl Marx, « Sur le projet de loi antisocialiste »

« L’armement de la bourgeoisie contre le prolétariat est l’un des faits les plus importants, les plus fondamentaux, les plus essentiels de la société capitaliste moderne. Et l’on vient, cela étant, proposer aux social-démocrates révolutionnaires de « revendiquer » le désarmement ! Ce serait renier intégralement le point de vue de classe et renoncer à toute idée de révolution. Notre mot d’ordre doit être l’armement du prolétariat pour qu’il puisse vaincre et exproprier et désarmer la bourgeoisie. C’est la seule tactique possible pour une classe révolutionnaire, une tactique qui résulte de toute l’évolution objective du militarisme capitaliste et qui est prescrite par cette évolution. C’est seulement après que le prolétariat aura désarmé la bourgeoisie qu’il pourra, sans trahir sa mission historique universelle, jeter à la ferraille toutes les armes en général, et il ne manquera pas de le faire, mais alors seulement et en aucune façon avant. »

Lénine, « Le programme de la révolution prolétarienne », septembre 1916

Chaque semaine qui passe, on apprend qu’une nouvelle région du monde est gagnée par la violence guerrière. Avant-hier, c’étaient les USA et leurs alliés, dont l’Europe, qui décidaient de former une « alliance » politique et militaire pour attaquer l’ « Etat islamique » en Irak et en Syrie. Hier, c’était le Yémen qui basculait également dans la violence. Auparavant, il y avait eu les interventions occidentales (dont françaises) en Libye, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Centrafrique, en Somalie, etc., et toutes ces régions, suite à ces guerres, sont très loin d’être sorties de la violence. Les « guerres contre le terrorisme » avaient débuté par les guerres d’Irak et la guerre d’Afghanistan. Toutes ces guerres ont révélé une caractéristique commune : elles sont sans fin et les grandes puissances ne cessent jamais d’y faire la guerre, soit disant pour sauver les populations civiles mais finalement en ne cessant pas de massacrer et de bombarder les civils. Soi-disant pour y rétablir la démocratie mais finalement en y soutenant des régimes pas moisn dictatoriaux que les précédents qu’ils avaient renversé. La violence s’étend inexorablement sur la planète et atteint maintenant le flan Est de l’Europe avec l’Ukraine, après avoir atteint la Yougoslavie. Même là où elle s’était momentanément calmée, la guerre semble prête à repartir comme en Irlande. De prochaines interventions armées des grandes puissances se profilent même, comme au Nigeria où la violence contre les populations atteint aussi des sommets. Ce ne sont pas seulement des bandes armées terroristes qui sont en cause. Le Soudan entre à nouveau en guerre. Les révolutions du monde arabe et du Maghreb sont écrasées dans le sang. Bien entendu, le Moyen Orient n’est pas en dehors de cette montée de la guerre, avec récemment les violences remarquables de la guerre d’Israël à Gaza. Les grandes puissances elles-mêmes menacent de s’affronter, comme la Chine contre la Corée du sud et le Japon, ou comme la Russie contre les USA et l’Europe. Il n’y a aucun hasard à cette recrudescence des massacres des populations. Il n’y a aucun hasard à ce désir des grandes puissances d’intervenir de plus en plus militairement aux quatre coins du monde. Et il n’y a aucun hasard à ce que leurs interventions, loin d’aider les peuples à retrouver la paix et la sécurité, plongent de plus en plus dans le violence, l’insécurité et la misère. Les exemples libyen ou irakien sont suffisamment probants. La guerre des Etats bourgeois ne produit pas la paix. On le sait assez puisqu’on a fêté l’anniversaire de la première guerre mondiale qui a préparé le deuxième guerre mondiale et la manière dont cet anniversaire est traité par les Etats montre assez qu’on est en train de préparer dans les Etats Majors politiques et militaires des classes possédantes la prochaine : le troisième bain de sang mondial.

Malgré la chute de l’URSS, présentée comme la cause des affrontements mondiaux, la guerre ne cesse de gagner en étendue et en gravité. N’y voyez nullement un caractère néfaste en général de l’homme, ni de la collectivité en général. Non, c’est bel et bien la crise du système capitaliste qui produit ces soubresauts violents. Comme la crise de 1907 a produit la guerre de 1914, la crise de 1929 a produit celle de 1939 et la crise de 2007 produira la prochaine guerre mondiale, si nous n’y prenons pas garde… La guerre mondiale est capitaliste et impérialiste. Elle se fait d’abord et avant tout parce que le capitalisme, quand il est en crise, est directement menacé dans son pouvoir sur le monde par le prolétariat et les peuples travailleurs et se défend en faisant basculer le monde dans la violence. La guerre mondiale, même si elle oppose des grandes puissances, a d’abord pour vertu, aux yeux des classes possédantes, de détourner momentanément au moins la colère populaire contre les peuples voisins et de sauver les exploiteurs.

Bien sûr, nous le savons bien, nombre d’idéologies politiques, sociales, religieuses, présentent tout autrement le problème de la violence. C’est l’homme qui serait mauvais et il aurait besoin de la morale pour redresser ses tendances soi-disant naturelles au meurtre… Les religions font partie de ce type de morale et elles ne sont pas les seules. Le pacifisme est une idéologie que l’on retrouve à chaque fois que des hommes se sentent désarmés et ne voient pas quelle peut bien être la logique de la violence qui les frappe.

Mais les morales religieuses ont eu bien le temps de démontrer combien elles ne permettaient nullement de supprimer ou même d’amoindrir la violence. Les Etats ou les bandes armées les plus religieux ne sont pas les moins violents. Déjà l’Ancien Testament qui prônait l’adage « tu ne tueras pas » autorisait les Hébreux à tuer, soi-disant quand le dieu spécifique des Hébreux le leur commandait. Le christianisme qui prônait « la paix de dieu » organisait cependant notamment les grandes croisades en Orient, y répandant le sang pour tout autre chose que la paix… L’exemple de l’Inde et de ses religions « pacifiques » est un autre exemple de bain de sang massif et permanent. Le pacifisme d’un Gandhi ne l’a jamais empêché de participer activement à des guerres, notamment la première guerre mondiale, et de proposer aux Indiens d’y tuer aux côtés du colonisateur anglais. Lire ici

Quant au pacifisme des Etats bourgeois, il est la règle quand il s’agit d’interdire à la population l’usage des armées (sauf aux USA et seulement si la population ne se défend pas contre les flics ou l’armée), mais les Etats eux-mêmes sont bien loin de se l’interdire ! La violence est un monopole de l’Etat et des classes possédantes qui est très bien défendu… les armes à la main. Toutes les lois bourgeoises interdisent de tuer mais autorisent toutes les tueries des polices, des armées, des bandes du capital.

Le pacifisme n’est pas prôné que par les religieux. Il existe nombre de courants pacifistes laïques. Et, plus les guerres se développent dans le monde, plus ces courants nous proposent comme réponse de nous manifester pour clamer soit « paix en Palestine ! », soit « paix en Irak ! », soit « paix en Ukraine ! » ou encore « paix en Afrique », ou bien « paix en Syrie, en Libye, en Irak et au Moyen Orient », etc, etc… On nous propose d’ailleurs toujours de nous mobiliser contre une guerre en particulier sans nous attaquer aux racines de ces guerres ou on nous propose, dans le cas des mouvements pacifistes en général, de nous mobiliser contre « la guerre » en général sans spécifier là non plus quelles sont les causes de la guerre. Il est remarquable à cet égard que dans la masse de documents qui sont livrés au public à propos de la première guerre mondiale il n’y ait quasiment rien sur les véritables causes de celle-ci, rien notamment sur le lien entre cette guerre et la crise mondiale du capitalisme qui avait éclaté auparavant, rien sur la nécessité pour les classes dirigeantes de l’époque d’en profiter pour écraser le mouvement montant de la classe ouvrière et des peuples opprimés des empires. Et il est tout aussi remarquable que l’on n’ait assisté de la part des pacifistes, qu’ils soient ou non religieux, à une manifestation pour dire que la première guerre mondiale n’était pas la guerre « fraîche et joyeuse » et « la fraternité des tranchées » qui nous est décrite ! Pas de manifestation pacifiste le 1er août 2014 dans le monde ! Les extrêmes gauche, elles-mêmes en sont venues à devenir seulement pacifistes et réclament la paix dans le monde capitaliste au lieu de revendiquer ce qui est la seule condition de la paix pour les peuples : la fin du capitalisme et la suppression du pouvoir politique et militaire des capitalistes sur le monde !

Car cette suppression nécessitera la violence tout comme la fin du chômage et de la misère nécessitera que les travailleurs et les peuples interviennent face aux Etats qui défendent le monopole de toutes les richesses par la classe capitaliste. Pour protéger les banquiers, les financiers, les bourses, les capitalistes contre les travailleurs et les milieux populaires, il y a une masse d’hommes en armes qui sont là au cas où le mécontentement deviendrait violent et pour l’écraser… Les démocraties cachent cela sous le verbiage de la démocratie, des institutions légales, des la « loi du vote », mais cette violence d’Etat contre les révoltes éventuelles des peuples est bel et bien au service des classes possédantes et pas du citoyen ! On l’a vu récemment dans l’ « Etat démocratique » de Grèce quand la population travailleuse a prétendu contester les sacrifices énormes imposés par les classes possédantes. On le reverra partout ! Le monopole d’Etat de la violence ne garantit même pas contre les bandes armées. Là aussi en Grèce, les forces de l’ordre se gardent bien d’empêcher les violences des forces paramilitaires d’extrême droite…

Les partis politiques de gauche sont eux aussi pacifistes au sens où ils ne proposent nullement le changement social et politique par la révolution. Par contre, à chaque fois qu’ils sont au pouvoir, leur « pacifisme » ne les empêche nullement de participer et même d’organiser les guerres voulues par les classes dirigeantes. Le parti socialiste a été l’organisateur de la guerre de 1914 (par exemple en France, Viviani décideur de l’entrée en guerre, Jules Guesde ministre des armées, Albert Thomas ministre de l’armement, et autres Léon Blum, etc…). Les partis socialistes ont été les grands organisateurs des guerres coloniales également. Le parti stalinien dit « communiste » n’a pas été en reste quand il a pu participer au pouvoir et n’a dénoncé aucune des guerres que menait l’Etat français quand il en faisait partie. Il a même cautionné, par la voix de madame Buffet, le rôle de la France dans le génocide rwandais, la grande œuvre du « socialiste » Mitterrand, un grand pacifiste celui-là !!!

C’est seulement quand les travailleurs et les peuples se révoltent que tous ces réformistes trouvent des accents pacifistes pour refuser le droit des exploités et des opprimés d’en finir avec le pouvoir qui les écrase et avec le classes privilégiées qui les exploitent. Ils prétendent alors qu’il y a d’autres moyens du changement bien plus pacifiques : le bulletin de vote ! On connaît leur discours sur « le changement, c’est maintenant »… Et les centrales syndicales tiennent le même type de propos. Il faut se mobiliser, il faut manifester et ensuite il faut négocier mais il ne faut en découdre trop violemment. Il faut ensuite sagement reprendre le travail. La lutte continue sous d’autres formes… Il faut savoir terminer une grève quand… il y aurait un risque révolutionnaire comme en 1936 !

Pourtant, c’est bien le système capitaliste qui est cause de toutes les violences que subissent les travailleurs et les peuples et il n’y a aucun moyen de le réformer. On ne peut que le renverser de manière révolutionnaire. Et même, on peut dire que plus le mouvement révolutionnaire des travailleurs et des peuples sera massif et violent contre les Etats bourgeois, moins la révolution versera de sang. Plus les travailleurs et les peuples craindront la révolution, la retarderont ou temporiseront et plus les violences des classes dirigeantes seront sanglantes. Elles savent parfaitement que ce qui est à l’ordre du jour depuis la crise de 2007-2008 dont elles sont incapables de sortir, c’est leur propre sortie… du pouvoir sur le monde, du pouvoir d’exploiter et d’opprimer… La seule issue qu’elles trouvent à cette crise, c’est de monter les peuples les uns contre les autres. C’est de faire monter les racismes, les fascismes, les guerres intestines, les haines contre les Roms, contre les immigrés, contre les Musulmans, mais aussi contre les Grecs, contre les Espagnols, contre les Allemands, contre les Roumains, contre les Polonais… Eh oui, l’ « Europe de la paix » nous disaient-ils !

Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage, disait déjà Jaurès. Et les nuages de la crise nous amènent déjà des coups de tonnerre qu’on devrait entendre et reconnaître…

Les pacifistes nous disent : raison de plus pour dire nombreux qu’on est contre la violence, qu’on est contre la guerre, qu’on est contre l’extrême droite, etc, etc…

Bien sûr, on peut les soutenir et on ne manque pas de participer à de multiples manifestations pour la paix. Mais est-ce une perspective réelle pour lutter contre la guerre mondiale impérialiste qui se prépare ? Nous sommes certains que non !

D’ailleurs la première guerre mondiale l’a pleinement démontré. Si on ne pouvait que soutenir un pacifiste honnête comme le tolstoïen Romain Rolland, un des rares pacifistes à ne pas avoir rangé ses idées dans ses poches dès le début du conflit mondial, si on ne peut qu’admirer la constance d’un Jean Jaurès contre la guerre, son assassinat ayant seul permis aux classes dirigeantes de le faire taire, c’est bien la révolution prolétarienne débutée en Russie en 1917 et s’étendant au monde (Europe, Moyen Orient et Asie) qui a contraint les grandes puissances à arrêter la première guerre mondiale en 1918. Aucun des partis réformistes n’a alors soutenu la révolution socialiste qui était la véritable « guerre à la guerre impérialiste », même quand elle a triomphé de la boucherie guerrière. Parce que le réformisme a choisi le camp de la bourgeoisie, il est contraint de la suivre dans toutes les horreurs qu’elle entraîne par pure nécessité de classe d’ailleurs. La violence de classe n’est pas une politique de telle ou telle équipe gouvernementale, de tel ou tel courant politique. C’est l’intérêt des classes dirigeantes et il est soutenu par toutes les couleurs politiques de la gauche à l’extrême droite. C’est seulement aux exploiteurs que la droite, la gauche et l’extrême droite veulent qu’on fiche la paix ! Et, sur ce plan, ils ne diffèrent guère ! Ce qu’ils veulent surtout désarmer, ce sont les luttes ouvrières ! Ceux qu’ils arment et aident, dès qu’ils parviennent au gouvernement, ce sont les capitalistes et les banquiers ! Et, pour cela, ils font tout ce qu’il faut en ne rechignant pas de mettre les mains dans la boue et le sang. Les guerres au quatre coins du monde, tous sont pour, tous les ont prises en charge. Les attaques antisociales aussi, une belle violence de cette société capitaliste « pacifique » ! Et, quand c’est nécessaire, toutes les couleurs politiques de la bourgeoisie laisseront ou aideront le fascisme à venir au pouvoir ! La violence, cette fois, ne leur fera pas peur… Si les classes dirigeantes ont intérêt au fascisme, certains dirigeants social-démocrates ou syndicalistes seront sacrifiés mais aucun d’entre eux ne choisira pour autant la révolution sociale ni le lutte révolutionnaire contre la menace, que ce soit la menace du fascisme, de la dictature, de la guerre ou de la guerre mondiale. Ils ont fait le choix de la société bourgeoise et même quand ils se disent socialistes ou communistes (pour les réformistes staliniens), ils n’en changeront pas, fût-ce au péril de leur vie…

Le pacifisme réformiste n’est pas un adversaire sérieux de la politique violente du grand capital, qu’il s’agisse de la violence guerrière, de la violence fasciste ou de la violence de tous les jours du monde bourgeois, celle du monde du travail… Son principal défaut est de faire le contraire de ce que nous faisons dans ce texte : de donner un caractère abstrait, désincarné, à la guerre que mènent les bourgeoisies aux peuples, en faisant semblant de ne pas en voir le caractère de classe. Cette caractéristique s’étend même à nombre de courants anarchistes qui voient la violence dans l’individu et la collectivité et pas dans une classe sociale particulière. La lutte contre la guerre, contre le fascisme, contre la dictature, contre la violence est conçue par les pacifistes comme une bataille démocratique, comme une bataille d’opinion, censée gagner finalement jusqu’aux membres des classes dirigeantes. Un Jaurès n’a pas cessé de vouloir les convaincre de ne pas se lancer dans la guerre mondiale, jusqu’à son assassinat, il passait plus de temps avec les bourgeois et les hommes politiques pour les en convaincre qu’avec les travailleurs ! Quelque soit le caractère estimable du combat d’un Romain Rolland contre la première guerre mondiale, lui comme d’autres intellectuels ou militants pacifistes du courant zimmerwaldien n’ont pas été jusqu’à soutenir véritablement la révolution russe du moment qu’elle a mené au pouvoir des prolétaires. Les pacifistes peuvent aller jusqu’à être extrêmement fermes dans leur « non à la guerre » mais pas en allant jusqu’à dire non au pouvoir du capitalisme et oui au pouvoir des travailleurs…

Le caractère de classe de la guerre, le caractère de classe des forces armées, des Etats et des gouvernements qui nous font la guerre, le caractère de classe des buts de guerre, tout cela échappe aux pacifistes et ils ne veulent pas les voir car ils estiment que cela nuirait à l’ampleur de leurs manifestations. Ils veulent rassembler tous ceux qui sont contre la guerre, qu’ils soient ou pas contre le capitalisme, qu’ils soient ou pas du côté du prolétariat. Ce faisant, ils s’accrochent à leur illusion : la société bourgeoise pacifique !

Du coup, ils se refusent à aller au fond de la question : qu’est-ce qui mène la société bourgeoise à être de plus en plus violente et ils se gardent d’appeler les prolétaires en particulier à prendre conscience de leur rôle historique particulier dans cette question. Ils opposent l’humanisme à la violence et pas le prolétariat international à la montée des chauvinismes, des racismes, des xénophobies et des sentiments guerriers, de tous les nationalismes et de tous les fascismes qui sont nécessaires au système capitaliste. Ils ne peuvent pas mener un travail visant à faire prendre conscience de la réalité de la menace qui pèse sur toute la société capitaliste incapable de se sortir de sa crise systémique. Ils ne font que rappeler que les guerres mondiales ont été horribles sans dire d’où elles sont venues… Et ils n’ont aucune solution pour empêcher ces guerres puisqu’ils récusent la révolution sociale, seule capable de supprimer le régime capitaliste lui-même, le vrai fauteur de ces guerres mondiales. Ils récusent l’action révolutionnaire des masses opprimées, car ils estiment qu’elle aussi serait de la violence nuisible…

Prêcher le pacifisme n’a jamais permis de convaincre les classes dirigeantes de cesser leurs guerres, leurs dictatures violentes ou leur exploitation quotidienne violente. On ne peut pas convaincre une classe sociale dominante de ce qui est contraire à ses intérêts de classe, même avec la meilleure bonne volonté du monde. L’exemple de Gandhi a été très remarquable : son pacifisme n’a ni rendu le colonialisme anglais moins violent, ni la société indienne qui en est sortie, ni les événements même de l’indépendance (un véritable bain de sang entre Hindoux et Musulmans). Il a seulement milité contre une révolution prolétarienne en Inde et les opprimés ne lui sont redevables que d’avoir changé de maîtres sans changer leur sort, sans s’attaquer à la bourgeoisie capitaliste, ni anglaise, ni indienne, ni mondiale… Il n’a pas milité pour supprimer la violence entre pauvres, celle des castes, celle des classes, ni pour enlever les armes des mains des classes dirigeantes. Ila seulement plaidé pour la paix… Quand les pacifistes dénoncent les violences, les affrontements, y compris ceux organisés par des Etats, ils en restent aux appels au retour aux « relations pacifiques » qui prédominaient selon eux auparavant, entre les peuples, entre les classes, entre les pays. Mais la réalité est tout autre : le monde bourgeois n’a pas connu une minute de ce calme, de cette paix. Ila toujours été bourgeois et le sera toujours, de sa naissance à sa mort. Le capitalisme a été enfanté dans la boue et le sang, comme le relève Karl Marx et il est le produit de cette violence. Sans cette violence, il n’existerait pas de monopole de la propriété des biens de production par une infime minorité. Sans violence, il n’existerait pas de monopole des armes par l’Etat bourgeois. Sans violence, il n’existerait même pas de pouvoir bourgeois car la bourgeoisie n’a pu diriger la société qu’en renversant de manière révolutionnaire l’ancienne société féodale et monarchique. Sans la violence, il n’y aurait pas de capitalisme sur le monde, car il a fallu que la bourgeoisie parte à la conquête coloniale du monde. Il a fallu qu’elle accumule des richesses colossales pour faire démarrer son système et cette « accumulation primitive » a été l’une des phases les plus violentes de l’Histoire, avec notamment la traite des Noirs, le massacre des Indiens, la colonisation de l’Afrique et de l’Asie, les multiples guerres et guerres mondiales et autres « faits de guerre » de la bourgeoisie mondiale conquérante. Tout cela n’était ni des erreurs, ni de dérives, ni des politiques critiquables mais une nécessité pour la domination de la bourgeoisie capitaliste.

L’idée pacifiste du « retour à la paix » suppose que la société bourgeoise ait été fondée sur un tel état de non-violence au départ, ce qui est exactement l’inverse de la vérité historique. Et ce n’est pas dans sa phase nécrophile que le capitalisme va devenir pacifique !

Car c’est le système économique et social du capitalisme qui suppose déjà une violence généralisée contre les exploités et contre les peuples. Il est impossible à l’infime minorité capitaliste de possesseurs de toutes les richesses du sol et du sous-sol, sans la violence concentrée du pouvoir étatique, de maintenir à distance de toutes ces richesses les exploités et les opprimés, de les écarter des coffres-forts de banques, des bourses, des trusts, des assurances, et des armes qui servent à les en écarter. La propriété privée des moyens de production et des capitaux, qui fonde le monde bourgeois, est la violence de base, la racine de toutes les autres. Mais les pacifistes ne la contestent généralement pas ! C’est pourtant là que réside le but des polices et des armées, des appareils d’Etat, de la justice, des prisons, des lois, des constitutions et des administrations bourgeoises : la défense de la sacro sainte propriété du capital !

Quant à l’immense majorité qui n’est pas capitaliste, qui ne possède pas de capitaux à faire fructifier, la première des violences de la société bourgeoise consiste dans le chantage fondamental suivant : trouve à te faire exploiter ou meurt de faim, dors dans la rue, reste malade et crève de froid !

Toutes les violences de cette société en découlent en effet. C’est ce chantage qui permet aux capitalistes d’embaucher et de débaucher à leur guise, d’ouvrir et de fermer des centres d’exploitation, d’en faire éventuellement des bagnes pour ouvriers, mais des bagnes où on demande à entrer, ou on supplie de se faire enfermer !!! C’est encore au nom de la sacro sainte propriété privée du capital que l’on impose le droit inaliénable des possesseurs de capitaux de réduire leurs salariés au chômage, à la misère et finalement à la famine ou à la déchéance. Violence sociale inévitable du moment qu’on considère le capitalisme comme un horizon indépassable…

Même quand le monde bourgeois est « pacifique », traduisez sans trop de guerres qui vous éclatent à la figure, avec seulement des guerres suffisamment lointaines qu’il suffise d’éteindre son téléviseur pour les oublier, eh bien la violence est quotidienne et indispensable à la société bourgeoise. C’est cette violence qui fait qu’on a amené des millions de salariés à travailler dans l’amiante sans leur en signaler le danger. Résultat : 100.000 morts programmés d’ici 2050 selon les experts. C’est cette violence qui cause 2,3 millions de décès par accident du travail dans le monde, soit plus de morts pa accidents ou maladies professionnelles que par toutes les guerres cumulées dans le monde ! C’est cette violence qui cause l’impossibilité pour la plupart des exploités de se soigner. Encore quelques millions de morts ! C’est cette violence qui cause l’impossibilité pour un grand nombre de femmes d’accoucher dans de bonnes conditions. Encore un bilan meurtrier. C’est cette violence des trusts capitalistes qui fait que des épidémies comme Ebola ou le sida soient ou non soignées en fonction du fait qu’elles touchent des populations ou des Etats de pays riches ou pas. Encore des millions de morts au bilan. On ne va quand même pas discuter du droit des trusts pharmaceutiques à investir ou pas leurs capitaux dans des recherches d’antivirus en fonction de la rentabilité qu’elles en attendent. Car ça, c’est le fondement même du capitalisme. Les pacifistes ne cherchent pas à contester cela systématiquement et pourtant c’est l’une des causes de mort les plus importantes sur la planète.

Les militants « non-violents » refusent de voir que la société bourgeoise ne peut exister sans la violence de classe, sans la guerre permanente contre les exploités et les opprimés.

Le premier mot d’une position non violente qui ne soit pas abstraite et impuissante devrait être : suppression de la propriété privée des moyens de production, de commercialisation et des capitaux ! Et pour cela, l’objectif premier devrait être : désarmement des forces répressives au service des bourgeoisie et armement du peuple travailleur organisé en conseils de salariés, en conseils de quartier, en conseils de jeunes, de femmes, de chômeurs, de paysans, etc…

Certes, l’enfantement d’une société nouvelle, en renversant la société capitaliste qui a atteint ses limites, sera violent. Dire le contraire serait un mensonge. Les classes dirigeantes, même en bout de course, ne se laisseront pas faire. Mais la révolution sera infiniment moins violente que la société qu’elle renverse. Rappelons que la révolution bolchevique de 1917 a coûté exactement, en vies humaines, le coût d’une seule journée de la guerre mondiale qu’elle a contraint les classes dirigeantes à arrêter !...

Messages

  • Bien sûr, tout cela ne nous empêche pas de nous retrouver ici ou là aux côtés des pacifistes dans les rues, d’avoir de l’estime pour les plus honnêtes et les plus radicaux d’entre eux. Mais cette possibilité d’action commune contre le pouvoir bourgeois ne signifie pas que le pacifisme soit porteur d’avenir politique et social face à la catastrophe mondiale qui nous menace. Au contraire, le pacifisme est porteur d’une illusion fondamentale sur la possibilité, dans un avenir proche, de conserver le pouvoir des classes dirigeantes capitalistes sans en payer un prix mortel. Nous devons absolument combattre ce mensonge, quitte à nous fâcher avec nos amis pacifistes.

    Parler de paix au sein de la société bourgeoise, c’est semer des illusions non seulement dans les moyens non-violents de transformer la société, par exemple par les élections, c’est semer des illusions dans le caractère de l’Etat, l’Etat des classes dirigeantes pourrait soi-disant choisir la non-violence, et semer des illusions sur les buts des classes dirigeantes, leurs buts économiques et sociaux pourraient être compatibles durablement avec une évolution graduelle et pacifique de la société.

    Ceux qui parlent de « paix entre les peuples » évitent de parler des Etats mais évitent du coup de parler de la réalité des guerres. Celles-ci n’ont pas lieu entre des peuples qui décident eux-mêmes de la guerre. Ce n’est pas le peuple israélien qui est au pouvoir en Israël, pas plus qu’aucun peuple n’est réellement au pouvoir dans aucun Etat bourgeois et, dans la guerre comme dans la paix, ce n’est nullement en fonction des intérêts des peuples, des buts des peuples, de la conscience des peuples, que les classes dirigeantes décident de la guerre et de la paix, mais en fonction des nécessités de leur domination sociale.
    Bien sûr, Lénine et les bolcheviks ont mis en avant l’objectif de la paix (avec la terre et le pain) comme objectif révolutionnaire et ils ont, eux aussi, parlé de paix entre les peuples du moment que les travailleurs ont eu le pouvoir. Mais, justement, toute la différence, c’est qu’ils ont relié les aspirations populaires (non seulement contre la guerre mais contre la misère, contre l’exploitation et contre l’oppression, notamment celle des nationalités) à la nécessité pour le peuple travailleur de renverser le pouvoir d’Etat bourgeois et d’exercer lui-même le pouvoir au travers des soviets, ainsi que de renverser le pouvoir des bourgeoisies impérialistes dans le monde. A partir de ce moment, il avait un sens au nom du peuple travailleur de Russie de proposer au peuple allemand de décider lui-même de fraterniser et d’arrêter ainsi la guerre impérialiste. Jamais Lénine n’a semé d’illusions sur la possibilité pour le pouvoir prolétarien de rester en relations pacifiques avec les pouvoirs bourgeois de la planète.

    Par contre, en conservant le régime bourgeois, l’Etat bourgeois, les buts bourgeois, parler de paix dans le monde d’aujourd’hui, c’est un mirage dans un désert sans eau… C’est, au mieux, l’expression d’une aspiration légitime mais cela n’offre aucun moyen de savoir comment arriver à une oasis ou à un puit !

    Nous sommes entrés dans une époque de crise grave du système de domination, donc à l’époque des révolutions et des contre-révolutions, une époque où les classes dirigeantes déclarent nécessairement la guerre aux peuples et aux travailleurs du monde et c’est une époque où doit être remis au goût du jour le programme révolutionnaire. Nous ne sommes pas particulièrement des adeptes de la violence en soi, du radicalisme pour le radicalisme. Notre problème n’est pas de pousser les travailleurs et les peuples à des ripostes violentes : les attaques des bourgeoisies et de leurs Etats s’en chargent. Notre problème est de pousser à la conscience de la situation mondiale. En particulier, est nécessaire la conscience que la montée de la violence dans le monde d’aujourd’hui n’est pas en soi le terrorisme, ni en soi le djihadisme, ni en soi la Russie ou le Moyen Orient, ni le monde musulman : c’est la crise économique du monde capitaliste qui est une crise fondamentale et non conjoncturelle et qui n’a d’autre issue que la fin du capitalisme et l’accession au pouvoir du peuple travailleur sur le monde. Il n’y a pas d’autre alternative et aucun moyen de ramener les classes dirigeantes à des sentiments et des actes plus pacifiques. Il n’y a aucune raison que les classes dirigeantes laissent venir une situation où elles vont être menacées par une montée révolutionnaire. Il n’y aurait rien de plus criminel que de faire croire que les classes dirigeantes vont se laisser faire. Non, elles préfèreront toutes les guerres, toutes les guerres civiles, tous les fascismes et toutes les dictatures, tous les génocides et massacres de masse plutôt que de risquer de perdre leur pouvoir sur le monde. La crise actuelle du capaitalisme n’est rien d’autre que l’incapacité des capitaux privés à continuer de s’investir avec suffisamment de profit dans le travail productif, source de plus-value et son incapacité à vivre dorénavant d’autre chose que des aides des banques centrales et des Etats. Les expédients dont usent tous les Etats pour faire durer la situation issue de la crise de 2007 ne sert qu’à détourner les peuples de la révolution sociale en semant les germes de la violence contre-révolutionnaire. La dérive violente du monde bourgeois n’est pas une politique d’un courant, d’un pays, d’une région, d’un parti mais une conséquence inévitable d’une crise systémique inévitable. Personne ne pourra empêcher les bourgeoisies et les Etats de semer de plus en plus la haine entre les peuples et il ne suffira pas de prêcher la paix au sein des opinions publiques pour contrer cette politique.

    Il va y avoir, dans le monde entier, une violence considérablement aggravée dans les années qui viennent, non pas parce que les révolutionnaires en sont partisans, ni parce que les peuples ou les travailleurs seraient eux-mêmes violents mais parce que le système qui a longtemps dominé le monde est mort et doit être enterré, qu’il le veuille ou pas. Et il ne se laissera certainement pas faire et préfèrera n’importe quelle horreur plutôt que de laisser la place, même si son système est historiquement dépassé et n’est plus capable de fonctionner…

    La principale impuissance des pacifistes est leur incapacité à voir quelle la vraie force capable d’en finir avec la source permanente de violence, le système d’exploitation capitaliste, qu’est le prolétariat et leur incapacité à faire le choix de développer dans ce prolétariat la conscience de ses tâches d’avenir, à savoir, au travers de ses luttes révolutionnaires, de se transformer lui-même de classe exploitée en classe dominante, développant une société fondée sur la propriété collective des moyens de production et se débarrassant du bureaucratisme d’Etat pour donner le pouvoir aux organisations de base des travailleurs, les conseils de salariés, de chômeurs, de jeunes, de femmes des entreprises et quartiers populaires.
    Lutter contre la guerre, ce n’est pas faire en sorte que la bourgeoisie et ses forces de violence d’Etat deviennent des petits anges pacifiques, car un tel objectif est illusoire, c’est faire en sorte que le prolétariat et ses alliés soit suffisamment fort et organisé collectivement pour soustraire le plus rapidement possible les moyens de la violence aux classes dirigeantes.
    Bien des courants politiques, y compris des groupes d’extrême gauche, dénoncent la guerre comme si elle était une décision de méchants dirigeants qu’il conviendrait de dénoncer personnellement et non comme une nécessité historique, de classe, dépassant tout à fait le niveau de ces chefs politiques des nations. La guerre ou la violence d’Etat (ou de forces paraétatiques comme les bandes armées, islamiques ou fascistes) n’est pas une politique malheureuse qui pourrait être évitée simplement si les chefs des classes dirigeantes en avaient conscience et faisaient les bons choix, ou si les peuples les y poussaient par une opinion publique défavorable aux guerres. Rappeler que les guerres, les fascismes, les dictatures, les guerres mondiales sont mauvaises, c’est remplacer la politique par de la morale et c’est rester impuissant devant les changements violents qui frappent la société humaine. Quand la société bourgeoise bascule dans la violence, ce n’est pas le fait d’un seul Hitler, d’un seul parti nazi, d’un seul pays, l’Allemagne, mais celui de l’ensemble du monde capitaliste, de toutes ses institutions, de tous ses partis, de toute la classe bourgeoise, un effet nécessaire au système tout entier. C’est un point fondamental pour tous ceux qui prétendent combattre la marche à la guerre.

    Clamer « paix en Palestine », « paix en Ukraine », « paix en Irak » n’est pas une perspective réelle. Il n’y aura pas de paix désormais dans le monde capitaliste, non pas du fait de la violence des peuples mais à cause de l’impasse économique et sociale du système capitaliste mondial. De toutes les manières, que les travailleurs et les peuples s’inclinent ou se rebellent, les classes dirigeantes considèreront les prolétaires et les milieux populaires comme une menace mortelle car leur système est aux abois. Plus les travailleurs seront conscients que la lutte à mort est engagée, qu’ils le veuillent ou pas, et plus ils seront à même de se battre et de parer aux coups avant de les rendre.
    Triomphe de la révolution ou triomphe de la contre-révolution, voilà l’alternative. Il n’y a pas de place pour la paix sauf celle des cimetières….

  • « Le rôle que joue la violence dans l’histoire vis-à-vis de l’évolution économique est donc clair. D’abord, toute violence politique repose primitivement sur une fonction économique de caractère social et s’accroît dans la mesure où la dissolution des communautés primitives métamorphose les membres de la société en producteurs privés, les rend donc plus étrangers encore aux administrateurs des fonctions sociales communes. Deuxièmement, après s’être rendue indépendante vis-à-vis de la société, après être devenue, de servante, maîtresse, la violence politique peut agir dans deux directions. Ou bien, elle agit dans le sens et dans la direction de l’évolution économique normale. Dans ce cas, il n’y a pas de conflit entre les deux, l’évolution économique est accélérée. Ou bien, la violence agit contre l’évolution économique, et dans ce cas, à quelques exceptions près, elle succombe régulièrement au développement économique. Ces quelques exceptions sont des cas isolés de conquêtes, où les conquérants plus barbares ont exterminé ou chassé la population d’un pays et dévasté ou laissé perdre les forces productives dont ils ne savaient que faire. Ainsi firent les chrétiens dans l’Espagne mauresque pour la majeure partie des ouvrages d’irrigation, sur lesquels avaient reposé l’agriculture et l’horticulture hautement développées des Maures. Toute conquête par un peuple plus grossier trouble évidemment le développement économique et anéantit de nombreuses forces productives. Mais dans l’énorme majorité des cas de conquête durable, le conquérant plus grossier est forcé de s’adapter à l’ “ état économique” plus élevé tel qu’il ressort de la conquête ; il est assimilé par le peuple conquis et obligé même, la plupart du temps, d’adopter sa langue. Mais là où dans un pays, - abstraction faite des cas de conquête, - la violence intérieure de l’État entre en opposition avec son évolution économique, comme cela s’est produit jusqu’ici à un certain stade pour presque tout pouvoir politique, la lutte s’est chaque fois terminée par le renversement du pouvoir politique. Sans exception et sains pitié, l’évolution économique s’est ouvert la voie, - nous avons déjà mentionné le dernier exemple des plus frappants : la grande Révolution française. Si, selon la doctrine de M. Dühring, l’état économique et avec lui la constitution économique d’un pays déterminé dépendaient simplement de la violence politique, on ne verrait pas du tout pourquoi, après 1848, Frédéric-Guillaume IV ne put réussir, malgré sa “ magnifique armée ”, à greffer dans son pays les corporations médiévales et autres marottes romantiques, sur les chemins de fer, les machines à vapeur et la grande industrie qui était alors en train de se développer ; ou pourquoi l’empereur de Russie, qui est encore bien plus puissant, s’avère incapable non seulement de payer ses dettes, mais même de maintenir sa “ violence ” sains emprunter sans cesse à la “situation économique” d’Europe occidentale.

    Pour M. Dühring la violence est le mal absolu, le premier acte de violence est pour lui le péché originel, tout son exposé est une jérémiade sur la façon dont toute l’histoire jusqu’ici a été ainsi contaminée par le péché originel, sur l’infâme dénaturation de toutes les lois naturelles et sociales par cette puissance diabolique, la violence. Mais que la violence joue encore dans l’histoire un autre rôle, un rôle révolutionnaire ; que, selon les paroles de Marx, elle soit l’accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs ; qu’elle soit l’instrument grâce auquel le mouvement social l’emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes- de cela, pas un mot chez M. Dühring. C’est dans les soupirs et les gémissements qu’il admet que la violence soit peut-être nécessaire pour renverser le régime économique d’exploitation, - par malheur ! Car tout emploi de la violence démoralise celui qui l’emploie. Et dire qu’on affirme cela en présence du haut essor moral et intellectuel qui a été la conséquence de toute révolution victorieuse ! Dire qu’on affirme cela en Allemagne où un heurt violent, qui peut même être imposé au peuple, aurait tout au moins l’avantage d’extirper la servilité qui, à la suite de l’humiliation de la Guerre de Trente ans, a pénétré la conscience nationale ! Dire que cette mentalité de prédicateur sans élan, sans saveur et sans force a la prétention de s’imposer au parti le plus révolutionnaire que connaisse l’histoire ! »

    Engels, AntiDühring

  • .
    GCI déclare contre tous les pacifistes et pleurnichards :
    « Pendant ladite Première Guerre mondiale, le centre de la Deuxième Internationale (par opposition à sa droite qui se déclara pour « la défense de la patrie ») affirma opposer la révolution à la guerre et lança des consignes aussi radicales que « guerre à la guerre ». Mais, dans le même temps, il s’opposa aux consignes défaitistes révolutionnaires parce que, disait-il, (tout comme les généraux de l’armée !) cela bénéficiait à l’ennemi national, et finit donc par proposer des consignes comme « ni victoire, ni défaite ». »2
    Maintenant, sans vouloir enfoncer le dernier clou du cercueil de l’anarcho-syndicalisme, rappelons tout de même ses « heures de gloire » et sa totale « faillite » en des temps qui précédèrent le déclenchement des deux grandes orgies sanguinaires qui embrasèrent le monde de la valeur durant le vingtième siècle.
    Rappelons qu’à l’été 1914, elles furent légions « les organisations de la classe ouvrière », qui se déclaraient ouvertement anti-guerre (mais sans « se mouiller » jusqu’à défendre la défaite de sa propre bourgeoisie), à retourner leurs vestes en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Rappelons l’exemple du militant « socialiste révolutionnaire » français Gustave Hervé, qui écrivait dans le journal « La Guerre Sociale » qu’il fallait « planter le drapeau national dans un tas de fumier », et qui va très rapidement se rallier à la défense de « la patrie en danger ». Rappelons également l’exemple de ce fleuron de l’anarcho-syndicalisme international que représentait à l’époque la CGT française, qui après des années de propagande antimilitariste, rejoindra en rangs serrés les partisans de la guerre et de l’union sacrée, permettant ainsi la faisabilité de la mobilisation générale, ou du moins favorisant son déroulement sans trop de problème. Les seuls en France à avoir tenté de faire quelque chose contre les préparatifs guerriers, contre leur propre bourgeoisie, contre leurs propres exploiteurs, étaient de véritables militants anarchistes qui avaient déjà rompu depuis longtemps avec la CGT et l’anarcho-syndicalisme, cette dernière finissant dans les bras de la collaboration avec l’État français.
    Et rappelons enfin comment l’anarcho-syndicalisme espagnol finira par prendre position pour un camp bourgeois (celui de la gauche, de la République et de l’antifascisme) dans la guerre « civile » qui l’opposait à l’autre camp bourgeois (celui de la droite cléricale et des militaires dirigés par Franco). C’est grâce au « soutien critique » de la CNT que le Front populaire a remporté la victoire aux élections, et a ainsi pu développer une politique républicaine antifasciste qui s’opposera pratiquement aux velléités du prolétariat dans sa lutte pour la révolution sociale.
    Cette guerre « civile » se révélera être en définitive l’échappatoire vers lequel on a aiguillé le prolétariat pour lui faire quitter son véritable terrain de classe sur lequel il s’affrontait depuis des années en Espagne à ses propres exploiteurs. Alors que les batailles sanglantes qui se déroulèrent durant ladite « Guerre d’Espagne » ne furent jamais que les préparatifs pour enrôler le prolétariat sur les futurs charniers de la deuxième guerre mondiale (au nom de la polarisation bourgeoise fascisme/antifascisme), il est clair que le rôle tenu par la CNT espagnole et par l’anarchisme idéologique international fut de désarmer notre classe, le désarmer « politiquement », « socialement », programmatiquement, et le faire chavirer du terrain de la défense de ses intérêts de classe immédiats et historiques vers le terrain de la défense d’une alternative bourgeoise contre une autre. En cela, la CNT participa directement à l’embrigadement du prolétariat dans la guerre bourgeoise et n’a donc jamais défendu le véritable défaitisme révolutionnaire et l’internationalisme… Encore une fois, la révolution sera sacrifiée sur l’autel de la défense d’un quelconque camp bourgeois considéré comme un « moindre mal »…

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