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Luttes de classe en Tunisie

vendredi 5 décembre 2014, par Robert Paris

Dictons populaires :

"Ali Baba est parti, mais pas les 40 voleurs !"

"L’odeur du jasmin n’a pas repoussé l’odeur de la misère !"

"On nous dit qu’on a gagné la révolution et qu’il n’y a plus qu’à voter... Mais il n’y a que des candidats à profiter sur le dos du peuple…"

"Malgré la révolution du jasmin, on meurt de pauvreté" !

"Le régime nous a tout pris et laissé dans la misère. Nous n’avons pas le droit de vivre " !
"Nous mourons de pauvreté, nous voulons l’égalité",

Les changements que veut le peuple travailleur de Tunisie ne sont pas ceux qu’on est en train de lui offrir...

"Rien n’a changé depuis 2008. Les pratiques restent les mêmes. Et la corruption est toujours là"

La recherche du "bon gouvernement" est illusoire car ça reste un gouvernement bourgeois.

C’est aux comités de travailleurs, de jeunes, de femmes, de paysans de gouverner !!!

La révolution doit continuer...
Elle doit s’attaquer non seulement à quelques individus mais à la classe dirigeante…

Luttes de classe en Tunisie : trois ans après l’insurrection qui a fait tomber le dictateur Ben Ali, la dictature de classe n’a toujours pas trouvé de stabilité

"Quiconque se prononce en faveur de la voie des réformes légales, au lieu et à l’encontre de la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus tranquille, plus sûre et plus lente, conduisant au même but, mais un but différent, à savoir, au lieu de l’instauration d’une société nouvelle, des modifications purement superficielles de l’ancienne société […] non pas la suppression du salariat, mais le dosage en plus ou en moins de l’exploitation." écrit Rosa Luxemburg dans "Réforme sociale ou révolution ?"

Texte de l’affiche apposée avant l’élection de la Commune de Paris :
« Citoyens,
Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à mot spirituel. Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. Citoyens, Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.
Le Comité Central de la Garde Nationale »

Il a suffi d’un geste désespéré d’un chômeur, vendeur à la sauvette de légumes dans une ville du Centre-sud de la Tunisie pour que le pays entier entre dans un processus révolutionnaire. La contestation populaire du régime est partie de la ville de Sidi Bouzid et a gagné ensuite l’Ouest de la Tunisie : Kasserine, Thala, Siliana, Gafsa et bien d’autres localités. Au bout de trois semaines c’est Tunis qui entre en lutte ainsi que toutes les autres villes du Nord et de l’Est. Une semaine de mobilisation populaire conjointe sous le slogan « Ben Ali dégage ! » a suffi pour chasser le clan politico-mafieux des Ben Ali-Trabelsi. Une fois le clan démantelé, il s’agissait de s’en prendre au système Ben Ali, à savoir l’emprise du parti RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) sur toutes les institutions et entreprises. C’est encore le Sud et l’Ouest qui engagèrent la première offensive sous le slogan « RCD dégage ! » et le Nord et l’Est ont pris le relais. Le Sud et l’Ouest poussent et le Nord et l’Est convertissent la lutte en victoire politique. La révolution a éclaté à la périphérie du système, dans les régions les plus pauvres, laissées à l’abandon par le pouvoir politique. Lorsque la révolution a gagné les centres de pouvoir, c’est-à-dire les grandes villes du Nord-est, la domination oligarchique des Ben Ali-Trabelsi a été renversée.

Les caractéristiques du système économique imposé par le clan Ben Ali-Trabelsi et les quelques familles appartenant à ce clan par alliance sont simples : enrichissement via la mise en place de sociétés d’import bloquant toute possibilité d’industrialisation du pays, accaparement des entreprises locales prospères par des méthodes diverses d’intimidation, portes ouvertes à l’installation des multinationales. Comme on peut le constater, le clan parasite au pouvoir s’est enrichi sur la dépendance intégrale de l’économie tunisienne par rapport à l’Occident. Le pouvoir politique du clan a reposé essentiellement sur un parti, le RCD, infestant l’ensemble de la bureaucratie étatique, une police très puissante exerçant en toute impunité et le soutien indéfectible de l’Occident, plus précisément de la France. L’État tunisien constitue un cas typique de ce que les sociologues appellent « néo-patrimonialisme » ou l’utilisation des leviers du pouvoir pour faire main basse sur les richesses et ressources économiques du pays.

Violence économique et violence politique se sont donc conjuguées pour éradiquer toute forme d’opposition. Au niveau économique, il fallait empêcher la formation d’une bourgeoisie qui aurait pu concurrencer le pouvoir. Au niveau politique, le régime Ben Ali a poursuivi l’œuvre engagée sous le régime Bourguiba. Les partis politiques ont été démantelés, leurs militants emprisonnés, torturés ou sommairement exécutés. La violence policière s’est d’abord abattue sur le parti islamiste Ennahda dont 30000 membres sont jetés en prison dans les années 1990. L’intelligentsia et la plupart des organisations de gauche, effrayées par l’ascension fulgurante du FIS en Algérie, vont approuver la répression. Puis une fois la gauche instrumentalisée contre le parti de Rashed Ghannouchi, ce fut à son tour d’être décapitée.

En ses origines, le mouvement révolutionnaire tunisien est un mouvement interclassiste. Lorsqu’il fallut abattre la dictature mafieuse et policière de Ben Ali, il y eut une unité parfaite du peuple. Les masses populaires menèrent l’assaut et la petite-bourgeoisie ainsi que les secteurs lésés de la bourgeoisie s’y associèrent. Débarrassées des Ben Ali, Trabelsi et consorts, des franges de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie se contenteraient volontiers de ce nouveau pouvoir débarrassé de quelques têtes gênantes mais préservé dans ses fondements et ses institutions. Caractérisés par leur faiblesse, les capitalistes tunisiens s’imaginent aisément dans une alliance politique pour diriger le pays, alliance qui les unirait à l’armée, à d’anciens bureaucrates du RCD et bien sûr l’occident avec la France et les États-Unis en tête. Les ouvriers et les paysans, les précaires et les chômeurs voient les choses d’un tout autre œil. Ils perçoivent parfaitement que le deal proposé est une arnaque politique, une nouvelle dictature avec un semblant d’ouverture démocratique, quelques partis légalisés bien contrôlés ainsi que de futures élections surement truquées. Et quid des revendications économiques et sociales ? Oualou, rien ! C’est pourquoi, le 22 janvier, une Caravane de la liberté est partie du cœur du pays, des gouvernorats ruraux de Kasserine et Sidi Bouzid pour aller réclamer à Tunis la démission d’un gouvernement provisoire composé des caciques du RCD, prêts à s’acoquiner avec toute nouvelle faction hégémonique pourvu que leur traitement de bureaucrate-parasite-corrompu soit maintenu. A l’appel des régions centre-ouest, les ouvriers de Sfax, les enseignants du primaire et du secondaire se sont soulevés ainsi que les quartiers populaires de Tunis et de toutes les villes. Les manifestants de la Caravane de la liberté ont été durement réprimés et chassés de la Casbah où ils campaient. Mais le 20 février, une manifestation regroupant 40 000 personnes a défilé à Tunis pour de nouveau réclamer le départ du gouvernement provisoire. Et le 25 février ce sont plus de 100 000 personnes qui défilent à nouveau contre le gouvernement honni. Le 27 février, le Premier Ministre Mohamed Ghannouchi, sous la pression populaire, annonce sa démission. Le gouvernement provisoire est tombé mais il semble probable qu’il soit remplacé par un nouveau gouvernement provisoire où la tendance bureaucratique des anciens du RCD soit réduite tandis que la tendance technocratique-bourgeoise formée à l’étranger soit plus forte. Ce combat pour la destitution du gouvernement provisoire constitue véritablement l’indicateur de la transformation du mouvement interclassiste en lutte de classes.

Les damnés de la terre, eux, ne veulent pas d’une pseudo-démocratie dans laquelle les élections à venir n’auraient pour seule fonction que de cautionner le pouvoir d’une bande de nantis. Ils réclament la justice sociale, l’égalité et une liberté politique réelle. Pour eux, « la révolution de jasmin » est une expression creuse. C’est une formule petite-bourgeoise, employée à l’origine par des « cyberdissidents » et relayée par les médias occidentaux pour ranger le soulèvement populaire tunisien dans la catégorie des « pseudo-révolutions » des pays de l’Est. En répétant cette formule comme une invocation, les médias occidentaux espèrent pouvoir dompter les spectres et démons de la violence révolutionnaire.
Le combat révolutionnaire est donc entré dans une deuxième phase. Après l’unité entre toutes les composantes de la société pour faire tomber la dictature de Ben Ali, c’est la guerre des classes qui se profile. Arrêter ou poursuivre la révolution, telle est la question !

Après la désignation du nouveau gouvernement, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a appelé à la reprise du travail légitimant de cette manière le nouveau pouvoir. Il ne fallait sûrement pas s’attendre de la part d’une organisation qui avait fait bon ménage avec le régime Ben Ali qu’elle puisse porter les revendications populaires jusqu’à leur réalisation. La stratégie mesquine de ce syndicat officiel est aujourd’hui parfaitement lisible. Il n’a accompagné la contestation populaire que pour éviter de perdre sa base et toute crédibilité. De cette manière il pouvait aussi rappeler à l’ordre et à la fin du mouvement dès qu’un nouveau pouvoir, débarrassé des stigmates du benalisme, était mis en place. Stratégie efficace pour déposséder un peuple de sa révolution !

Face à la réaction bourgeoise regroupée derrière l’islamisme, la classe ouvrière et la jeunesse tunisienne ont montré leur détermination à ne pas se faire voler la révolution qu’elles ont initiée, sans les islamistes, contre le régime de Ben Ali et l’impérialisme, en particulier la bourgeoisie française, qui le soutenait. La grève générale lancée le 9 février à l’appel de plusieurs partis d’opposition et de l’UGTT a été largement suivie dans tout le pays et en particulier dans les bastions ouvriers de Sfax, Gasfa, fers de lance de la révolution où des locaux du parti Ennhada ont été pris d’assaut et incendiés par la jeunesse, les chômeurs et des travailleurs.
Mais les masses sont restées sans perspective propre, car l’UGTT, qui avait laissé isolées les grèves de fin 2012, s’est bornée à une grève de 24 heures et les partis ouvriers, prisonniers de l’héritage du stalinisme et du « front uni anti-impérialiste » sont incapables de tracer une voie indépendante de la bourgeoisie, qu’elle soit démocrate, cléricale ou panarabe.

En Tunisie, après la mobilisation contre le pouvoir islamiste, une nouvelle Constitution a été adoptée, une fois le texte promulgué - il ne sera d’ailleurs appliqué que progressivement - la situation des 11 millions de Tunisiens, en particulier des plus pauvres, n’est pas changée pour autant, islamistes à la tête du pouvoir ou seulement en second. Au-delà du soulagement légitime d’avoir chassé le dictateur Ben Ali et sa famille, rien de ce qui a motivé le soulèvement populaire dans les régions les plus pauvres du pays n’est réglé. Les revendications sur le travail, la justice sociale et la dignité, demeurent. Les prix continuent de flamber, le nombre de chômeurs d’augmenter, les pauvres se sont appauvris. La corruption a continué comme avant, le gendre de Rached Ghannouchi étant lui-même impliqué, et nombre de postes-clé ont été attribués à des membres d’Ennahda.

Récemment encore, de nouvelles taxes sur les transports ont été décrétées, provoquant la colère dans la région de Kasserine et de Sidi-Bouzid. Le syndicat UGTT, tout en étant partie prenante dans les discussions conduisant à la mise en place du nouveau gouvernement, envisage d’organiser des mouvements de grève pour dénoncer l’abandon des régions pauvres du centre-ouest.

Le calme social n’est pas revenu pour autant ! Les centaines de milliers de sans-emploi, les « diplômés chômeurs », les bas salaires, la corruption, les hausses des prix, la hausse des carburants, du café... continuent d’alimenter la colère. C’est le cas en particulier dans les régions « oubliées » du centre ouest…

Dans trois gouvernorats de Tunisie, à Siliana, Gabès et Gafsa, des grèves générales ont eu lieu…

À Siliana, à 150 kilomètres au sud-ouest de Tunis, il s’agissait de rappeler la répression, perpétrée par la police il y un an, des manifestations populaires qui réclamaient le départ du gouverneur. Elle avait fait en trois jours plusieurs centaines de blessés dont les autorités avaient promis de prendre les soins en charge, promesse sans suite. Le pouvoir s’était à l’époque également engagé à investir dans cette région déshéritée, sans plus de suite.

À Gabès, sur la côte est, la grève et les rassemblements étaient appelés pour protester contre la décision de ne pas inclure la région dans la liste de celles où seraient construits une faculté de médecine et un centre hospitalier universitaire. Dans cette ville polluée où l’industrie chimique de transformation des phosphates ne crée pas d’emplois, la décision du pouvoir a été reçue comme la preuve que rien n’est fait, malgré les promesses, pour développer les régions les plus pauvres.

Quant à Gafsa, la région minière symbole, dès 2008, des grèves ouvrières qui conduisirent au départ de Ben Ali en janvier 2011, elle reste parmi les plus pauvres du pays. Bien des raisons ont là aussi poussé les travailleurs et les chômeurs à répondre à l’appel à la grève lancé par l’UGTT. Des manifestants ont tenté d’envahir le siège du gouvernorat avant de s’en prendre au siège du parti islamiste au pouvoir, Ennahda, et d’incendier ses locaux.

La pauvreté, la misère de certaines régions, le chômage et l’inflation qui continuent de croître restent le lot de la majorité de la population. Beaucoup, sans travail et sans terre leur appartenant, viennent d’apprendre l’augmentation, décidée pour début 2014, de la baguette et du litre d’essence. Une telle menace pèse également sur d’autres produits de première nécessité, le sucre, le thé, le café et les tomates en boîte.

À Sidi Bouzid, ville où le jeune vendeur ambulant Mohamed Bouazizi s’était immolé par le feu en décembre 2010 et dont Mohamed Brahmi était député, le gouverneur a été empêché de prendre ses fonctions pendant une semaine, et n’a dû son retour qu’à l’intervention de la police. En même temps, à Menzel Bourguiba, près de Bizerte, les 4 000 travailleurs licenciés après la fermeture des usines JAL, où étaient fabriquées des chaussures de sécurité, se sont rassemblés pour réclamer le paiement de leur allocation de 200 dinars. À Messadine, près de Sousse, l’entreprise Léoni qui fabrique des câbles automobiles pour BMW a été bloquée par les grévistes exigeant des augmentations de salaire. Partout, le chômage qui perdure et la hausse des prix pèsent sur la population, en particulier les plus jeunes. C’est au point que la banque centrale tunisienne se dit inquiète de la situation et de la croissance de l’inflation (6,4 % en glissement annuel, d’après elle).

La bourgeoisie tunisienne, comme son homologue européenne, s’inquiète de l’insatisfaction de la population, trois ans après le départ de Ben Ali…

Pas une semaine ne se passe sans qu’on entende parler de grèves générales de villes entières, comme Elkef, Silaina, Ben guerdan, Sidi Bouzid, de barrages routiers, de grèves sectorielles (enseignement, transport, phosphate, etc.).

Les mouvements revendicatifs les plus déterminés sont surtout liés au chômage et aux inégalités de développement entre le littoral et le reste du pays. Ils sont souvent conduits par les jeunes chômeurs qui se disent en colère contre l’immobilisme du gouvernement sur les questions relatives à l’emploi et au développement des régions de l’intérieur. Ces mouvements sont beaucoup plus fréquents que les polémiques opposant islamistes et laïcs plus médiatisées sur le plan national et international.

Ces mouvements de revendications socio économiques s’ils peuvent avoir le soutien sélectif des militants engagés dans les organisations politiques, ils sont souvent vus comme une agitation qui certes peut être instrumentalisée dans la bataille politique mais reste périphérique par rapport au fameux enjeu de la « transition démocratique ».

Et pourtant ces mouvements constituent un laboratoire unique pour l’exploration des pistes de réinvention de l’exercice politique tant revendiquée par les soulèvements populaires. Par la pression continue qu’ils exercent sur les politiques, il ne se passe pas une semaine ou un ministre n’est pas amené à rendre compte et à s’expliquer des politiques qu’il adopte. Par la capacité quasi spontanée de ces mouvements à articuler les enjeux d’ordre politique, économique, identitaire et social, ils offrent une chance inouïe de proposer une société alternative.

Quand les jeunes chômeurs de Siliana ou de Makther lient le droit individuel au travail aux problématiques de développement régional et à l’histoire du dénigrement du pouvoir central de ces régions ; quand ces mêmes jeunes lient le phénomène de chômage à un enjeu de redécoupage administratif et de décentralisation de la décision politique, ils offrent alors une belle illustration de l’enchevêtrement des enjeux économiques, politiques et identitaires. Comme explique l’un d’eux : « La bataille politique est évidemment pour la répartition du gâteau et elle ne nous intéresse pas. Nous voulons du travail, nous voulons sortir de la misère et du mépris du pouvoir central depuis l’indépendance, et on n’est pas prêt à nous taire tant que nos revendications ne sont pas satisfaites ».

Par ailleurs, un rapide tour sur les nouvelles coordinations émergentes en lien avec ces mouvements sociaux comme le groupe manifeste 20 mars , le mouvement nouvelle génération ou le forum des droits économiques et sociaux témoignent de l’émergence d’une nouvelle vision du politique qui rompt sur le plan organisationnel tout autant que sur le plan intellectuel avec les organisations politiques classiques. Elles se fixent comme objectif central la remise en question de cette séparation usuelle entre les enjeux du changement démocratique et les luttes sociales ainsi qu’une rupture définitive avec le mode d’organisation pyramidale.

Ainsi, les mobilisations pour soutenir les chômeurs vont s’articuler à la défense des blessés de la révolution ; la défense des libertés individuelles va être intimement liée aux revendications de justice sociale et la mobilisation pour les droits des migrants est articulée aux critiques formulées à l’égard des accords de partenariats euro méditerranéens. Et cette articulation entre les différents niveaux et formes de luttes a été superbement traduite à travers le slogan qui a été scandé un jour à Redeyef, en janvier 2008 : « Ahla Gaza/Redeyef , ramz el3izza » (Bonjour Gaza/Redeyf, symbole de dignité).

L’ensemble de ces luttes et mobilisations collectives portent en elles les germes d’un nouveau type de mobilisation socio-politique dont le message est clair : le rejet du modèle néolibéral et ses partenaires intérieurs et extérieurs. Elles sont une malédiction pour les élites politiques qui se battent pour le pouvoir et une vraie opportunité pour le processus révolutionnaire. Cependant, le défi qui reste posé est : Est ce que ce processus révolutionnaire qui met en scène des relations dialectiques et complexes entre économique et politique, leadership et spontanéité, action collective organisée classique et émergente, luttes de classes et droits individuels va t-il être capable d’échapper à la fragmentation des luttes, de résister à la machine de confiscation politique et de fédérer un vaste mouvement qui peut canaliser l’énergie des masses et proposer une vraie société alternative ?

Selon un rapport interne du gouvernement, le nombre de grèves pendant les dix premiers mois de l’année 2014 a connu une augmentation de 16% par rapport à l’année dernière. En nombre de jours de travail perdus, cela représente 311.929 jours contre 181.344 en 2013.
28 entreprises publiques sont concernées par les grèves dont la SONEDE, Tunisair, Tunisie Telecom ou encore la compagnie phosphate Gafsa. Pour ce qui est de la légalité des grèves en question, le rapport montre que 203 grèves sont légales sur un total de 398, c’est-à-dire un taux de 51%. Ce taux était de 58% en 2013 et 55% en 2012.

Concernant la répartition régionale des grèves, la région de Sfax totalise 17% des grèves nationales, 15% pour Ben Arous et 9% pour Zaghouan. A cela viennent s’ajouter les grèves actuelles des services administratifs du premier ministère ainsi que celle des transports publics qui a été annoncée aujourd’hui, 12 novembre 2014. Un proche du gouvernement nous a confiés que ce dernier était « harcelé » par ses grèves mais aussi par la paralysie de l’ANC et le fait que le président de la République, Moncef Marzouki, soit en campagne.

Le taux des participants aux grèves a augmenté de 12% au cours des 10 premiers mois de l’année 2014 , en évolution de 58% par rapport à la même période de l’année 2013 .Le nombre de jours de travail perdus a augmenté de 72% par rapport à la même période de l’année précédente et de 54% par rapport à 2012.

Cette augmentation est due, selon des sources bien informées d’Africanmanager, d’une part à la longue durée des grèves dont 80% ont duré plus d’un jour et à l’augmentation du taux de participation ainsi qu’à l’importance des établissements dans lesquels les grèves ont été organisées tels que la STEG, Tunisie Telecom, la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et la Caisse de la Retraite et de Prévoyance Sociale.

Le nombre des grèves dans le secteur privé et dans les établissements publics à caractère commercial et industriel a augmenté de 16% par rapport à la même période de l’année précédente et a diminué de 10% par rapport à l’année 2012.

Les mêmes sources ont indiqué que le nombre des participants aux grèves a augmenté de 105% par rapport à la même période de l’année précédente et de 82% par rapport à l’année 2012.

À Fouchana, dans la banlieue de Tunis, deux militantes syndicales licenciées par LATelec, filiale de l’équipementier aéronautique français Latécoère, sont en grève de la faim depuis près d’un mois pour obtenir leur réintégration dans l’entreprise.

Recrudescence des grèves en 2014, d’après un rapport gouvernemental…

Au fil des grèves

Et ensuite…

Affrontements à Gabès entre chômeurs et forces de l’ordre

Conflit des ordures à Djerba

Grève générale de la Transtu

Encore sur la grève de Transtu

Grève générale des transports

L’agriculture s’agite

Sociétés pétrolières en grève

Agitation à la SNCFT

Grève des laboratoires

Grève des métros et des bus

Agitation dans les chantiers de Sidi Bouzid

Grèves enseignantes

Grève générale à Gargour

Grève d’enseignants du secondaire

Grève des boulangers

Grève à Socomenin et Semos à Skhira

Lycées et collèges en grève

Latélec en grève

Steg en grève

Latécoère en grève

Tunisie-factoring en grève

Agents des finances en grève

Latelec en grève

Des chômeurs en lutte à Skhira

Des affrontements dans une cité de Tunis en démolition

Et ça continue…

Messages

  • En Tunisie, Nidaa Tounès, qui a également été ministre de Habib Bourguiba, a remporté le scrutin des élections présidentielles et un ex-secrétaire d’Etat sous Ben Ali nommé premier ministre...

    Retour à la case départ ? Non, ce n’est pas possible. C’est seulement que l’élection dans le cadre bourgeois ne peut refléter la révolution...

  • Chômage : une émeute éclate à Douz (Tunisie)

    Lire ici

  • Depuis le 17 avril, une grève suivie par 97,6 % enseignants des collèges et lycées publics, marque une nouvelle étape dans l’escalade de tension entre la puissante centrale syndicale de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et le gouvernement de Youssef Chahed.

    Grève générale dans tous les ports en Tunisie ! Sur une décision prise à l’unanimité par le bureau exécutif élargi de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), les agents du secteur portuaire observeront une grève générale de 72 heures à compter de ce 26 avril.

    Le président de la Chambre syndicale des taxis individuels, Moez Sellami, affirme que les membres de la Fédération nationale du transport (FNT) relevant de l’UTICA et ses adhérents ont décidé d’observer un mouvement de protestation, le 4 avril 2018, devant le siège de l’UTICA à Tunis. Ce mouvement de protestation sera accompagné d’un sit-in ouvert et d’une marche vers le palais de la présidence de Carthage pour exiger “leurs droits légitimes”.

    En face, les professionnels de la filière laitière menacent de la "grève du lait" si les prix ne sont pas augmentés !

  • La bureaucratie syndicale UGTT continue à jouer au yoyo avec la grève générale : il y aura, puis il n’y aura pas, pus il y aura...

    Le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a affirmé que la grève générale du secteur de la fonction publique est maintenue.

    Il a, par ailleurs, expliqué que la grève est un moyen constitutionnel permettant de trouver des solutions et de répondre aux revendications tout en évitant les tensions sociales.

    Il a clôturé disant : "Au cas où il y aurait d’autres propositions, on l’annoncera sur le champs" ajoutant " Nous sommes en quête de stabilité mais la balle est dans le camp du Gouvernement."

    En tout cas, il n’y a pas meilleur soutien du gouvernement bourgeois que la bureaucratie syndical. Quand personne ne soutient plus le gouvernement, c’est elle qui le maintient en vie !!!

  • La grève du 22 novembre dans la fonction publique est maintenue en l’absence de solution et de volonté de satisfaire les revendications, a affirmé le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi.

    « Si on ne parvient pas à conclure un accord qui réponde aux attentes et revendications des fonctionnaires, nous serons dans l’obligation de maintenir cette grève », a-t-il dit.

    Dans le même temps, néanmoins, le secrétaire général adjoint de l’Organisation ouvrière, Mohamed Ali Bourghdiri, assurait que la décision de la grève « n’annule pas les tentatives menées pour trouver des solutions et l’éviter ».

    Le baratin réformiste et traitre des bureaucraties syndicales est mondial tout comme son opposé, la politique prolétarienne révolutionnaire !

  • La révolte sociale bout à nouveau en Tunisie !!!

    La jeunesse de Kasserine a en effet « bougé ». Elle est descendue dans la rue, lundi 24 décembre, affrontant les forces de l’ordre, juste après qu’Abderrazak Zorgui, journaliste pour une chaîne privée locale, se fut immolé. Dans une vidéo enregistrée vingt minutes avant de passer à l’acte, il avait déclaré : « Pour [ceux] qui n’ont pas de moyens de subsistance, aujourd’hui, je vais commencer une révolution. » Dans les jours qui ont suivi, d’autres heurts se sont produits ailleurs en Tunisie, y compris dans une banlieue populaire de Tunis. Le geste d’Abderrazak Zorgui renvoyait au tragique rituel des immolations par le feu en Tunisie, notamment à celle de Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010, qui avait déclenché la fameuse révolution tunisienne.

    La Tunisie a vécu, la semaine dernière [depuis le 7 janvier], plusieurs nuits d’émeutes, avec des protestations qui ont touché différents gouvernorats. Ces manifestations avaient pour objectif de dénoncer, d’une manière pacifique, la hausse des prix, mais elles ont été émaillées par des actes de vandalisme, des vols et de la violence.

    Tout a commencé par un hashtag : #fechnestannew (Qu’est-ce que nous attendons ?) qui se voulait comme un appel à l’action lancé à l’ensemble des Tunisiens. Pour dénoncer la cherté de la vie, une mobilisation, d’abord virtuelle ensuite sur le terrain, a eu lieu.

    Dans la nuit du lundi 8 janvier, un manifestant est mort à Tebourba, à une trentaine de kilomètres de Tunis. A-t-il été victime d’une intervention en force de la police ou d’un problème de santé, comme cela a été avancé par le ministère de l’Intérieur par la suite ? Rien n’est clair ! Le rapport d’autopsie n’ayant pas encore été révélé, aucune affirmation ne peut être donnée.

    Par ailleurs, un bilan avancé par le porte-parole du ministère de l’Intérieur fait état de 96 policiers blessés, de 87 véhicules de sécurité endommagés et de nombreux dégâts matériels ayant touché des postes de police, des banques et divers commerces. Autre fait majeur, deux synagogues ont été la cible d’attaques aux cocktails molotov, à Djerba. Cinq suspects ont été interpellés. Selon la même source, près de 800 personnes ont été mises en garde à vue, depuis le déclenchement des heurts entre forces sécuritaires et jeunes, dans plusieurs régions du territoire tunisien.

    Parmi les personnes arrêtées, nombre d’entre eux a entre 15 et 20 ans, et un doute a été émis par certains quant à la nature dite spontanée des manifestations. Des casseurs auraient été commandités. C’est ce qui ressort d’une enquête ayant abouti à l’arrestation, dans un village, du directeur d’une Maison de jeunes. Celui-ci aurait payé certains d’entre eux pour qu’ils rejoignent les manifestations et saccagent, sur leur passage, des biens privés et publics.

  • Huit ans après le Printemps arabe, la Tunisie fait face à nouveau à une importante contestation sociale alors que le coût de la vie augmente et les inégalités se creusent.

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