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Que penser des intellectuels staliniens ?

mercredi 27 mai 2015, par Robert Paris

Marx expliquait que la révolution communiste était l’alliance du mouvement des masses et des idées révolutionnaires. Aux antipodes de Marx, le stalinisme, lui, est l’alliance de la bureaucratie contre-révolutionnaire et de l’opportunisme du plumitif arriviste.

Le stalinien Aragon recevant le prix de Staline, ironiquement appelé "le prix Lénine pour la paix"...

Romain Rolland et Staline

Picasso, Romain Rolland et Thorez

Picasso et Staline

Cachin, Aragon, Thorez, Eluard et Picasso

Jean-Paul Sartre dans "L’Humanité" du 14 juillet 1954 : « La liberté de critique est totale en URSS. » Et aussi … « Et le citoyen soviétique améliore sans cesse sa condition au sein d’une société en progression continuelle. » Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour exister quand on est existentialiste ?

Les Lettres françaises (ou lettres dirigées et financées par le Kremlin)

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  • En juin 1937 paraît le compte-rendu de voyage en URSS d’André Gide intitulé « Retour de l’URSS » où Gide rapporte le développement de la bureaucratie stalinienne telle qu’il l’a vue. Louis Guilloux faisait partie du voyage à l’invitation de Gide. En janvier 1937, Aragon avait demandé à Louis Guilloux de devenir journaliste au journal stalinien « Ce Soir ». Aragon fait donc pression sur Guilloux pour qu’il dénonce Gide. Guilloux refuse et se contente d’écrire que « Le reproche qu’on pourrait lui faire, c’est de n’avoir pas quitté l’URSS dès qu’il s’est rendu compte qu’il n’était plus d’accord. » Résultat : Guilloux est viré du journal « Ce Soir », annonce faite par Jean-Richard Bloch. Voilà ce qu’était la belle époque des intellectuels staliniens et de leurs « compagnons de route » et autres « amis de l’URSS »….

  • Un exemple du nationalisme diffusé par les staliniens français, celui d’Aragon :

    Extrait du Musée Grévin :

    Je vous salue ma France arrachée aux fantômes

    Ô rendue à la paix Vaisseau sauvé des eaux

    Pays qui chante Orléans Beaugency Vendôme

    Cloches cloches sonnez l’angélus des oiseaux

    Je vous salue ma France aux yeux de tourterelle

    Jamais trop mon tourment mon amour jamais trop

    Ma France mon ancienne et nouvelle querelle

    Sol semé de héros ciel plein de passereaux

    Je vous salue ma France où les vents se calmèrent

    Ma France de toujours que la géographie

    Ouvre comme une paume aux souffles de la mer

    Pour que l’oiseau du large y vienne et se confie

    Je vous salue ma France où l’oiseau de passage

    De Lille à Roncevaux de Brest au Mont-Cenis

    Pour la première fois a fait l’apprentissage

    De ce qu’il peut coûter d’abandonner son nid

    Patrie également à la colombe ou l’aigle

    De l’audace et du chant doublement habitée

    Je vous salue ma France où les blés et les seigles

    Mûrissent au soleil de la diversité ».

    Où est passé le combat contre le nationalisme, qui pus est dans un pays impérialiste, la France ?

    Qui a dit "les travailleurs n’ont pas de patrie" ? Pas un stalinien !!!

  • « Habitué aux amens et à l’encensoir stalinien, Aragon ne réussit cependant pas aussi bien que les précédents à allier Dieu et la patrie. Il ne retrouve le premier, si j’ose dire, que par la tangente et n’obtient qu’un texte à faire pâlir d’envie l’auteur de la rengaine radiophonique française : « Un meuble signé Lévitan est garanti pour longtemps. »

    Benjamin Péret

    « Le déshonneur des poètes »

    février 1945

  • « L’art de l’époque stalinienne restera comme l’expression la plus crue de la profonde décadence de la révolution prolétarienne. Mais cela ne se limite pas aux frontières de l’U.R.S.S. Sous couvert de reconnaissance tardive de la Révolution d’Octobre, l’aile « gauche » de l’intelligentsia occidentale s’est mise à genoux devant la bureaucratie soviétique. Les artistes doués de caractère et de talent sont, en règle générale, marginalisés. Et c’est ainsi qu’avec le plus grand sans‑gêne, des ratés, des carriéristes, des gens dépourvus de dons se sont propulsés au premier rang. On a inauguré l’ère des centres et des bureaux de toutes sortes, des secrétaires des deux sexes, des inévitables lettres de Romain Rolland, des éditions subventionnées, des banquets et des congrès, où il est difficile de découvrir la ligne de démarcation entre l’art et le G.P.U. Malgré sa vaste extension, ce mouvement de militarisation n’a pas donné naissance à une seule oeuvre qui puisse immortaliser son auteur ou ceux qui, du Kremlin, l’ont inspirée. »

    Léon Trotsky

    17 juin 1938

    L’art et la révolution

  • Le développement de l’art est la plus haute épreuve de la vitalité et de l’importance d’une époque" écrit Léon Trotsky dans "Littérature et révolution".

    Le stalinisme, une sale époque !

  • « Dans la période présente, caractérisée par l’agonie du capitalisme, l’artiste, sans même qu’il donne à sa dissidence sociale une forme manifeste, se voit menacé de la privation du droit de vivre (( ?)) et de continuer son œuvre par le retrait devant celle ?ci de tous les moyens de diffusion. Il est naturel qu’il se tourne alors vers... les organisations staliniennes qui lui offrent là le moyen d’échapper à son isolement... mais la renonciation, de sa part, à tout ce qui peut constituer son message propre et les complaisances que ces organisations exigent de lui en échange de quelques possibilités matérielles lui interdisent de s’y maintenir, pour peu que la démocratisation soit impuissante à avoir raison de son caractère. »

    Le manifeste « pour un art révolutionnaire indépendant », Léon Trotsky, André Breton et Diego Rivera

  • Toujours cette grande sympathie pour Trotsky...

    Paul Nizan a écrit :

    "Il y a une certaine mode, un certain entraînement intellectuel qui met Trotski plus haut que Staline ; les intellectuels pensent reconnaître en Trotski un de leurs grands représentants. Ils voient en lui comme une image du génie en proie au destin. Et Staline leur paraît moins subtil. Ils trouvent le « stalinisme » un peu gros, un peu trop attaché à la terre. C’est qu’ils aiment moins les événements que les idées, et l’homme des événements leur semble moins passionnant que l’homme qui pense et critique."

    Et Nizan n’a pas cédé à cette "mode"....

  • Avant-Premières, sur France 2, Alain Badiou a l’honnêteté de dire qu’il s’est trompé à propos des Khmers rouges (pas sur Trotsky, là il ne regrette pas !) mais cherchez dans son texte une explication non de son "erreur" mais du crime de ce groupe stalinien maoïste :

    "Je le regrette. Et je suis heureux de le dire ici publiquement : je regrette d’avoir écrit ce texte. Mais il ne suffit pas de le regretter. Regretter et se repentir, on peut toujours le faire. C’est très facile. Nos chefs d’État eux-mêmes n’arrêtent pas de se repentir et de demander pardon. Au bout du compte, il vaut mieux penser que, comme le dit Spinoza, "le repentir n’est pas une vertu".

    Au-delà, donc, du fait que je regrette d’avoir écrit ce texte, je m’intéresse à la question de savoir pourquoi je l’ai écrit. Je l’ai écrit parce que j’avais été enthousiasmé par la victoire des Khmers rouges en 1975. Je n’ai pas été le seul. Relisez les premières pages du Monde à cette époque-là. J’ai ensuite voulu garder en moi cet enthousiasme, y compris contre le réseau des informations peu à peu disponibles. En politique, le découragement est monnaie courante, et l’enthousiasme est une denrée précieuse.

    Quand les Khmers rouges prennent le pouvoir, c’est une éclatante victoire militaire. Pourquoi sommes-nous si enthousiastes ? Parce que c’est la victoire d’un tout petit peuple, organisé en guérilla rurale sous la direction des Khmers rouges, contre l’énorme armée américaine et ses complices locaux. Et c’est donc la validation d’un énoncé de Mao qui soutenait à l’époque l’espérance de millions de gens dans le monde : "Un petit peuple, s’il est uni et qu’il compte sur ses propres forces, peut venir à bout d’une grande puissance." Encore aujourd’hui, cette idée que le plus faible par la puissance brute peut être politiquement le plus fort est d’une importance décisive.

    Il y avait donc cet enthousiasme, et quand les Vietnamiens ont envahi le Cambodge, cette invasion m’a paru détestable. Quatre ans après avoir chassé les Américains, voilà que le Cambodge devait subir une nouvelle invasion ! Il ne faut pas oublier que le Cambodge a été envahi par l’armée vietnamienne en 1979 pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec le sentiment humanitaire, pour des raisons de pure puissance régionale. Il ne faut pas l’oublier, car mon article de 1979 est avant tout un article contre l’invasion vietnamienne.

    En leçon de tout cela, je pense que nous devons méditer, au terme du XXe siècle, sur les ravages faits dans les rangs de la pensée progressiste et communiste - reprenons ce vieux mot - par l’enthousiasme victorieux, prématuré et sans limites. Parce que les millions et millions de gens, ouvriers aussi bien qu’intellectuels, qui sont restés enthousiastes de la révolution bolchevique pendant des décennies, y compris sous Staline, tous ceux, innombrables, pour qui la vie prenait tout son sens à la lumière de la victoire de la Révolution de 1917, nous posent une question bien plus vaste que ma personnelle errance cambodgienne.

    Cette question résulte de ce que les peuples soulevés sont rarement victorieux. Très rarement. Tout le monde le sait. Du coup, une victoire, fût-elle douteuse, divisée, obscure, et parfois marquée de crimes effrayants, a une puissance de ralliement extraordinaire. Et ce que le dernier siècle nous a appris, c’est qu’il faut se méfier de la fascination pour les victoires. Je dirais même qu’une des grandes tâches de la politique contemporaine - la vraie politique, celle qui cherche l’émancipation de l’humanité tout entière -, c’est de redéfinir ce que c’est qu’une victoire. Une réelle victoire de la politique, de la politique au sens retrouvé de ce mot fondamental, et non pas, naturellement, au sens de la victoire d’untel contre untel née de l’addition des isoloirs."

    On remarquera qu’après coup et avec le temps de la réflexion, Badiou reste plus hostile au pouvoir vietnamien alors que c’est quand même celui-là qui a sorti le peuple khmer de l’enfer des khmers rouges !!

    En tout cas, il ne donne aucune explication autre que celle de ses états d’âme de l’époque mais pas celle des crimes du "parti communiste cambodgien" !

    Posons nous la question :

    Pourquoi le génocide des "khmers rouges" au Cambodge ?

  • Avant-Premières, sur France 2, Alain Badiou a l’honnêteté de dire qu’il s’est trompé à propos des Khmers rouges (pas sur Trotsky, là il ne regrette pas !) mais cherchez dans son texte une explication non de son "erreur" mais du crime de ce groupe stalinien maoïste :
    "Je le regrette. Et je suis heureux de le dire ici publiquement : je regrette d’avoir écrit ce texte. Mais il ne suffit pas de le regretter. Regretter et se repentir, on peut toujours le faire. C’est très facile. Nos chefs d’État eux-mêmes n’arrêtent pas de se repentir et de demander pardon. Au bout du compte, il vaut mieux penser que, comme le dit Spinoza, "le repentir n’est pas une vertu".
    Au-delà, donc, du fait que je regrette d’avoir écrit ce texte, je m’intéresse à la question de savoir pourquoi je l’ai écrit. Je l’ai écrit parce que j’avais été enthousiasmé par la victoire des Khmers rouges en 1975. Je n’ai pas été le seul. Relisez les premières pages du Monde à cette époque-là. J’ai ensuite voulu garder en moi cet enthousiasme, y compris contre le réseau des informations peu à peu disponibles. En politique, le découragement est monnaie courante, et l’enthousiasme est une denrée précieuse.
    Quand les Khmers rouges prennent le pouvoir, c’est une éclatante victoire militaire. Pourquoi sommes-nous si enthousiastes ? Parce que c’est la victoire d’un tout petit peuple, organisé en guérilla rurale sous la direction des Khmers rouges, contre l’énorme armée américaine et ses complices locaux. Et c’est donc la validation d’un énoncé de Mao qui soutenait à l’époque l’espérance de millions de gens dans le monde : "Un petit peuple, s’il est uni et qu’il compte sur ses propres forces, peut venir à bout d’une grande puissance." Encore aujourd’hui, cette idée que le plus faible par la puissance brute peut être politiquement le plus fort est d’une importance décisive.
    Il y avait donc cet enthousiasme, et quand les Vietnamiens ont envahi le Cambodge, cette invasion m’a paru détestable. Quatre ans après avoir chassé les Américains, voilà que le Cambodge devait subir une nouvelle invasion ! Il ne faut pas oublier que le Cambodge a été envahi par l’armée vietnamienne en 1979 pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec le sentiment humanitaire, pour des raisons de pure puissance régionale. Il ne faut pas l’oublier, car mon article de 1979 est avant tout un article contre l’invasion vietnamienne.
    En leçon de tout cela, je pense que nous devons méditer, au terme du XXe siècle, sur les ravages faits dans les rangs de la pensée progressiste et communiste - reprenons ce vieux mot - par l’enthousiasme victorieux, prématuré et sans limites. Parce que les millions et millions de gens, ouvriers aussi bien qu’intellectuels, qui sont restés enthousiastes de la révolution bolchevique pendant des décennies, y compris sous Staline, tous ceux, innombrables, pour qui la vie prenait tout son sens à la lumière de la victoire de la Révolution de 1917, nous posent une question bien plus vaste que ma personnelle errance cambodgienne.
    Cette question résulte de ce que les peuples soulevés sont rarement victorieux. Très rarement. Tout le monde le sait. Du coup, une victoire, fût-elle douteuse, divisée, obscure, et parfois marquée de crimes effrayants, a une puissance de ralliement extraordinaire. Et ce que le dernier siècle nous a appris, c’est qu’il faut se méfier de la fascination pour les victoires. Je dirais même qu’une des grandes tâches de la politique contemporaine - la vraie politique, celle qui cherche l’émancipation de l’humanité tout entière -, c’est de redéfinir ce que c’est qu’une victoire. Une réelle victoire de la politique, de la politique au sens retrouvé de ce mot fondamental, et non pas, naturellement, au sens de la victoire d’untel contre untel née de l’addition des isoloirs."
    On remarquera qu’après coup et avec le temps de la réflexion, Badiou reste plus hostile au pouvoir vietnamien alors que c’est quand même celui-là qui a sorti le peuple khmer de l’enfer des khmers rouges !!
    En tout cas, il ne donne aucune explication autre que celle de ses états d’âme de l’époque mais pas celle des crimes du "parti communiste cambodgien" !
    Posons nous la question :
    Pourquoi le génocide des "khmers rouges" au Cambodge ?

  • Comment ne pas remarquer que ce ne sont pas des intellectuels qui ont dirigé les partis staliniens, que le niveau théorique de ces partis est particulièrement bas, que les organisations staliniennes ne sont nullement fondées sur ce que Marx appelait le mélange explosif du mouvement autonome du prolétariat et des idées révolutionnaires (ne pas confondre avec le mélange des organisations se réclamant des travailleurs et de la couche sociale des intellectuels petits bourgeois). Les intellectuels qui choisissent le prolétariat n’ont plus rien à voir avec la petite bourgeoisie. Les travailleurs qui raisonnent en termes historiques ne sont pas des militants ouvriers classiques, des activistes politiques ou syndicaux.

  • Girouette que Sartre : vivhyste à l’époque de Vichy, résistant quand il est prouvé que la résistance réussit, engagé quand ça fait bien, stalinien quand ça a un succès populaire, gauchiste quant c’est à la mode, maoïste de même, puis antistalinien quand le stalinisme début se chute. il suit le vent, le Jean-Paul...

    Si Sartre a été au moins équivoque par rapport à Vichy, il s’est rattrapé ensuite en se faisant juge de ceux qui avaient été faibles par rapport au fascisme.

    A la libération, sous prétexte d’épuration des fascistes, les staliniens ont la mainmise sur le comité d’épuration de l’édition, comité où siègent Sartre, Vercors et Seghers, tous trois écrivains et éditeurs...

    Sartre le justifie en prétendant que l’écrivain ne peut pas éviter d’être engagé.
    L’article de Sartre de présentation des Temps modernes s’ouvre sur cette formule péremptoire : "Tous les écrivains d’origine bourgeoise ont connu la tentation de l’irresponsabilité : depuis un siècle, elle est de tradition dans la carrière des lettres" . Or, poursuit Sartre, chaque écrivain peut, en certaines circonstances (l’affaire Dreyfus pour Zola, l’administration coloniale du Congo pour Gide), mesurer sa responsabilité : "l’occupation nous a appris la nôtre". Aucune dérobade n’est donc possible, "tout écrit possède un sens" et constitue un acte qui engage son auteur : "L’écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu’ils n’ont pas écrit un mot pour l’empêcher" . La guerre aura au moins permis de restituer la littérature à ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, "une fonction sociale", qu’il s’agit de faire jouer dans le sens d’une transformation de la société bourgeoise : "le but lointain que nous nous fixons est une libération" .

    Cela justifiera toutes les cautions du stalinisme....

    Dans la série des essais réunis sous le titre de "Qu’est-ce que la littérature ?", Sartre est logiquement conduit à faire lui aussi le procès des écoles littéraires qui se sont vouées au culte de la beauté, c’est-à-dire à "la perfection dans l’inutile" , à la négation du monde réel et de la vie. Si par essence la littérature est une action par dévoilement, elle ne peut échapper à sa propre aliénation qu’en nommant l’aliénation sociale (la situation d’oppression où vit la majorité des hommes). Par là, elle conduit chaque homme à prendre son entière responsabilité : "la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent" - ce qui suppose que l’écrivain ait choisi de ne pas parler pour ne rien dire : tous les sujets ne se valent pas, "il s’agit de savoir de quoi l’on veut écrire : des papillons ou de la condition des Juifs" . Ceci ne signifie pas que l’art d’écrire soit sans importance. Certes le style (dans la prose, à l’inverse de la poésie) "doit passer inaperçu", mais il est indispensable, car il agit par persuasion, comme "une force douce et insensible" . Sartre peut donc définir son projet en ces termes :

    « Dans la "littérature engagée", l’engagement ne doit pas faire oublier la littérature et notre préoccupation doit être de servir la littérature en lui influant un sang nouveau, tout autant que de servir la collectivité en essayant de lui donner la littérature qui lui convient . »

    On voit combien la théorie de Sartre suit le ton de chaque époque, ce qu’elle doit à l’expérience récente de la guerre ; combien sont réelles ses analogies avec les positions communistes. Ses différences sont pourtant irréductibles. La réflexion que poursuit Sartre en ces années 1945-1947 à propos du marxisme, de l’URSS et du PCF, le conduit très vite à exclure que l’on puisse être à la fois écrivain et militant : "la politique du communisme stalinien est incompatible avec l’exercice honnête du métier littéraire" .

    Sartre prend donc la position inverse de la précédente : tout engagement politique, pour lui, est une tromperie de l’art....

    La logique intellectuelle dans tout cela ? Non, c’est la logique de l’intérêt bien conçu du plumitif...

  • A André Gide, un temps rallié au stalinisme, un compagnon de route, Benjamin Péret décoche :

    « Monsieur le camarade Gide

    Entre cul et chemise chante la « Jeune Garde »

    Et se dit qu’il est temps d’exhiber son ventre comme son drapeau rouge

    Communiste,

    Un peu, beaucoup, passionnément,

    Pas du tout

    Répondent les couilles de l’enfant de cœur qu’il épile.

    Tel une tomate agitée par le vent

    Monsieur le camarade Gide fait un foutu drapeau rouge

    Dont aucune salade ne voudrait

    Un drapeau rouge qui cache une noix

    Trempée dans le vitriol

    Et bien française comme pas un chien de concierge

    Qui se mord la queue en entendant hoqueter

    La Marseillaise

    Qui fait accoucher Monsieur le camarade Gide

    La faucille et le marteau vous les aurez

    La faucille dans le ventre

    Et le marteau vous le mangerez. »

    Benjamin Péret, « Je ne mange pas de ce pain-là »

  • En août 1935, « Terre Libre », pour dénoncer le nouveau nationalisme français du parti stalinien français qui l’amène à justifier le pacte Laval-Staline et la défense nationale, parodie une chanson en vogue : « Mon oncle a tout repeint »

    Moscou a tout repeint

    Tout repeint, tout repeint,

    Les cervelles en mie de pain,

    La conscience à Cachin,

    Moscou a tout repeint,

    Tout repeint, tout repeint !

    La cabane à bourrins,

    Les peaux de lapin,

    Et le grand râtelier à foin…

    Quand un gars tombe aux mains des badernes,

    Qui lui font faire ses dix-huit mois,

    L’parti lui dit pour sa gouverne

    Qu’il doit se conduire en bon soldat.

    Moscou a tout repeint,

    Tout repeint, tout repeint !

    Les galons, les moustaches,

    Et les poils de la main ;

    Moscou a tout repeint, tout repeint,

    Les arbres, les moustaches,

    Des gueules de vache

    Et les quatre planches en sapin… »

  • Benjamin Péret, depuis son exil mexicain, répond dans ce texte, court mais percutant, au troisième volume publié en juillet 1943 par les clandestines éditions de Minuit, l’Honneur des poètes, qui rassemblait des poèmes de Résistance écrits par Aragon, Eluard, Pierre Seghers, Jean Tardieu, André Frénaud, Francis Ponge, Charles Vildrac, Loys Masson, Pierre Emmanuel et quelques autres. Pour Benjamin Péret, il s’agit de poésie de propagande et il n’y a pire utilisation de la poésie que celle que peut en faire la propagande. « Pas un des ces poèmes, écrit-il, ne dépasse le niveau lyrique de la publicité pharmaceutique et ce n’est pas un hasard si leurs auteurs ont cru devoir, en leur immense majorité, revenir à la rime et à l’alexandrin classiques. La forme et le contenu gardent nécessairement entre eux un rapport des plus étroits et, dans ces vers, réagissent l’un sur l’autre dans une course éperdue à la pire réaction. Il est en effet significatif que la plupart de ces textes associent étroitement le christianisme et le nationalisme comme s’ils voulaient montrer que dogme religieux et dogme nationaliste ont une commune origine et une fonction sociale identique. (...) En définitive l’honneur de ces poètes consiste à cesser d’être des poètes pour devenir des agents de publicité. »

    Les fantômes de la religion et de la patrie Benjamin Péret s’en prend ensuite nommément à plusieurs auteurs du recueil : à Loys Masson, qui « se limite à broder sur le catéchisme », à Aragon qui, bien qu’« habitué aux amens et à l’encensoir stalinien », « ne réussit cependant pas aussi bien que les précédents à allier Dieu et la patrie », mais surtout à Paul Eluard, qu’il tient toutefois pour le « seul » poète de l’anthologie mais dont le poème Liberté lui paraît la forme « la plus achevée » de « litanie civique ». Benjamin Péret ne se contente pas d’un ton pamphlétaire, il argumente : « Apollinaire, explique-t-il, avait voulu considérer la guerre comme un sujet poétique. Mais si la guerre, en tant que combat et dégagée de tout esprit nationaliste, peut à la rigueur demeurer un sujet poétique, il n’en est pas de même d’un mot d’ordre nationaliste, la nation en question fût-elle, comme la France, sauvagement opprimée par les nazis. L’expulsion de l’oppresseur et la propagande en ce sens sont du ressort de l’action politique, sociale ou militaire, selon qu’on envisage cette expulsion d’une manière ou d’une autre. En tout cas, la poésie n’a pas à intervenir dans le débat autrement que par son action propre, par sa signification culturelle même, quitte aux poètes à participer en tant que révolutionnaires à la déroute de l’adversaire nazi par des méthodes révolutionnaires, sans jamais oublier que cette oppression correspondait au voeu, avoué ou non, de tous les ennemis nationaux d’abord, étrangers ensuite de la poésie comprise comme libération totale de l’esprit humain... » Conclusion : « La liberté est comme un appel d’air, disait André Breton, et pour remplir son rôle, cet appel d’air doit d’abord emporter tous les miasmes du passé qui infestent cette brochure. Tant que les fantômes malveillants de la religion et de la patrie heurteront l’aire sociale et intellectuelle sous quelque déguisement qu’ils empruntent, aucune liberté ne sera concevable : leur expulsion préalable est une des conditions capitales de l’avènement de la liberté. »

  • Les "Cahiers du Communisme" :

    STALINE

    chef des peuples de l’Union Soviétique

    chef du Prolétariat mondial

    a fêté ses soixante ans le 21 décembre dernier...

    Au milieu des épreuves d’une lutte dont nous avons la certitude de sortir victorieux, nous communistes de France, nous célébrons ton soixantième anniversaire cher et grand camarade Staline ; nous te souhaitons de longues années de vie et de travail à la tête des peuples de l’Union Soviétique et des prolétaires du monde entier, mais nous savons que le meilleur témoignage d’affection que nous puissions te donner, c’est de t’assurer que jusqu’au bout nous lutterons de toutes nos forces pour libérer notre pays de la domination des capitalistes qui lui imposent la guerre, pour défendre l’Union Soviétique, contre les provocateurs impérialistes et pour obtenir que la guerre voulue par les exploiteurs et oppresseurs de peuples prenne fin avec la disparition des causes essentielles des guerres impérialistes.

    Vive notre grand et cher camarade STALINE, notre maître et notre guide dans l’action révolutionnaire des masses laborieuses pour le pain, la liberté et la paix.

    Vive l’Union Soviétique de Lénine et de Staline.

    Vive le grand et immortel drapeau de MARX-ENGELS-LENINE-STALINE, sous les plis duquel la victoire remportée sur un sixième du globe s’étendra à l’univers tout entier.

    « Le Parti Communiste Français S.F.I.C. ».

     - -

    ... N’oublions pas que des années de stalinisme sont à l’origine du marasme actuel du mouvement ouvrier face à l’effondrement capitaliste et nourrissent tous les fascismes...

  • Le Parti communiste meurt d’être bien trop peu communiste. Et si on essayait enfin de faire au quotidien de la politique communiste au fort sens marxien du mot ? Ce qui veut dire concrètement quoi ? Prendre au sérieux la thèse stratégique fondamentale de Marx : « L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. » Thèse trop avant-gardiste peut-être en l’état où était au XIXe siècle, même dans les pays les plus avancés, le développement des forces productives et de la culture populaire, ce qui a conduit à la révolution par en haut et au parti vertical du feu « socialisme scientifique », dont la défaite historique est consommée ; mais thèse bien davantage de plainpied avec l’état présent des choses et des personnes, sans vouloir l’enjoliver.

    Car en même temps que fait rage le pire capitalisme, son dépassement a déjà de longue date commencé dans des foules d’initiatives de pertinence et efficacité variables où le plus souvent hélas le PCF n’est pour rien (des militants s’y investissent individuellement, mais que fait le parti pour les épauler ?), de l’essor de l’économie sociale à la critique des médias, de la bioéthique au commerce équitable, des solidarités courtes à la revalorisation de l’« idée » communiste, et cent autres choses. En un tout autre sens que Lénine nous aussi pouvons dire en effet : la crise est mûre. Dans tous les domaines se multiplient les choses qui ne peuvent plus durer, et partout des forces modestes tentent de s’y attaquer : mêlons-nous-en ! Et ajoutons-y notre propre liste des choses qui ne peuvent plus durer, du management toyotiste d’entreprise au grossissement de ce qu’une juriste réputée appelle « l’Etat de police ». Mais pas à la vieille façon d’un parti qui pense par-dessus tout aux élections prochaines, croit traiter les problèmes par des campagnes de sommet dont l’une chasse l’autre et s’imagine être sur le terrain en distribuant des tracts à la Défense.

    Lucien Sève

  • Quand Jean Ferrat se démarquait du stalinisme :

    « Ah ! ils nous en ont fait avaler des couleuvres

    De Prague à Budapest, de Sofia à Moscou

    Les staliniens zélés qui mettaient tout en œuvre

    Pour vous faire signer les aveux les plus fous

    Vous aviez combattu partout la bête immonde

    Des brigades d’Espagne à celles des maquis

    Votre jeunesse était l’Histoire de ce monde

    Vous aviez nom Kostov ou London ou Slansky

    [Refrain]

    Au nom de l’idéal qui vous faisait combattre

    Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui

    Ah ! ils nous en ont fait applaudir des injures

    Des complots déjoués, des dénonciations

    Des traîtres démasqués, des procès sans bavures

    Des bagnes mérités, des justes pendaisons

    Ah ! comme on y a cru aux déviationnistes

    Aux savants décadents, aux écrivains espions

    Aux sionistes bourgeois, aux renégats titistes

    Aux calomniateurs de la révolution

    [Refrain]

    Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre

    Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui

    Ah ! ils nous en ont fait approuver des massacres

    Que certains continuent d’appeler des erreurs

    Une erreur, c’est facile comme un et deux font quatre

    Pour barrer d’un seul trait des années de terreur

    Ce socialisme était une caricature

    Si les temps on changé, des ombres sont restées

    J’en garde au fond du cœur la sombre meurtrissure

    Dans ma bouche, à jamais, la soif de vérité

    [Refrain]

    Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre

    Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui

    Mais quand j’entends parler de bilan positif

    Je ne peux m’empêcher de penser : à quel prix ?

    Et ces millions de morts qui forment le passif

    C’est à eux qu’il faudrait demander leur avis

    N’exigez pas de moi une âme de comptable

    Pour chanter au présent ce siècle-tragédie

    Les acquis proposés comme dessous de table

    Les cadavres passés en pertes et profits

    [Refrain]

    Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre

    Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui

    C’est un autre avenir qu’il faut qu’on réinvente

    Sans idole ou modèle, pas à pas, humblement

    Sans vérité tracée, sans lendemains qui chantent

    Un bonheur inventé définitivement

    Un avenir naissant d’un peu moins de souffrance

    Avec nos yeux ouverts en grand sur le réel

    Un avenir conduit par notre vigilance

    Envers tous les pouvoirs de la Terre et du Ciel

    [Refrain]

    Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre

    Et qui nous pousse encore à nous battre

    Jean Ferrat

    Et quand il était stalinien s’opposant aux « gauchistes de mai 68 :

    Pauvres petits c…

    On parle de vous sans cesse

    De vos opinions

    Vos voitures vos maîtresses

    Vos clubs en renom

    Vous avez pour vous la presse

    La télévision

    Vous vous dites la jeunesse

    Pauvres petits c...

    Vous vous dites la jeunesse

    Pauvres petits cons

    Fils de bourgeois ordinaires

    Fils de Dieu sait qui

    Vous mettez les pieds sur terre

    Tout vous est acquis

    Surtout le droit de vous taire

    Pour parler au nom

    De la jeunesse ouvrière

    Pauvres petits c...

    De la jeunesse ouvrière

    Pauvres petits cons

  • Que disent aujourd’hui les intellectuels staliniens de la lutte de Trotsky contre le stalinisme ?

  • En voici un exemple, celui des rédacteurs de L’Humanité !! Ils considèrent le combat comme un duel dans lequel les deux étaient des barbares mais Staline de milieu plus populaire !!!

    « Ce duel qui s’est conclu d’un coup de piolet

    Sur le duel en tant que tel, le documentaire est plutôt équilibré. Le retour, bien documenté, sur la terreur stalinienne ne débouche sur aucun angélisme à l’égard de Trotski. En guise de «  prophète  », on découvre un chef de guerre héroïque face aux contre-révolutionnaires, mais également impitoyable avec ceux qui rechignent à s’engager dans les rangs de l’armée Rouge. «  Il n’hésite pas à faire fusiller tous ceux qui s’opposent à son combat  », est-il ainsi rappelé. Par ailleurs, la complexité de la personnalité de Staline est bien rendue. Issu d’un milieu très modeste, il n’a pas l’aisance oratoire du fils de propriétaires terriens Trotski. Mais il dispose d’autres atouts, notamment «  une très bonne connaissance des ressorts de la psychologie humaine  », selon l’historien Alexandre Sumpf, l’un des intervenants. Connaissance qu’il utilisera pour dresser les uns contre les autres ses rivaux politiques, et écarter finalement toute la vieille garde du parti bolchevique, au profit d’hommes qui lui doivent tout. Exilé, Trotski ne renonce pas à jouer sa partition. Au point d’inquiéter sérieusement le maître du Kremlin ? Suffisamment, en tout cas pour que celui-ci le fasse assassiner. Ce sera à Mexico, le 21 août 1940, d’un coup de piolet dans le crâne. 300 000 personnes participeront aux obsèques. »

    https://www.humanite.fr/ce-duel-qui-sest-conclu-dun-coup-de-piolet-569545

    Pas de souci ! Même reconvertis à la sauce démocratique capitaliste, le stalnisme n’est pas mort et son combat contre Trotsky non plus du coup !!!

  • Les intellectuels staliniens se sont inventé Staline…

    « Staline : un monde nouveau vu à travers un homme » par Henri Barbusse

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1133217/texteBrut

    autre présentation :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k947298g/f9.item

    Romain Rolland :

    « Cher camarade Staline…

    …pour le procès qui a suivi le meurtre de Kirov, je vous disais combien il serait essentiel de faire connaître au public étranger les charges écrasantes qui fait châtier les conjurés. On ne l’a point fait. Le résultat est qu’en Occident s’est répandue l’opinion que, selon les expressions de Léon Trotsky dans un récent article du 31 octobre, paru dans son organe de Paris La Vérité, « on s’est servi de l’affaire Kirov pour anéantir des dizaines de gens, manifestement dévoués à la Révolution, mais qui réprouvaient l’arbitraire et les privilèges de la caste dominante ». On ajoute que les accusations portées contre Zinoviev et Kamenev sont absolument sans fondement. Et Trotsky se fait le promoteur d’une demande de « Commission internationale, au dessus de tout reproche par sa composition, qui serait chargée d’enquêter sur les arrestations, procès, fusillades, déportations, en liaison avec l’affaire Kirov ». Trotsky, qui me prend à partie dans cet article, intitulé : « Romain Rolland remplit sa mission », me somme d’accepter cette proposition et pensant que je m’y refuserai, insinue que mon refus sera la preuve de la peur que les amis du régime soviétique ont de faire la lumière sur cette affaire. »

  • Lire encore sur les "compagnons de route" du stalinisme et pas du communisme :

    https://cturss.hypotheses.org/198

  • « Sous couvert de reconnaissance tardive de la Révolution d’Octobre, l’aile « gauche » de l’intelligentsia occidentale s’est mise à genoux devant la bureaucratie soviétique. Les artistes doués de caractère et de talent sont, en règle générale, marginalisés. Et c’est ainsi qu’avec le plus grand sans gêne, des ratés, des carriéristes, des gens dépourvus de dons se sont propulsés au premier rang. On a inauguré l’ère des centres et des bureaux de toutes sortes, des secrétaires des deux sexes, des inévitables lettres de Romain Rolland, des éditions subventionnées, des banquets et des congrès, où il est difficile de découvrir la ligne de démarcation entre l’art et le G.P.U. Malgré sa vaste extension, ce mouvement de militarisation n’a pas donné naissance à une seule oeuvre qui puisse immortaliser son auteur ou ceux qui, du Kremlin, l’ont inspirée. »

    https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/06/lt_19380617_01.htm

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