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Le courant Lambert, du trotskisme à l’opportunisme

lundi 9 mai 2016, par Robert Paris

« Pour le socialisme, la République et la démocratie » est le slogan du courant dont nous allons parler et il convient de souligner tout ce que ce slogan a de contradictoire, le socialisme n’étant certainement pas à associer avec les slogans bourgeois de république et de démocratie et c’est là un parfait exemple de la dérive considérable qui a amené un groupe issu du trotskisme à devenir un espèce de chevénementisme nationaliste de gauche…

Le courant Lambert, l’une des branches du courant trotskiste en France : PCI-OCI-PCI-MPPT-PT-POI-CCI, de nombreux sigles et un glissement vers l’opportunisme

En ce qui concerne le courant Lambert, on constate dans toute son évolution (et dans tous les morceaux de groupe issus de ce courant comme nous venons de le constater à nouveau en dialogant avec un de ces morceaux qu’est le GMI) une identification constante de l’organisation (syndicale ou politique) à la classe ouvrière, un rejet de la théorie et des intellectuels au profit des activistes, des recruteurs, des syndicalistes manoeuvriers et des « organisateurs », une identification de l’analyse avec la justification de tactiques soi-disant géniales qui consistent à s’adapter au courant syndical ou politique qu’on estime porteur de succès, une organisation considérée comme le centre indiscutable de toute activité et comme le lieu de tous les affrontements menant systématiquement à des exclusions… Une autre caractéristique du courant : faire des pactes avec toutes tendances politiques et syndicales, en fonction des calculs, mais jamais avec l’ « extrême gauche » dont ce courant récuse même le terme et prétend ne pas en faire partie. Le parti unique est la thèse fondamentale de ces prétendus trotskistes ! Mais, en fait de parti, on n’a affaire qu’à une boutique qui identifie ses intérêts conjoncturels avec ceux du mouvement ouvrier international !!!

Sous tous ses avatars et ses dénominations successives (Parti communiste internationaliste, Organisation communiste internationalistes, Mouvement pour un parti des travailleurs, puis Parti des travailleurs), la formation de Boussel-Lambert, loin de viser à reconstruire la conscience ouvrière révolutionnaire, a cherché à peser de tout son poids au sein du PS et de la bureaucratie syndicale pour s’appuyer sur la social-démocratie et l’appareil syndical et y bâtir son prpre poids d’organisation. Toutes ces tactiques, se faisant de manière occulte et surtout pas au vu et au su des travailleurs eux-mêmes, n’ont bien entendu, rien à voir avec la construction du parti ouvrier révolutionnaire. La confiance dans les capacités révolutionnaires du prolétariat est aussi absente de ce courant politique que la confiance dans les capacités de la théorie marxiste et des analyses trotskistes, transformées par lui en justification de tous les tournants et de tous les opportunismes. Un Gluckstein peut ainsi, dans un meeting commun avec les chevénementistes, se revendiquer de Marx affirmant que la révolution sociale a lieu d’abord dans un cadre national pour en conclure que ce cadre doit être défendu : c’est la république française !!!

Pierre Lambert a été formé à la politique, à partir de 1938, dans le PCI de Molinier-Frank et ce n’est pas une remarque accessoire comme on va le voir ensuite… C’est une école de la manœuvre, des coups en sous-main, des opérations financières et organisationnelles douteuses, des activismes opposés à l’étude politique et à la théorie, de bien des choses qui vont se maintenir et se propager dans les méthodes de Lambert qui n’a rien d’un dirigeant théorique et qui déteste même ce type de militants…

Le 20 mars 1938, lors des discussions sur la fondation de la Quatrième internationale, Trtosky déclare à propos de Molinier :

« Molinier déclare qu’il est en principe avec nous, mais que notre politique d’organisation est mauvaise, et qu’il en a une meilleure. Son organisation est imprégnée de haine pour la nôtre. »

voir ici

Cela n’empêchera pas Lambert de faire semblant toute sa vie d’être le lien vivant entre la quatrième internationale de Trtosky et la jeune génération…

Trotsky écrivait à Farrell Dobbs le 10 janvier 1940 :

« En 1934, Molinier essaya de remplacer le programme du parti par "quatre mots d’ordre" et fonda un journal sur cette base, »

Remplacer le programme communniste par quatre mots d’ordre « opératoires », on verra le courant lambertiste faire cela bien des fois….

Le camarade Lejeune (le principal pseudo de Lambert-Boussel à cette époque) a donc été formé par l’école Molinier-Franck, activiste, anti-intellectualiste et souvent sectaire, manœuvrière, agressive vis-à-vis des autres courants considérés comme des concurrents, capable de toutes les manœuvres et de tous les mensonges, de tous les opportunismes au nom du réalisme et de la stratégie….

Avant d’étudier les évolutions de la branche Lambert du courant trotskiste, il convient de rappeler que la section française a toujours été en crise du vivant de Trotsky et que ce dernier n’est jamais parvenu à lui faire passer la compréhension d’une politique révolutionnaire…

La section française « trotskiste » s’est reconstruite après la deuxième guerre mondiale, après la disparition de Trotsky assassiné par un agent stalinien, autour du dirigeant Frank, le même avec lequel Trotsky avait clairement et publiquement rompu après avoir vainement tenté de l’influencer et de le transformer, qu’il avait exclu de la section française en même temps que l’aventurier Molinier avec lequel il pactisait dans la section française et plus tard dans le groupe « La Commune …

Le courant POI que soutenait Trotsky contre Molinier et Frank a quasiment disparu après la guerre, son dirigeant Pierre Naville abandonnant le militantisme. C’est donc les dirigeants du PCI que combattait Trotsky qui vont se charger eux-mêmes de refonder… le trotskisme en France !!!

Pierre Frank prend la direction du PCI, groupe trotskyste reconstitué après guerre.

Il n’y a donc rien d’étonnant que les défauts que Trotsky reprochait à Pierre Franck avant la guerre soient à reprocher à la section française pendant et après la guerre.

Nous reproduisons des lettres de Léon Trotsky sur Franck et Molinier :

Janvier 1931
Les erreurs des éléments droitiers de la Ligue dans la question syndicale

Il faut le dire carrément : les erreurs de quelques oppositionnels français, membres de la Ligue, dans la question syndicale, révèlent de surprenants traits de ressemblance avec la funeste expérience britannique. Seulement, l’échelle des erreurs, en France, est pour le moment beaucoup plus réduite et ce n’est pas sur la base d’un mouvement de masse qu’elles sont commises. Cela permet à certains camarades de ne pas les remarquer ou de sous estimer leur importance de principe. Cependant, si la Ligue devait permettre également, à l’avenir, que son travail syndical soit mené par des méthodes élaborées par la majorité de l’ancienne direction, les idées et le drapeau de l’opposition de gauche en seraient compromis en France pour longtemps.
Il eût été criminel de fermer les yeux. Puisqu’on n’a pas réussi à redresser ces erreurs à leur stade initial par des conseils et des mises en garde personnelles, il reste à désigner ouvertement les erreurs et leurs auteurs, afin de redresser la politique par des efforts collectifs.
(…) Certains camarades dirigeants qui ont obstinément mené jusqu’à hier une politique de capitulation déclarent aujourd’hui qu’ils sont "complètement d’accord" avec la nécessité de transformer l’Opposition Unitaire en bloc. En vérité, ils veulent se contenter d’un changement de nom. Plus vite ils "se sont mis d’accord" avec la critique marxiste, plus ils mènent, en vérité, une lutte pour que tout reste comme auparavant. Ils veulent tout simplement exploiter la phraséologie de la critique marxiste pour couvrir l’ancienne politique. Ces méthodes ne sont pas nouvelles, mais le temps ne les rend pas plus attrayantes. Une organisation révolutionnaire serait corrompue pour longtemps, sinon pour toujours, par un poison de duplicité et de fausseté, si elle permettait de masquer une politique opportuniste sous une phraséologie révolutionnaire. Espérons fermement que la Ligue ne permettra pas cela. (…)Une des sources psychologiques de l’opportunisme consiste en une impatience superficielle, un manque de confiance dans les progrès graduels de l’influence du parti, un désir de conquérir les masses par des manœuvres d’organisation ou une diplomatie personnelle. De là découlent la politique de combinaisons de couloirs, la politique du laisser faire, de l’étouffement, du renoncement à soi même, de l’adaptation aux idées et aux mots d’ordre d’autrui et enfin le passage complet sur les positions de l’opportunisme.

Lettre à L. Sedov
10 janvier 1932

De toute évidence, Frank ne laisse pas passer une seule occasion de faire une bêtise. Il est en train de mener une bataille contre le groupe juif, contre Naville et Gérard et sans avoir mené ce combat jusqu’au bout, il s’est empressé de déclencher une lutte frénétique contreTreint - basé sur sa propre clairvoyance quant aux trahisons futures de Treint.
Tu sais probablement que sans même essayer de trouver un accord avec Treint, Frank a déposé à la commission exécutive une motion pour exclure Naville et Gérard (pour leur intention de publier un bulletin intérieur au nom du district de Paris). Frank a choisi l’occasion la moins favorable, ne s’est entendu avec personne et a honteusement échoué. Un tel allié est littéralement plus dangereux qu’un ennemi. Au secrétariat administratif, il capitule sur toutes les questions de principe alors qu’à la commission exécutive de la Ligue il bondit sans préparatifs et échoue. A ces brillants talents stratégiques il faut évidemment ajouter un effroyable entêtement : il n’écoute les conseils de personne. Il ne réagit à aucun argument, agit comme s’il avait fait le pari de faire le plus possible de choses stupides dans le délai le plus bref possible.

Lettre à Léon Sédov

19 avril 1932
Lyova,

Que fait Frank à Berlin ? Et que veut-il ? Il cherche une voie médiane entre sectarisme et bureaucratisme ? Cela veut-il dire qu’il est en dehors du parti ? En tout cas, il a confirmé le pronostic selon lequel il allait dans l’organisation seulement pour commencer à s’y quereller. Avec ses incontestables capacités ce monsieur sera évidemment plus dangereux pour l’organisation à laquelle il appartient que pour celle qu’il combat.

Lettre au Comité Central du Groupe Bolchévik-Léniniste

4 décembre 1935

Chers Camarades,

Si l’on veut savoir ce qu’est l’abdication aux principes, il faut lire attentivement la lettre de P. Frank . Politiquement elle est inconsistante. Mais elle reflète, très bien l’état d’esprit d’un intellectuel (pour ne pas dire petit-bourgeois) sceptique et désorienté.

Que vous répond un petit bourgeois français « avancé », « très gauche », « très révolutionnaire » (« la patrie ? On s’en fout.. grève générale, insurrection »), qu’est-ce qu’il vous répond à votre objection : il vous répond immédiatement : « On ne veut pas votre « prépondérance d’organisation », « Un nouveau parti ? Une nouvelle Internationale ? Non, on en a eu assez ». Voila la réponse typique.

Et Frank, qu’est-ce qu’il fait ? Il traduit servilement cette mentalité. « Aucun ultimatisme d’organisation . » « Aucun groupe actuellement existant ne peut prétendre à la prépondérance d’organisation . » C’est humiliant, même pour un marxiste, de répondre à des arguments pareils. Est-ce que nous nous sommes jamais préoccupés de la « prépondérance » d’organisation ? Il s’agit pour nous d’un programme, qui correspond à la situation objective. Si une autre organisation plus large que la nôtre accepte ce programme (non en paroles, mais dans les actes), nous sommes prêts à fusionner sans la moindre prétention de prépondérance. Voyez les Etats-Unis et la Hollande [1] .
Mais dans la lettre de P. Frank, dans toute sa pensée (comme dans-le fameux appel de la « Commune ») il n’y à aucune mention du programme, et non sans raison : le programme, c’est un obstacle sérieux pour la fraternisation générale des petits-bourgeois, des intellectuels, des pessimistes, des sceptiques et des aventuriers, et nous autres croyons que le programme détermine tout.

« Pas d’ultimatisme d’organisation . » Quel abus révoltant de la formule léniniste, pas d’ultimatisme envers les masses, envers les syndicats, envers le mouvement ouvrier, mais l’ultimatisme le plus intransigeant envers chaque groupement qui prétend diriger la masse. Cet ultimatisme-là, il s’appelle le programme marxiste. Comment le faire accepter par la masse ? C’est une question naturellement très grave. Mais si l’on veut créer un organe de masse, il faut que la rédaction elle-même possède un programme et que ce programme soit marxiste. Or ; à la place de ce programme on met un je m’en fichisme aventurier. Rien de plus.

Milice ouvrière et défaitisme révolutionnaire, ce n’est pas un programme. « Tout le monde » les accepte maintenant avec telle ou telle réserve. Le programme maintenant, c’est la lutte pour le nouveau parti contre les deux Internationales et contre Marceau Pivert (S.A.P ., I.A.G .), le valet de l’unité des réformistes et des staliniens. Se gargariser maintenant de « l’unité organique » et même de « l’unité organique révolutionnaire », signifie tromper les masses avec Marceau Pivert et les autres valets du social-patriotisme. Comités d’action, parti révolutionnaire et IV° internationale, c’est ici que commence le programme adéquat a l’étape actuelle. Se borner aux formules insuffisantes ou périmées signifie jouer un rôle réactionnaire. Et il est difficile de s’imaginer un document plus réactionnaire que l’appel de la « Commune » si ce n’est lettre de P. Frank. Le gros argument dans cette lettre : « Pourquoi les B.L. sont restés faibles en Allemagne et puis en France ? » n’est qu’un écho des objections centristes : pourquoi êtes-vous battus par la bureaucratie stalinienne, par la réaction coalisée chinoise, etc. ? Nous avons donné l’explication depuis longtemps et nous n’avons jamais promis de faire des miracles. Notre travail international n’a commencé qu’en 1929 et non sur un terrain vierge, mais sur un terrain extrêmement obstrué par de vielles organisations glissantes et des nouvelles organisations confuses et souvent traîtresses, qui se réclamaient de nos principes Nous étions en lutte constante contre les Pierre Frank en Allemagne et en Espagne contre les sceptiques et aussi contre les aventuriers ; qui ont voulu faire des miracles (en se cassant le cou). Le fait même que Frank emploie des arguments si sommaires et si confus, démontre qu’il se sent étranger à notre organisation. Mais malgré tous les sceptiques et tous les aventuriers, c’est la seule organisation qui connaît son chemin et qui fait des progrès et qui porte dans son sein l’avenir de la classe ouvrière.

Il n’y a. que les petits enfant qui puissent croire qu’il s’agit entre nous et le groupe de la « Commune » de la question d’un « journal de masse ». Il s’agit au vrai de la question du programme, de l’orientation historique de la tendance. Il s’agit d’un nouvel épisode de la lutte entre le marxisme et le centrisme – d’une lutte qui caractérisé toute notre époque.

L. Trotsky.
PS — Je voudrais encore attirer votre attention sur les procédés absolument intolérables du groupe de la « Commune ».Voilà comment Frank les décrit lui-même : « La décision de créer la « Commune » prise, les premiers pas faits, nous nous sommes tournés vers les organisations existantes (groupe B.L., J.S., Minorité du Front Social, Groupes d’Action Révolutionnaires [2] , leur disant : vos discussions se prolongent dangereusement, nous avons mis pour vous un journal sur pied ; prenez-le ; allez-y. » Or ce sont les soi-disant B.L. qui créent la « Commune » et qui s’adressent après cela de la hauteur de cette nouvelle position acquise, aux simples mortels des « diverses tendances et organisations »... « Allez-y. » Qu’est-ce qu’ils ont donc créé, ces initiateurs audacieux ? La « Commune ». Et qu’est ce que la « Commune ». Une doctrine ; un programme, des mots d’ordre, un drapeau ? Non, rien de tout cela. C’est un local, des affiches et... la caisse. Il s’agit, d’une certaine somme d’argent. Voilà la vérité. Et c’est de la hauteur de cette position purement matérielle que les initiateurs font la tentative de diriger et même de commander la tendance B.L. Voilà où on tombe, quand on perd la boussole. Non, ce n’est pas notre organisation qu’on peut diriger par des méthodes pareilles. Dans les marais centristes on est beaucoup plus conciliant. Essayez vos méthodes là-bas. « Allez-y. »

Notes
[1] Aux U.S.A. et en Hollande, les organisations trotskystes avaient fusionné avec des organisations plus importantes. La présidence des nouveaux partis était revenue dans les deux cas au groupe le plus nombreux.
[2] Les G.A.R. étaient des groupes animés par les militants de La Commune et visaient à regrouper toutes les obédiences révolutionnaires.

Molinier et Franck, exclus du courant trotskyste officiel en décembre 1935 par Naville, créent en mars 1936 le Parti communiste internationaliste (PCI). Ils publient alors La Commune, et sont également exclus de la Quatrième Internationale, publiant début 1939 Correspondance internationale
.
Léon Trotsky en mai 1937 dans une lettre à Lagorcesur l’exclusion de Molinier et Franck

Le groupe de R. Molinier et surtout lui-même ont démontré une incapacité absolue de travailler dans une organisation ouvrière par des méthodes normales. Quand R. Molinier trouve que son inspiration passagère, juste ou fausse (plus souvent fausse que juste), n’est pas immédiatement assimilée par l’Organisation, il ne s’arrête devant aucun moyen de pression, pas même les moyens financiers. J’avais toujours apprécié son énergie, son dévouement à la cause, qu’il confond d’ailleurs trop souvent avec sa personnalité. Je l’avais souvent défendu contre des critiques parfois exagérées, espérant que la croissance de l’Organisation neutraliserait ses défauts et permettrait d’utiliser ses qualités. C’est malheureusement le contraire qui est arrivé. R, Molinier a transporté dans l’organisation révolutionnaire les manières de l’homme d’affaires, avec une brutalité et un manque de scrupules absolument intolérables. J’ai essayé de l’avertir directement et par l’intermédiaire de ses amis (qui par leur docilité aveugle sont ses pires ennemis) maintes fois. Je n’ai jamais réussi à le convaincre ni même à atténuer ses procédés ; il a rompu avec l’organisation nationale et internationale avec une légèreté criminelle. Son organisation n’a pas la moindre chance de succès. Une tentative de fusion fut faite. R. Molinier a recommencé ses manœuvres de plus belle. C’est sa faute ! C’est son crime ! Ce qui indigne surtout les camarades, et avec raison, c’est sa manière de dire à l’organisation : « Vous aurez l’argent si vous me suivez : sinon vous n’aurez rien. » La scission est donc devenue inévitable après la tentative de fusion. R. Molinier m’a rendu visite à ce moment là en Norvège par sa propre initiative. Je lui ai dit a peu près ceci : « Après les crimes commis par vous il ne vous reste plus qu’a rentrer dans l’ombre, allez ailleurs (Etats-Unis, etc.) ; laissez, l’organisation fusionner et se développer ; démontrez par votre activité que vous avez compris la leçon. Alors vous pourrez retrouvez votre place dans les rangs de la Quatrième Internationale ». II n’a rien voulu comprendre. Puisqu’il avait de l’argent, il a lancé une organisation à lui. Il gaspille les énergies et les ressources pour rien. La faillite de son entreprise est absolument inéluctable. L’expérience faite, je ne puis recommencer la moindre concession à personne. Le seul conseil que ses vrais amis puissent lui donner est d’abandonner une entreprise condamnée par avance.

Léon Trotsky en 1940 dans « Défense du marxisme », « D’une égratignure en danger de gangrène » :

L’exemple de Molinier ne peut que jeter sur les choses un brouillard superflu, que je vais essayer de dissiper. On n’accusait pas Molinier d’avoir abandonné notre programme, mais d’être indiscipliné et despotique et de monter toutes sortes d’aventures financières pour aider le parti et sa fraction. Comme Molinier est un homme d’une grande énergie, aux capacités pratiques indiscutables, j’ai trouvé nécessaire non seulement dans l’intérêt de Molinier, mais surtout dans l’intérêt de l’organisation elle-même, d’épuiser toutes les possibilités de le convaincre et de le rééduquer dans l’esprit de la discipline prolétarienne. Comme beaucoup de ses adversaires possédaient ses défauts sans avoir ses qualités, j’ai tout fait pour les convaincre de ne pas hâter une scission, mais de mettre inlassablement Molinier à l’épreuve. Voilà en quoi a consisté ma "défense" de Molinier pendant l’adolescence de notre section française.
Considérant qu’une attitude patiente à l’égard de camarades dans l’erreur ou indisciplinés ainsi que les efforts répétés pour les rééduquer dans l’esprit révolutionnaire sont absolument indispensables, je n’ai pas appliqué ces méthodes au seul Molinier. (…) Dans quelques cas il m’a été possible de conserver au parti de précieux camarades.
En tout cas, je n’ai jamais fait la moindre concession de principe à Molinier. Quand il décida de fonder un journal sur la base de "quatre points" substitués à notre programme et qu’il entreprit de réaliser ce plan de façon indépendante je fus un de ceux qui insistèrent pour son exclusion immédiate. Mais je ne cacherai pas qu’au congrès de fondation de la IVe Internationale, je fus une fois encore partisan de mettre à l’épreuve Molinier et son groupe dans le cadre de la IVe Internationale pour voir s’ils s’étaient convaincus de l’erreur de leur politique. Cette fois encore la tentative ne donna rien. Mais je ne renonce pas à la renouveler dans des conditions appropriées. Le plus curieux est que parmi les plus grands adversaires de Molinier se trouvaient des gens comme Vereecken et Sneevliet qui, après leur rupture avec la IVe Internationale, réussirent à s’unir avec lui.

Chronologie

En 1944, la fusion des deux groupes trotskystes débouche sur la proclamation du Parti communiste internationaliste (PCI), section française de la IVe Internationale.

Au référendum du 21 octobre 1945 le PCI appelle à voter OUI pour que l’Assemblée soit Constituante. Il lance un appel au P.S. et au P.C. pour former des Comités de Défense de la Constituante, il demande que les députés soient éligibles et révocables à tout moment. Il veut ni plus ni moins « soviétiser » la Constituante bourgeoise. Il pratique alors une politique de critique de gauche du PCF mais absolument pas une politique révolutionnaire. Du nationalisme le plus notoire le PCI est tombé dans l’électoralisme le plus plat. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas ces camarades de regretter quelques mois plus tard « la persistance des préjugés parlementaires dans les masses ».

Et au référendum constitutionnel de mai 1946, le PCI fera bloc encore une fois avec les partis soi-disant ouvriers, en faisant voter OUI à la Constitution.

Et leur argument était pour le moins étrange. en effet, on pouvait lire dans « La Vérité » du 28 avril 1946 :
« La Constitution prévoit 1’indemnisation des gros actionnaires des entreprises nationalisées, elle maintient l’oppression impérialiste des peuples coloniaux. Elle reconnaît comme inviolable la propriété privée des exploiteurs. »
Mais il fallait voter OUI pour empêcher le triomphe de la réaction.
Lorsqu’après 1948 les staliniens baptisent les « Démocraties Populaires » du nom d’Etats « ouvriers », la IVème leur emboîtera le pas allègrement en ajoutant bien entendu le terme « dégénérés » ou « déformés ». On est trotskyste ou on ne l’est pas. Là aussi l’analyse politique sera remplacée par des étiquettes vides de sens décernées généreusement. Et lorsque se produira la rupture entre l’URSS et la Yougoslavie, Tito sera salué comme un révolutionnaire aux qualités remarquables et le PCY appelé à devenir le tremplin d’où partirait l’assaut contre le stalinisme. « La Vérité » d’octobre 1950, n° 258 titrait après le voyage de militants en Yougoslavie :
« Ceux qui ont vu la vérité en Yougoslavie vous disent : »OUI C’EST UN ÉTAT OU SE CONSTRUIT LE SOCIALISME, C’EST LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT"
Au « Deuxième congrès mondial » qui se tenait à Paris, en 1948, le secrétaire de l’Internationale déclarait : « Nous sommes réellement en présence de l’assemblée internationale la plus représentative qui ait jamais été réunie par notre mouvement international depuis sa fondation. »

Dans la guerre froide des années 1950, selon la « IVème Internationale », les partis staliniens joueraient un rôle révolutionnaire et, comme on n’avait plus le temps de construire des partis révolutionnaires, il faut dire que ces camarades semblent n’avoir jamais le temps d’en construire, il fallait entrer coûte que coûte au sein des partis staliniens ou socialistes afin de s’intégrer dans le mouvement réel des masses. Il fallait travailler et rester à tout prix dans les P.C., les « ruses » et les trahisons étant non seulement admises mais nécessaires. Pablo en tirait la conclusion que le stalinisme avait un rôle « historiquement progressif ». Et l’intégration aux partis staliniens n’en était que la conséquence logique. Et c’est cette conception qui prit le nom de « pablisme ». La majorité de la section française refusa de se dissoudre au sein du P.C.F. et brandit l’étendard de la révolte. Elle créa peu après avec les sections anglaise, néo-zélandaise et suisse le C.I.

Lambert, exclu en 1950 de la CGT et qui devient alors employé d’une caisse d’assurance maladie et, assez rapidement, permanent syndical Force ouvrière, anime un regroupement de militants syndicaux antistaliniens mais partisans de la réunification de la CGT sur la base de son indépendance de classe (souvent symbolisée par la référence à la Charte d’Amiens), avec un journal, L’Unité.

En 1951, la crise du « mouvement trotskyste mondial » entraine que la majorité de la section française, autour de Lambert, Marcel Favre-Bleibtreu, Marcel Gibelin et Michel Lequenne, est exclue de l’ « Internationale » de Michel Pablo.

L’éditorial de « Quatrième Internationale » consacré au « Troisième congrès mondial » (1951), disait pour sa part : « Jamais dans le passé on n’avait connu cette atmosphère de sûreté, de conviction, d’optimisme, d’homogénéité réelle du mouvement trotskyste... Tous ceux qui participèrent au Troisième congrès mondial avaient le sentiment de se tenir, fermes, sur un terrain solide,.. inflexibles, prêts à affronter l’orage apocalyptique qui approche avec un optimisme révolutionnaire décuplé quant à l’issue finale de la lutte ». C’était pourtant, rappelons-le, le congrès où s’amorçait la scission qui allait donner naissance au Comité International !
Il est vrai qu’au cinquième congrès (1957), Pablo caractérisait ainsi cette scission : « Cette crise dans nos rangs survenait à un moment où les conditions objectives changeaient... en faveur du trotskysme et de la Quatrième Internationale. Notre propre crise, loin d’être un signe de déclin de notre mouvement était en réalité un signe de ces temps nouveaux... »

En 1952, création par l’ancienne « section française » de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI)

Danos et Gibelin sont exclus en 1953.

1955 : Marcel Bleibtreu est « écarté » du PCI tout comme Marcel Danos, Jacques Gibelin. Michel Lequenne rejoint l’autre PCI, celui de Pierre Frank.

Lambert présente Messali Hadj comme le "Lénine algérien" et son courant ne cessera de soutenir le MNA contre le FLN, un courant natioanlsite bourgeois contre l’autre…

En 1958, Lambert interprète le retour au pouvoir du général de Gaulle et la mise en place de la Cinquième République en 1958 comme un coup d’Etat bonapartiste et se montra énormément pessimiste quant à la capacité de la classe ouvrière à lutter

Le bureaucrate syndical de FO Alexandre Hébert assiste fréquemment aux réunions du Bureau politique de ce qui devient l’OCI (Organisation Communiste Internationaliste) en 1965 alors qu’il ne se considère absolument pas comme trotskyste et ne s’en cache pas.

En 1959, Lambert et Hébert votent pour la première fois pour le rapport moral au congrés de la CGT-Force ouvrière. Pourtant la direction confédérale FO vient de refuser de voter Non au premier référendum gaulliste, celui sur la constitution de la V° République

En 1960 Lambert fait exclure -confidentiellement, puisqu’officiellement ces militants ne sont pas membres de son groupe- Robert Chéramy, Louis-Paul Letonturier et Charles Cordier, qui deviendront tous des dirigeants syndicaux à la FEN et, pour le premier, un conseiller de François Mitterrand.

Exclusion de Boris Fraenkel en 1967

En juin 1968, l’OCI (dissoute par le gouvernement comme l’ensemble des groupes d’extrême gauche) devient l’Organisation Trotskyste. La Fédération des étudiants révolutionnaires (FER) devient l’Alliance des jeunes pour le socialisme (AJS).

En juillet 1970, annulation par le Conseil d’état du décret de dissolution ; l’organisation redevient l’OCI.

En 1971, l’OCI est exclue du regroupement international autour de la SLL anglaise.

En 1968, Lambert envoie le jeune militant de l’OCI Lionel Jospin, « taupe » au Parti socialiste et faire partie de l’équipe rapprochée de François Mitterrand puis devenir le secrétaire national du PS. Il est alors haut fonctionnaire au Quai-d’Orsay tout en militant clandestinement à l’OCI. Jospin ne rompt avec Lambert qu’en 1983…

1973 : exclusion de l’OCI de Balazs Nagy, dit Varga.

1976 : création de la "IVème Internationale (comité international" par l’éphémère fusion du CORQUI avec le courant Nahuel Moreno. Cet tentative butera en 1981 sur la victoire électorale de Mitterrand (PS) qui amène l’OCI à se tourner vers le courant socialiste plut^to que vers l’extrême gauche trotskiste…

1979 : exclusion de l’OCI de Charles Berg

En 1979, formation d’un "comité paritaire" entre le courant animé par l’OCI française et le courant dirigé par le révolutionnaire argentin Nahuel Moreno, suivie d’une rupture entre Lambert et Moreno en 1981, quand l’OCI croit voir dans le courant « de gauche » un moyen de former le parti révolutionnaire, en appuyant ce courant social-démocrate…

En 1980, l’OCI mène une vigoureuse campagne pour le vote Mitterrand « dès le premier tour, pour chasser Giscard »…

La Tendance léniniste-trotskyste (ou TLT) animée par Christian Leucate et Daniel Gluckstein au sein de la LCR, et qui regroupe plusieurs centaines de membres, est exclue de la LCR en 1979, avec environ 400 militants et fonde la Ligue communiste internationaliste (LCI) qui fusionne rapidement avec l’Organisation communiste internationaliste.

En décembre 1981, l’OCI devient le Parti Communiste Internationaliste (PCI).

L’OCI soutient à fond le candidat Mitterrand, combat virulemment quiconque à l’extrême gauche critique son candidat. En 1981, les lambertistes assureront même le service d’ordre au service du parti socialiste place de la Bastille au soir de la « victoire » du 10 mai.

1981 : exclusion des partisans de Moreno, qui sont hostiles à la tactique du PCI de soutien à la social-démocratie.

Fin 1983, à la demande d’André Bergeron, le dirigeant de FO, une décision importante est prise et imposée par Lambert : faire sortir de la FEN la grande majorité des militants de l’OCI-PCI pour leur faire prendre en main la fédération FO de l’enseignement. Véritable coup historique porté à l’unité de la FEN.

1984 : Pierre Lambert présente une nouvelle politique, baptisée la « ligne de la démocratie » qui provoquera de nombreux remous, scissions et départs dans son organisation. Exclusion de Stéphane Just avec une cinquantaine de militants.

La création du MPPT par le Parti communiste internationaliste, 1985, suit l’année d’exclusion de Stéphane Just, dirigeant historique du courant lambertiste. En 1984-1985, Lambert, Cambadélis et Gluckstein entreprennent de liquider l’ancien PCI pour créer un « parti large », républicain, laïc et patriote, le MPPT (renommé ensuite PT en 1991, puis POI en juin 2008).

En 1986, Jean-Christophe Cambadélis emporte près de 400 militants, dont l’essentiel de l’équipe dirigeant le syndicat étudiant UNEF-ID, avec son président Philippe Darriulat, au Parti socialiste. Cette équipe, entraînée par les conseils de Lambert à "négocier" postes, fonds et places dans l’UNEF et la MNEF (la mutuelle étudiante), a trop bien retenue ses leçons…

1987 : Exclusion de Luis Favre.

1989 : exclusion de Pierre Broué avec plus d’une centaine de militants.

Lambert aide, au nom d’amitié personnelle, l’élection de Marc Blondel à la tête du syndicat FO…

En 1991, c’est le tour d’André Langevin, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Informations ouvrières, d’être exclu avec un groupe de militants.

10-11 novembre 1991 : le Mouvement pour un Parti des travailleurs (MPPT) devient le Parti des travailleurs (PT) dont le Courant communiste internationaliste (CCI) rassemble les trotskystes qui contrôlent le Parti. Daniel Gluckstein devient le secrétaire national du PT.

En 1992, quatre membres du comité central dont Pedro Carrasquedo et Alexis Corbière, Conseiller de Paris de 2008 à 2014 (et secrétaire national du PG de Jean-Luc Mélenchon), sont exclus avec plus de 150 militants.

A l’automne 1995, Chirac et son conseiller, sénateur de Paris, Maurice Ulrich, reçoivent à dîner à l’Elysée la paire Lambert-Hébert. Le but : manœuvrer au sein de l’appareil FO pour une alliance clandestine entre « trotskistes » et « gaullistes » contre les sociaux-démocrates.

Le PCI est dissout et transformé en Courant communiste internationaliste, simple tendance trotskiste au sein du Parti des travailleurs, censé regrouper toutes les tendances du mouvement ouvrier….

En 1998, Daniel Gluckstein, au nom du CCI, initie avec 40 autres militants, dont Frédéric Mérat et des responsables de divers courants internes du Parti communiste français, dont Jean-Jacques Karman et Rémy Auchedé, et du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement le « Comité national pour l’abrogation du traité de Maastricht ».

En 2002, exclusion de militants qui forment le groupe CRI.

Dès le 20 septembre 2003, il appelle avec divers élus dont Gérard Schivardi à la victoire du « non » au référendum sur le traité constitutionnel de l’Union européenne par la création d’un comité ad hoc.

En 2007, il est directeur de campagne de Gérard Schivardi, « candidat de maires », à l’élection présidentielle.

En 2007, le slogan du parti devient « République, Socialisme et Démocratie. »

L’opportunisme de Pierre Lambert

Lambert, opportuniste ou usurpateur

Qui était Pierre Lambert ?

Le point de vue de l’« aile gauche », de Stéphane Just

Ecrits de Stéphane Just

Ecrits de Pierre Broué

Ecrit de Varga

La ligne centriste de l’OCI

Exlusion de Varga et fondation de la LOR

Stéphane Just explique les étapes de la dérive du PCI

Historique de Pierre Lambert

Quelques critiques politiques du POI

Le lambertisme

Le courant lambertiste

Le lambertisme

Le point de vue de Karim Landais

Qui était Stéphane Just

Messages

  • Un opportunisme de plus !!!!

    Le POI appelle à voter pour les listes de Mélenchon !!!!

    Devenus insoumis, les anciens ex-trotskistes !!!!

    Il faut dire qu’entre temps ils avaient été chevénementistes !!!

  • Le PT, ancêtre du POI, avait dérayé depuis belle lurette !!!

    2007, l’année qui précède la mort de Lambert, a mis en cause la continuité de l’illusion nommée PT. La campagne Schivardi, succés politique dans son versant droitier (les signatures de maires apparentés UMP ou MPF ! ) fut un échec évident dans son résultat électoral. Elle condamnait déjà implicitement le "PT" puisqu’elle ne se présentait pas comme une campagne du PT, mais comme une campagne d’un mouvement de maires pour " la défense de la République (la Cinquième ? ! ) contre l’Union Européenne". Son fiasco a conduit la direction du PT, c’est-à-dire l’équipe formée par Lambert et dirigée par Glucsktein, à virer de bord et à annoncer qu’ils allaient bientôt fonder un "parti ouvrier et socialiste" qui, aux dernières nouvelles, s’appellerait un "Parti ouvrier indépendant". Ces métamorphoses du serpent qui change de peau pour devenir toujours le même et finit par se mordre sérieusement la queue montrent bien l’impasse que sa propre direction reconnaît implicitement, et dans laquelle se trouve le PT. Mais il y a sans doute plus important qui pousse le PT s’il veut exister à faire semblant de se transformer : depuis l’arrivée de Marc Blondel à la tête de la CGT-FO il y avait une solide position de pouvoir dans le mouvement ouvrier à laquelle il était en réalité attachée. Mais le pouvoir pour quoi faire ? Les poulains de Lambert dans FO gèrent le syndicat, son appareil, point à la ligne, comme le feraient d’autres fonctionnaires syndicaux. N’ayant pas de perspective politique révolutionnaire ils ne peuvent que s’adapter à l’évolution du capitalisme. Un "brave réformiste" qui résiste sur la défense des acquis, ça peut durer quelques années, mais assurément pas pendant toute une période historique. Vient le moment où il signe, qu’il ait été ou non élevé sur les genoux de Lambert. Surtout que dans le cas de Blondel, il n’en était tout de même à sa première signature !

    Blondel s’est retiré sur le confortable Aventin de la présidence de la Libre Pensée, laissant son héritier programmé Jean-Claude Mailly prendre les rênes de FO en 2004. Depuis, les amis d’Alexandre Hébert le disent : Mailly glisse vers le corporatisme ! Tout dernièrement, il a signé l’accord sur la "modernisation du marché du travail". Cette signature, qui n’est pas à ce jour dénoncée en tant que telle dans Informations Ouvrières, le journal du PT (et autrefois de l’OCI-PCI) signe non seulement un recul social, mais participe pleinement du "corporatisme" à la façon de la CFDT historiquement dénoncé par Lambert, Hébert et Blondel, puisque le texte signé par Mailly doit servir de base au projet de loi présenté par le gouvernement Sarkozy à l’Assemblée nationale. Les amis du père Hébert, eux, sont déjà dans l’opposition, ce depuis le congrès de Lille en juin 2007 où ils se sont comptés en allant au vote contre l’adhésion à la CSI (Confédération Syndicale Internationale), faisant 9% et ayant un succès d’estime autrement plus profond parmi les délégués. L’histoire est décidemment impitoyable : elle aura attendu quelques mois avant la mort de Lambert pour voir le courant de son vieil allié, qui lui avait servi à corseter l’OCI, à la mettre au service de la montée dans l’appareil bureaucratique comme but en soi, se séparer de lui ... par la gauche !

    Les responsables PT dans l’appareil de FO (à commencer par le fils d’Alexandre, Patrick Hébert, en Loire-Atlantique) ont couvert l’évolution perceptible de Mailly et de la direction confédérale lors du congrès de Lille.

  • Lambert n’était ni Cannon, ni Moreno, ni Ted Grant. ll n’a d’ailleurs rien laissé de conséquent comme oeuvre théorique. Pas plus qu’Hardy...

  • Il y a le moment initial. Le trotskysme en tant que courant organisé, distinct du communisme en général, apparait vraiment en France en 1929-1930, sous le nom de Ligue communiste (qui, jusqu’en 1933, vise au redressement du PCF et de l’Internationale communiste), et l’homme clef de cet accouchement est Alfred Griot dit Rosmer, figure historique, avec Pierre Monatte auquel on l’associait souvent (« Monatte et Rosmer ») du syndicalisme révolutionnaire de la CGT d’avant 1914, puis de la naissance du Parti communiste.

    Entre ces deux moments du passé de Rosmer, il y a d’ailleurs une rencontre qui, elle aussi, constitue un soubassement historique, humain, culturel : celle de l’équipe de la Vie ouvrière et du groupe internationaliste russe Naché Slovo, donc des Trotsky (Léon et Natalia) et des Rosmer (Alfred et Margueritte) et aussi de Pierre Monatte, à l’automne 1914 dans l’opposition à la guerre et à l’union sacrée. Cette rencontre fondatrice, toujours décrite comme émouvante et chaleureuse par ses protagonistes, voyait se rapprocher des militants non seulement de nationalités différentes, mais de cultures et de filiations politiques différentes, référant, en résumant, à Bakounine pour les Français et à Marx pour les Russes, et elle fut pour beaucoup dans la réalisation de la célèbre conférence internationaliste de Zimmerwald un peu plus tard en Suisse. Trotsky s’est alors convaincu que le syndicalisme révolutionnaire français, de facto un « parti antiparlementaire de la classe ouvrière », pouvait et devait, moyennant quelques transformations, devenir le noyau d’un parti ouvrier révolutionnaire. Les premières années du Parti communiste en France, issu de la vieille SFIO, consisteront dans la recherche d’un « bolchevisme à la française » ne se réduisant précisément pas à un placage du bolchevisme russe sur les réalités du mouvement ouvrier français, mais consistant plutôt dans la synthèse révolutionnaire des héritages politico-culturels et des pratiques issues des deux cultures, souvent entremêlées mais néanmoins distinctes, du socialisme électoral d’imprégnation jacobine et du syndicalisme révolutionnaire, celui-ci ayant un rôle clef à jouer pour féconder la synthèse. Les mânes de Jaurès et de Pelloutier, en somme, devaient se fondre l’une dans l’autre sur une base supérieure. Et ceci parût proche de se réaliser quand, en 1923, Pierre Monatte, symbole de la vieille CGT et du refus de 1914, rejoignait le jeune Parti communiste mobilisé contre l’occupation de la Ruhr. Un an et demi après il était, après Souvarine, de l’une des premières fournées d’exclus pour cause de soutien à Trotsky et de résistance à une « bolchevisation » visant à sélectionner un appareil aux ordres. Avec Rosmer, de retour de Moscou.

    Ce rappel était nécessaire pour comprendre le raté du « lancement » du trotskysme en France. Sans conteste, l’homme qui l’a ainsi « lancé » fut Alfred Rosmer, et le regroupement qu’il opère, la Ligue communiste, a une portée internationale car il comporte aussi des hongrois, des émigrés juifs, les fondateurs de l’important trotskysme vietnamien, et sert de point d’appui à l’organisation internationale des « bolcheviks-léninistes ». Mais s’enchaînent trois ruptures qui forment comme une série.

    Pierre Monatte, fin 1930, est dans les initiateurs d’un appel à la réunification syndicale sur les bases de la charte d’Amiens « dans la pratique de la lutte des classes et de l’indépendance du mouvement syndical ». C’est typiquement le genre d’appel que le « PCI majoritaire » aurait soutenu dans les années 1950, comme celui, initié par la direction de la FEN, à un « Mouvement syndical uni et démocratique » lancé en 1957. Or, en 1930 – en se centrant surtout sur la présence parmi les 22 signataires de cet appel du dirigeant réformiste et anticommuniste (mais ancien syndicaliste révolutionnaire) Georges Dumoulin - Léon Trotsky affirme que « Monatte a franchi le Rubicon » et constitué un bloc réactionnaire. Dans ce cadre, la référence à la charte d’Amiens est interprétée comme une sorte d’idiotisme national français et rétrograde, alors que, dans les années 1950, cette référence servira à affirmer le besoin d’une réunification et de l’unité d’action entre CGT, CGT-FO et FEN, écartant la CFTC (future CFDT). Entretemps, les trotskystes français ont désapprouvé la scission syndicale de 1948 et soutenu la préservation de l’unité de la FEN par la motion Bonissel-Valière fondatrice de celle-ci (reniée bien plus tard par ses dirigeants quand ils la casseront pour constituer une « union » « autonome », l’UNSA), qui appelle à la « reconstruction d’une CGT démocratique unique ».

    En 1930 cette appréciation négative de l’appel des 22 était partagée par une partie des opposants dans la CGTU dirigée par les communistes, à savoir par la majorité de l’ancienne fraction communiste de l’enseignement, exclue ou en voie d’exclusion du PC, et ses alliés dans la confédération, qui constituent au même moment un regroupement dénommé Opposition unitaire, réclamant un « redressement révolutionnaire » de la CGTU et dans ce cadre le retour à une politique d’unité d’action. Les dirigeants de la Fédération Unitaire de l’Enseignement, proches des trotskystes, se sont rapidement souciés de ne pas être sous la tutelle de la jeune Ligue communiste, organisation à leurs yeux récente et n’offrant pas de garanties. Et le type de pratique syndicale qu’ils défendaient sur le terrain, sans se référer à la charte d’Amiens et aux thèmes traditionnels du syndicalisme révolutionnaire, en étaient en fait fort proches. Très vite, après avoir congédié les discussions avec Monatte et sa revue, la Révolution Prolétarienne, Trotsky va aussi s’élever contre la transformation de ce petit courant syndical en une fraction politique ne disant pas son nom, faisant obstacle au développement de la Ligue, dans laquelle l’instrument syndical sert de substitut au combat pour un parti révolutionnaire, sous couvert de quoi les mêmes tendances « droitières » que chez Monatte, à l’adaptation au train-train syndical, se feraient jour.

    Seconde rupture, donc : le courant politico-syndical issu de l’Opposition unitaire de la CGTU perdurera durablement dans l’enseignement sous le nom de la revue syndicale fédérale des institutrices et instituteurs CGTU, l’Ecole Emancipée (EE). L’identité spécifique de ce courant, qui n’est assimilable ni à la Révolution prolétarienne (RP), ni au trotskysme, et qui n’emploie pour s’autodésigner les termes de « syndicaliste révolutionnaire » que progressivement et pas avant la fin des années 1940 (notons d’ailleurs que la motion Bonissel-Valière, fondatrice de la FEN, ne comporte pas de référence explicite à la charte d’Amiens), doit absolument être saisie si l’on veut faire l’histoire du syndicalisme et du trotskysme. J. Hentzgen dans sa thèse le traite de fait comme une composante des réseaux d’influence trotskystes voire « lambertistes » alors qu’il s’agit d’un courant proche mais distinct ; Marcel Valière, ou Yvonne Issartel (1), ne sont pas des membres de réseaux liés à Lambert mais, par rapport à lui, ils sont des alliés, certes, mais indépendants.

    Plus généralement, la terminologie de quasiment tous les travaux universitaires sur ces courants souffre d’une grande imprécision. Syndicaliste révolutionnaire (comme le veut être la RP à partir de 1928), syndicaliste communiste (comme se définit le courant de l’EE, alors Majorité fédérale de l’enseignement CGTU, à ses origines), anarcho-syndicaliste (comme se veut la CNT fondée en 1946, où comme s’en réclament les « gars du bâtiment » comme Riguidel (2), s’ils se situent sur le terreau de pratiques, et souvent sur une éthique (auto-formation, action directe, refus de parvenir, fierté militante, et ni Dieu ni maître), communes, n’en sont pas moins des notions politiques distinctes, et de plus ces distinctions ont une histoire et ne sont pas les mêmes, par exemple, entre les années 1900 quand le syndicalisme révolutionnaire naît d’une synthèse consacrée par la charte d’Amiens, les années 1920 ou tous se tournent vers Moscou puis beaucoup s’en détournent ou en sont dégoutés, et les années 1950 où ces étiquettes sont moins séparées car tous sont minoritaires et en opposition au stalinisme et au réformisme. Il n’empêche : ces distinctions ne sauraient être réduites à des subtilités byzantines (et quand bien même il faudrait dans ce cas les analyser aussi), car toutes renvoient à des blocs de faits historiques marquants.

    Mais revenons en 1930 : la rupture avec Monatte et l’échec à travailler durablement en commun avec les gens de l’EE ont vu Rosmer se fatiguer, chercher des compromis et se heurter à des jeunes « marxistes » et activistes que Trotsky soutient. Finalement Rosmer en a marre et jette l’éponge : le fondateur du courant trotskyste en France laissera désormais son enfant, vilain petit canard à ses yeux, courir tout seul (il reprendra, quelques années plus tard, ses relations amicales personnelles avec Trotsky, prêtera sa maison pour la conférence de fondation de la IV° Internationale en 1938, mais ne cherchera plus à construire d’organisation politique et se réconciliera aussi avec Pierre Monatte, relançant avec lui la RP en 1947).

    Donc, au final, trois « ruptures », toutes les trois avec leur part d’agressivité mais aussi leur caractère partiel et leurs ambigüités respectives, dans ce début fébrile : avec Monatte, « syndicaliste révolutionnaire », avec l’EE, « syndicaliste communiste », avec le premier et le plus efficace des relais de Trotsky en France lui-même, Alfred Rosmer. Ce n’est pas rien et, au total, de fait, ceci se résume en une extériorisation du premier trotskysme en France par rapport au « mouvement ouvrier profond » dans son ancrage syndicaliste. Les principaux responsables trotskystes en France dans les années 1930 ne seront pas des personnalités du type « militant ouvrier », mais plutôt des intellectuels ou des activistes-aventuriers, le premier type étant symbolisé par Pierre Naville et le second par Raymond Molinier. Pour reconstruire un « bolchevisme à la française » il y a là un maillon manquant, et le premier maillon.

    Grosso modo, le profil de militants trotskystes plutôt « intellectuels » fut plutôt l’apanage, à partir de la scission de 1935, surmontée en 1944, du POI (Parti Ouvrier Internationaliste, section officielle de la IV° Internationale), et le profil plutôt « activiste-aventurier » celui du courant Molinier – rappelons tout de même que Raymond Molinier, avant de partir au Portugal puis en Amérique latine en 1940, menait une petite entreprise de recouvrement de dettes par des méthodes musclées, et en tirait les revenus lui permettant de financer les activités politiques lui convenant, « méthodes » qui scandalisaient, justement, le petit monde militant ayant une éthique « syndicaliste révolutionnaire » au sens large. Le courant Molinier a pu comporter dans ses rangs des combattants ouvriers, mais pas de syndicalistes au sens propre. Les quelques trotskystes français reconnus comme syndicalistes, avant 1944, sont au POI : les frères Bardin parmi les postiers et les techniciens dans les années 1930, et Henri Souzin, des Peintres en bâtiment, mort en déportation.

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