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Etre Sartre ou… le néant de la pensée

dimanche 6 décembre 2015, par Robert Paris

Etre Sartre ou… le néant de la pensée

J’attaque cet article "Etre Sartre ou... le néant de la pensée" qui prévoit de démolir pierre après pierre ce monument de fausse philosophie qu’est "L’être et le néant". Désolé si je n’ai pas encore abordé tous les thèmes de ce pesant ouvrage mais l’essentiel est d’en analyser la trame...

Le chanteur Gainsbourg, déçu de la chanson à la mode de son époque, a voulu démontrer qu’il était capable lui aussi de faire des chansons de nuls. Sartre, déçu de la philosophie à la mode, a voulu démontrer qu’il était lui aussi capable de faire de la philosophe de nuls. Le néant de la pensée !

Le raisonnement, s’il est permis de parler ainsi, part d’une affirmation présentée comme une évidence et qui est sa première phrase et son premier paragraphe :

« La pensée moderne a réalisé un progrès considérable en réduisant l’existant à la série des apparitions qui le manifestent…. Le courant électrique… n’est rien que l’ensemble des actions physico-chimiques (électrolyses, incandescence d’un filament de carbone, déplacement de l’aiguille du galvanomètre, etc.) qui le manifestent… Il s’ensuit, évidemment, que le dualisme de l’être et du paraître ne saurait plus trouver droit de cité en philosophie. L’apparence renvoie à la série totale des apparences et non à un réel caché qui aurait drainé pour lui tout l’être de l’existant. Et l’apparence, de son côté, n’est pas une manifestation inconsistante de cet être. »

Par son verbiage, on pourrait croire que cette pensée s’apparente à la philosophie mais elle n’en a que les mots et les tournures de phrases. Première preuve que l’apparaître n’est pas l’être...

Par ses références, on pourrait penser qu’elle plonge dans les sciences mais elle n’en connaît pas le premier mot…

Nous entendons le montrer ici si le lecteur en prend le temps.

Remarquons que ce refus de reconnaître l’existence d’une contradiction (à surmonter dialectiquement ou pas) entre apparence et réalité n’est nullement reprise justement par les scientifiques et les plus grands philosophes.

La Physique serait dont le royaume où les apparences sont réalité !!! Incroyable de lire une pareille bêtise affirmée de manière aussi péremptoire que fausse.

Sur quelle science s’appuierait notre néantisme sartrien ?

Sur la physique ? Certainement pas ! Tous les physiciens disent exactement l’inverse, qu’ils appartiennent à l’école de Copenhague ou en soient les adversaires, qu’ils s’appellent Einstein, Schrödinger, de Broglie, Bohr ou Heisenberg. Tous affirment qu’en physique les apparences sont trompeuses. Tous recherchent un fondement du monde qui ne soit pas que dans l’énumération des propriétés, des expériences possibles, même s’ils cherchent ce principe fondateur du monde matériel dans des concepts très divers et parfois opposés selon les penseurs de la Physique : dans un champ, dans une particule, dans une corde ou supercorde, dans le vide quantique, dans les formules mathématiques même !

Tout le monde est bien obligé de reconnaître par exemple en physique quantique que l’apparence n’est pas la réalité.

Et pas seulement en physique quantique !!!

L’apparence du rayon lumineux est illusion… d’optique.

L’apparence de la matière immobile est contrée par la réalité de l’agitation interne moléculaire invisible.

L’apparence de la lumière onde est contrée par la réalité de la lumière corpuscule.

L’apparence de la matière corpuscule est contrée par la réalité de la matière onde.

Pour Sartre, les dualités sont dépassées à l’époque moderne.

Curieux : la physique quantique a ramené la dualité onde/corpuscule, la dualité quantique/classique, la dualité lois/aléatoire. La physique du chaos déterministe a ramené la dualité ordre/désordre, la dualité lois/imprédictibilité. La physique thermodynamique a ramené la dualité ordre/désordre. Inutile de poursuivre : la dualité est partout en physique mais aussi partout en sciences. La génétique est la dualité génétique/épigénétique. L’évolution est la dualité conservation/transformation. On peut en dire de même de toutes les sciences. Toutes sont marquées par des dualités fondamentales comme continu/discontinu, forme/fond et l’essentiel de ces sciences consiste justement dans la manière de les résoudre et pas de les nier.

En même temps, la science est sans cesse un effort d’unification qui ne s’en tient pas à ces dualités et tente de les dépasser. C’est un effort dialectique en somme…

En niant la dualité, Sartre se détourne autant de la science qu’en affirmant que l’apparence et l’être seraient identiques dans la pensée actuelle.

Sartre voudrait se passer des hypothèses indémontrables mais le physicien Planck, lui, affirme dans "Initiations à la physique" :

« Nous essayons de nous faire une idée aussi synthétique que possible du système de l’univers. (...) Le but idéal poursuivi par le physicien est donc la connaissance du monde réel et extérieur. (...) D’autre part, il ne faudrait pas s’imaginer que, même dans la plus exacte de toutes les sciences, on puisse faire des progrès en ses passant d’une conception générale de l’Univers, c’est-à-dire en définitive d’hypothèses indémontrables. (...) »

Loin de s’en tenir à l’apparence des phénomènes électriques, comme le dit Sartre à la première page de son pensum, la science physique a inventé les corpuscules, inventé les ondes, puis inventé les champs, puis inventé les champs quantiques et tous ces concepts successifs ont été des réalités invisibles qui n’étaient pas dans l’apparence, qui n’étaient pas juste dans le phénomène (ce qui apparaît, ce qu’on peut observer) et ces images n’ont pas pu faire disparaître la dualité puisque champ et quantique sont deux termes qui s’attaquent mutuellement autant que chaos déterministe : le champ est continu tout en étant point par point et le quanta est discontinu et même pire : discret !

« Aucune de ces actions ne suffit à le révéler. » dit Sartre. (« le » c’est l’être qui serait caché derrière)
Tout à fait faux !

Il y a, au contraire, des fois où une seule expérience révèle l’être qui est caché derrière.

Une seule expérience a révélé l’onde de matière pensée par de Broglie (celle de Davisson-Germer). Une seule expérience a révélé la dualité onde/corpuscule pour la matière comme pour la lumière : l’expérience des fentes de Young. Une seule expérience a révélé que l’atome est fait essentiellement de vide et d’un noyau. Une seule expérience a révélé le caractère corpusculaire de la lumière : celle de l’effet photoélectrique. Et ainsi de suite…

Sartre parle de manière péremptoire de choses dont il sait qu’il ne connaît pas le premier mot. Il cherche à impressionner, à séduire plus qu’à comprendre la réalité.

Il affirme par exemple :

« Du même coup va tomber la dualité de la puissance et de l’acte. Tout est acte. »

Galimatias. Bêtise. Ignorance. Sottise.

Faux, archi faux !

Le réel n’est pas la succession temporelle, linéaire, logique et graduelle des états actuels

Faux, la matière et la lumière sont potentiels et en actes et ce n’est pas la même chose.

Voir par exemple ici en physique quantique

Faux, l’espèce vivante est potentielle et en actes et ce n’est pas identique.

Faux. La génétique est potentielle et en actes. L’ADN en actes donne une espèce mais potentiellement il en contient d’autres.

Lire ici

Donnons quelques citations de physiciens qui énoncent cette séparation (et même opposition) entre apparence et réalité.

« On peut dire que les corpuscules existent puisqu’un grand nombre de phénomènes peuvent être interprétés en invoquant leur existence. Néanmoins, dans d’autres phénomènes, l’aspect corpusculaire est plus ou moins voilé et c’est un aspect ondulatoire qui se manifeste. (…) Il est inconcevable en mécanique classique que le mouvement du point matériel traversant un trou dépende du fait qu’il y ait ou pas d’autres trous dans l’écran à distance finie du premier (expérience des fentes de Young). » écrit de Broglie dans « La physique nouvelle et les quanta »

Le réel n’est pas nécessairement observable par exemple s’il est d’une échelle trop petite. La réalité n’est plus alors « ce qui apparaît » :

Etienne Klein et Bernard D’Espagnat rajoutaient dans "Regards sur la matière" : « Le quantum, nous le verrons, a une valeur minuscule, mais l’idée du quantum est devenue aussi incontournable qu’un mastodonte. C’est bien la preuve qu’on peut être à la fois fantomatique et essentiel. Vérité des paradoxes, arguait déjà Zénon d’Elée. »

Lire aussi :

Apparence et réalité de Bertrand Russell

« C’est en réalité tout notre système de conjectures qui doit être prouvé ou réfuté par l’expérience. Aucune de ces suppositions ne peut être isolée pour être examinée séparément. Dans le cas des planètes qui se meuvent autour du soleil, on trouve que le système de la mécanique est remarquablement opérant. Nous pouvons néanmoins imaginer un autre système, basé sur des suppositions différentes, qui soit opérant au même degré.

« Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective. »exposent Albert Einstein et Léopold Infeld dans « L’évolution des idées en physique ».

« À l’aide des théories physiques nous cherchons à trouver notre chemin à travers le labyrinthe des faits observés, d’ordonner et de comprendre le monde de nos impressions sensibles. Nous désirons que les faits observés suivent logiquement de notre concept de réalité. Sans la croyance qu’il est possible de saisir la réalité avec nos constructions théoriques, sans la croyance en l’harmonie inteme de notre monde, il ne pourrait pas y avoir de science. Cette croyance est et restera toujours le motif fondamental de toute création scientifique. À travers tous nos efforts, dans chaque lutte dramatique entre les conceptions anciennes et les conceptions nouvelles, nous reconnaissons l’éternelle aspiration à comprendre, la croyance toujours ferme en l’harmonie de notre monde, continuellement raffermie par les obstacles qui s’opposent à notre compréhension. »affirment Einstein et Infeld, dans"L’évolution des idées en physique".

Henri Poincaré a écrit dans « La science et l’hypothèse » :

« Ne pouvons-nous nous contenter de l’expérience toute nue ? Non, cela est impossible ; ce serait méconnaître complètement le véritable caractère de la science. Le savant doit ordonner ; on fait la science avec des faits comme une maison avec des pierres ; mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison. (…) Les faits tout nus ne sauraient donc nous suffire ; c’est pourquoi il nous faut la science ordonnée ou plutôt organisée. On dit souvent qu’il faut expérimenter sans idée préconçue. Cela n’est pas possible ; non seulement ce serait rendre toute expérience stérile, mais on le voudrait qu’on ne le pourrait pas. Chacun porte en soi sa conception du monde dont il ne peut se défaire si aisément. Il faut bien, par exemple, que nous nous servions du langage, et notre langage n’est pétri que d’idées préconçues et ne peut l’être d’autre chose. Seulement ce sont des idées préconçues inconscientes, mille fois plus dangereuses que les autres. Dirons-nous que si nous en faisons intervenir d’autres, dont nous aurons pleine conscience, nous ne ferons qu’aggraver le mal ! je ne le crois pas ; j’estime plutôt qu’elles se serviront mutuellement de contrepoids, j’allais dire d’antidote ; elles s’accorderont généralement mal entre elles ; elles entreront en conflit les unes avec les autres et par là elles nous forceront à envisager les choses sous différents aspects. C’est assez pour nous affranchir : on n’est plus esclave quand on peut choisir son maître. Ainsi, grâce à la généralisation, chaque fait observé nous en fait prévoir un grand nombre ; seulement nous ne devons pas oublier que le premier seul est certain, que tous les autres ne sont que probables. Si solidement assise que puisse nous paraître une prévision, nous ne sommes jamais sûrs absolument que l’expérience ne la démentira pas, si nous entreprenons de la vérifier. Mais la probabilité est souvent assez grande pour que pratiquement nous puissions nous en contenter. Mieux vaut prévoir sans certitude que de ne pas prévoir du tout. (…)Toute généralisation est une hypothèse ; l’hypothèse a donc un rôle nécessaire que personne n’a jamais contesté. Seulement elle doit toujours être, le plus tôt possible et le plus souvent possible, soumise à la vérification. Il va sans dire que, si elle ne supporte pas cette épreuve, on doit l’abandonner sans arrière-pensée C’est bien ce qu’on fait en général, mais quelquefois avec une certaine mauvaise humeur. Eh bien, cette mauvaise humeur même n’est pas justifiée ; le physicien qui vient de renoncer à une de ses hypothèses devrait être, au contraire, plein de joie, car il vient de trouver une occasion inespérée de découverte. Son hypothèse, j’imagine, n’avait pas été adoptée à la légère ; elle tenait compte de tous les facteurs connus qui semblaient pouvoir intervenir dans le phénomène. Si la vérification ne se fait pas c’est qu’il y a quelque chose d’inattendu, d’extraordinaire ; c’est qu’on va trouver de l’inconnu et du nouveau. L’hypothèse ainsi renversée a-t-elle donc été stérile ? Loin de là, ou peut dire qu’elle a rendu plus de services qu’une hypothèse vraie ; non seulement elle a été l’occasion de l’expérience décisive, mais on aurait fait cette expérience par hasard, sans avoir fait l’hypothèse, qu’on n’en aurait rien tiré ; on n’y aurait rien vu d’extraordinaire ; on n’aurait catalogué qu’un fait de plus sans en déduire la moindre conséquence. »

Lire aussi :

Qu’est-ce qui apparaît ?

Etienne Klein

Bernard d’Espagnat

« L’apparence ne cache pas l’essence. Elle la révèle. » dit Sartre…

Sartre a encore tout faux !!! On croirait qu’il fait exprès d’accumuler des faux préceptes.

L’apparence du monde macroscopique cache la réalité du monde des particules et ce dernier cache la réalité encore plus profonde du virtuel du vide…

L’apparence de la matière inerte cache l’agitation des molécules.

L’apparente identité avec elle-même des particules cache une dynamique extraordinairement agitée.

L’apparence figée de l’espèce vivante cache l’évolution.

L’apparence absence de conscience des animaux et l’apparence absence de langage de ceux-ci…

L’apparence séparation complète de l’humain et de l’animal…

Nous avons cru voir dans nos expériences la réalité de la matière dans sa masse, dans sa forme, dans ses aspérités, dans son odeur, dans sa saveur, dans sa permanence, dans sa stabilité et nous avons appris que la matière n’était rien de tout cela…

Nous avons cru que l’être des étoiles était dans leur apparence : lumière, chaleur, couleur, rayonnement, permanence, éternité… et nous avons appris que les étoiles n’étaient fondées sur rien de tout cela mais sur la décomposition des noyaux atomiques radioactifs ! L’essence de l’être était bel et bien caché derrière les apparences.

Sartre semble pourtant discuter la thèse :

« Est-ce à dire que nous ayons réussi à supprimer tous les dualismes en réduisant l’existant à ses manifestations ? Il semble plutôt que nous ayons tous convertis en un dualisme nouveau : celui du fini et de l’infini. »

Nous remarquons ici que pour Sartre n’existe que deux possibilités : soit supprimer les dualismes complètement soit les conserver. Les dépasser dialectiquement n’entre pas dans les possibilités de son raisonnement.

Sa conception de la négation en est cause. Il ne connaît pas la négation hégélienne, celle pour laquelle la négation de la négation est affirmation !

Hegel écrit, en sens inverse des affirmations péremptoires et fausses de Sartre, dans son « Esthétique » :

« C’est au-delà de l’impression immédiate des objets perçus immédiatement qu’il faut chercher la véritable réalité. Car n’est vraiment réel que ce qui est en soi et pour soi, la substance de la nature et de l’esprit. Ce qui, tout en se manifestant dans l’espace et le temps, continue d’exister en soi et pour soi est véritablement réel. »

Sartre affirme clairement qu’il rejette la conception dialectique de Hegel mais il le fait d’une manière absolument ridicule... à propos du néant. Et il prétend contredire ainsi la manière dont, pour Hegel, la détermination est négation :

« On dira que pour Hegel, toute détermination est négation. Mais l’entendement, en ce sens, se borne à nier de son objet qu’il soit autre qu’il n’est. »

Il semble totalement ignorer que la détermination hégélienne reconnait dans son objet des caractère contradictoires et coexistant et même interpénétrés et interdépendants !!!

Et a physique donne raison à Hegel

En physique, la relation entre vide et néant est parfaitement réelle et est celle entre matière et vide. Elle révèle que c’est le vide qui fonde la matière. Mais aussi que le vide est intérieur à la matière, qu’ils sont interpénétrés et interdépendants !

Lire ici

La thèse de Sartre contre Hegel à propos du néant est absurde et est ainsi formulée :

« L’être est antérieur au néant et le fonde. »

(Chapitre « Le conception dialectique du néant »)

Hegel a conscience que le vide ne peut être le néant : « La notion d’espace comme vide, parfaite abstraction extérieure à la matière, est déjà une contradiction. »

Pour Hegel, la matière n’est pas le tout ni le vide le rien :

« Néant, le pur néant : c’est la simple égalité avec soi-même, le vide parfait, l’absence de détermination et de contenu ; l’indifférenciation au sein de lui-même ». (Science de la logique)

« Le vide est la négation dans la détermination du non-être. »

Pour Hegel, la contradiction entre matière et vide est la base du devenir, c’est-à-dire du mouvement et du changement :

« Le mouvement est le mode d’existence de la matière. » « Le vide constitue le fondement du mouvement. » « Le vide est négation. L’idée plus profonde que c’est dans le négatif en général que réside le fondement du devenir, de l’agitation de l’auto-mouvement » « Le phénomène est un processus d’avènement et de disparition, qui, lui-même, n’advient ni ne disparaît, mais est en soi et constitue l’actualité et le mouvement de la vérité vivante. »

Pour Hegel, matière et vide ont des relations interagissent sans cesse :

« Le non-être contient le rapport à l’être. » « Le temps est le passage continuel réciproque de l’être dans le néant et du néant dans l’être ».
Pour Hegel, la matière et le vide ont exactement le même fondement :

« L’être pur et le néant pur sont... la même chose ».

« La matière et le vide son en tant qu’êtres inséparables. »

« Il n’y a nulle part, dans le ciel et sur la terre, quelque chose qui ne renferme en soi à la fois l’être et le néant ». « Il n’y a absolument rien qui ne soit un état intermédiaire entre l’être et le néant. » « L’être et le non-être ne font qu’un. » « Le bon sens ne veut pas admettre l’unité de l’être et du néant. »

Pour Hegel, l’espace n’est pas séparé du temps, ni l’espace-temps du mouvement, ni le mouvement de la matière :

« On dit que tout disparaît dans le temps ; quand on fait abstraction du tout, et notamment de ce qui remplit du temps et de l’espace, alors il reste le temps et l’espace vides – c’est-à-dire qu’alors on pose et on représente des abstractions de l’extériorité comme si elles étaient pour elles-mêmes. Mais tout naît et disparaît non « dans » le temps – c’est le temps lui-même qui est ce devenir, la naissance et la disparition, l’abstraction en acte, le Chronos qui donne naissance à tout et détruit ses enfants… Cette disparition et reproduction de soi de l’espace dans le temps et du temps dans l’espace – le fait que le temps se pose spatialement en tant que lieu, mais que cette spatialité indifférente se pose aussi immédiatement dans le temps, ce fait est le mouvement. – Mais ce devenir est également la coïncidence en elle-même de sa contradiction, l’unité immédiatement identique et existante des choses, la matière… Une brique par elle-même ne tue pas un homme, mais amène cet effet seulement par la vitesse acquise, c’est-à-dire que l’homme est tué par l’espace et le temps. »

Pour Hegel, la matérialité provient d’une propriété du vide :
« La matière a sa substance hors d’elle. »
Hegel devine que le concept de la matière ne se ramène pas à une somme de masses : « Ce qui faisait du concept « l’objet » dans l’élément de l’être, c’était sa division en masses, substances séparées, mais l’objet devenant concept il n’y a rien de subsistant en lui : la négativité a transpercé tous ses moments. »

Hegel distingue l’actualité de la matière de sa réalité. Pour Hegel, pas d’énergie sans une forme ou une autre de matière : la matière et le vide ne s’opposent pas diamétralement mais s’interpénètrent et tous deux ne sont pas seulement réels par leur actualité mais aussi par leurs potentialités. Il y a unité de la matière et du vide, de la matière et du mouvement, de l’attraction et de la répulsion, du positif et du négatif. Hegel critique la représentation purement abstraite de la matière, notamment celle des mathématiques. Pour lui, la matière ne se ramène jamais au nombre. Hegel affirme que le mouvement est contradictoire, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Si un objet entre en mouvement à l’instant t, cela signifie qu’à cet instant il est à la fois là et ailleurs, à vitesse v et à vitesse nulle, donc contradictoire, possédant à la fois des propriétés opposées. Pour Hegel, pas d’espace sans matière, pas de temps sans disparition/destruction/négation, pas de mouvement sans contradiction, pas de matière sans mouvement et sans changement, pas de repos sans mouvement. Le mouvement et le changement sont sans fin. Le repos n’est qu’apparence, équilibre des contraires.

Et la science physique a bien mille donné raison à Hegel : des phénomènes apparemment absurdes ont révélé leur logique inattendue comme la dualité onde/corpuscule dans la physique quantique de la matière et de la lumière, ou encore des phénomènes apparemment désordonnés ont dévoilé un type particulier d’ordre, ou enfin des phénomènes que le bon sens donnait tels se sont révélés autres comme le vide qui s’est révélé plein de toutes les sortes de corpuscules, des situations apparemment calmes qui se sont révélées très agitées, comme la surface de l’eau (avec sa séparation apparemment plan et en réalité sans limitation plan mais avec interpénétration eau/air). Il y a une rationalité à des événements, et y compris à des événements contradictoires.

Sartre a donc tué tous les dualismes, ou du moins il le prétend, en niant la possibilité de dépassement des contradictions par leur interdépendance hégélienne. Lui nie Hegel en effaçant ses thèses !!!

Et il remplace tous les dualismes par fini/infini. Pourquoi en vient-il directement à l’infini ? Parce que pour lui, tout changement suppose l’infini !

« L’existant, en effet, ne saurait se réduire à une série de manifestations puisque chacune d’elles est un rapport à un sujet en perpétuel changement. »

Et, comme pour Sartre, le changement est comme une trajectoire, il suppose une infinité de points car le temps lui semble une infinité d’instants :

« Le temps apparaît par trajectoires. »

(Chapitre « Le temps du monde », paragraphe « Le présent »)

« La division à l’infini du temps est fondée sur cette extériorité absolue. »

(Chapitre « Le temps du monde », paragraphe Le Futur)

Manque de chance : la physique quantique a démontré qu’on ne peut pas diviser à l’infini quoi que ce soit et que, comme l’avait imaginé Zénon, la division à l’infini mène à des contradictions diamétrales insolubles.

Ainsi, on ne peut pas descendre en dessous du temps de Planck. Mais ne demandons pas à Sartre de connaître ce genre de choses. Il ne cite les science, comme le reste, que pour faire bien…

Ce que veut ainsi démontrer Sartre s’appelle le phénoménalisme : toute la réalité serait phénomène !

Ce qu’on voulait démontrer s’énonce en effet ainsi :

« Pour parler comme Heidegger : le monde et, en dehors, rien. »

(Chapitre de la « Détermination comme négation » où on se serait attendu qu’on cite au moins ici Hegel !)

Sartre contredit ainsi Hegel mais il ne se permet pas à ce stade de le citer. Faisons-le à sa place.

Hegel écrit dans "La doctrine de l’Essence" :

« Le phénomène est dans l’unité de l’apparence et de l’existence. Cette unité est la loi du phénomène. La loi est donc le positif dans la médiation de ce qui apparaît. C’est le reflet du phénomène dans son identité avec lui-même. Cette identité, le fondement du phénomène qui constitue la loi, est un moment propre du phénomène... La loi est donc non au-delà du phénomène, mais présente en lui immédiatement. Le royaume des lois est le reflet tranquille du monde existant ou phénoménal. »

Sartre va revenir ailleurs sur Hegel mais jamais il ne rappelle ce qu’est la dialectique de Hegel. En particulier, il se garde de développer une quelconque explication de la négation hégélienne et de la notion de contradiction. On y reviendra à propos du néant...

Il choisit des citations de Hegel qui n’éclaircissent jamais la question posée afin de mieux donner raison à Heidegger et à son interprétation en termes de phénomènes...

Le terme de phénomène vise à poser un problème : y a-t-il une différence entre ce qui peut être observé directement et la réalité. Parler de « phénomène », c’est prendre une distance prudente avec ce que l’on semble voir et se garder de prendre les apparences pour la réalité… Mais cela va bien au-delà : c’est distinguer un couple irréductible : être/apparaître et chercher à étudier l’interaction entre ces deux entités. C’est l’apparition (observation) qui manifeste l’existence mais la réalité de l’être (matière) ne se réduit pas à ses manifestations perceptibles, à l’apparaître (phénomène).

Ce n’est pas seulement l’observateur (l’homme ou l’appareil de mesure) qui a besoin du phénomène pour percevoir le monde extérieur. Une matière individuelle, elle-même, ne perçoit une autre matière qu’au moyen de l’interaction. Or, la physique a montré que les matières sont toujours séparées par du vide. C’est la transformation du vide par la présence de matière qui lui permet d’interagir avec la matière voisine. Mais, du coup, on ne peut plus séparer une matière de la transformation du vide qui l’entoure causée par sa présence. La réalité de la matière contient donc également ses interactions qui sont ses manifestations phénoménales. Elles sont inséparables de l’objet matériel comme lui-même est inséparable d’elles. Lorsque nous cherchons à nous contenter de mesurer l’objet matériel, nous abandonnons nos connaissances sur l’espace alentour et inversement, ce que va démontrer admirablement la physique quantique. Il n’y a pas moyen en effet d’avoir toute connaissance à la fois sur l’objet et sur ses interactions avec l’espace environnant. C’est ce que l’on appelle la dualité onde/corpuscule. C’est aussi la source des fameuses inégalités d’Heisenberg. C’est encore la cause des superpositions d’états qui amène la matière à exister aussi sous forme potentielle et donc au-delà de ce qu’une expérience peut montrer, cette dernière n’exprimant qu’une seule des potentialités.

Ce n’est pas une limite de nos compétences, ni une limite de l’expérience, ni même une limite de la théorie. C’est une caractéristique du monde. On ne peut pas concevoir la matière sans ses propriétés d’interaction. On ne peut pas étudier ces propriétés sans concevoir qu’elles émanent d’une matière. Mais on ne peut pas concevoir l’interaction sans transformation du vide, par exemple sans les champs. On ne peut pas opposer diamétralement ni matière et vide, ni matière et énergie, ni matière et lumière. On ne peut pas dire que la matière existe et se déplace dans l’espace et le temps, car en même temps cette matière produit cet espace-temps et ce vide de l’espace produit la matière, mais qu’il y a un univers qui est le composé indivisible matière-lumière-énergie-vide-espace-temps, comme le suggère le physicien Cohen-Tannoudji.

« L’identité d’une particule est inhérente à la manière dont elle interagit. (...) Les particules ne sont pas élémentaires en soi, elles sont élémentaires dans ou par rapport à une interaction donnée. » écrit le physicien Gilles Cohen-Tannoudji dans « La Matière-Espace-Temps ». Il rajoute, avec Jean-Pierre Baton : « La plus petite entité de la matière n‘est plus un objet, c’est un rapport, une relation, une interaction, ce que l’on appelle un quantum d’action. » (dans « L’horizon des particules »).

« L’électron n’est pas pensable sans son cortège de photons potentiels. » explique Gilles Cohen-Tannoudji dans "La Matière-espace-temps". Or ces photons potentiels ou virtuels sont parmi les éléments du vide quantique. Donc l’électron n’existe pas… sans d’autres corpuscules. Il n’est pas descriptible par lui-même car il a besoin de son environnement pour exister.

L’environnement, le vide quantique contient toutes les sortes de matière à l’état virtuel, rapporte Cohen-Tannoudji : « Toute la matière et toutes les interactions sont donc présents dans l’espace vide pourvu que l’on considère cet espace pendant des intervalles de temps suffisamment brefs. »

Et il rappelle : « C’est cette nouvelle conception des phénomènes qui est peut-être l’innovation la plus importante apportée par la théorie quantique. Les concepts quantiques ne se rapportent plus à l’objet en soi, mais ils se rapportent à des phénomènes. Un phénomène est une réalité physique placée dans des conditions bien définies d’observation. La définition de ces conditions d’observation implique la maîtrise complète de toutes les étapes de l’acte de mesure : la préparation du système et de l’appareil, la détermination de tous les états expérimentalement observables et la détection des signaux émis lors du couplage entre le système et l’appareil. Le phénomène quantique ainsi conçu est tout le contraire d’un événement passivement observé, c’est un fait expérimental consciemment construit et élaboré. Cette modification du statu des concepts marque une telle nouveauté par rapport à la démarche scientifique habituelle qu’elle a suscité de très nombreuses confusions et incompréhensions. Adapter les concepts à la description des phénomènes ne revient pas à nier l’existence d’une réalité objective, indépendante de l’observation. C’est simplement prendre acte du caractère non fiable des concepts classiques qui prétendent décrire directement la réalité indépendante. En théorie quantique, on ne renonce pas à l’objectivité ; l’objectivité est atteinte au prix de tout un travail, tout un cheminement. Aucun concept quantique, pris isolément, n’épuise la totalité de la réalité qui est l’objet de recherche, mais la part d’information que chaque concept quantique nous donne sur cette réalité est fiable, utilisable pour composer, avec d’autres concepts, des représentations de plus en plus fidèles de la réalité. De plus, selon l’idée fondamentale de la complémentarité, la réalité quantique ne peut être épuisée par une représentation unique, mais pas une dualité de représentations, contradictoires l’une avec l’autre mais se complétant l’une l’autre… L’être quantique n’est ni une onde ni un corpuscule, mais il peut être impliqué dans des phénomènes ondulatoires et dans des phénomènes corpusculaires, et c’est au travers de la complémentarité de ces deux catégories de phénomènes que peut se dessiner l’objectivité quantique. »

Lorsque nous observons le monde, une des questions posée est : la matière existe-t-elle au-delà de l’observation, de l’expérience ? La réponse peut sembler simple : la matière existait avant qu’aucun homme ne l’observe. Mais que signifie ou que contient le concept de « matière » au-delà de ce que l’on peut en observer ? Comment raisonner dessus ?

Décrire un phénomène signifie se contenter de dire ce qui semble apparaître sans trancher s’il s’agit d’une illusion d’optique, d’une erreur d’appréciation, d’une tromperie, d’un artefact, d’une impression liée à une fausse (ou une vraie) conceptualisation, à une observation précise ou erronée.

L’expression « phénomène » est essentiellement reliée à la question de l’objectivité ou de la subjectivité de l’opération humaine de connaissance du monde matériel. Elle a pour but de spécifier ce que l’on voit en le distinguant de ce que l’on croit savoir ou que l’on recherche sur la « réalité matérielle », que ce soit parce que l’on affirme vouloir aller au-delà du phénomène ou, au contraire, que l’on prétende que cela n’est pas possible (qu’on pense le phénomène être paranormal, spirituel, psychologique, parce qu’on nie l’existence même de cette réalité matérielle (en ne conservant que les images humaines ou les idées sur le monde), ou simplement parce qu’on pense ne pas être capable d’en savoir plus que ce qu’on observe).

A partir de ces différents points de vue, les problèmes posés se déclinent différemment, les conceptions qui posent que la matière est la base de tout cherchant dans les phénomènes la nature profonde de cette matière et ses lois alors que les autres cherchent seulement une description précise des phénomènes observés et des conditions de cette observation.

Même le point de vue scientifique peut mener à des contradictions comme l’a montré la physique quantique, les chercheurs découvrant qu’il y a la matière telle qu’on l’observe et qu’il y a la matière avant observation et qu’en observant on a perdu une partie des informations. D’autre part, ils constatent que la matière ne peut pas être décrite par ses seuls états actifs mais en indiquant aussi ses états potentiels. Les situations successives de la matière ne sont pas des histoires suivant les états actuels mais des histoires reliant entre eux l’ensemble des états potentiels, l’état actuel n’étant que l’un des états potentiels, avec une certaine probabilité pour être choisi. La connaissance théorique sur la matière peut seulement indiquer cette probabilité et elle ne peut nullement permettre de prédire quel état sera actuel parmi tous les états potentiels. Le phénomène physique a donc plusieurs limites différentes. Premièrement, il ne se contente pas de donner la parole à la matière mais au couple matière/observateur ou matière/appareillage. Deuxièmement, il ne fait que montrer une des potentialités et pas l’unique. Troisièmement, il ne peut donner tous les paramètres concernant une matière individuelle donnée car il ne peut jamais entièrement dissocier une matière individuelle de son environnement (matériel ou vide, en rappelant que le vide n’est le rien qu’en ce qui concerne la matière de masse inerte mais pas en termes d’énergie).

Mais ce n’est pas le seul problème posé par le phénomène. Une autre question du même type est le phénomène qui manifeste l’existence d’une structure globalement stable. Est-ce que cela signifie qu’elle soit composée d’objets matériels toujours les mêmes ou peut-elle changer complètement de composés matériels tout en conservant des propriétés constantes globalement.

On peut se demander si le fait que le phénomène reste constant provient ou non d’un objet matériel qui reste lui aussi le même. Par exemple, si on effectue une série de mesures très légèrement distantes dans le temps et l’espace et qu’à chaque fois on détecte un électron, est-ce que cela signifie que c’est nécessairement le même objet « électron » qui s’est déplacé ou bien est-il possible que l’électron ait disparu et qu’un autre électron soit apparu ?

Et la question est loin de se poser uniquement pour des particules de la microphysique ! Prenons un être humain. Il est convenu de dire que nous sommes le même que celui que nous étions hier, par exemple. Cependant, un grand nombre de nos molécules ont disparues, remplacées par d’autres. Mais nous considérons que notre structure globale, son fonctionnement, ses propriétés et capacités se sont conservées dans leur ensemble malgré, et même grâce, ce changement des composants matériels de notre corps. Cette conservation globale de structure au travers d’importants changements de composants est un fait courant au sein des phénomènes, qu’ils soient physiques, chimiques, biologiques… Le nuage conserve sa structure globale mais change sans cesse de composants et de place de ceux-ci par d’importants courants internes sans lesquels il ne pourrait même pas exister, ses molécules ayant tendance à chuter par gravitation. L’étoile, qui nous semble immuable dans le ciel, connaît également d’incroyables transformations qui lui permettent de maintenir son équilibre global entre rayonnement et gravitation. Et les exemples vont au-delà de la physique. La ville est un monde en changement perpétuel mais qui conserve une réalité globale, par exemple au travers des entrées et sorties de population journalières.

La génétique a posé la question de la stabilité de l’identité génétique d’une personne. Cependant on a constaté que le capital génétique d’un individu change au cours de la vie, les réplications n’étant pas tout à fait à l’identique. On s’est ensuite aperçus que le mécanisme de la génétique était fondé sur la fabrication non seulement du « soi » mais aussi du « non soi », avec ensuite des mécanismes de correction par élimination du non soi. Cela signifie qu’il y a un équilibre globalement conservé au travers de processus menant à sortir de cet équilibre. Cela permet de comprendre que, généralement, le processus d’ensemble mène à la conservation de l’espèce, mais que, si l’élimination du non soi est altérée, le même processus permet de construire d’autres espèces. La génétique n’est pas de la photocopie ou plutôt la photocopie n’est pas l’original…

La science et les raisonnements philosophiques sur celle-ci ne donnent raison ni au phénoménisme (et aussi du phénoménalisme, du positivisme) ni à son opposé diamétral le physicalisme (ou matérialisme étroit). Le premier, se référant partiellement à Kant mais en réalité plutôt à Platon, prétend rejeter la matière. Le second prétend, à la manière de l’ancienne thèse mécaniste, ramener le monde à la matière-chose- objet.

La matière est-elle chaotique, émergentiste, non-linéaire, quantique ? La question est posée et cela nous amène à parler de phénomène chaotique, de phénomène d’émergence, de phénomène non-linéaire, de phénomène quantique, etc. Car personne ne peut dire : voici comment est la réalité.

Stuart Kauffman écrit ainsi dans « La complexité, vertiges et promesses » :

« Ce qui qualifie un phénomène émergent, c’est une propriété collective qui n’est présente dans aucune des molécules individuelles. Les lois qui gouvernent les systèmes émergents sont en relation avec les lois mathématiques des transition de phase survenant dans de tels systèmes, et plus généralement dans tout ce qui se passe à un niveau supérieur à celui des molécules individuelles. »

On peut encore citer Grégoire Nicolis dans « L’énigme de l’émergence » :

« Des phénomènes d’émergence se produisent dans toute une gamme de systèmes à l’échelle du laboratoire, depuis la mécanique des fluides jusqu’à la cinétique chimique, l’optique, l’électronique ou la science des matériaux. » L’ordre émergent n’apparaît pas seulement à cause des propriétés de chacun des éléments mais de leurs interactions qui s’auto organisent. C’est un ordre collectif. Il a un caractère brutal d’apparition de nouveauté structurelle. L’émergence suppose un comportement global qui n’était pas inclus dans les propriétés de chacune des parties et un comportement survenant brutalement de façon discontinue. »
La physique quantique est certainement celle qui a le plus ramené à la surface la discussion sur la différence entre phénomène et réalité matérielle.

Après tout ce salmigondis pseudo-phislosophique, relisons un peu de philosophie :

« Ce qu’on affirme nécessaire, écrivait Engels, est composé de purs hasards et le prétendu hasard est la forme sous laquelle se cache la nécessité. La causalité linéaire est suffisante pour des phénomènes simples. Mais cette forme simpliste de détermination ne suffit lorsqu’on se trouve devant des systèmes complexes et sensibles. (...) Le hasard n’est pas la négation de la causalité et du déterminisme ; il est la négation dialectique de la nécessité, expression de la richesse des déterminations des systèmes physiques. »

Extraits de « Sciences et dialectiques de la nature »

Et pour conclure, une réponse magistrale de Marx dans « Le Capital », Livre III :

« Toute science serait superflue s’il y avait coïncidence immédiate entre la forme phénoménale et l’essence des choses. »

Pour préciser certains points, lire aussi :

Qu’est-ce que le virtuel ?

Le réel n’est pas la succession temporelle, linéaire, logique et graduelle des états actuels

Pourquoi la physique quantique nous pose autant de problèmes philosophiques ?

Qu’est-ce que le phénomène ?

La science, ce sont seulement des faits ?

Qu’est-ce que le positivisme ?

Faut-il s’en tenir à l’expérience ?

Contre l’empirisme

Qu’est-ce que l’existentialisme de Jean-Paul Sartre ?

Sartre, philosophe et écrivain engagé ?

Apparence continue et réalité discontinue

Des contradictions dialectiques dans la nature, dans l’homme et dans la société

Qu’est-ce qui apparaît ?

Dans « L’être et le néant », Sartre est-il objectiviste ou subjectiviste, matérialiste, idéaliste, moniste, dualiste, métaphysicien, antimétaphysicien ou un philosophe tout à fait original, ou rien de tout cela, c’est-à-dire le néant de la pensée ?

Tout d’abord remarquons que Sartre prétend rétablir l’objectivité du monde (le monde, rien que le monde et rien derrière le monde) pour rétablir immédiatement la non objectivité du monde. Pour cela, il croit pouvoir s’appuyer sur la physique quantique qu’il ramène aux seules inégalités d’Heisenberg, commentées en deux temps trois mouvements, ou plutôt en moins de deux pages et trois absurdités. Il est évident à leur lecture (chapitre II – Le Corps – Le Corps comme être pour soi) que Sartre ne connaît la physique quantique que par des commentaires de commentaires et nullement en direct :

« Les progrès de la science, d’ailleurs, ont conduit à rejeter cette notion d’objectivité absolue. Ce qu’un de Broglie est conduit à appeler « expérience » est un système de relations univoques d’où l’observateur n’est pas exclu. Et si la micro-physique doit intégrer l’observateur au sein du système scientifique, ce n’est pas à titre de pure subjectivité – cette notion n’aurait pas plus de sens que celle d’objectivité pure – mais comme un rapport originel au monde, comme une place, comme ce vers quoi s’orientent tous les rapports envisagés. C’est ainsi, par exemple, que le principe d’indétermination de Heisenberg ne peut être considéré ni comme une infirmation, ni comme une confirmation du postulat déterministe. Simplement, au lieu d’être pure liaison entre les choses, il enveloppe en soi le rapport originel de l’homme aux choses et sa place dans le monde. C’est ce que marque assez, par exemple, le fait qu’on ne peut pas faire croître de quantités proportionnelles les dimensions de corps en mouvement sans changer leurs relations de vitesse. Si j’examine à l’œil nu puis au microscope le mouvement d’un corps vers un autre, il me paraîtra cent fois plus rapide dans le second cas… C’est ce qu’exprime parfaitement la théorie de la relativité… »

Quand j’écris qu’il y a là-dedans trois absurdités, je suis généreux : il y en a plus que de phrases ! Salmigondis qui va, de manière tout à fait originale, de la quantique à la relativité et qui aurait fait frémir leurs auteurs…

Les inégalités de Heisenberg, soit dit en passant, ne disent rien sur l’homme comme observateur, mais sur le fait qu’on ne peut mesurer que des nombres entiers de quanta de Planck, la quantité unitaire d’action, et que l’on ne peut pas, du coup, descendre en dessous d’un seul quanta pour aucune mesure. L’observateur n’y est pour rien : il n’existe dans la réalité rien en dessous d’un quanta, observé ou pas observé. C’est cela que dit essentiellement la physique quantique. Comme le quanta mêle énergie et temps, on ne peut mesurer séparément ces quantités, pas parce que l’observateur est mêlé à la réalité observée mais du fait du caractère fondamentalement quantique (des unités de quanta) de la réalité matérielle comme lumineuse ou du vide quantique. Sartre a sans doute dû confondre cette discussion avec celle de la dualité onde/corpuscule qui donne l’illusion que c’est l’observateur qui décide si la réalité est onde ou si elle est corpuscule comme dans l’expérience des fentes de Young. Manque de chance pour notre scientifique en herbe Sartre, cela ne prouve nullement ce que prétend Sartre : la matière est à la fois onde et corpuscule et les contraires sont donc présents en même temps et interactifs et non séparés. De toutes manières, cela ne se rapporte pas aux inégalités d’Heisenberg auxquelles il fait dire des choses plus que bizarres… Quant à son effet microscope sur les vitesses et les dimensions, il ne l’a pas davantage compris : il ne fait pas qu’augmenter la vitesse des mouvements. Quand on passe au niveau inférieur de la matière, les mouvements, apparemment en ligne droite, deviennent agités en tous sens. Et la relativité d’Einstein n’y est absolument pour rien. Rappelons que celle-ci n’a d’effet qu’aux vitesses proches de celle de la lumière !!! Pauvre Sartre, contraint d’évoquer des sciences auxquelles il n’a jamais eu envie de consacrer une seule seconde de son temps… Et pauvre lecteur, contraint de se taper les élucubrations d’un Sartre qui ne connaît rien aux domaines multiples qu’il aborde.

Et pour en venir à quoi ?

« Tout est donné, tout est présent à moi sans distance et dans son entière réalité ; rien de ce que je vois ne vient de moi, il n’y a rien en dehors de ce que je vois ou de ce que je pourrais voir. L’être est partout autour de moi… » écrit Sartre dans le chapitre « La Connaissance ».

Est-ce un réalisme ?

Mais le réalisme n’a pas davantage plu à Sartre :

« Au réaliste, d’autre part, nous concéderons que c’est l’être même qui est présent à la conscience dans la connaissance et que le pour-soi n’ajoute rien à l’en-soi… »

Est-ce un idéalisme ?

On peut lire :

« De ce point de vue, il apparaît comme nécessaire d’abandonner entièrement la position idéaliste… » (Chapitre La Connaissance)

Et cependant, Sartre affirme :

« Le monde est humain. On le voit à la position très particulière de la conscience : l’être est partout, contre moi, autour de moi, il pèse sur moi... il m’assiège et je suis perpétuellement renvoyé d’être en être, cette table qui est là, c’est de l’être et rien de plus... Je veux saisir cet être et je ne trouve plus que moi. » (Chapitre La Connaissance)

Était-ce bien la peine pour en arriver à de telles absurdités (subjectivisme pur allié à un objectivisme pur, les deux qu’il vient de rejeter...) de se référer aux discussions philosophiques de la physique qui sont arrivées à des points de vue inverses, que ce soit le réalisme d’Einstein ou la distance entre l’observateur et la réalité de l’école de Copenhague de la physique ?

Sartre semble encore pourfendre le dualisme. C’est ce qu’il croit faire en parlant de la psychanalyse par exemple. Là encore, on remarquera que sa connaissance est en seconde ou troisième main car la pauvre psychanalyse éreintée par lui, du moins il le croit, n’a jamais dû exister que dans sa tête :

« La psychanalyse ne nous a rien fait gagner puisque, pour supprimer la mauvaise foi, elle a établi entre l’inconscient et la conscience une conscience autonome et de mauvaise foi. C’est que ses efforts pour établir une véritable dualité – et même une trinité – n’ont abouti qu’à une terminologie verbale. » (Chapitre Mauvaise foi et mensonge)

Vite expédiée la psychanalyse !!!

On se demande si ce ne serait pas plutôt Sartre qui aurait abouti seulement à une terminologie verbale en forme de trinité : être pour soi, être en soi et être pour autrui…

Mais passons…

Examinons plutôt sa méconnaissance totale de Freud :

« Freud est obligé de sous-entendre partout une unité magique reliant les phénomènes à distance et par-delà les obstacles, comme la participation primitive unit la personne envoûtée et la figurine de cire façonnée à son image. » (même chapitre)

Dommage que Sartre soit incapable de donner le moindre titre d’ouvrage de Freud ou de citation de Freud pour étayer des dires délirants et ridicules !

Freud n’a nullement laissé entendre qu’il y aurait une « unité magique reliant les phénomènes » mais, étant lui-même médecin et biologiste et ayant participé à la découverte des neurones (une paille !), il pense que ceux-ci expliquent le fait que les informations de l’inconscient puissent venir à la conscience par le fait de la parole. C’est magique tout cela pour Sartre !!!

Mais revenons sur le fait que Sartre pourfendrait le dualisme… On verra qu’il ne pourfend rien du tout, il tourne et tourne, autour et alentour et reprend ce qu’il a rejeté quelques lignes plu haut…

On pourrait penser, notamment à lire le premier chapitre, que Sartre démolit les métaphysiques (rien que le monde et rien qui se cache derrière), qu’il casse les dualismes et défend un monisme matérialiste en pourfendant aussi bien le dualisme cartésien (dualité du corps et de l’esprit) que le dualisme kantien (dualité du sujet et de l’objet). On va voir qu’il n’en est rien.

Lui-même le précise d’ailleurs dans le chapitre « Le corps comme être-pour-soi – la facticité » :

« Il semble, à première vue, que nos remarques précédentes vont à l’opposé des données du cogito cartésien. »

Ce n’est effectivement qu’à première vue…

La division diamétrale du corps et de l’esprit, faite par Descartes et qui en fait tout l’opposé d’un fondateur de la méthode scientifique à l’encontre d’un Francis Bacon ou d’un Baruch Spinoza ou encore d’un Diderot, mène à l’idée de deux mondes séparés : celui du corps et celui de l’esprit, fonctionnant indépendamment, selon des lois absolument différentes. Opposition diamétrale donc et pas du tout contradiction dialectique entre le corps et l’esprit pour Descartes…

Qu’en dit Sartre ?

Eh bien, loin de s’opposer à ce dualisme, il l’aggrave, le rend même absurde et ridicule en prétendant que l’esprit ne doit rien au corps !!!

Sartre est entièrement dans le « je pense donc je suis » et il ne fait qu’y rajouter, suivant quelques maîtres allemands qu’il a survolés, une thèse du type : « je pense parce que je pense que je pense » qu’il écrit de cette manière : « Il n’y a pour une conscience qu’une façon d’exister, c’est d’avoir conscience qu’elle existe. »

Il soutient clairement Descartes sur le fond :

« Nous voilà au terme de cette description. Il faut noter d’abord, qu’elle a été faite tout entière sur le plan du cogito. » (chapitre IV – Le Regard)

C’est Sartre qui souligne (en italiques) « tout entière sur le plan du cogito »…

Donc on peut penser que « L’être et le néant », fait mine de reprendre les divers Husserl, Heidegger et autre Kierkegaard, cités par ci par là, simplement pour redonner vie aux thèses de Descartes, en les rendant seulement un peu plus caricaturales : l’esprit sans corps !

Car Sartre se dit original par rapport à Descartes mais seulement en ce qui concerne sa conception de l’imagination…

Effectivement, Sartre s’en sépare apparemment quand il affirme dans son chapitre « L’origine de la négation – L’interrogation » :

« Descartes s’est trouvé en face d’un problème analogue lorsqu’il dut s’occuper des relations de l’âme avec le corps. Il conseillait alors d’en chercher la solution sur le terrain de fait où s’opérait l’union de la substance pensante avec la substance étendue, c’est-à-dire dans l’imagination. Le conseil est précieux : certes notre souci n’est pas celui de Descartes et nous ne concevons pas l’imagination comme lui. Mais ce qu’on peut retenir, c’est qu’il ne convient pas de séparer d’abord les deux termes d’un rapport pour essayer de les rejoindre ensuite : le rapport est synthèse. »

Mais c’est pour mieux y revenir ensuite en séparant lui-même de manière diamétrale corps et esprit !!!

En effet, dans son chapitre « Le Corps », il écrit :

« Le problème du corps et de ses rapports avec la conscience est souvent obscurci par le fait qu’on pose de prime abord le corps comme une certaine ’’chose’’ ayant ses lois propres et susceptible d’être définie du dehors, alors qu’on atteint la conscience par le type d’intuition intime qui lui est propre. Si, en effet, après avoir saisi « ma » conscience dans son intériorité absolue, et par une série d’actes réflexifs, je cherche à l’unir à un certain objet vivant, constitué par un système nerveux, un cerveau, des glandes, des organes digestifs, respiratoires et circulatoires, dont la matière même est susceptible d’être analysée chimiquement en tomes d’hydrogène, de carbone d’azote, de phosphore, etc…, je vais rencontrer d’insurmontables difficultés ; mais ces difficultés proviennent de ce que je tente d’unir « ma » conscience non à « mon » corps mais au corps des « autres »…. Sans doute, quand je touche ma jambe avec mon doigt, je sens que ma jambe est touchée. Mais ce phénomène de double sensation n’est pas essentiel : le froid, une piqûre de morphine peuvent le faire disparaître ; cela suffit à montrer qu’il s’agit de deux ordres de réalité essentiellement différents. »

Pour Sartre, corps et esprit sont « deux ordres de réalité essentiellement différents » !!!

On revient donc au dualisme cartésien, en pire...

Pour conclure, provisoirement, donnons la parole à Antonio Damasio dans "L’erreur de Descartes" :

Comme vous l’avez vu, j’ai combattu dans ce livre à la fois la conception dualiste de Descartes selon laquelle l’esprit est distinct du cerveau et du corps et ses variantes modernes : selon l’une de ces dernières, il existe bien un rapport entre l’esprit et le cerveau, mais seulement dans le sens où l’esprit est une espèce de programme informatique pouvant être mis en œuvre dans une espèce d’ordinateur appelé cerveau. (…) « Je pense, donc je suis », cette formule peut-être la plus célèbre de l’histoire de la philosophie, apparaît en français dans la quatrième partie du « Discours de la Méthode » (1637), et en latin (« Cogito, ergo sum ») dans les « Principes de philosophie » (1644). Prise à la lettre, cette formule illustre précisément le contraire de ce que je crois être la vérité concernant l’origine de l’esprit et les rapports entre esprit et corps. Elle suggère que penser, et la conscience de penser, sont les fondements réels de l’être. Et puisque nous savons que Descartes estimait que la pensée était une activité complètement séparée du corps, sa formule consacre la séparation de l’esprit, la « chose pensante » et du corps non pensant qui est caractérisé par une « étendue » et des « organes mécaniques ». (…) Descartes précise sa conception sans ambiguïté : « Je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu ni d’aucune chose matérielle, en sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps. » C’est là qu’est l’erreur de Descartes : il a instauré une séparation catégorique entre le corps, fait de matière, doté de dimensions, mû par des mécanismes, d’un côté, et l’esprit, non matériel, sans dimensions et exempt de tout mécanisme, de l’autre ; il a suggéré que la raison et le jugement moral ainsi qu’un bouleversement émotionnel et une souffrance provoquée par une douleur physique pouvaient exister indépendamment du corps. Et spécifiquement, il a posé que les opérations de l’esprit les plus délicates n’avaient rien à voir avec l’organisation et le fonctionnement d’un organisme biologique. (…) L’erreur de Descartes continue d’exercer une grande influence. (…) Il est intéressant de noter que, de façon paradoxale, de nombreux spécialistes des sciences cognitives qui estiment que l’on peut étudier les processus mentaux sans recourir à la neurobiologie, ne se considèrent sans doute pas comme des dualistes. On peut aussi voir un certain dualisme cartésien (posant une séparation entre le cerveau et le corps) dans l’attitude des spécialistes des neurosciences qui pensent que les processus mentaux peuvent être expliqués seulement en termes de phénomènes cérébraux, en laissant de côté le reste de l’organisme, ainsi que l’environnement physique et social – et en laissant aussi de côté le fait qu’une certaine partie de l’environnement est lui-même le produit des actions antérieures de l’organisme. (…) L’idée d’un esprit séparé du corps a semble-t-il également orienté la façon dont la médecine occidentale s’est attaquée à l’étude et au traitement des maladies. La coupure cartésienne imprègne aussi bien la recherche que la pratique médicales. Par suite, l’impact psychologique des maladies affectant le corps proprement dit (ce que l’on appelle les maladies réelles) n’est généralement pas pris en compte, ou seulement envisagé dans un second temps. Le processus inverse, la façon dont les problèmes psychologiques retentissent sur le corps, est encore plus négligé. (…) Un assez grand nombre de médecins s’intéressent aux arts, à la littérature et à la philosophie. Un nombre surprenant d’entre eux sont devenus poètes, romanciers et dramaturges de grande valeur, et plusieurs ont réfléchi avec profondeur à la condition humaine et traité de façon perspicace de ses dimensions psychologiques, sociales et politiques. Et pourtant, l’enseignement qu’ils ont reçu dans les facultés de médecine ne prend pratiquement pas en compte ces dimensions humaines lorsqu’il traite de la physiologie et des pathologies du corps proprement dit. (…) Le cerveau (plus précisément les systèmes nerveux central et périphérique), en tant qu’organe, a été pris en compte dans ce cadre. Mais son produit le plus précieux, le phénomène mental, n’a guère préoccupé la médecine classique et, en fait, n’a pas constitué un centre d’intérêt prioritaire pour la spécialité médicale consacrée à l’étude des maladies du cerveau : la neurologie. (…) De nos jours, il n’y a guère de facultés de médecine qui proposent à leurs étudiants un enseignement sur le fonctionnement mental normal, avec un ensemble de cours de psychologie générale, neuropsychologie et neurosciences. (…) Depuis trois siècles, le but des études biologiques et médicales est de comprendre la physiologie et la pathologie du corps proprement dit. L’esprit a été mis de côté, pour être surtout pris en compte par la philosophie et la religion, et même après qu’il est devenu l’objet d’une discipline spécifique, la psychologie, il n’a commencé à être envisagé en en biologie et en médecine que récemment. (…) La conséquence de tout cela a été l’amoindrissement de la notion d’homme telle qu’elle est prise en compte par la médecine dans le cadre de son travail. Il ne faut pas s’étonner que le problème de l’impact des maladies du corps sur la psychologie ne soit considéré que de façon annexe ou pas du tout. La médecine a été très longue à comprendre que la façon dont les gens ressentent leur état de santé est un facteur majeur dans l’issue d’un traitement. (…) On commence enfin à accepter l’idée que les troubles psychologiques, graves ou légers, peuvent déterminer des maladies du corps proprement dit, mais les circonstances dans lesquelles, et la mesure dans laquelle, cela peut se produire, continuent à ne pas être étudiées. (…) La mise à l’écart des phénomènes mentaux par la biologie et la médecine occidentales, par suite d’une vision cartésienne de l’homme, a entraîné deux grandes conséquences négatives. La première concerne le domaine de la science. La tentative de comprendre le fonctionnement mental en termes biologiques généraux a été retardée de plusieurs décennies, et il faut reconnaître honnêtement qu’elle a à peine commencé. (…) La seconde conséquence négative concerne le diagnostic et le traitement efficace des maladies humaines. »

Sur la philosophie de Descartes

Faut-il opposer diamétralement l’homme au reste de l’Univers ?

Descartes est-il un des pères de la démarche scientifique ?

Il y a deux sortes…. Ou la philosophie de la dichotomie

Dualisme ou dialectique naturelle et sociale ?

Contradictions diamétrales et contradictions dialectiques

Le monde matériel existe-t-il objectivement, en dehors de nos pensées ?

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