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L’alliance historique entre l’Etat français et l’Eglise catholique

vendredi 8 juillet 2016, par Robert Paris

L’alliance historique entre l’Etat français et l’Eglise catholique

L’Eglise a joué un rôle primordial dans la formation de la royauté française : le premier réseau national de soutien de ce pouvoir central a été celui des évêques et le premier appareil d’Etat national a été celui du clergé. Et cela a continué ensuite jusqu’à la révolution française puis avec l’empire et jusqu’à la laïcité de l’Etat tenu par le parti radical. Mais la laïcité, qui n’a eu de réalité que lorsqu’elle servait à contrer la montée ouvrière et socialiste, cède aujourd’hui à une nouvelle alliance du sabre et du goupillon…

Cela fait des siècles que l’église catholique manipule le pouvoir politique. La chute de la royauté et la révolution française, avec sa vague de déchistianisation, ont été des catastrophes pour le pouvoir de l’Eglise. Mais, depuis, il a passé de l’eau sous les ponts et l’Eglise a reconstitué son pouvoir et ses fonds et elle a repris son influence souterraine….

Curieusement, les rois de France sont directement liés, dès le début, au soutien de l’église catholique. Tant que le pouvoir central n’a pas eu le soutien de la hiérarchie de l’Eglise, aucun roi n’a gouverné sur un territoire proche de celui de la France. Les premiers Mérovingiens ne sont rois que sur la Belgique et les Francs n’ont pas du tout coutume de se choisir des rois, les Mérovingiens étant non l’émanation libre des Francs mais le produit de l’empire romain déjà bien décrépi et qui a besoin de sbires étrangers pour l’appuyer.

C’est un ancêtre mythique de la dynastie des Mérovingiens. Ils ne descendaient pas du roi Mérovée mais ils venaient de la mer…

Les premiers rois des Francs sont donc des « Mérovingiens », c’est-à-dire des mercenaires incultes au service de l’empire romain tardif affaibli, incapable de faire lui-même sa police et ses guerres. Ces hommes de guerre barbares, dans tous les sens du terme, s’inventent des origines grandioses pour être respectés de leurs sujets. Ils copient le mode politique romain pour bâtir leur régime politique. Ils affirment descendre des héros de la guerre de Troie. Ils revendiquent un ancêtre divin, animal fantastique venu du Nord. Ils se distinguent surtout par des longues crinières peignées qui les fait appeler les « rois chevelus »…

Leur succès provient uniquement des services qu’ils rendent à l’empire romain, tant qu’il reste en place. Leur domaine n’est nullement « la France » mais la Belgique… Quand l’empire romain disparaît, ils n’ont encore pas d’autre domaine de domination que la Belgique.

Le plus connu de ces rois francs est bien entendu Clovis. C’est le premier qui choisit la religion catholique, Clovis faisant de sa conversion un acte de propagande politique, et c’est pour cela que le catholicisme continue à se revendiquer de Clovis. C’est lui qui va se tailler un immense royaume, allant de la Thuringe à l’Aquitaine. L’appui de l’Eglise a été un point important de sa domination et c’est lui qui réunit dorénavant le concile des évêques. Le catholicisme a été le reste solide issu de l’ancien empire romain.

Intimement liée à la monarchie française entre l’avènement de Clovis et la fin de l’Ancien Régime, cette Église a eu un rôle considérable dans l’histoire de France, tant sur le plan religieux que politique.

Le concile d’Orléans fut convoqué par Clovis en 511, quatre ans après la conquête des provinces du Sud-Ouest sur les wisigoths ariens. Il s’agit d’un concile national, où sont convoqués évêques francs et wisigoths dans une ville frontière ; cependant les provinces germaniques et la Gaule Belgique, encore peu christianisées n’y sont pas représentées. Ce concile n’a pas de fin dogmatique, il tend à codifier les rapports du roi et de l’Église. Il en fut de même pour la plupart des conciles mérovingiens : ils posèrent les bases de l’organisation hiérarchique de l’Église autour des évêques nommés par le roi, et délimitèrent les compétences juridiques des différents tribunaux. De nombreux canons portent sur la gestion des biens matériels de l’Église, et sur l’organisation de la vie monastique. Les abbayes qui se multiplièrent au VIe et VIIe siècles géraient de vastes domaines issus de dotations royales ou de grands propriétaires. Par elles, la christianisation atteignit les campagnes.

L’église est un véritable outil de pouvoir pour les rois mérovingiens. Ils convoquent régulièrement des conciles pour légiférer. En devenant un instrument aux mains des rois Francs, l’église de Gaule prend alors son indépendance vis à vis de Rome.

Mais les Mérovégiens sont loin d’être synonymes d’unification durable d’un territoire unique car le royaume est propriété personnelle de la famille royale et, lorsqu’il y a plusieurs enfants, elle est partagée entre eux. D’où des guerres et des assassinats perpétuels entre les enfants royaux et des divisions perpétuelles… Déjà Clovis divise le royaume entre Thierry 1er, Clodomir, Childebert 1er et Clotaire 1er…

Le plus fréquemment le territoire de Clovis est partagé en plusieurs royaumes : Austrasie, Neustrie, Burgondie, et il y a d’autres royaumes comme Bretagne, Aquitaine, Auvergne, Provence.

La dynastie mérovingienne est affaiblie par les guerres intestines et se soumet aux maires du palais et aux grands seigneurs, basculant dans la guerre des grands féodaux. Il n’y a plus dès lors d’unité nationale. Même si l’institution royale perdure, elle n’a plus de pouvoir central réel…

Mais le destin des Mérovingiens est d’être détrônés par leurs maires du Palais et ils vont perdre non seulement la réalité du pouvoir mais le titre royal.

Le maire du Palais Pépin demande au pape qui doit détenir le pouvoir en France : est-ce l’héritier du trône ou le détenteur du pouvoir réel ? En 741, le pape répond : « Il vaut mieux appeler roi celui qui en a la puissance plutôt que celui qui est dénué de pouvoir. »

C’est fait ! Le dernier des Mérovingiens vient de perdre le pouvoir, les évêques étant une puissance politique en France, le lâchage du pape a fait chuter cette dynastie et Pépin est sacré roi à Soissons en 751. Il y réinvente pour l’occasion « l’huile sainte » ! Et il aime tellement cela qu’il réédite son sacrement en 754 à Saint-Denis. C’est dire aussi qu’il a un soutien sans faille du catholicisme… Il est quand même prudent : il ne faut pas qu’il lui arrive ce qu’il a fait à son prédécesseur et il décrète que désormais, il sera interdit aux Francs de se choisir un roi en dehors de sa propre dynastie !!!

En 800, grâce à la mort de son frère, Charles redevient roi des Francs. Il se distingue, paraît-il, parce qu’il a refusé d’être couronné par le pape. Au point de se mettre lui-même la couronne royale en sortant de Saint-Pierre ! Mais c’est seulement pour n’être jamais le second de personne car, pour le reste, Charles a été un loyal soutien de la hiérarchie catholique… Charles punit de mort le paganisme et les baptêmes sont forcés… La spécialité de Charles, ce sont les « missi dominici », des inspecteurs chargés de surveiller le royaume et qui couplent un religieux et un laïc. Voilà qui était celui qu’on appellera Charles le Grand ou Charlemagne…

Louis dit « Le Pieux », successeur de Charles, est un prétentieux : il veut absolument passer pour le plus modeste, le plus pieux, le plus moraliste et autres. Au point d’exiger qu’on le traite de « Notre Médiocrité » plutôt que « Notre Majesté ». Les enfants se révoltent pour obtenir un partage du royaume. Finalement, ils le négocient à sa mort à Verdun. Mais la « Francie de l’Ouest », loin d’être un royaume absolu, devient l’otage des grands seigneurs féodaux. Le pouvoir véritable est dorénavant aux mains des nobles régionaux.

Durant toute cette époque de l’avènement de Clovis au milieu du VIIIe siècle, l’église de France a considérablement gagné en indépendance vis à vis de Rome, au prix d’une soumission aux princes.

Le bilan est très contrasté puisque d’un côté, on a assisté à une dégradation de la discipline du clergé, dont l’état moral est déplorable (évêques homicides, pratique du nicolaïsme …).
D’un autre côté, le monachisme a pris un essor formidable. Il se répand dans toute l’Europe et les monastères se révèlent être les derniers bastions de la science et du savoir dans un désert intellectuel, en conservant les savoirs hérités de l’Antiquité.

Hugues Capet, qui en finit avec la dynastie des Charles, a la réputation de générosité à l’égard des monastères, à laquelle il doit un soutien inconditionnel des grands ecclésiastiques. C’est d’ailleurs l’archevêque de Reims Adalbéron, qui a remporté l’adhésion des grands du royaume pour son élection le 23 mai 987 en écartant le candidature de Charles de Basse-Lorraine et en déclarant notamment : « Le trône ne s’acquiert point par droit héréditaire, et l’on doit mettre à la tête du royaume celui qui se distingue par la noblesse corporelle et par les qualités de l’esprit… Décidez-vous plutôt pour le bonheur que pour le malheur de l’Etat. Si vous voulez son malheur, créez Charles souverain ; si vous êtes attachés à sa prospérité, couronnez Hugues, l’illustre duc. Donnez pour chef le duc, recommandable par ses actions, par sa noblesse et par ses troupes, le duc en qui vous trouverez un défenseur de l’Etat aussi bien que de vos intérêts privés. »

Hugues trouve essentiellement ses appuis chez les évêques et quelques grands abbés…

De son vivant, Hugues fait sacrer roi son fils, Robert, à Orléans. Désormais, les carolingiens n’ont plus les moyens de manigancer un retour au pouvoir…

La dynastie des capétiens démarre… Hugues Capet ne règnera que dix ans mais sa dynastie tiendra huit siècles…

Robert II, successeur de Hugues, a avec lui une preuve matérielle de sa royauté divine : il est le premier roi de France réputé capable de guérir des malades rien qu’en les touchant. Il s’agit de la maladie dite des écrouelles et de la lèpre…

Cette époque est bien décrite par le poème composé par l’évêque de Laon, Adalbéron, intitulé « Poème au roi Robert » qui décrit des paysans en voie de soumission aux tueurs guerriers et aux clercs qui prennent aux paysans le peu de moyens que leur donnent une existence de labeur et de misère.

Le roi Robert n’a rien d’une exception de force ni d’intelligence. Le duc d’Aquitaine Guillaume V parle à son propos de « nullité du roi »…. C’est le capétien dont on parlera le moins et moins on en dira mieux cela vaudra…

Son successeur Henri 1er a été appelé « le roi fantôme »… La raison en est qu’il n’existe pas de chroniques le concernant : c’est le plus faible et le moins connu des rois capétiens.

Philippe 1er lui succède et son règne durera près d’un demi-siècle. C’est une époque considérablement importante pour l’essor économique et social : développement agraire, commercial, artisanal, essor urbain, premières communes, naissance de l’ordre cistercien et de divers ordres monastiques… Cependant, le roi est très critiqué par les chroniqueurs. Il lui est reproché de trop intervenir dans les élections pontificales pour imposer ses candidats. Philippe 1er va surtout essayer de solidifier son territoire en Ile de France, en rachetant les territoires seigneuriaux qui n’appartiennent pas à la couronne.

Le rois successifs continuent à favoriser les intérêts seigneuriaux de l’Eglise, aidant notamment les ecclésiastiques contre la force montante des communes. L’épisode le plus connu est celui de Laon, avec le heurt entre la commune et l’évêque Gandri, seigneur de Laon. Le commune veut racheter sa liberté au roi Louis VI (dit « le gros ») et propose le prix fort. Le roi est d’accord mais Gandri offre davantage au roi et l’emporte. Le peuple de Laon se révolte et massacre Gandri, qui était caché dans un tonneau. Trois ans plus tard, la révolte calmée, l’armée roayle entre en ville et châtie les émeutiers. Il faut bien marquer que la royauté ne soutient les libertés des communes que lorsqu’elles sont acceptées par les seigneuries, à commencer par les seigneuries ecclésiastiques, évêques et abbés.

L’influence de la religion catholique est marquée par le poids des clercs dans l’appareil de l’Etat royal, à commencer par le premier d’entre eux Suger, abbé de Saint-Denis qui est alors le principal conseiller royal…

Louis VII, qui est menacé par l’Angleterre et par la Normandie et va participer aux débuts de la guerre de cent ans, peut s’appuyer à l’intérieur du pays sur le soutien sans faille de l’Eglise, avec notamment l’appui indéfectible de ses 25 évêchés royaux dans lesquels s’exerce le droit régalien et dont les évêques ont été nommés par le roi. Les monastères et les collégiales, richement dotées par la royauté, sont également des appuis solides. Même si la montée économique et sociale aide considérablement à la solidification du royaume, celui-ci n’est pas d’abord appuyé sur la bourgeoisie qui l’enrichit mais sur la noblesse et le haut clergé. Les habitants d’Auxerre et de Vézelay font la cruelle expérience de la solidité des liens de la royauté et des ecclésiastiques ! Sous Louis VII, Paris devient la capitale européenne des intellectuels catholiques.

L’essor urbain implique bien une montée de la richesse qui incite des prédicateurs à faire revivre l’image d’une Église primitive où l’on mettait tout en commun ; clercs et laïques inventent des expériences de « vie apostolique » qui peuvent déboucher sur des institutions durables. Si l’Évangile retrouve fraîcheur et virulence, des laïques en viennent aussi à l’opposer à l’Église. C’est le cas du marchand lyonnais Pierre Valdo à l’origine du mouvement des Vaudois. La demande d’authenticité évangélique sur un terrain d’insatisfaction politique et sociale font s’épanouir d’autres hérésies comme le catharisme qui s’implante dans le midi de la France et le nord de l’Italie.

De 1309 à 1378, la papauté d’Avignon se caractérise par une influence française plus grande, et d’ailleurs, les papes de cette époque sont issus du midi de la France, mais la centralisation monarchique est la caractère le plus marqué du gouvernement pontifical durant son exil à Avignon. Même si le bien de l’Église était pour les papes d’Avignon une raison sérieuse pour développer leur activité gouvernementale dans le sens de la centralisation, cette politique et le faste qui s’instaure à la cour d’Avignon fait grimper les dépenses de l’Église à des niveaux jamais atteints. Pour y faire face, il devient nécessaire d’instaurer une fiscalité basée sur la taxe dont doit s’acquitter tout titulaire d’un poste nommé par le pape. En même temps qu’elle fortifie les moyens matériels de la papauté, la centralisation suscite aussi des rancunes dont la masse et la force ne vont pas tarder à se révéler.

À partir des années 1530, la réforme protestante provoque une crise dans l’Église. La France est touchée et la répression contre les hérétiques s’accentue avec l’avènement d’Henri II. Après la mort de ce dernier en 1559, plusieurs rois se succèdent, tandis qu’une partie de la noblesse se convertit au protestantisme pour défier le pouvoir central. Catherine de Médicis assure la régence, les protestants deviennent un parti dans l’État qui se rassemble autour des Condé et des Châtillon.

Les guerres de religion, opposant catholiques et protestants, débutent en 1562 avec le massacre de Vassy. Les villes tombent dans les mains des deux protagonistes et le chef des catholiques François de Guise est assassiné.

La royauté est directement impliquée par les désordres qui menacent l’ordre social. Elle répond par le massacre de la Saint-Barthélemy qui conforte le lien indéfectible de la royauté et du catholicisme, tout en faisant de l’Eglise catholique le défenseur, également indéfectible, des intérêts de la royauté et de la noblesse contre la bourgeoisie et le peuple, ce qui rendra inévitable que la révolution bourgeoise et populaire déchristianise violemment pour battre noblesse et féodalité.

L’Église franque, puis française, a imposé à la monarchie, depuis Clovis, le droit divin, à savoir l’affirmation que Dieu est maître des trônes qui ont prétention à gouverner le peuple chrétien. Le droit de Dieu s’exerçait notamment :

• à tout moment par la prédication et la juridiction de son Église (entendue comme l’Église catholique officielle), y compris éventuellement l’excommunication du roi infidèle ;

• lors du sacre, par cette investiture nécessaire même lorsque l’élection par les grands feudataires aura disparu.
Cette conception qui séparait pouvoir spirituel (des évêques, même nommés par le roi) et pouvoir temporel (du roi par naissance, même soumis à l’Église) est loin d’avoir toujours rencontré les faveurs des monarques ! Les derniers Mérovingiens et les Carolingiens ne s’y sont guère pliés, préférant être les maîtres en toutes choses, à la manière des rois germaniques. Les Capétiens eux-mêmes rechigneront parfois. Les guerres de religion seront l’occasion pour l’État français de se replacer au-dessus de l’Église, par l’édit de Nantes. Louis XIV poussera à l’extrême l’utilisation de la religion pour justifier sa mainmise du pouvoir, suite au traumatisme politique de la Fronde. Sa monarchie absolue ne reposait donc plus sur le droit divin manifesté par la loi salique et le sacre, mais désormais tous devaient s’agenouiller devant le Roi-Soleil.

Cette nouvelle conception fera partie des raisons qui mèneront le peuple révolutionnaire, lors de la Révolution française, à proclamer la déchéance du Roi en même temps que la déchristianisation et que les Droits de l’homme.

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