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Quelles sont les idées défendues par le physicien Richard Feynman ?

jeudi 9 juin 2016, par Robert Paris

« Il est absolument nécessaire d’échafauder des constructions de l’esprit. »

Richard Feynman

« La science c’est comme faire l’amour : c’est parfois quelque chose d’utile en soi, mais ce n’est pas la raison pour laquelle nous la faisons. »

Richard Feynman

"To our eyes, our crude eyes, nothing is changing," notes the American physicist Richard P. Feynman, "but if we could see it a billion times magnified, we would see that from its own point of view it is always changing : molecules are leaving the surface, molecules are coming back."

« A nos simples yeux, rien ne change, mais si nous pouvions voir la matière grossie un milliard de fois, nous verrions qu’elle change en permanence : des molécules quittent la surface et d’autres y reviennent. »

Richard Feynman

Quelles sont les idées défendues par le physicien Richard Feynman ?

« A nos yeux, à l’œil nu, rien ne change. Mais si nous pouvions voir avec un agrandissement d’un milliard de fois, nous verrions que, de son propre point de vue, la nature change sans cesse ; les molécules sont sans cesse en train de quitter une surface matérielle et d’autres sans cesse en train d’y tomber. »

Richard Feynman

« Lorsqu’on étudie les lois de la physique, on en découvre un grand nombre, compliquées et détaillées : lois de la gravitation, de l’électricité et du magnétisme, des interactions nucléaires, etc., mais à travers la variété de ces lois particulières règnent de grands principes généraux auxquels toutes les lois paraissent obéir : ce sont par exemple les principes de conservation, certaines qualités de symétrie, la forme générale des principes de la mécanique quantique, et malheureusement ou heureusement comme nous l’avons vu, le fait que toutes ces lois sont mathématiques. Au cours de cet exposé, je vous parlerai des principes de conservation. Le physicien utilise les mots courants avec un sens particulier. Pour lui, une loi de conservation signifie qu’il existe un nombre que l’on peut calculer en un moment donné, puis, bien que la nature subisse de multiples variations, si on calcule cette quantité en un instant ultérieur, elle sera toujours la même, le nombre n’aura pas varié. Prenons par exemple, la conservation de l’énergie ; c’est une quantité que l’on peut calculer suivant une certaine règle, et on obtient toujours le même nombre quoi qu’il arrive. Vous réalisez maintenant que cela peut être bien utile. Imaginons que la physique, ou plutôt la nature, est un vaste jeu d’échecs avec des millions de pièces, et que nous nous efforçons de découvrir la règle du jeu. Les grandes divinités qui jouent le font très rapidement, on a de la peine à suivre et à comprendre. Pourtant, nous arrivons à saisir certaines règles, et parmi celles que nous découvrons il y en a qui ne nécessitent pas d’observer tous les mouvements. Par exemple, supposons qu’il y ait un seul fou, le fou blanc, sur l’échiquier ; puisque le fou avance en diagonale et donc reste toujours sur des cases de la même couleur, si on détourne un instant le regard pendant que les dieux jouent et qu’on le reporte à nouveau sur le jeu, on peut s’attendre à trouver encore un fou blanc sur l’échiquier, sa position aura peut-être changé mais la couleur de sa case sera restée la même. Telle est l’essence même d’une loi de conservation. Nous n’avons pas besoin d’entrer dans le jeu pour en connaître au moins les rudiments. »

Richard Feynman, La nature de la physique

« Qu’est-ce que nous entendons par " comprendre " quelque chose ? Nous pouvons imaginer que ce réseau compliqué d’objets en mouvement, qui constitue " le monde ", est quelque chose d’analogue à une grande partie d’échecs jouée par les dieux, et que nous sommes des observateurs de ce jeu. Nous ne savons pas quelles sont les règles du jeu ; la seule chose que nous puissions faire, c’est de regarder le jeu. Bien sûr, si nous regardons suffisamment longtemps, nous pouvons finalement saisir quelques-unes des règles.

Les règles du jeu sont ce que nous appelons la physique fondamentale. Même si nous connaissions toutes les règles, il se pourrait que nous ne soyons pas capables de comprendre un mouvement particulier de la partie, simplement parce que c’est trop compliqué, et que nos facultés mentales sont limitées. Si vous jouez aux échecs vous devez savoir qu’il est facile d’apprendre toutes les règles, et cependant il est souvent très difficile de choisir le meilleur déplacement ou de comprendre pourquoi un joueur agit comme il le fait. Ainsi en est-il dans la nature à un degré supérieur ; mais nous devons au moins être capables de trouver toutes les règles. En fait, à l’heure actuelle, nous ne possédons pas toutes les règles. (De temps en temps, de même qu’un joueur d’échecs peut roquer, quelque chose de nouveau se passe que nous ne comprenons pas encore.) En dehors du fait que nous ne connaissons pas toutes les règles, ce que nous pouvons réellement expliquer à l’aide de ces règles est très limité, parce que pratiquement toutes les situations sont compliquées à un tel point que nous ne pouvons suivre la partie en utilisant ces règles, et encore moins prévoir ce qui va se passer.

Nous devons, de ce fait, nous limiter aux questions les plus fondamentales : la connaissance des règles du jeu. Si nous connaissons ces règles, nous considérerons que nous " comprenons " le monde. Comment pouvons-nous dire que les règles " supposées " sont effectivement exactes, si nous ne pouvons analyser le jeu très correctement ? Il y a, en gros, trois manières. D’abord il peut y avoir des situations que la nature a aménagées, ou bien alors nous aménageons la nature, de telle sorte que ces situations soient simples et qu’il y ait si peu de composantes que nous puissions prédire exactement ce qui va se passer, et qu’ainsi nous puissions vérifier comment nos règles fonctionnent. (Dans un coin de l’échiquier, il peut n’y avoir que quelques pièces à l’oeuvre et nous pouvons y voir complètement clair.) Une deuxième bonne manière de vérifier les règles se fait en fonction de règles plus générales, dérivées des premières. Par exemple, la règle du mouvement d’un fou sur un échiquier est de ne se déplacer qu’en diagonale. On peut en déduire qu’un certain fou se trouvera toujours sur un carré blanc, quel que soit le nombre de mouvements réalisés. Ainsi, sans être capable de suivre les détails, nous pouvons toujours vérifier nos prévisions à propos du mouvement du fou en contrôlant qu’il est toujours sur un carré blanc. Il y restera bien sûr pendant longtemps, jusqu’au moment où brusquement nous le trouverons sur un carré noir (ce qui s’est passé évidemment, c’est qu’entre-temps il a été capturé, un autre pion est allé à dame et s’est transformé en un fou sur un carré noir.) C’est de cette manière que les choses se passent en physique.

Pendant longtemps nous avons une règle qui s’applique excellemment et complètement, même lorsque nous ne pouvons suivre les détails, et puis il arrive que nous découvrions une nouvelle règle. Du point de vue de la physique fondamentale, les phénomènes les plus intéressants se trouvent bien sûr aux nouveaux endroits, où les règles ne sont pas suivies - et non ailleurs où elles le sont. C’est de cette manière que nous découvrons de nouvelles lois. La troisième manière de vérifier si nos conceptions sont justes est relativement grossière, mais probablement la plus puissante de toutes. C’est en utilisant une approximation assez large. Alors que nous ne sommes peut-être pas capables de dire pourquoi Alekhine déplace cette pièce particulière, peut-être pouvons-nous grossièrement comprendre qu’il est en train plus ou moins de rassembler ses pièces autour du roi, pour le protéger, puisque c’est la chose sensée à faire dans la circonstance. De la même manière, nous pouvons souvent plus ou moins comprendre la nature, en fonction de notre compréhension du jeu, sans être en mesure de voir ce que chaque petite pièce est en train de faire.

Au début, les phénomènes de la nature furent en gros divisés en catégories telles que la chaleur, l’électricité et la mécanique, le magnétisme, les propriétés des substances, les phénomènes chimiques, la lumière ou l’optique, les rayons, la physique nucléaire, la gravitation, les phénomènes des mésons, etc. Cependant le but est de voir la nature dans sa totalité comme différents aspects d’un seul ensemble de phénomènes. C’est-à-dire que le problème de la physique théorique de base aujourd’hui - est de trouver les lois derrière l’expérience ; d’unifier ces catégories. Historiquement, nous avons toujours été capables de les amalgamer, mais avec le temps on trouve de nouvelles choses. Cela allait très bien, lorsque soudainement les rayons X furent découverts. Nous avons continué d’unifier, et puis les mésons furent trouvés. Ainsi, à chaque étape du jeu, cela paraît toujours assez embrouillé. L’unification a été menée assez loin, mais il y a toujours fils et ficelles qui pendent de toutes parts. C’est ainsi que se présente la situation aujourd’hui, et nous allons essayer de la décrire. Voici quelques exemples historiques de synthèses.

Prenons pour commencer la chaleur et la mécanique. Lorsque les atomes sont en mouvement, plus il y a de mouvement, plus le système contient de chaleur, et ainsi la chaleur et les effets liés à la température peuvent être décrits par les lois de la mécanique. Une autre synthèse très importante fut la découverte des relations entre l’électricité, le magnétisme et la lumière, aspects différents d’une même chose que nous appelons aujourd’hui le champ électromagnétique. Une autre synthèse fut l’unification des phénomènes chimiques c’est-à-dire les diverses propriétés des diverses substances avec le comportement des particules atomiques, synthèse réalisée dans la mécanique quantique de la chimie. La question est, bien sûr, de savoir s’il est possible de tout rassembler et de découvrir simplement que le monde représente différents aspects d’une seule chose.

Nul ne le sait. Tout ce que nous savons est que, lorsque nous avançons, nous pouvons rassembler les éléments, trouver ensuite certains éléments qui ne s’emboîtent pas, et essayer de compléter ce jeu de patience. Bien entendu, nous ne savons pas s’il y a un nombre fini d’éléments ou même une frontière au puzzle. Nul ne le saura jamais avant d’avoir terminé l’assemblage - si jamais on le termine. Ce que nous voulons faire ici est de voir jusqu’où ce processus de synthèse est arrivé, et quelle est la situation à présent dans la compréhension des phénomènes de base en fonction du plus petit ensemble de principes. Pour exprimer ceci d’une manière simple, de quoi les choses sont faites et quel est le plus petit nombre d’éléments différents ? »

Extrait du Cours de Physique de Richard Feynman

« En réalité, la lumière ne se propage pas seulement en ligne droite. Elle "sent" et emprunte aussi les trajets aux alentours de la ligne droite, occupant ainsi un très petit volume d’espace avoisinant. »

Richard Feynman

« Toutes les choses, nous-mêmes y compris, sont faites de parties positives et négatives étroitement liées dans une interaction puissante, et toutes finement équilibrées. »

Richard Feynman dans « Leçons de physique »

« Einstein a dû modifier les lois de la gravitation (de Newton), suivant ses principes de relativité. Le premier de ces principes était que rien ne peut advenir instantanément alors que, selon Newton, la force agissait instantanément. Il lui fallut modifier les lois de Newton. Ces modifications n’ont que de très petits effets. L’un d’eux est que toutes les masses tombant, la lumière ayant de l’énergie et l’énergie équivalant à une masse, la lumière tombe donc. (…) Enfin, en relation avec les lois de la physique à petite échelle, nous avons trouvé que les lois de la matière a à petite échelle un comportement très différent de celui qu’elle montre à grande échelle. La question se pose donc, à quoi ressemble donc la gravitation sur une petite échelle ? C’est ce que l’on appelle la théorie quantique de la gravitation. Il n’y a pas à l’heure actuelle de théorie quantique de la gravitation. »

Richard Feynman, La nature de la physique

« L’un des aspects les plus curieux de la théorie de la gravitation, c’est qu’elle admet à la fois une interprétation en termes de champ et une interprétation géométrique… La géométrisation implique une immédiateté des forces alors qu’un champ se caractérise par des ondes gravitationnelles qui se transmettent à la vitesse de la lumière. En tout cas, particulariser la gravitation en l’assimilant à une déformation de l’espace est un obstacle à l’unification des forces électro-magnétiques et de la gravitation, comme le note Einstein lui-même. Ce qui particularise la gravité et permet d’assimiler le champ gravitationnel à une courbure de l’espace, c’est l’absence de pôles négatif et positif dans la gravitation contrairement aux forces électromagnétiques (de spin 1/2 ou 1) »

Richard Feynman

« Des particules sont élémentaires dans ou par rapport à une interaction si ce sont des quanta de champ quantique couplés par cette interaction (...) »

Richard Feynman

« En mécanique quantique, le moment cinétique n’a pas une direction quelconque, mais sa composante sur un axe donné ne peut prendre que certaines valeurs discrètes, également espacées. Voilà quelque chose de choquant et de singulier. »

Richard Feynman, Cours de physique – tome électromagnétisme

« La notion de particule est limitée. Le concept d’une particule - sa position, sa quantité de mouvement, etc. - que nous utilisons tant, n’est pas, en un certain sens, satisfaisant. »

« Nous comprenons maintenant pourquoi nous ne passons pas au travers du plancher. Lorsque nous marchons, nos chaussures avec leur masse d’atomes poussent le plancher et sa masse d’atomes. Afin de comprimer les atomes, il faudrait confiner les électrons dans dans un plus petit espace, et à cause du principe d’incertitude, leurs quantités de mouvement devraient être plus grandes en moyenne, ce qui signifie une grande énergie ; la résistance à la compression atomique est un effet de mécanique quantique et non classique. »

Richard Feynman dans son cours de physique (mécanique tome deux)

« Je ne saurais trop insister sur cet aspect de la lumière : la lumière est faite de particules (les photons)... En moyenne 4% des photons qui arrivent sur une plaque de verre sont réfléchis et les autres traversent. Malgré tous nos efforts pour imaginer une théorie raisonnable expliquant comment le photon « décide » de traverser la surface ou d’être réfléchi, il s’avère impossible de prédire ce qui va arriver au photon. Si l’on en croit les philosophes, lorsque les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, toute prédiction devient impossible et la science trouve ses limites. Ici nous sommes dans une situation où une même cause – le fait que des photons identiques viennent tomber sous la même incidence sur la face d’entrée d’un seul et même bloc de verre – produit des effets différents… La Nature ne nous autorise à calculer que des probabilités… C’est ce que réalise de manière exacte l’électrodynamique quantique. »

Feynman, Cours de Physique

« Il m’est très difficile d’expliquer que le moment angulaire apparaît (dans une rotation) sous forme d’unités. A première vue, cela semble tout à fait impossible, puisque le moment angulaire dépend de la direction dans laquelle on projette l’image. (…) Pourtant, cela est affirmé par la physique quantique : si on mesure le moment angulaire sur un axe, quel qu’il soit, il se traduit toujours, chose étrange, par un nombre entier d’unités. (…) Contrairement à une charge électrique, quand il s’agit de rotation on a du mal à imaginer un nombre entier d’unités… C’est très curieux. »

Richard Feynman, dans « La nature de la physique »

« D’un autre côté, je crois que la théorie de l’espace continu est fausse, car nous obtenons des infinités et d’autres difficultés, et nous restons avec des questions sur ce qui détermine la taille des particules. J’ai plutôt l’impression que les simples idées de la géométrie, étendues à un espace infiniment petit, sont fausses. »

Richard Feynman, dans « La nature de la physique »

« On ne peut en rester à parler de dualité, de complémentarité et d’incertitude quantique. (....) rappeler que la physique quantique ne correspond pas au bon sens, qu’elle est probabiliste et non descriptive, ou encore qu’elle ne permet que des calculs et non des interprétations. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que les termes d’onde et de corpuscule continuent d’être employés sans avoir été remplacés par des notions plus adéquates, alors que l’on sait depuis longtemps qu’il n’existe ni onde ni corpuscule…. Certains continuent même à parler d’énergie (ou de quantité de mouvement) pour l’élémentarité (de la lumière ou de la matière), alors que l’on sait depuis longtemps que l’élémentarité, que l’élément commun de la matière et de la lumière (et aussi du vide) dans tous leurs états, ne peut être qu’une action, c’est-à-dire un moment cinétique (produit d’une énergie et d’un temps ou d’une distance par une quantité de mouvement)… Le passage du quantum d’action au quantum d’énergie constitue, selon moi, une regrettable erreur d’aiguillage… Richard Feynman demandait à son fils : « Lorsqu’un atome fait une transition d’un état à un autre, il émet un photon. D’où vient le photon ? » (…) Dans la terminologie de Feynman, le quantum est un photon virtuel. »

Jean-Paul Auffray dans « L’atome »

« La première chose que découvrit Newton, lorsqu’il commença à s’intéresser à la lumière, c’est que la lumière blanche est en fait un mélange de couleurs. A l’aide d’un prisme, il décomposa la lumière blanche en diverses couleurs et il s’aperçut que la lumière d’une seule couleur ne pouvait pas à son tour être décomposée. En fait, une lumière d’une couleur donnée peut encore être décomposée, mais selon un procédé différent, en deux lumières de « polarisations » différentes... Quand je parle de « lumière », cela ne signifie pas seulement la lumière visible, allant du rouge au bleu. Il se trouve que la lumière que nous pouvons voir ne représente qu’une faible partie d’un spectre beaucoup plus étendu… La gamme des lumières peut être repérée par des nombres qu’on appelle fréquences. Au fur et à mesure que le nombre représentant la fréquence augmente, on passe successivement du rouge au bleu, puis du bleu au violet et à l’ultraviolet. Nous ne voyons pas la lumière ultraviolette, mais elle impressionne certaines plaques photographiques… Si nous faisons encore croître la fréquence, nous arrivons dans le domaine des rayons X puis des rayons gamma, etc… Si maintenant nous faisons décroître la fréquence à partir du bleu, nous passons successivement du bleu au rouge, puis à l’infrarouge (les ondes de chaleur), puis aux ondes télévision et radio. Pour moi, tout cela est de la « lumière »... Newton pensait que la lumière était faite de corpuscules et il avait raison, bien que le raisonnement qui l’avait conduit à cette conclusion soit faux.Aujourd’hui, nous savons que la lumière est faite de particules parce que nous possédons des instruments extrêmement sensibles qui font « clic » chaque fois qu’ils reçoivent de la lumière, et ce même si l’intensité de la lumière est abaissée considérablement ; les clics sont les mêmes, seul leur nombre diminue... Je ne saurais trop insister sur cet aspect de la lumière : la lumière est faite de particules (les photons)... En moyenne 4% des photons qui arrivent sur une plaque de verre sont réfléchis et les autres traversent. Malgré tous nos efforts pour imaginer une théorie raisonnable expliquant comment le photon « décide » de traverser la surface ou d’être réfléchi, il s’avère impossible de prédire ce qui va arriver au photon. Si l’on en croit les philosophes, lorsque les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, toute prédiction devient impossible et la science trouve ses limites. Ici nous sommes dans une situation où une même cause – le fait que des photons identiques viennent tomber sous la même incidence sur la face d’entrée d’un seul et même bloc de verre – produit des effets différents… La Nature ne nous autorise à calculer que des probabilités… C’est ce que réalise de manière exacte l’électrodynamique quantique. »

Richard Feynman, Lumière et matière

« La « Mécanique quantique » est la description du comportement de la matière et de la lumière dans tous leurs détails et, en particulier, de tout ce qui se passe à l’échelle atomique. A très petite échelle, les choses ne se comportent en rien comme ce dont vous avez une expérience directe. Elles ne se comportent pax comme des ondes, elles ne se comportent pas comme des particules, elles ne se comportent pas comme des nuages, ni comme des boules de billard, ni comme des poids sur une corde, ni comme rien que vous ayez jamais vu.

Newton pensait que la lumière était faite de particules, mais on découvrit ensuite qu’elle se comportait comme une onde. Plus tard, cependant (au début du vingtième siècle), on trouvera que la lumière se comportait quelquefois comme une particule. Historiquement, l’électron, par exemple, fut d’abord supposé se comporter comme une particule, puis on trouva qu’ils se comortait en plusieurs points comme une onde. Il ne se comporte donc réellement ni comme l’une ni comme l’autre. A l’heure actuelle, nous avons abandonné ce dilemme et nous disons : « il n’est ni l’une ni l’autre ».

Il y a heureusement une issue : les électrons se comportent exactement comme la lumière. Le comportement quantique des objets atomiques (électrons, protons, neutrons, photons, etc.) est le même pour tous, ce sont des « ondes-particules » ou comme vous voudrez les appeler. Ainsi, ce que nous apprenons sur les propriétés de l’électron s’appliquera également à toutes les « particules », y compris les photons de lumière…

Le comportement atomique étant tout à fait différent de notre expérience quotidienne, il est très difficile de s’y habituer et il apparaît singulier et mystérieux à tout le monde – aussi bien au physicien expérimenté qu’au novice. Même les experts ne le comprennent pas de la façon dont ils le voudraient et c’est parfaitement normal qu’il en soit ainsi, puisque toute expérience humaine directe, et toute intuition humaine s’appliquent à de grands objets. Nous savons ce que font les grands objets mais à petite échelle les choses ne font rien de la même façon. C’est pourquoi nous ne pouvons rien apprendre d’elles par notre expérience immédiate, mais seulement en faisant appel à l’abstraction et à l’imagination…. Nous ne pouvons pas faire disparaître le mystère en « expliquant » pourquoi les choses sont ainsi. Nous vous dirons seulement « comment » les choses se passent. Et, en vous le disant, nous vous aurons donné les particularités fondamentales de toute la mécanique quantique…

Richard Feynman, cours de Mécanique quantique

« Ainsi notre théorie folle (du vecteur de Poynting) dit que les électrons reçoivent leur énergie pour produire de la chaleur, parce qu’il y a un flux d’énergie rentrant dans le fil provenant du champ extérieur. Notre intuition suggérerait plutôt que les électrons reçoivent leur énergie de leur mouvement le long du fil, et donc l’énergie devrait s’écouler le long du fil. Mais la théorie dit que les électrons sont en réalité poussés par un champ électrique dû à des charges très éloignées, et qu’ils acquièrent leur énergie pour engendrer de la chaleur à partir de ces champs. L’énergie s’écoule d’une certaine façon, à partir des charges éloignées, à travers une vaste région de l’espace, puis vers l’intérieur du fil. En fin pour vous convaincre que cette théorie (de Poynting) est évidemment loufoque… »

« Vous commencez sans doute à avoir l’impression que la théorie de Poynting viole au moins partiellement votre intuition en ce qui concerne la localisation de l’énergie dans un champ électromagnétique…. »

Feynman dans Electromagnétisme II chapitre 27

En somme, le câble reçoit son énergie de l’extérieur de la matière… Il la reçoit du vide…

« Il y a combinaison dans l’œil de l’information venant des différentes parties de l’oeil. Nous pouvons voir, par exemple, en y réfléchissant un peu, que ceci est un procédé pour augmenter le contraste aux bords des objets, parce que si une partie de la scène est lumineuse et uen autre partie sombre (…) l’objet verra un renforcement des contours. L’existence d’un renforcement des contours est connue depuis longtemps ; en fait, c’est une chose remarquable qui a été souvent commentée par les psychologues. Pour dessiner un objet, il nous suffit de dessiner son contour. Comme nous sommes habitués à regarder des dessins qui ne représentent que le contour ! Qu’est-ce que le contour ? Le contour est simplement la différence au bord entre le clair et le sombre ou une couleur et une autre. Ce n’est pas le fait, croyez-le ou pas, que chaque objet possède une ligne qui l’entoure ! Une telle ligne n’existe pas. Cette ligne n’existe que dans notre propre construction psychologique. »

Feynman, Cours de Mécanique, tome II

« Le mouvement qui maintient en ligne droite un mouvement débuté en ligne droite n’a pas de raison connue. On n’a jamais trouvé pourquoi les choses continuent « en roue libre » indéfiniment. La loi d’inertie n’a pas d’origine connue. »

Richard Feynman dans « La nature de la physique »

« Je vous ai montré l’équation force de gravitation égale constante gravitationnelle G multipliée par la première masse multipliée par la deuxième masse et divisée par le carré de la distance des deux masses. F=G M M’ / d² juste pour vous impressionner par la rapidité avec laquelle les symboles mathématiques peuvent transmettre de l’information. (…) Que fait donc la planète ? Est-ce qu’elle regarde le soleil pour voir à quelle distance il est, puis décide de calculer sur sa petite machine interne le carré inverse de la distance, ce qui lui indique de combien elle doit se déplacer ? Ce n’est sûrement pas l’explication du mécanisme de la gravitation ! (…) A l’époque, on posa la question à Newton à propos de sa théorie. (…) Il répondit : « ça vous explique comment les choses se déplacent et cela devrait vous suffire. Je vous ai expliqué comment elles se déplacent et pas pourquoi. » Mais en l’absence de mécanisme, les gens ne sont en général pas satisfaits, et je voudrais décrire une théorie qui a été proposée parmi d’autres et qui pourrait répondre à votre attente. Elle suggère que cet effet résulte d’un grand nombre d’actions individuelles, ce qui expliquerait pourquoi il se traduit mathématiquement.

Supposez que l’univers soit sillonné par un tas de particules, nous traversant à très grande vitesse. Elles arrivent uniformément de tous côtés, ne faisant que passer et ne nous frappant, dans leur bombardement, que très rarement. Nous sommes, ainsi que le soleil, presque transparents pour ces particules, presque mais pas complètement, et certaines font mouche. (…) Si le soleil n’était pas là, les particules bombarderaient la terre de tous les côtés et les impacts, tac, tac, lui communiqueraient de petites poussées. Mais quand le soleil est là, les particules venant de son côté sont en partie absorbées car certaines frappent le soleil et ne le traversent pas. Donc le nombre de particules arrivant vers la terre est plus faible en comparaison avec l’ensemble des directions d’où peuvent provenir les particules. Le soleil semble plus petit – exactement comme l’inverse du carré de la distance. Il y aura donc une poussée sur la terre en direction du soleil et variant comme l’inverse du carré de la distance. Et ceci résultera d’un très grand nombre d’opérations très simples, juste des chocs, l’un après l’autre, venant de tous côtés. Ceci réduirait donc de beaucoup l’étrangeté de la loi mathématique, puisque le mécanisme de base serait beaucoup plus simple que le calcul de l’inverse du carré de la distance. Ce mécanisme, le choc des particules, pour ainsi dire fait le calcul tout seul.

Le seul ennui avec cette idée, c’est que, pour d’autres raisons, elle ne marche pas. (…) Puisque la terre se déplace, il y a plus de particules pour la frapper par-devant que par-derrière. Lorsque vous courez sous la pluie, vous recevez plus de gouttes sur la figure que derrière la tête, car vous allez à la rencontre de la pluie. Ainsi, lorsque la terre se déplace, elle va à la rencontre des particules qui viennent par-devant et elle fuit les particules qui la poursuivent par-derrière. Donc plus de particules la frappent par-devant que par-derrière, d’où une force qui s’oppose au déplacement. Cette force ralentirait la terre sur son orbite et elle ne pourrait certainement pas avoir tourné autour du soleil pendant trois ou quatre milliards d’années (au moins) comme elle l’a fait. »

Richard Feynman, dans « La nature de la physique »

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La découverte de l’électrodynamique quantique ou QED

C’est la grande découverte de Feynman.

« En électrodynamique quantique, la force élémentaire entre deux particules de matière est décrite par le diagramme de Feynman d’échange d’un photon virtuel. Mais les transitions virtuelles introduisent des corrections radiatives (purement quantiques) qui peuvent être évaluées grâce à la théorie de la renormalisation. Ces corrections sont interprétées physiquement comme une polarisation du vide : le photon virtuel se matérialise en une paire électron-positron qui s’annihile pour redonner un photon virtuel. Cette polarisation du vide produit un effet d’écran : un électron numéro deux « voit » une charge électrique de l’électron numéro un « écrantée » par la polarisation du vide. C’est d’ailleurs dans cet effet d’écran que réside l’essentiel de la renormalisation : la charge « nue » de l’électron est infinie, c’est la polarisation du vide par les paires électron-positron (qui vivent le temps des transitions virtuelles) qui écrante, renormalise cette charge et en fait une charge physique, finie, effective, dépendant de la résolution. En électrodynamique quantique donc, le vide est assimilé à un milieu diélectrique, polarisable par les fluctuations quantiques, capable d’écranter la charge électrique. La charge renormalisée décroît quand la distance croît. »

Gilles Cohen-Tannoudji dans "La Matière-espace-temps"

Les physiciens pensent que le vide peut être rempli de paires de particules « virtuelles », comme des électrons et des positrons, qui se créent et s’annihilent rapidement ensuite. La combinaison de la variation d’énergie nécessitée pour créer ces particules, et du temps pendant lequel elles existent reste en-dessous du seuil de détectabilité exprimé par le principe d’incertitude de Heisenberg. Pratiquement, l’énergie demandée pour créer les particules, , peut être « empruntée » au vide pour une durée, dans la mesure où le produit n’est pas plus grand que la constante de Planck réduite ħ ≈ 6,6×10-16 eVs. Donc pour une paire électron-positron virtuelle, est au plus de 6,6×10-22 s.

Tandis qu’une paire virtuelle électron-positron subsiste, la force coulombienne du champ électrique ambiant entourant un électron fait que le positron est attiré par ce dernier, tandis que l’électron de la paire est repoussé. Ceci provoque ce que l’on appelle polarisation du vide. En fait, le vide se comporte comme un milieu ayant une permittivité diélectrique supérieure à l’unité. Donc la charge effective d’un électron est plus faible que sa valeur nominale, et la charge diminue quand la distance à l’électron augmente. Cette polarisation a été confirmée expérimentalement en 1997 en utilisant l’accélérateur de particules japonais TRISTAN. Les particules virtuelles provoquent un effet de masquage comparable pour la masse de l’électron.

L’interaction avec des particules virtuelles explique aussi la légère déviation (environ 0,1%) entre le moment magnétique intrinsèque de l’électron et le magnéton de Bohr (le moment magnétique anomal). La précision extraordinaire de l’accord entre cette différence prévue par la théorie et la valeur déterminée par l’expérience est considérée comme une des grandes réussites de l’électrodynamique quantique.

Le physicien Richard Feynman expose ainsi la genèse de l’électrodynamique quantique, une branche de la physique qu’il a découverte :

« Il nous apparut aussi que nous pouvions reformuler la chose d’une autre façon à l’aide du principe de moindre action. Puisque mon idée de base était de tout décrire directement en termes de mouvements des particules, je désirai représenter cette théorie sans jamais parler de champs ou d’ondes. (...) Il se trouve, bien sûr que vous pouvez restaurer les champs si vous le désirez, mais il faut alors suivre le champ produit par chaque particule séparément. Ainsi, le déplacement apparent d’une particule d’un point à un autre qui semble continu n’est que la somme d’une infinité d’interactions possibles entre corpuscules dans lesquels la particule effectue des sauts, en un bond, en deux bonds, etc. »

Richard Feynman dans « Lumière et matière ».

En électrodynamique quantique, l’interaction électromagnétique entre particules est transmise par des photons. Un électron isolé, qui ne subit pas d’accélération, ne peut pas émettre ni absorber un photon réel : ceci violerait la conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement. Par contre, des photons virtuels peuvent tranférer de la quantité de mouvement entre deux particules chargées. C’est cet échange de photons virtuels qui, en particulier, engendre la force de Coulomb. Une émission d’énergie peut avoir lieu quand un électron en mouvement est défléchi par une particule chargée, comme un proton. L’accélération de l’électron résulte en émission de rayonnement continu de freinage (Bremsstrahlung en allemand)[95]. Une courbe montre le mouvement de l’électron ; un point rouge montre le noyau, et une ligne ondulée le photon émis Ici, le bremsstrahlung est produit par un électron e défléchi par le champ électrique d’un noyau atomique. Le changement d’énergie E2 — E1 détermine la fréquence f du photon émis.

Une collision élastique entre un photon (lumière) et un électron solitaire (libre) s’appelle diffusion Compton. Cette collision résulte en un transfert d’énergie et de moment entre les particules, qui modifie la longueur d’onde du photon par une quantité appelée décalage Compton. La valeur maximale de ce décalage est h/(m_e\,c), que l’on désigne sous le nom de « longueur d’onde de Compton ». Pour un électron, elle vaut 2,43×10-12 m. Pour une grande longueur d’onde de la lumière (par exemple la longueur d’onde de la lumière visible est de 0,4–0,7 µm), le décalage de longueur d’onde devient négligeable. Une telle interaction entre la lumière et les électrons libres est appelée diffusion Thomson ou diffusion linéaire de Thomson.

La force relative de l’interaction électromagnétique entre deux particules comme un électron et un proton est donnée par la constante de structure fine. C’est une quantité sans dimension formée par le rapport de deux énergies : l’énergie électrostatique d’attraction (ou de répulsion) à la distance d’une longueur d’onde de Compton, et l’énergie au repos de la charge. Elle est donnée par α ≈ 7,297353×10-3, qui vaut approximativement 1/137.

Quand des électrons et des positrons font des collisions, ils peuvent s’annihiler ensemble, donnant deux ou trois photons. Si l’électron et le positron ont un moment négligeable, il peut se former un positronium avant que l’annihilation se produise, donnant 2 ou 3 photons, dont l’énergie totale est 1,022 MeV. Par ailleurs, des photons de haute énergie peuvent se transformer en une paire d’électron et positron par un processus inverse de l’annihilation que l’on appelle production de paire, mais seulement en présence d’une particule chargée proche, comme un noyau, susceptible d’absorber le moment de recul.

En microphysique, les particules échangent des photons lumineux pour interagir. Ce phénomène fondamental de la matière/lumière a été interprété pour la première fois par les diagrammes de Feynman de l’électrodynamique quantique. Il s’agit du seul mode de description connu des interactions entre particules via les photons lumineux. Il a été vérifié par un grand nombre de calculs qui sont les plus précis de toute la physique. Cependant, pour bien des physiciens, la réalité des interactions révélées par Feynman n’est pas encore reconnu unanimement. En effet, elles nécessitent de reconnaître dans le vide un nombre infini de particules, d’antiparticules et de photons éphémères, appelés « virtuels » parce qu’ils sont trop fugitifs pour être mis en évidence par des mesures supérieures au temps de Planck. Les virtuels ne peuvent donc être mesurés par la matière/lumière. Au cours d’une transformation de matière/lumière, elles sont insensibles mais sont nécessaires au calcul et on est amené à supposer qu’elles apparaissent et disparaissent. Nous allons voir qu’au contraire les diagrammes de Feynman ne montrent pas que les corpuscules virtuels apparaissent et disparaissent mais que ce sont les corpuscules matériels dits réels qui apparaissent et disparaissent ! Ceux qui existent réellement sont donc les particules du vide et l’aspect réel, durable, n’est qu’une apparence, effet des interactions.

Ainsi, l’interaction électromagnétique, dite coulombienne, est le produit d’échanges de photons dits virtuels et l’interaction nucléaire suppose également des échanges virtuels. Feynman explique ainsi dans son cours de physique (chapitre Mécanique quantique) que "on a l’habitude de dire qu’il y a échange d’un électron "virtuel" quand l’électron doit sauter à travers une région de l’espace où il y a une énergie négative. Plus précisément, un "échange virtuel" signifie que le phénomène implique une interférence quantique entre un état avec échange et un état sans échange. (...) Yukawa a posé en hypothèse que la force entre deux nucléons est due à un effet d’échange similaire - mais dans ce cas, à l’échange virtuel, non pas d’un électron, mais d’une nouvelle particule qu’il a appelé "méson". Aujourd’hui, nous identifions le méson de Yukawa avec le pion qui se produit dans les collisions à haute énergie de protons ou d’autres particules."

Les particules dites virtuelles sont des particules matérielles et lumineuses de durée de vie inférieure à une quantité appelée temps de Planck. A l’opposé la matière et la lumière habituelles correspondent à des multiples du temps de Planck. Les particules « virtuelles » sont bien réelles. Citons sur ce point le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond dans « Aux contraires » : « Tout être physique intermédiaire et éphémère (surtout si sa temporalité est infime à notre échelle) est vite perçu comme virtuel, fictif. (...) Les quantons (virtuels) qui entrent en réaction (échanges de quantons virtuels entre deux particules réelles) ou en émergent, semblent mériter une reconnaissance existentielle plus forte : ils sont là avant et/ou après le processus. »

Les relations entre particules de matière sont des échanges de photons lumineux. Elles ont lieu en permanence et en tous sens. Ce sont ces échanges qui définissent les espaces et les temps entre particules. Ce sont eux qui définissent le temps de la zone. Les électrons échangent des photons entre eux pour définir leur place dans l’espace et c’est au travers de ces échanges de photons entre électrons et noyau que les photons définissent leur place dans l’atome et que la taille de celui-ci est globalement conservée. Ce n’est pas une quantité préétablie. La conservation est encore une fois un produit de la transformation et l’équilibre global de la structure est la conséquence de sa destruction rapide. Un électron ne se maintient égal à lui-même que parce qu’il est sans cesse détruit et reconstruit, qu’il donne ses caractéristiques matérielles à un autre particule fugitive du vide. Ce « miracle » de la matière se déroule en permanence du fait de l’interaction entre particule et vide. Dans l’espace vide, la particule rencontre sans cesse des couples fugitifs de particules et d’antiparticules. Il se couple avec l’antiparticule pour donner un photon et rend ainsi matérielle la particule fugitive. C’est ce que Richard Feynman a dévoilé dans ses schémas d’électrodynamique quantique qu’il voyait plutôt (ou préférait présenter) comme des moyens commodes de calcul que comme une véritable description des processus. Les processus qu’il a mis en évidence dans le phénomène essentiel dans lequel une particule absorbe ou émet un photon sont les suivants :

un photon se dédouble en particule et antiparticule éphémères du vide

une particule matérielle se lie à une antiparticule du vide pour donner un photon

une particule du vide se matérialise en une particule matérielle

On a remarqué que deux particules qui n’échangent pas de photons ne peuvent pas définir l’espace qui les sépare ni le temps local. Une particule individuelle, que l’on concevrait comme isolée du reste du monde, ne serait pas située dans un espace-temps ! Plus grave encore, on a constaté qu’aucune particule n’avait une existence individuelle. Aucune n’existait de façon séparée des autres et du milieu. N’oublions pas que l’équation d’énergie (ce qui est perdu en énergie potentielle est gagné en énergie cinétique) signifie justement un échange permanent entre particule et milieu. Sans liaison avec le vide qui l’entoure ou avec les autres particules (via les photons lumineux), aucune particule ne peut exister. Il suffit de dissocier une particule de son environnement pour le constater (expérience de diffraction par exemple). La particule perd alors la mémoire de son mouvement précédent et toutes les directions deviennent possibles. Celle-ci a perdu son orientation dans l’espace et son mouvement.

Comment se déroule en effet l’interaction entre deux particules ? Elle est fondée sur l’émission et l’absorption spontanée d’un photon (réel) par une particule (réelle). Remarquons d’abord qu’il s’agit bien d’un phénomène qui est brutal puisqu’il se déroule sur un temps très court, apparemment ponctuel. Montrons maintenant quelles sont les étapes de ce processus d’absorption et d’émission de photon lumineux par les particules matérielles. Le processus d’absorption, par exemple, est le suivant. Première étape, le photon approchant de la particule se décompose en particule et antiparticule, virtuels tous les deux. Deuxième étape : la particule réelle se lie à l’antiparticule virtuelle pour faire apparaître un nouveau photon virtuel. Bilan : il reste une particule. On dit que « la » particule a absorbé le photon. En réalité, la particule qui reste est l’ancienne particule virtuelle. D’autre part, un photon « réel » a été transformé en photon « virtuel ». On peut en conclure que l’état virtuel était tout aussi réel que l’état de la particule matérielle. De même pour le photon. L’une des remarques qui découlent de cette analyse des diagrammes de Feynman est que la révolution est à la base de la dynamique. Ce n’est pas la même particule qui se maintient avant et après l’émission/absorption de photon. Le vide empli de couples particule/antiparticule virtuelles permet de comprendre qu’il n’y a jamais création ex-nihilo mais matérialisation de particules, d’antiparticules ou de photons du vide. L’énergie d’un choc permet par exemple de matérialiser des particules du vide. Par contre, dans le phénomène d’absorption/émission de photons par la matière, il y a changement brutal. Une particule disparaît et une nouvelle particule apparaît qui a les mêmes caractéristiques mais qui n’est pas individuellement la même. Aucune particule matérielle n’est donc appelée à durer aussi longtemps qu’il y paraissait. L’apparence de durée est un effet des multiples rétroactions du vide, de la matière et de la lumière qui se déroulent dans des temps extrêmement courts. On peut également en conclure que l’on comprend pourquoi une particule est partout dans son nuage de polarisation et saute d’une position à une autre dans ce nuage. En effet, la particule peut disparaître à tout moment et réapparaître en tout point proche où se situe un couple particule/antiparticule virtuel. Une autre conclusion est qu’il n’y a pas de différence de nature entre particule virtuelle et particule réelle. Au cours de l’absorption/émission de photon, le virtuel et le réel s’échangent. Si la particule réelle devient virtuelle, c’est le contraire pour le photon. Le nuage de polarisation est justement constitué de ces couples particule/antiparticule virtuels.

Richard Feynman fut en 1940 le premier à tenter un retour partiel à une représentation spatio-temporelle en réhabilitant le concept de trajectoires quantiques. Il se rapprocha ainsi d’une conception plus géométrique de la réalité quantique, sans pour autant abandonner son indéterminisme. Feynman a écrit un livre en 1965, avec A Hibbs ; il décrit ainsi les trajectoires virtuelles d’une particule classique :

Les chemins importants pour une particule quantique ne sont pas ceux qui ont une pente (ou une vitesse) bien définie partout, mais ceux qui sont au contraire très irréguliers à toute petite échelle... Ainsi, bien qu’une vitesse moyenne puisse être définie, la vitesse quadratique moyenne n’existe en aucun point. En d’autres termes, les trajectoires sont non différentiables. L’espace-temps non différentiable.

En termes actuels, cette description des chemins quantique signifie que, bien que tous différents et en nombre infinis, ce sont des courbes fractales caractérisées par une propriété géométrique commune : leur dimension fractale est deux. Einstein lui aussi avait envisagé d’abandonner les équations différentielles. En 1948, il écrit à Wolfgang Pauli : "Je vous ai dit plus d’une fois que je suis un partisan acharné non pas des équations différentielles, mais bien du principe de relativité dont la force heuristique nous est indispensable".

D’où l’idée de chercher les structures générales d’un espace-temps non différentiable qui satisferait au principe de relativité. L’espoir sous-jacent est de voir émerger le comportement quantique comme une manifestation de la non-différentiabilité.

Le problème semble toutefois d’une difficulté extrême : abandonner la différentiabilité, n’est ce pas abandonner les équations différentielles, l’outil de base de la physique ? Heureusement une autre voie est possible, qui permet de décrire la non-différentiabilité à l’aide d’équations différentielles !

La clef de la solution se trouve dans l’interprétation des travaux de Feynman en terme de fractals. Considérons une fonction continue et presque partout non différentiable, tracée entre deux points du plan. On peut l’approximer par des dissections successives qui en construisent des approximations de plus en plus précises.

On reconstruit une courbe non différentiable par approximation : on trace d’abord le segment de droite L1 qui relie les deux extrémités : il existe au moins un point de la courbe en dehors de ce segment, et on peut alors tracer deux segments qui aboutissent sur la courbe. De proche en proche, on double à chaque étape le nombre de segments. A chaque étape, la longueur augmente. Si au dessous d’un pas L la courbe est fractale de dimension 2, et non fractale au dessus, la mesure L de la longueur de dépend pas de la résolution aux grandes échelles. En revanche, aux petites échelles, la mesure augmente avec la résolution jusqu’à l’infini.

La longueur des différentes approximations dépend explicitement de la résolution : elle est croissante, et même divergente, quand le pas de mesure tend vers zéro. Cela résulte d’un théorème de établi par Henri Lebesgue : une courbe de longueur finie est presque partout différentiable. Inversement, si une courbe est non différentiable presque partout, elle est nécessairement de longueur infinie.

L’abandon de l’hypothèse arbitraire qu’une courbe de l’espace-temps est différentiable, en gardant celle de sa continuité, implique une dépendance explicite en fonction des résolutions. On n’a pas besoin de rajouter l’hypothèse que l’espace-temps microscopique est de nature fractale : cela est maintenant démontré. La relativité étendue au mouvement non différentiable est ainsi équivalente à la relativité d’échelle.

Il ne s’agit pas d’une généralisation arbitraire et sans contrainte : on exige que les équations décrites dans un tel espace-temps non différentiable vérifient le principe de covariance, expression mathématique du principe de relativité, c’est à dire qu’elles gardent la même forme que dans le cas différentiable.

En relativité d’échelle, les lois qui régissent le mouvement sont complétées par des lois d’échelle, qui régissent les transformations entre résolutions : les grandeurs physiques dépendent de la résolution. Un première manière de découvrir la forme de ces lois d’échelle est de postuler que ce sont les plus simples possibles. On écrit ainsi une équation différentielle (!) du premier ordre sur un changement infinitésimal de résolution : sa solution est langueur d’une courbe fractale de dimension constante ! Ainsi les fonctions fractales de dimension constantes, qui différent en loi de puissance en fonction de la résolution, sont les formes les plus simples de lois qui dépendent explicitement de l’échelle. C’est, précisément, le comportement obtenu par Feynman pour les trajectoires quantiques. La physique quantique déduite de la relativité.

On déduit les principaux axiomes de la mécanique quantique du concept d’espace-temps fractal. Tout d’abord, la non-différentiabilité impose le caractère probabiliste de la description. Dans la théorie d’Einstein, la trajectoire d’une particule libre est une géodésique de l’espace temps. Il en sera de même dans un espace-temps fractal. Toutefois, présence de fluctuations aux petites échelles rend infini le nombre de géodésiques qui sont toutes, par définition, équiprobables : la seule prédiction possible est que la particule "suivra" une géodésique parmi une famille infinie.

Un tel énoncé est incomplet, car l’approche fractale transforme aussi le concept de particule élémentaire. Dans la théorie standard l’électron, du point de vue de sa nature corpusculaire, est ponctuel. Il possède des propriétés "internes" telles que le spin, la masse ou la charge. Le spin est lié à une symétrie de l’espace-temps mais il n’a pas de contrepartie classique. La charge et d’autres grandeurs quantiques correspondent à des symétries internes qui n’ont pas, non plus, de contrepartie dans l’espace-temps. Dans l’espace-temps fractal, on abandonne l’idée de point massique et l’on considère les "particules", avec leur double nature d’ondes et de corpuscules, comme l’ensemble des propriétés des géodésiques.

La description des l’espace-temps fractal impose la prise en compte de nouvelles structures liées aux transformations des résolutions. Celles-ci sont vues comme internes, car les structures fractales se développent vers les petites échelles, essentiellement sous la longueur d’onde de de Broglie associée à la particule (qui vaut h/p où p est la quantité de mouvement). Cette longueur d’onde réalise la transition entre le comportement fractal et non fractal (entre le comportement indépendant des résolutions aux grandes échelles et celui qui en dépend explicitement aux petites). L’espoir soulevé par cette remarque est que les propriétés "internes" résultent finalement de symétries liées aux transformations d’échelle et qu’elle aient une signification géométrique au sens de la géométrie non différentiable. Le concept de particule ne concernerait alors plus un objet qui "possède" une masse, un spin ou une charge, mais se réduirait aux structures géométriques de géodésiques fractales de l’espace-temps non différentiable.

Messages

  • Richard Feynman dans « The Character of Physical Law » :

    « Chacune des parcelles du tissu de la nature révèle l’organisation de la tapisserie tout entière. »

  • Bonjour.
    En regardant par curiosité les dernières réponses que vous faites en matière de physique sur une page particulière que vous m’avez recommandé pour voir les dernières parutions, je suis allé voir cet article intitulé : : "Quelles sont les idées défendues par le physicien Richard Feynman ? jeudi 9 juin 2016, par Robert Paris" Où dans votre dernière intervention ressente de cette page du 23 décembre 07:18, par Robert Paris, vous donnez la page d’un site internet que voici : :
    Lire ici "Idées-forces des théories de la physique contemporaine" .
    L’article en question parle naturellement de physique et s’intitule "Idées-forces des théories de la physique contemporaine (Au cœur de la matière 2). samedi 17 novembre 2018."
     Et bien en allant simplement survoler ce site par vraie curiosité, j’ai trouvé une très grande similitude avec la structure de votre site qui est votre œuvre et celle de votre équipe : :
     Ainsi on parle d’article, de rubrique comme aussi de "brève".
     Comme sur votre site il y a aussi une possibilité de donner des commentaires par "Répondre à cet article".
     Mais le plus frappant est sans doute le titre de ce site qui est "Midi insoumis, Populaire et citoyen".
     Sur ce site, associations d’articles de physique (sans doute) et d’articles plus larges comme la religion, la politique, la philosophie, la révolution (je ne sais pas encore) mais les accès par noms d’articles donnent déjà cette impression...
    Sur votre site d’ailleurs, de nom "Matière et Révolution" je ne comprend pas pourquoi mêler la physique avec des révolutions humaines, car même si ces physiques ne sont que des réflexions humaine tout au long de différentes périodes de l’humanité, les aspects sociaux, la politique, les révolutions sont dans un domaine tout à fait différent.
    En physique une révolution c’est, je pense, un objet tournant autour d’un notre, ainsi par exemple la terre fait une révolution en un an autour de notre soleil, et je ne vous apprend rien. Mais ma question est pourquoi avoir mêlé des sciences aussi différentes ?? Je pense que vous allez me répondre en me donnant une adresse page de votre propre site, mais pouvez vous me donner en une petite phrase synthétique, pourquoi cette conjugaison entre physique et humanité ?? Merci d’avance. PS : : Je n’ai pas lu votre article, car je veux lire d’autres de vos articles qui sont pour moi plus prioritaires, et donc ce commentaire n’est pas vraiment lié à l’article.
    Amicalement.
    Jean-François POULIQUEN.

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