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Le Liban : vers une nouvelle guerre civile ?

mardi 13 mai 2008, par Robert Paris

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La guerre civile du Liban avait démarré en 1975-76 par des mouvements de la classe ouvrière, des masses pauvres et des Palestiniens. C’est seulement ensuite que c’est devenu une guerre clanique, religieuse, ethnique. Une fois encore, les classes dirigeantes s’entendent tant que la situation sociale ne leur échappe pas. mais dès qu’ils craignent l’explosion sociale, ils préfèrent la transformer en guerres inter-communaires. Hier musulmans contre chrétiens. Aujourd’hui chiites contre sunnites.

Au départ, la grève générale est appelée officiellement contre la situation sociale : bas salaires (hausse du salaire minimum, misère, hausses fiscales, ...

Voilà comment la presse commentait le début des derniers événements : "A l’appel de la Confédération générale des travailleurs au Liban (CGTL), la principale organisation syndicale du pays, une grève générale est organisée le mercredi 7 mai. L’organisation réclame des hausses de salaires. Le pays souffre de l’envolée des prix du pétrole et des matières premières alimentaires. L’opposition et la majorité craignent des dérapages. Les autorités ont déployé d’importantes mesures de sécurité."

En réalité, l’opposition dite "anti-syrienne" et les dits pro-syriens (en fait les pro-hezbollahs, ou partisans du mouvement chiite Amal et du Courant national patriotique du général chrétien maronite du général Michel Aoun) étaient aussi inquiets du tour lutte de classe que pourrait prendre un tel mouvement des travailleurs. Ils ont immédiatement tenu à lui donner un tour confessionnel et politique souternant l’une des politiques bourgeoises opposées qui se confrontent au Liban.

Immédiatement, ils transforment la grève de l’aéroport en un blocage militaire des communications vers l’aéroport puis en un début d’affrontements armés.

Dès que les affrontements armés ont commencé, l’opposition a suspendu la grève générale qu’elle n’avait lancé que pour utiliser le mécontentement social (chômage, misère, etc) et de le détourner. On peut lire dans la presse libanaise :

"Les forces de l’opposition viennent de décider ce soir la suspension de la grève générale qui a paralysé le pays du Cèdre, qualifié " d’avertissement au pouvoir". Cette décision constraste avec les derniers appels du général Aoun et du parti Amal à une nouvelle escalade de la campagne d’opposition.

Un peu plus tôt, le Premier ministre Siniora avait appelé le Président de la Chambre, Nabih Berry à convoquer les députés pour une session extraordinaire du Parlement.

Les affrontements qui ont opposé des partisans de la majorité à ceux de l’opposition ont fait 3 morts et plus de 130 blessés. Dans plusieurs régions libanaises, les forces de l’ordre ont tenté de prévenir une escalade de la violence, parfois sans succès."

En fait, l’opposition avait commencé par proposer de transformer la grève générale ouvrière à buts sociaux en désobéissance civile pour soutenir politiquement le Hezbollah !

suite à venir ....

Rappelons comment la révolution sociale de 1975 avait été transformée par les différents camps de la même bourgeoisie en guerres fratricides :

1975-76 : révolution sociale au Liban
C’est surtout au Liban que les organisations palestiniennes se réfugient après septembre noir et l’expulsion de Jordanie. La jonction entre les organisations palestiniennes et les masses pauvres va être encore plus profonde menant aux premiers pas d’une révolution en 1975, toujours contre la volonté des dirigeants du Fatah de Yasser Arafat qui ne veut nullement d’une révolution contre les régimes réactionnaires arabes.
Au Liban les militants palestiniens vont trouver non seulement la sympathie des populations libanaises mais vont entraîner une réaction sociale contre la bourgeoisie libanaise. Dès 1969, la bourgeoisie et l’Etat libanais, trouvant que la présence de forces armées formées de pauvres palestiniens est un danger social, commencent à s’affronter à ces combattants mais un compromis est finalement trouvé en novembre 1969. La présence des Palestiniens en armes et qui se battent renverse le rapport des forces entre les classes sociales libanaises en encourageant les travailleurs du Liban à ne plus se laisser faire. De 1972 à 1975, la classe ouvrière libanaise et les couches populaires se radicalisent : aux balles des militaires répondent les grèves générales ouvrières en novembre 1972, décembre 1973, janvier et août 1974. Et en même temps cette classe ouvrière intervient aux côtés des Palestiniens : par exemple, le 1é avril 1973, c’est un cortège de 250 000 personnes qui traverse Beyrouth pour l’enterrement de trois leaders palestiniens tués par un commando israélien.
Une gauche anti-confessionnelle, ouvrière et syndicaliste, se développe en liaison avec les Palestiniens. Les grèves ouvrières se multiplient et les travailleurs interviennent autant dans les groupes armés palestiniens que ces derniers dans les grèves et manifestations ouvrières. Palestiniens et libanais pauvres ne font plus qu’un et la bourgeoisie libanaise arme ses milices d’extrême-droite pour écraser les travailleurs et les Palestiniens. La bourgeoisie tente de faire reculer la classe ouvrière en employant la violence dans les grèves : deux morts dans la grève de Ghandour à Beyrouth, deux autres morts dans celle des planteurs de tabac du sud Liban, intervention militaire contre les paysans en lutte contre les féodaux, bombardement par l’armée des camps palestiniens, enfin soulèvement de Saïda suite à une lutte des pêcheurs soutenue par les Palestiniens et mitraillée par l’armée (11 morts). Mais la violence des phalanges et de l’armée libanaise, loin d’impressionner les travailleurs, provoque une radicalisation de la population pauvre qui s’unit aux Palestiniens armés. En quelques mois, les travailleurs unis aux palestiniens font subir une défaite à l’armée unie aux bandes fascistes. Cependant, l’OLP de Yasser Arafat, loin de soutenir le soulèvement ouvrier, déclare en juin 75 : « tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine. » Arafat ne veut pas déstabiliser les dictature de Moyen Orient et compte au contraire être reconnu être des leurs. Mais devant la radicalisation de la révolution palestinienne, Arafat suit et s’unit à Habache en mai 1976.
Le 21 mars 1976, la gauche libanaise et la résistance palestinienne (palestino-progressiste) lancent une offensive dans le centre de Beyrouth et dans la montagne. L’insurrection est alors en voie de gagner sur toute la ligne devant une armée libanaise divisée et en battant les phalangistes. Or, la révolte du Liban menace d’autres pays où les Palestiniens ont trouvé refuge, comme la Syrie. Aussi le premier pays qui va intervenir pour arrêter la menace d’une victoire du camp des travailleurs est justement la Syrie. Alors que les dirigeants de la gauche libanaise et des Palestiniens accueillent avec satisfaction l’intervention d’un « pays frère arabe », les tanks syriens qui rentrent au Liban interviennent aux côtés de l’extrême-droite chrétienne contre le camp « palestino-progressiste ». Pour tous ceux qui ont cru à la solidarité des gouvernements arabes, c’est une chute très dure car la Syrie était, en paroles, particulièrement radicale sur ce terrain. Le 31 mai 1976 c’est le début de l’intervention conjointe contre les palestino-progressistes de l’armée syrienne, de la résistance palestinienne aux ordres de la Syrie, la Saïka et de l’armée palestinienne organisée par la ligue arabe, l’ALP. A ce moment la résistance palestinienne n’a plus le soutien d’aucun pays arabes. Un des « hauts faits d’armes » de l’armée syrienne contre les palestiniens est la bataille de Tall El-Zataar : l’armée syrienne pilonne ainsi méthodiquement le camp de réfugiés de Tall El-Zaatar qui, refusant de se rendre pendant des mois, est affamé puis massacré par la soldatesque. Le siège aura duré du 22 juin au 12 août 1976 ! Et ce n’est qu’un exemple ! Armée syrienne et phalanges fascistes chrétiennes collaborent même dans cette élimination méthodique de la gauche et des Palestiniens.
En 1977, les Palestiniens sont lâchés ouvertement par un des principaux Etats arabes protagonistes, l’Egypte. Sadate se rend en Israël pour négocier avec Begin, chef de l’Etat israélien et leader de la droite, ce qui se traduira par les accords de camp David, la paix est signée entra Israël et l’Egypte sans pour autant que la question palestinienne avance d’un poil. La paix séparée, loin de signifier un affaiblissement des actions israéliennes contre les palestiniens, sera le prélude de l’intervention israélienne la plus violente, celle du Liban.
En 1982, c’est l’intervention militaire israélienne contre les camps palestiniens bombardés par l’aviation. Khadaffi envoie alors un message à l’OLP conseillant de « se suicider plutôt que d’accepter l’humiliation »..., conseil généreux sans doute en guise de soutien. Sous les ordres du général Sharon, au titre de « paix en Galilée », l’armée israélienne envahit le Liban jusqu’à Beyrouth sous l’oeil médusé et grâce à la passivité des « forces d’interposition » internationales du sud Liban ! C’est le début d’un nouveau massacre des Palestiniens.
En juillet 1982, les combattants palestiniens signent leur défaite : ils quittent Beyrouth y laissant les réfugiés livrés à de nombreux meurtriers israéliens, phalangistes et armée syrienne. Selon l’accord signé sous l’égide des Américains, les civils Palestiniens seront protégés. En fait, c’est de suite les massacres que subissent les réfugiés dès septembre 1982. Sabra et Chatila où 1000 à 1500 réfugiés sont exécutés de sang froid par les phalanges libanaises sous les yeux des soldats israéliens chargés de les surveiller. La commission israélienne Kahane chargée d’enquête sur la responsabilité israélienne mettra en cause Begin et Sharon et 250 000 personnes descendent dans le rue contre le gouvernement.
Du 21 août au 3 septembre 1982, 14 500 combattants palestiniens qui étaient retranchés à Beyrouth-Ouest doivent quitter le Liban. Le mouvement palestinien, très affaibli, est réfugié à Tunis. En mai 1983, une dissidence au sein du Fatah d’Arafat au Liban est soutenue par la Syrie et la Lybie contre les combattants loyaux à Yasser Arafat. Pour les réduire, le chef retourne en personne au Liban livrer combat. En juin 1983, ce sont les premiers affrontements entre Palestiniens dissidents et loyalistes du Fath dans la Bekaa. Cette fois c’est Palestiniens contre Palestiniens et la dissidence est réprimée par un mois de siège meurtrier. Les mêmes combats reprendront en juillet puis en novembre 1983, les dissidents palestiniens, appuyés par les forces syriennes et libyennes, lancent une offensive contre les positions de Yasser Arafat et de ses fidèles retranchés depuis la fin septembre dans la région de Tripoli dans le nord du Liban.
Au Liban où les pauvres abandonnés par la gauche et les Palestiniens se sont tournés vers le mouvement chiite Amal, celui-ci mène lui aussi sa répression des Palestiniens du Liban au printemps 1985. Le 20 mai 1985, commence la « bataille des camps » : de sanglants affrontements à Beyrouth-Ouest entre Chiites Amal et Palestiniens pour le contrôle des camps. Le siège des camps palestiniens dure des semaines, des mois et les réfugiés sont réduits par la famine et les fusillades. Les camps palestiniens du Liban sont transformés en de gigantesques cimetières. Montrant ainsi à quel point il tenait à se montrer en partisan de la défense de l’ordre bourgeois, Arafat déclarait en 1991 à propos de la guerre civile libanaise : « Nous avons veillé sur l’économie libanaise. Nos forces, en 1976, puis pendant le siège de Beyrouth en 1982, ont protégé la banque centrale libanaise et les réserves d’or des Libanais. Nous avons préservé la stabilité du Liban. »

Messages

  • Après un nouvel attentat à la voiture piégée, mardi 9 juillet au matin, dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du mouvement chiite Hezbollah, la crainte de voir le Liban plonger à nouveau dans la guerre civile est vive au sein de la population. Depuis le début du soulèvement syrien, le 15 mars 2011, le conflit entre le régime de Bachar Al-Assad et la rébellion a progressivement gagné le Liban, dessinant de nouvelles fractures politiques dans cette société multi-confessionnelle encore marquée par les traumatismes de la guerre civile de 1975-1990 et l’occupation syrienne de 1976 à avril 2005. Encore relativement épargnée par les affrontements entre pro et anti-Bachar, récurrents à Tripoli au Nord et Saïda au Sud, le basculement de Beyrouth dans le conflit, s’il intervenait, marquerait un point de non-retour.

    "On est dans une situation proche des années 1973 à 1975, celle d’une parenthèse qui a précédé la conflagration. Les phases de non-crise sont certes l’exception au Liban, mais la tension dépasse le niveau acceptable et avec l’instabilité régionale, les ingrédients sont réunis pour une conflagration dans les semaines ou les mois à venir", analyse le politologue Joseph Bahout. Une guerre civile qui se jouerait sur un axe chiite-sunnite et avec des formes de conflictualité "à l’irakienne" : sans ligne de démarcation, mais avec des affrontements et des attentats localisés, des assassinats politiques. "Une violence diffuse, localisée et individuelle", prédit également le politologue Vincent Geisser.

  • Jour après jour, le Liban s’enfonce dans la crise syrienne. Une semaine après un attentat à la voiture piégée qui a fait 27 morts dans le fief du mouvement chiite libanais Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth, des mosquées sunnites de Tripoli ont à leur tour été la cible d’attaques meurtrières, vendredi 23 août.

    Vers midi trente, un premier attentat à la voiture piégée a visé la mosquée Al-Taqwa, située à proximité du quartier de Bab El-Tebbaneh, théâtre récurrent d’affrontements entre des sunnites, partisans de la rébellion syrienne, et des alaouites du quartier voisin de Jabal Mohsen, soutiens du régime de Bachar Al-Assad. Des centaines de fidèles y étaient réunis pour la prière du vendredi. Sept minutes plus tard, un deuxième attentat touchait la mosquée Al-Salam, dans le quartier résidentiel d’Al-Mina.

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