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La lutte contre la guerre mondiale qui vient

mardi 15 novembre 2016, par Robert Paris

Voilà ce qu’écrivait Trotsky en 1938 contre la guerre mondiale qui venait (la deuxième) :

La lutte contre l’impérialisme et contre la guerre

Toute la situation mondiale et, par conséquent, aussi la vie politique intérieure des divers pays se trouvent sous la menace de la guerre mondiale. La catastrophe imminente pénètre déjà d’angoisse les masses les plus profondes de l’humanité.

La II° Internationale répète sa politique de trahison de 1914 avec d’autant plus d’assurance que l’Internationale "communiste" joue maintenant le rôle du premier violon du chauvinisme. Dès que le danger de guerre a pris un aspect concret, les staliniens, distançant de loin les pacifistes bourgeois et petits-bourgeois sont devenus les champions de la prétendue "défense nationale". Ils ne font d’exception que pour les pays fascistes, c’est-à-dire pour ceux où ils ne jouent eux-mêmes aucun rôle. La lutte révolutionnaire contre la guerre retombe ainsi entièrement sur les épaules de la IV° Internationale.

La politique des bolcheviks-léninistes dans cette question a été formulée dans les thèses programmatiques du Secrétariat international, qui gardent encore maintenant toute leur valeur ("LA QUATRIÈME INTERNATIONALE ET LA GUERRE", 1° mai 1934). Le succès du parti révolutionnaire dans la prochaine période dépendra, avant tout, de sa politique dans la question de la guerre. Une politique correcte comprend deux éléments : une attitude intransigeante envers l’impérialisme et ses guerres, et l’aptitude à s’appuyer sur l’expérience des masses elles-mêmes.

Dans la question de la guerre, plus que dans toute autre question, la bourgeoisie et ses agents trompent le peuple par des abstractions, des formules générales, des phrases pathétiques : "neutralité", "sécurité collective", "armement pour la défense de la paix", "défense nationale", "lutte contre le fascisme", etc. Toutes ces formules se réduisent, en fin de compte, à ce que la question de la guerre, c’est-à-dire du sort des peuples, doit rester dans les mains des impérialistes, de leurs gouvernements, de leur diplomatie, de leurs états-majors, avec toutes leurs intrigues et tous leurs complots contre les peuples.

La IV° Internationale rejette avec indignation toutes les abstractions qui jouent chez les démocrates le même rôle que, chez les fascistes, l’ "honneur", le "sang", la "race". Mais l’indignation ne suffit pas. Il faut aider les masses, à l’aide de critères, de mots d’ordre et de revendications transitoires, propres à leur permettre de vérifier, de distinguer la réalité concrète de ces abstractions frauduleuses.
"DÉSARMEMENT" ? Mais toute la question est de savoir qui désarmera et qui sera désarmé. Le seul désarmement qui puisse prévenir ou arrêter la guerre, c’est le désarmement de la bourgeoisie par les ouvriers. Mais, pour désarmer la bourgeoisie, il faut que les ouvriers eux-mêmes soient armés.
"NEUTRALITÉ" ? Mais le prolétariat n’est nullement neutre dans une guerre entre le Japon et la Chine, ou entre l’Allemagne et l’URSS. Cela signifie-t-il la défense de la Chine et de l’URSS ? Evidemment, mais pas par l’intermédiaire des impérialistes, qui étrangleront la Chine et l’URSS.
"DÉFENSE DE LA PATRIE" ? Mais, par cette abstraction, la bourgeoisie entend la défense de ses profits et de ses pillages. Nous sommes prêts à défendre la patrie contre les capitalistes étrangers, si nous garrotons tout d’abord nos propres capitalistes, et les empêchons de s’attaquer à la patrie d’autrui ; si les ouvriers et les paysans de notre pays deviennent ses véritables maîtres ; si les richesses du pays passent des mains d’une infime minorité dans les mains du peuple ; si l’armée, d’instrument des exploiteurs, devient l’instrument des exploités.

Il faut savoir traduire ces idées fondamentales en idées plus particulières et plus concrètes, selon la marche des événements et l’orientation de l’état d’esprit des masses. Il faut, en outre, distinguer rigoureusement entre le pacifisme du diplomate, du professeur, du journaliste et le pacifisme du charpentier, de l’ouvrier agricole ou de la blanchisseuse. Dans le premier de ces cas, le pacifisme est la couverture de l’impérialisme. Dans le second, l’expression confuse de la défiance envers l’impérialisme.

Quand le petit paysan ou l’ouvrier parlent de la défense de la patrie, ils se représentent la défense de leur maison, de leur famille et de la famille d’autrui contre l’invasion, contre les bombes, contre les gaz asphyxiants. Le capitaliste et son journaliste entendent par défense de la patrie la conquête de colonies et de marchés, l’extension par le pillage de la part "nationale" dans le revenu mondial. Le pacifisme et le patriotisme bourgeois sont des mensonges complets. Dans le pacifisme et même dans le patriotisme des opprimés, il y a un noyau progressiste qu’il faut savoir saisir pour en tirer les conclusions révolutionnaires nécessaires. Il faut savoir dresser l’une contre l’autre ces deux formes de pacifisme et de patriotisme.

Partant de ces considérations, la IV° Internationale appuie toute revendication, même insuffisante, si elle est capable d’entraîner les masses, même à un faible degré, dans la politique active, d’éveiller leur critique et de renforcer leur contrôle sur les machinations de la bourgeoisie.

C’est de ce point de vue que notre section américaine, par exemple, soutient, en la critiquant, la proposition de l’institution d’un référendum sur la question de la déclaration de guerre. Aucune réforme démocratique ne peut, bien entendu, empêcher par elle-même les gouvernants de provoquer la guerre quand ils le voudront. Il faut en donner ouvertement l’avertissement. Mais, quelles que puissent être les illusions des masses quant au référendum, cette revendication reflète la défiance des ouvriers et des paysans envers le gouvernement et le parlement de la bourgeoisie. Sans soutenir ni épargner les illusions, il faut appuyer de toutes ses forces la défiance progressiste des opprimés envers les oppresseurs. Plus croîtra le mouvement pour le référendum, plus tôt les pacifistes bourgeois s’en sépareront, plus profondément se trouveront discrédités les traîtres de l’Internationale "communiste", plus vite deviendra la défiance des travailleurs envers les impérialistes.

C’est du même point de vue qu’il faut mettre en avant le revendication du droit de vote à dix huit ans, pour les hommes et pour les femmes. Celui qui, demain, sera appelé à mourir pour la "patrie", doit avoir le droit de faire entendre sa voix aujourd’hui. La lutte contre la guerre doit avant tout commencer par la MOBILISATION RÉVOLUTIONNAIRE DE LA JEUNESSE.

Il faut faire pleine lumière, sous tous les angles, sur le problème de la guerre, tout en tenant compte de l’aspect qu’il présente aux masses à un moment donné.

La guerre est une gigantesque entreprise commerciale, surtout pour l’industrie de guerre. C’est pourquoi les "200 familles" sont les premiers patriotes et les principaux provocateurs de guerre. Le contrôle ouvrier sur l’industrie de guerre est le premier pas dans la lutte contre les fabricants de guerre.

Au mot d’ordre des réformistes : impôt sur les bénéfices de guerre, nous opposons les mots d’ordre : CONFISCATION DES BÉNÉFICES DE GUERRE et EXPROPRIATION DES ENTREPRISES TRAVAILLANT POUR LA GUERRE. Là où l’industrie de guerre est "nationalisée", comme en France, le mot d’ordre du contrôle ouvrier conserve toute sa valeur : le prolétariat fait aussi peu confiance à l’État de la bourgeoisie qu’au bourgeois individuel.
 Pas un homme, pas un sou pour le gouvernement bourgeois !
 Pas de programme d’armements, mais un programme de travaux d’utilité publique !
 Indépendance complète des organisations ouvrières à l’égard du contrôle militaire et policier !

Il faut arracher, une fois pour toutes, la libre disposition du destin des peuples des mains des cliques impérialistes avides et impitoyables qui agissent derrière le dos des peuples. En accord avec cela, nous revendiquons :

– Abolition complète de la diplomatie secrète ;
tous les traités et accords doivent être accessibles à chaque ouvrier et paysan.
 Instruction militaire et armement des ouvriers et des paysans sous le contrôle immédiat des comités ouvriers et paysans.
 Création d’écoles militaires pour la formation d’officiers venus des rangs des travailleurs, choisis par les organisations ouvrières.
 Substitution à l’armée permanente, c’est-à-dire de caserne, d’une milice populaire en liaison indissoluble avec les usines, les mines, les fermes, etc.

La guerre impérialiste est la continuation et l’exacerbation de la politique de pillage de la bourgeoisie ; la lutte du prolétariat contre la guerre est la continuation et l’exacerbation de sa lutte de classe. L’apparition de la guerre change la situation et partiellement les procédés de lutte entre les classes, mais ne change ni les buts ni la direction fondamentale de celle-ci.

La bourgeoisie impérialiste domine le monde. C’est pourquoi la prochaine guerre, par son caractère fondamental, sera une guerre impérialiste. Le contenu fondamental de la politique du prolétariat international sera, par conséquent, la lutte contre l’impérialisme et sa guerre. Le principe fondamental de cette lutte sera :

"L’ennemi principal est dans notre PROPRE PAYS", ou :

"La défaite de notre propre gouvernement (impérialiste) est le moindre mal".

Mais tous les pays du monde ne sont pas des pays impérialistes. Au contraire, la majorité des pays sont les victimes de l’impérialisme. Certains pays coloniaux ou semi-coloniaux tenteront, sans aucun doute, d’utiliser la guerre pour rejeter le joug de l’esclavage. De leur part, la guerre ne sera pas impérialiste, mais émancipatrice. Le devoir du prolétariat international sera d’aider les pays opprimés en guerre contre les oppresseurs. Ce même devoir s’étend aussi à l’URSS ou à tout autre État ouvrier qui peut surgir avant la guerre ou durant la guerre. La défaite de tout gouvernement impérialiste dans la lutte contre un État ouvrier ou un pays colonial est le moindre mal.

Les ouvriers d’un pays impérialiste ne peuvent cependant pas aider un pays anti-impérialiste par l’intermédiaire de leur gouvernement, quelles que soient, à un moment donné, les relations diplomatiques et militaires entre les deux pays. Si les gouvernements se trouvent en alliance temporaire, et au fond incertaine, le prolétariat du pays impérialiste continue à rester en opposition de classe à son gouvernement et apporte un appui à l’ "allié" non impérialiste de celui-ci par ses propres méthodes, c’est-à-dire par les méthodes de la lutte de classe internationale (agitation en faveur de l’État ouvrier et du pays colonial, non seulement contre ses ennemis, mais aussi contre ses alliés perfides : boycott et grève dans certains cas, renoncement au boycott et à la grève dans d’autres, etc.).

Tout en soutenant un pays colonial ou l’URSS dans la guerre, le prolétariat ne se solidarise pas dans la moindre mesure avec le gouvernement bourgeois du pays colonial ni avec la bureaucratie thermidorienne de l’URSS. Au contraire, il maintient sa complète indépendance politique aussi bien envers l’un qu’envers l’autre. En aidant une guerre juste et progressiste, le prolétariat révolutionnaire conquiert les sympathies des travailleurs des colonies et de l’URSS, y affermit ainsi l’autorité et l’influence de la IV° Internationale, et peut aider d’autant mieux au renversement du gouvernement bourgeois dans le pays colonial, de la bureaucratie réactionnaire en URSS.

Au début de la guerre, les sections de la IV° Internationale se sentiront inévitablement isolées : chaque guerre prend les masses populaires à l’improviste et les pousse du côté de l’appareil gouvernemental. Les internationalistes devront nager contre le courant. Cependant, les dévastations et les maux de la nouvelle guerre qui, dès les premiers mois, laisseront loin en arrière les horreurs sanglantes de 1914-1918 auront tôt fait de dégriser les masses. Le mécontentement et la révolte de celles-ci croîtront par bonds. Les sections de la IV° Internationale se trouveront à la tête du flux révolutionnaire. Le programme des revendications transitoires prendra une actualité brûlante. Le problème de la conquête du pouvoir par le prolétariat se dressera de toute sa hauteur.

Avant d’étouffer ou de noyer dans le sang l’humanité, le capitalisme empoisonne l’atmosphère mondiale par les vapeurs délétères de la haine nationale et raciale. L’antisémitisme est aujourd’hui l’une des convulsions les plus malignes de l’agonie du capitalisme.

La dénonciation intransigeante des préjugés de race et de toutes les formes et nuances de l’arrogance et du chauvinisme nationaux, en particulier de l’antisémitisme, doit entrer dans le travail quotidien de toutes les sections de la IV° Internationale comme le principal travail d’éducation dans la lutte contre l’impérialisme et la guerre. Notre mot d’ordre fondamental reste :

"PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !"

Léon Trotsky, Le programme de transition

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