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L’ancien monde s’effondre : inutile de nous sacrifier à le sauver

lundi 5 décembre 2016, par Robert Paris

L’ancien monde s’effondre : inutile de nous sacrifier à le sauver

Acceptons de travailler plus pour gagner moins et nous sauverons nos emplois, nous disent les uns. Acceptons de travailler plus vieux, en prenant plus tard nos retraites et en étant des vieux pauvres et sans moyens et nous sauverons nos retraites. Acceptons de renoncer aux droits du contrat à durée indéterminée et les patrons n’auront plus besoin de nous licencier. Acceptons de nous soigner moins, nos médicaments n’étant plus remboursés et les hôpitaux soignant moins les malades, en réduisant les emplois et le matériel, et la sécu sera sauvée. Acceptons que les droits des salariés soient réduits, ne deviennent plus défendables devant les prud’hommes et les patrons auront moins de réticences à embaucher. Acceptons la réduction des allocations chômage et la durée des remboursements et les organismes sociaux pour les chômeurs ne feront pas faillite et on pourra continuer à aides un peu les chômeurs, du moins ceux qui ne seront pas radiés. Acceptons de privatiser les transports et ils seront plus durables et plus fiables. Acceptons de renoncer au droit à l’emploi, au droit à un salaire fixe, au droit à une charge de travail fixe, au droit à un lieu de travail fixe, et nous disposerons d’un droit à la flexibilité tous azimuts !! Acceptons de renoncer à nos libertés en rendant la société plus policière et plus dure pour les travailleurs et nous préserverons notre sécurité face à toutes les violences qui nous menacent. Acceptons que les Etats deviennent des machines de guerre qui lancent des actions intérieures comme extérieures et nous aurons un jour, dans longtemps, la paix et la sécurité. Acceptons que la société soit sans cesse quadrillée par la police et l’armée et nous aurons un état d’urgence permanent qui ne nous garantira que la guerre permanente sans limite, à l’intérieur et à l’extérieur, en guise de liberté et de sécurité et des armées et polices revendiquant sans cesse plus de pouvoir, en ôtant tout droit démocratique aux citoyens et plus encore aux travailleurs !

Et tous ces sacrifices, car il s’agit toujours de prétendues réformes qui nous proposent des reculs présentés comme raisonnables, auraient selon leurs auteurs pour résultat de préserver l’essentiel de l’ancien monde capitaliste tel que nous l’avons connu dans les dernières décennies, c’est-à-dire avec des droits sociaux, des services publics, des acquis, des garanties, des droits juridiques, des droits démocratiques et des droits syndicaux, des aides sociales diverses et des lois limitant l’exploitation et les injustices. Mais c’est sacrifier justement ce que l’on prétend sauver !!!

Et on peut égrainer ainsi toutes les « solutions » de nos solutionneurs politiques, syndicaux, médiatiques, associatifs, spécialistes et « experts » de toutes sortes et de tous bords politiques… Pour eux, précariser l’emploi c’est la même chose que de le multiplier, supprimer la réglementation des licenciements ce serait les réduire, faire travailler plus les anciens ce serait créer des postes pour les plus jeunes, supprimer des postes de fonctionnaires ce serait aider les chômeurs, donner des milliards aux banques et aux trusts ce serait favoriser l’emploi, et autres balivernes aussi peu crédibles qui sont débitées à longueur de journée…

Ces gens-là prétendent augmenter la sécurité publique uniquement en aggravant la répression alors que les banlieues sont transformées en cités de chômeurs longue durée de tous âges. Ils prétendent supprimer le communautarisme en transformant la France en une « nation de gaulois chrétiens » et en fermant les mosquées tout en plaçant des crèches dans les lieux publics ! Ils prétendent augmenter la paix sociale en provoquant les travailleurs, en autorisant les licenciements abusifs et en supprimant les impôts des grands capitalistes pendant qu’on met sur la sellette les petits commerçants et artisans ou paysans qui ne parviennent pas à payer leurs impôts.

Et tous ces sacrifices sont présentés comme des politiques économiques inévitables pour sauver un ancien monde alors qu’aucun d’entre eux n’est capable de nous dire de quelle maladie il faudrait le soigner.

En effet, pourquoi les emplois salariés du privé s’effondrent sans cesse davantage ? On nous a longtemps servi le mythe selon lequel les emplois étaient mangés par la concurrence des travailleurs des autres pays mais on n’est pas assez bêtes pour les croire maintenant que l’on apprend que les travailleurs indiens sont en grève générale pour les mêmes types de raison que nous, et de même pour les travailleurs chinois ou brésiliens…

Le monde entier a la même maladie mais on se refuse de nous dire laquelle !!!

On emploie, pour cacher le mal, le mot de « crise » agité à toutes les sauces et à tout bout de champ. Mais qu’appelle-t-on crise s’il n’y pas ensuite de reprise ? Qu’appelle-t-on crise si, dans cette crise, toutes les entreprises en faillite, trusts, banques, assurances, bourses, sont sauvées sur fonds d’Etat et des banques centrales ? Une crise capitaliste n’a-t-elle pas toujours été l’occasion d’épurer l’économie des entreprises faillitaires ? Est-ce que les aides d’Etat servent réellement à pousser les capitalistes à reprendre leurs investissements et sinon pourquoi ? Qu’est-ce qui fait que l’investissement productif privé soit durablement enlisé et même s’écroule bien plus que ce qu’il semblerait du fait que les investissements contre-productifs d’Etat masquent cette chute ?

Si les investissements productifs peuvent chuter provisoirement durant une crise classique, si les Etats peuvent choisir de suppléer momentanément lors d’une crise, cela ne peut pas devenir un mode de gestion et encore moins une manière de camoufler qu’en termes capitalistes, l’investissement productif privé soit désormais considéré non rentable, ce qui est une situation tout à fait inédite et, catastrophique du point de vue de la pérennité du système.

Les optimistes invétérés du capitalisme affirment que le système finira bien par s’en sortir mais ils se gardent bien de nous dire de quoi il faudrait sortir et de quelle manière. Le seul remède proposé jusqu’à présent est l’intervention financière massive des puissances financières centrales pour pallier l’activité d’investissements des possesseurs privés de capitaux mais on se garde de nous expliquer pourquoi ces derniers sont persuadés que ce n’est plus la peine d’investir dans la production alors que c’est ce secteur, la production de biens, qui a toujours fourni la plus-value extraite du travail humain et permis d’extraire du profit de l’activité des travailleurs et de la distribuer à tous les autres secteurs, commercial, financier, bancaire et autres.

En réalité, c’est de son succès que le capitalisme est malade et cette maladie-là n’a aucun remède possible. Le succès en question, c’est le niveau inégalé de la masse des capitaux accumulés. En quoi, direz-vous, cela peut être une maladie d’avoir tellement réussi à accumuler de richesses ?

Eh bien, c’est qu’un tel succès entre en contradiction directe et violente avec un mécanisme fondamental et déterminant du système capitaliste : l’investissement productif. En effet, il n’est pas possible d’investir une masse illimitée de capitaux dans la production car cela entraînerait une chute massive des prix des marchandises. A chaque fois que des capitaux s’investissent actuellement dans la production, les prix des marchandises se mettent à chuter. En fait, ce phénomène est un signal du fait que l’évolution historique rend nécessaire et indispensable… le socialisme ! En effet, le cadre de la propriété privée des capitaux n’est plus capable d’englober ce que l’humanité est capable de produire avec les moyens existants. Du coup, il est impossible d’empêcher les capitaux de se jeter dans des spéculations folles, de ne fonder leurs profits que sur ces domaines du secteur financier en se détournant de plus en plus de la production qui ne tourne depuis 2008 que grâce aux investissements des Etats et des banques centrales. Cela n’empêche pas les trusts, aidés sur fonds publics, de supprimer sans cesse des emplois comme le font actuellement les trusts automobiles, sidérurgiques, métallurgiques, énergétiques, chimiques, pétroliers et autres. La part des salariés qui travaillent pour des trusts productifs se réduit sans cesse.

Aucune réforme du capitalisme n’est sortie de la crise de 2007-2008, ni une réforme du système bancaire, boursier, spéculatif, ni une réforme du système productif ou commercial. Les classes dirigeantes reconnaissent qu’elles n’attendent, comme avenir, qu’un gouffre du même type qu’en 2007 mais beaucoup plus affolant, un véritable abîme qui provoque un affolement général et une chute des banques et des bourses. Les Etats essaient de se préparer à cette échéance, en affirmant qu’ils garantiront une partie des comptes en banque mais, en cas d’effondrement général des banques, qui peut croire que les Etats, déjà dans le rouge, en seront capables ?

Ce que nous vivons actuellement est une transition, une phase d’attente où il n’y a aucun horizon visible, ni un avenir pour le capitalisme ni une sortie visible du capitalisme, seulement un capitalisme plus dur, plus violent, plus anti-social, qui casse plus le moral des travailleurs, qui détruit leur organisation de salariés, qui démolit les luttes revendicatives. Mais, s’il n’y a pas eu un effondrement général en 2008, c’est uniquement grâce à des acrobaties financières des établissements publics, qui ont jeté sur les marchés des milliers de milliards de dollars pour pallier à la carence des possesseurs privés de capitaux. Et tout ce que le système a réussi depuis 2008 c’est à poursuivre cette opération de blocage de l’effondrement, de retardement de celui-ci, sans résoudre aucun problème qui s’était posé en 2007 car ces problèmes sont inhérents au fonctionnement lui-même et ne sont pas modifiables. Les capitalistes privés sont incapables de sacrifier leurs intérêts personnels et d’investir à perte, comme les Etats peuvent le faire. Les capitalistes privés sont incapables de se retenir de miser sur ce qui est immédiatement rentable, fût-ce parier sur l’effondrement de leur entreprise, de leur monnaie, de leur banque, de leur économie, du système lui-même ! Ce sont les investissements sur les dettes et les chutes qui attirent le plus de capitaux.

Formellement, la quantité de capitaux semble continuer d’augmenter mais, en fait, elle augmente moins que la quantité d’argent sortie des fonds publics et déversés par les Etats et les banques centrales. C’est bien que l’accumulation productive privée s’est arrêtée. Le cœur même du capitalisme ne fonctionne plus depuis 2007 et personne ne le fera plus repartir.

La classe ouvrière se retrouve devant sa tâche historique consistant à secouer son esclavage pour prendre la direction de toute la société et la retirer à la propriété privée des moyens de production. Plus tôt, elle la prendra en charge et moins on subira d’horreurs liées à la fin sanglante du système d’exploitation capitaliste dont rien ni personne n’empêchera l’effondrement.

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