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Qu’est-ce que l’inertie ?

vendredi 16 décembre 2016, par Robert Paris

“L’inertie” vue par Galilée :

« Simplicio

Laissons tomber une boule de plomb du haut du mât d’un navire au repos et notons
l’endroit où elle arrive, tout près du pied du mât
 ; si du même endroit, on laisse tomber la même boule
quand le navire est en mouvement, le lieu de sa percussion sera éloigné de l’autre [c’est-à-dire du pied
du mât du navire] d’une distance égale à celle que
le navire aura parcourue pendant le temps de chute,
et tout simplement parce que le mouvement naturel d
e la boule, laissée à sa liberté ( posta in sua liberta)
se fait en ligne droite vers le centre de la terre.
...

Salviati

Vous dites : quand le navire est à
l’arrêt, la pierre tombe au pied du mât, et quand
le
navire est en mouvement, elle tombe loin du pied ;
inversement donc, quand la pierre tombe au pied
du mât, on en conclut que le navire est à l’arrêt,
et quand elle tombe loin du mât, on en conclut que
le
navire est en mouvement ; comme ce qui arrive sur le navire doit également arriver sur la Terre, dès
lors que la pierre tombe au pied de la tour, on en
conclut nécessairement que le globe terrestre est
immobile. (...) Très bien. Avez-vous jamais fait l’expérience du
navire ?

Simplicio

Je ne l’ai pas faite, mais je crois vraiment que
les auteurs qui la présentent en ont fait
soigneusement l’observation ...

Salviati

...Que n’importe qui la fasse et il trouvera en
effet que l’expérience montre le contraire de ce
qui est écrit : la boule tombe au même endroit du
navire, que celui ci soit à l’arrêt ou avance à
n’importe quelle vitesse.

Extrait du " Dialogue concernant les deux
plus grands systèmes du monde " écrit par Galilée
et édité en 1632.

« Considérons un homme qui, sur une route unie, pousse devant soi une voiture et qui brusquement cesse de le faire. La voiture continuera à parcourir une certaine distance avant de s’arrêter. Nous demandons : comment pourrait-on allonger cette distance ? On peut y arriver de différentes manières, en graissant les roues, par exemple, et en rendant la route plus unie… Imaginez une route parfaitement unie et des roues sans frottement. Il n’y aurait alors rien pour arrêter la voiture et elle continuerait à se mouvoir sans cesse. Cette conclusion est obtenue seulement en imaginant une expérience idéalisée, qui, en fait, ne peut jamais être réalisée, étant donné qu’il est impossible d’éliminer toutes les influences extérieures. L’expérience idéalisée met à nu le fil conducteur qui formait réellement le fondement de la mécanique du mouvement.

En comparant les deux méthodes pour approcher le problème, nous pouvons dire : la conception intuitive nous enseigne que plus grande est l’action et plus grande est la vitesse. La vitesse montre ainsi si, oui ou non, des forces extérieures agissent sur un corps.

Le nouveau fil conducteur trouvé par Galilée est : si un corps n’est ni poussé, ni tiré, ni ne subit une action quelconque, ou, plus brièvement si aucune force extérieure n’agit sur un corps, il se meut uniformément, c’est-à-dire toujours avec la même vitesse le long d’une ligne droite. Ainsi, la vitesse ne montre pas si, oui ou non, des forces extérieures agissent sur un corps. La conclusion de Galilée, qui est correcte, a été formulée une génération plus tard par Newton comme la « loi de l’inertie ». C’est habituellement la première loi physique que nous apprenons par cœur à l’école et certains d’entre nous se la rappellent encore :

« Tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite, à moins qu’il ne soit déterminé à changer cet état par des forces agissant sur lui. »

Nous avons vu que cette loi de l’inertie ne peut pas être dérivée directement de l’expérience, mais seulement par la pensée spéculative compatible avec l’observation. L’expérience idéalisée ne peut jamais être effectivement réalisée, bien qu’elle conduise à une intelligence profonde des expériences réelles. (…)

Une conclusion s’impose : l’action d’une force extérieure modifie la vitesse. Ainsi, ce n’est pas la vitesse elle-même, mais son changement qui est la conséquence de la poussée ou de la traction. Une telle force augmente u diminue la vitesse, selon qu’elle agit dans la direction du mouvement ou dans la direction opposée.

Galilée l’a vu clairement et a écrit dans ses « Deux nouvelles sciences » :

« Une vitesse quelconque imprimée à un corps se conserve rigoureusement aussi longtemps que les causes extérieures d’accélération ou de ralentissement sont écartées, condition qui se réalise seulement dans le plan horizontal ; car dans les plans déclives il existe déjà une cause d’accélération, tandis que dans les plans qui vont en montant il exitse une cause de ralentissement. D’où il suit que le mouvement sur le plan horizontal est perpétuel ; car, si la vitesse est uniforme, elle ne peut être affaiblie ni diminuée, et encore bien moins supprimée. »

Albert Einstein et Léopold Infeld, « L’évolution des idées en physique »

Qu’est-ce que l’inertie ?

Un lecteur nous demande :

« Qu’est-ce que l’inertie ? On continue tout mouvement entamé s’il n’est pas freiné ? Tout mouvement linéaire uniforme ? Tout mouvement linéaire ? Ou aussi les mouvements de rotation ? Quelle est l’origine de l’inertie ? »

Un corps, sur lequel on n’exerce aucune action extérieure, poursuit son mouvement de translation ou de rotation. C’est la « loi de l’inertie ». On pourrait croire que l’inertie est un phénomène évident mais elle a attendu Galilée pour être mise en évidence et personne n’a encore été capable d’en définir exactement l’origine d’une manière à peu près reconnue par l’ensemble des physiciens. Comme pour la gravitation, on connaît les lois mathématiques de l’inertie mais par leur fonctionnement fondamental : comment le vide quantique procède pour freiner les masses, notamment limiter la vitesse à celle de la lumière et comment il procède pour conserver le mouvement….

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Loin d’être une évidence, l’inertie a longtemps été niée notamment par la conception d’Aristote :

« Or, si ce qui est dans le mouvement doit nécessairement être mu, il n’en est pas de même pour ce qui est dans le temps ; car le temps n’est pas le mouvement ; il n’est que le nombre du mouvement ; et ce qui est en repos peut fort bien être aussi dans le nombre du mouvement, puisqu’on ne dit pas de toute chose immobile qu’elle est en repos, mais qu’on le dit seulement, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, d’une chose qui est privée du mouvement que naturellement elle devrait avoir. Mais quand on dit qu’une chose est en nombre, cela signifie qu’il y a un certain nombre de cette chose ; et que l’être de cette chose est mesurée par le nombre dans lequel elle est. Par conséquent, si la chose est dans le temps, elle est mesurée par le temps. Or, le temps mesurera et le mobile qui se meut et le corps qui reste inerte, l’un en tant qu’il est mu, l’autre en tant qu’il reste dans son inertie ; car il mesurera la quantité et de leur inertie et celle de leur mouvement, de telle sorte que le corps qui est en mouvement ne sera pas absolument mesuré par le temps sous le rapport de la grandeur qu’il peut avoir, mais sous le rapport de la grandeur de son mouvement. Donc, les choses qui ne sont ni en mouvement ni en repos, ne sont pas dans le temps ; car être dans le temps, c’est être mesuré par le temps ; et le temps ne mesure que le mouvement et l’inertie. »

Aristote, dans « Physique »

« La réduction que nous avons faite de toutes les lois de la mécanique à trois, celle de la force d’inertie, celle du mouvement composé et celle de l’équilibre. »

Traité de dynamique de Jean le Rond d’ Alembert

« C’ est le mouvement communiqué et reçu de proche en proche, qui établit de la liaison et des rapports entre les différens systêmes des êtres ; l’ attraction les rapproche lorsqu’ ils sont dans la sphere de leur action réciproque, la répulsion les dissout et les sépare ; l’ une les conserve et les fortifie, l’ autre les affoiblit et les détruit. Une fois combinés ils tendent à persévérer dans leur façon d’ exister en vertu de leur force d’ inertie mais ils ne peuvent y réussir, parce qu’ ils sont sous l’ influence continuelle de tous les autres êtres qui agissent successivement et perpétuellement sur eux : leurs changemens de formes, leurs dissolutions, sont nécessaires à la conservation de la nature, qui est le seul but que nous puissions lui assigner, vers lequel nous la voyons tendre sans-cesse, qu’ elle suit sans interruption par la destruction et la réproduction de tous les êtres subordonnés, forcés de subir ses loix, et de concourir à leur maniere au maintien de l’ existence active essentielle au grand tout. »

D’Holbach dans « Système de la nature »

« Tout corps libre persévère dans l’état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d’état. »

ou encore

« La force qui réside dans la matière est le pouvoir qu’elle a de résister. C’est par cette force que tout corps persévère de lui-même dans son état actuel de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite. »

Newton, dans « Principes mathématiques de la philosophie naturelle »

« Il ne peut en effet exister, en l’absence de toute force, que le repos ou le mouvement rectiligne uniforme. C’est une tautologie tout à fait inutile de répéter que la variation du mouvement est proportionnelle à la force après avoir posé que l’accélération est la mesure de celle-ci. Il eut suffi de dire que les définitions données n’étaient pas des définitions arbitraires et mathématiques, mais répondaient à des propriétés expérimentales des corps…. La force imprimée est l’action par laquelle l’état du corps est changé, soit que cet état soit le repos, ou le mouvement uniforme en ligne droite »

Ernst Mach, dans « La mécanique - Exposé et critique de son développement »

« Peut-être devrions-nous construire toute une mécanique nouvelle que nous ne faisons qu’entrevoir, où l’inertie croissant avec la vitesse, la vitesse de la lumière deviendrait une limite infranchissable. La mécanique vulgaire, plus simple, resterait une première approximation puisqu’elle serait vraie pour les vitesses qui ne seraient pas très grandes, de sorte qu’on retrouverait encore l’ancienne dynamique sous la nouvelle. »

Henri Poincaré (conférence de 1904)

« Dans la nouvelle Dynamique, le Principe d’Inertie est encore vrai, c’est-à-dire qu’un électron isolé aura un mouvement rectiligne et uniforme. Du moins, on s’accorde généralement à l’admettre ; cependant, Lindemann a fait des objections à cette façon de voir ; je ne veux pas prendre parti dans cette discussion, que je ne puis exposer ici à cause de son caractère trop ardu. Il suffirait en tout cas de légères modifications à la théorie pour se mettre à l’abri des objections de Lindemann.
On sait qu’un corps plongé dans un fluide éprouve, quand il est en mouvement, une résistance considérable, mais c’est parce que nos fluides sont visqueux ; dans un fluide idéal, parfaitement dépourvu de viscosité, le corps agiterait derrière lui une poupe liquide, une sorte de sillage ; au départ, il faudrait un grand effort pour le mettre en mouvement, puisqu’il faudrait ébranler non seulement le corps lui-même, mais le liquide de son sillage. Mais, une fois le mouvement acquis, il se perpétuerait sans résistance, puisque le corps, en s’avançant, transporterait simplement avec lui la perturbation du liquide, sans que la force vive totale de ce liquide augmentât. Tout se passerait donc comme si son inertie était augmentée. Un électron s’avançant dans l’éther se comporterait de la même manière : autour de lui, l’éther serait agité, mais cette perturbation accompagnerait le corps dans son mouvement ; de sorte que, pour un observateur entraîné avec l’électron, les champs électrique et magnétique qui accompagnent cet électron paraîtraient invariables, et ne pourraient changer que si la vitesse de l’électron venait à varier. Il faudrait donc un effort pour mettre l’électron en mouvement, puisqu’il faudrait créer l’énergie de ces champs ; au contraire, une fois le mouvement acquis, aucun effort ne serait nécessaire pour le maintenir, puisque l’énergie créée n’aurait plus qu’à se transporter derrière l’électron comme un sillage. Cette énergie ne peut donc qu’augmenter l’inertie de l’électron, comme l’agitation du liquide augmente celle du corps plongé dans un fluide parfait. Et même les électrons négatifs, tout au moins, n’ont pas d’autre inertie que celle-là. »

Henri Poincaré dans « La dynamique de l’électron »

« L’inertie de la matière paraît ainsi d’autant plus grande que cette matière est animée d’un mouvement plus rapide ; en d’autres termes, la masse d’un corps matériel n’est plus constante, elle augmente avec la vitesse de ce corps. Et ce n’est pas tout ; une force peut agir dans le sens de la vitesse du mobile, ou perpendiculairement à cette vitesse. Dans le premier cas, elle tend à accélérer le mouvement, ou au contraire à le ralentir si elle est de sens contraire à ce mouvement ; mais la trajectoire reste rectiligne. Dans le second cas, elle tend à dévier le mobile de son chemin et par conséquent à courber sa trajectoire. D’après l’ancienne mécanique, l’accélération produite par une même force sur un même corps serait la même dans les deux cas. Cela ne serait plus vrai, d’après les idées nouvelles qu’on cherche à faire, prévaloir. Un corps mobile, par suite de son inertie, opposerait une résistance soit à la cause qui tend à accélérer son mouvement, soit à celle qui tend à en changer la direction ; mais si la vitesse est grande, cette résistance ne serait pas la même dans les deux cas. »

Henri Poincaré dans « La mécanique nouvelle

"Tous ces résultats, s’ils sont confirmés, vont conduire à une Mécanique entièrement nouvelle, caractérisée essentiellement par le fait qu’aucune vitesse ne peut surpasser celle de la lumière, pour la raison que l’inertie croissante du corps en mouvement s’opposera aux causes qui voudraient accélérer le mouvement et que cette inertie deviendra infinie lorsque la vitesse approchera celle de la lumière. De même, pour un observateur impliqué dans une translation, il ne suspectera pas qu’une vitesse apparente quelconque puisse dépasser celle de la lumière, et ceci serait alors une contradiction, sauf à rappeler que cet observateur n’utilise pas la même pendule qu’un observateur fixe mais utilise une pendule marquant le temps local".

Henri Poincaré, 1905)

« Ces molécules, étant électrisées, ne peuvent se déplacer sans ébranler l’éther ; pour les mettre en mouvement, il faut triompher d’une double inertie, de celle de la molécule elle-même et de celle de l’éther. La masse totale ou apparente que l’on mesure se compose donc de deux parties : la masse réelle ou mécanique de la molécule, et la masse électro-dynamique représentant l’inertie de l’éther. Les calculs d’Abraham et les expériences de Kauffman ont alors montré que la masse mécanique proprement dite est nulle et que la masse des électrons, ou au moins des électrons négatifs, est d’origine exclusivement électro-dynamique. Voilà qui nous force à changer la définition de la masse ; nous ne pouvons plus distinguer la masse mécanique et la masse électro-dynamique, parce qu’alors la première s’évanouirait ; il n’y a pas d’autre masse que l’inertie électro-dynamique ; mais dans ce cas la masse ne peut plus être constante, elle augmente avec la vitesse ; et même, elle dépend de la direction, et un corps animé d’une vitesse notable n’opposera pas la même inertie aux forces qui tendent à le dévier de sa route, et à celles qui tendent à accélérer ou à retarder sa marche. »

Henri Poincaré (La Valeur de la science)

« E = m c² »

Albert Einstein, dans son article de septembre 1905 intitulé « L’inertie d’un corps dépend-elle de son contenu en énergie ? » avec comme réponse célèbre : la formule d’équivalence masse-énergie.

« La pierre angulaire de la relativité généralisée est le lien entre inertie et gravité. Des mesures très sérieuses ont montré que la masse d’un corps, en tant que source de gravité, est exactement proportionnelle à la masse en tant que mesure de l’inertie du corps ; les mesures les plus précises n’ont jamais montré le moindre écart à cette loi. »

Heisenberg Werner, dans « Physique et philosophie »

« Le mouvement qui maintient en ligne droite un mouvement débuté en ligne droite n’a pas de raison connue. On n’a jamais trouvé pourquoi les choses continuent « en roue libre » indéfiniment. La loi d’inertie n’a pas d’origine connue. »

Richard Feynman (dans « La nature de la physique »)


Un peu d’histoire

Le problème de l’origine de l’inertie des corps a constitué un des fondements de la recherche fondamentale en physique de Démocrite, Lucrèce et Aristote jusqu’à Einstein en passant par Galilée, Huygens, Newton, Berkeley, Mach et De Sitter.

Parce que l’inertie est évoquée dans sa vision contemporaine, il est possible d’évoquer pourquoi, étonnamment, la réponse à cette question n’est toujours pas close. Ses implications cosmologiques ont révolutionné notre compréhension de l’univers.

L’inertie fut évoquée pour la première fois sous un angle implicite par Démocrite quatre siècles avant J.C. : l’univers étant vide et infini, il n’existe pas de direction privilégiée ; le mouvement de la matière composée de particules insécables (les atomes) est libre. Le mouvement naturel est donc droit et uniforme (et sans l’aide de dieux !).

En grand successeur, Lucrèce, dans son poème didactique sur les atomes extrait de son ouvrage " De Natura Rerum " (vers -55 av. J.-C.), affirme entre autres exemples remarquables de philosophie naturelle, que les corps les plus pesants ne peuvent rattraper les plus légers dans leur chute que si la substance qu’ils traversent cède aux plus lourds, ainsi de l’eau ou de l’air. Mais dans le cas du vide, il n’existe aucune raison que les objets ne chutent pas à la même vitesse : Galilée devancé de dix-sept siècles !
Aristote vers 350 av. J.-C., exposant un système volontairement basé sur l’intuition et l’apparence des phénomènes décrira un univers fini, rempli d’une substance éthérée. La matière a essence à être immobile et il faut appliquer une poussée pour lui imprimer une vitesse. La Terre y est naturellement immobile au centre du Monde.
La chape de plomb de la perpétuation des principes d’Aristote et du modèle du monde géocentrique, séparant irrémédiablement le domaine de la Terre de celui du Ciel empêcha tout du long du Moyen-Age un quelconque progrès dans notre vision rationnelle.

Avant la Renaissance, la théorie la plus généralement acceptée du mouvement dans la philosophie occidentale est la physique aristotélicienne (en) qui nie le principe d’inertie : selon la théorie du « mouvement naturel » d’Aristote, un mouvement uniforme rectiligne éternel (corps lourds ou « graves » vers le bas tels la terre et l’eau, corps légers vers le haut pour l’air et le feu) est impossible dans un cosmos fini, tandis que le « mouvement violent » s’arrête lorsque la force qui lui a donné l’impulsion cesse de s’exercer, l’objet, mû par une propriété interne de finalité, étant alors ramené vers son lieu naturel de repos.

Cette théorie d’Aristote largement acceptée est néanmoins contestée à plusieurs reprises par des philosophes tels que Lucrèce ou Jean Philopon au VIe siècle pour qui les projectiles continuent d’avancer par l’effet d’une force motrice transmise par le lanceur (Aristote propose pour expliquer les jets un mouvement composite en tourbilllons rétrogrades constitués d’un mouvement violent et d’un mouvement naturel), donnant naissance à la théorie de l’impetus.

Galilée, par son principe de relativité, abandonne cette théorie de l’impetus, décrit le mouvement inertiel (chute libre, bille sur plan incliné) sans proposer de lois.

Selon Galilée l’état d’immobilité ou de mouvement droit uniforme apparaissent équivalents.

L’explication de cette équivalence tient dans l’inertie du corps vue comme sa propriété à résister à toute force tendant à le mettre en mouvement ou à le dévier d’une trajectoire rectiligne à vitesse uniforme.

Les mouvements ne sont donc inertiels que dans des repères où le mobile est fixe ou en déplacement uniforme.
On parle alors de référentiel inertiel ou galiléen.

Isaac Newton a établi le premier les principes mathématiques décrivant le mouvement d’un corps, parmi lesquels se retrouve sa première loi, aussi connue sous le nom de principe d’inertie.
Christian Huygens définit les notions de force centrifuge (force d’inertie d’un objet en rotation dans des référentiels non inertiels) et de moment d’inertie.

Newton s’inspire des travaux effectués par Galilée et par Descartes pour l’énonciation de cette loi dans ses Philosophiae Naturalis Principia Mathematica publiés en 1686.

« La force qui réside dans la matière (vis insita) est le pouvoir qu’elle a de résister. C’est par cette force que tout corps persévère de lui-même dans son état actuel de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite. »

— Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle3
En 1835, Gaspard-Gustave Coriolis décrit mathématiquement dans son article Sur les équations du mouvement relatif des systèmes de corps une autre force inertielle, la force de Coriolis.

Une force d’inertie, ou inertielle, ou force fictive, est une force apparente qui agit sur les masses lorsqu’elles sont observées à partir d’un référentiel non inertiel, autrement dit depuis un point de vue en mouvement accéléré ou en rotation. Une telle force n’est pas le résultat d’une interaction physique, mais plutôt de l’inertie s’opposant à l’accélération du référentiel lui-même.

Les forces d’inertie se décomposent généralement en deux composantes la force d’inertie d’entraînement et la force d’inertie de Coriolis.

La mécanique classique fait intervenir les lois de Newton, et celles-ci ne sont valables que dans un référentiel galiléen.

Si l’on se place dans un référentiel non inertiel ayant un mouvement accéléré par rapport à un référentiel galiléen (par exemple accélération linéaire ou bien rotation), les lois de Newton ne peuvent plus s’écrire, sauf en ajoutant des forces fictives : les forces d’inertie.
Pour l’observateur extérieur (situé dans le référentiel galiléen), il n’y a pas de force d’inertie. Il n’y a qu’un effet de l’inertie, c’est-à-dire que les phénomènes observés proviennent du fait qu’il faut fournir un effort pour modifier le mouvement initial d’un objet (« tout corps jeté dans l’espace tend à reproduire son mouvement à l’infini »).
Par exemple, une personne est dans une voiture, et cette voiture démarre brusquement. La personne sent une force qui la plaque contre le dossier, elle subit la force d’inertie. Considérons maintenant un observateur extérieur : il verra juste un effet de l’inertie : lorsque la voiture démarre, la personne assise est immobile et est donc « rattrapée » par son dossier, et c’est la pression exercée par le dossier sur la personne qui va mettre celle-ci en mouvement, qui va la pousser et faire qu’elle se déplace à la même vitesse que le reste de la voiture.

À la condition de prendre en compte l’existence de forces d’inertie, on peut considérer que le principe fondamental de la dynamique, dû à Newton, reste applicable dans les référentiels non inertiels. Toutefois le principe d’inertie y est modifié : aux forces standards que subit l’objet considéré s’ajoutent des forces d’inertie dues au mouvement accéléré du référentiel. Ces forces d’inertie ne sont pas dues à des interactions entre corps, mais ne sont que le reflet du mouvement accéléré du référentiel non inertiel. Elles sont d’origine purement cinématique. On peut les diviser en plusieurs catégories : les effets d’inertie rectilignes, la force centrifuge, et les forces de Coriolis.
Les effets d’inertie rectiligne sont ceux que l’ont ressent par exemple lorsque l’on est dans une voiture qui freine brusquement. Une voiture qui freine ne peut pas être un référentiel d’inertie puisqu’elle subit une accélération (qui correspond au freinage). C’est à cause de cette force virtuelle que l’on est attiré vers l’avant lors du freinage. L’inverse est vrai lorsque la voiture accélère : on ressent l’accélération, c’est à dire une force virtuelle qui "tire" vers l’arrière. Ceci est dû au fait que les loi de la dynamique doivent être modifiées lorsqu’elles sont considérées dans un référentiel accéléré. Si on se place, par exemple, dans un référentiel associé à la route, alors les personne dans la voiture subissent la même force de freinage que la voiture.
L’accélération centrifuge (ou force centrifuge lorsqu’elle est multipliée par la masse de l’objet) est due à la rotation d’un référentiel non inertiel. Une rotation pure est une accélération, c’est pour cela qu’un tel référentiel ne peut être considéré comme inertiel. Cette force est celle que l’on ressent dans un manège par exemple.

Et il y a enfin l’accélération de Coriolis, qui existe lorsqu’un objet se déplace avec une vitesse non nulle dans un référentiel ayant un mouvement de rotation. Quand un objet est mobile dans un référentiel non galiléen, en plus de la force d’inertie d’entraînement, il subit les effets de la force de Coriolis. Cette pseudo-force est à l’origine notamment de la déviation vers l’Est d’un objet en chute libre ou encore de l’enroulement en spirale des dépressions atmosphériques.

Si les forces d’inertie et de Coriolis sont de faible intensité par rapport aux forces en jeu dans une expérience de courte durée, alors le référentiel non inertiel peut être considéré comme inertiel pour l’expérience. C’est le cas à la surface de la Terre, lorsque les forces de Coriolis et d’inertie sont négligeables dans certaines expériences (oscillation de pendule sur une courte durée, roulement d’une bille sur une table, expériences de physique quantique, etc). Le pendule de Foucault est un exemple d’expérience où les forces de Coriolis ne sont pas négligeables : elle permet, en quelques heures, de montrer que la Terre est en rotation sur elle-même.

Le moment d’inertie est l’équivalent rotationnel du mouvement inertiel.

Le moment d’inertie est une grandeur physique qui caractérise la géométrie des masses d’un solide, c’est-à-dire la répartition de la matière en son sein. Il quantifie également la résistance à une mise en rotation de ce solide (ou plus généralement à une accélération angulaire), et a pour dimension M•L² (le produit d’une masse et du carré d’une longueur, qui s’exprime en kg•m² dans le S.I.). C’est l’analogue pour un solide de la masse inertielle qui, elle, mesure la résistance d’un corps soumis à une accélération linéaire.
Dans le cas simple de la rotation d’une masse autour d’un axe fixe, le moment d’inertie par rapport à cet axe est une grandeur scalaire qui apparaît dans les expressions du moment cinétique et de l’énergie cinétique de rotation de ce corps. Toutefois dans le cas général d’une rotation autour d’un axe dont la direction varie au cours du temps, il est nécessaire d’introduire un tenseur symétrique du second ordre, le tenseur d’inertie. Il est toujours possible de choisir un système d’axes, dits axes principaux d’inertie, tels que la matrice représentative de ce tenseur prend une forme diagonale. Les trois moments correspondants sont moments principaux d’inertie et ne dépendent pour un solide homogène que de la forme géométrique de celui-ci.

La notion d’inertie est à la base du principe d’inertie, première loi de Newton. Elle est encore considérée comme la norme en physique classique. Elle a dû être réinterprétée et augmentée afin de refléter les développements de la théorie de la relativité et de la mécanique quantique.

L’inertie et la relativité

Le principe de Mach a été forgé par le physicien Ernst Mach par extension du principe de relativité aux questions d’inertie. D’après Mach, ce qui est responsable de l’inertie d’une masse serait « l’ensemble des autres masses présentes dans l’univers ». Ce principe est immédiatement tiré des expériences de Mach sur la physique des sensations, et correspond à sa volonté délibérée d’organiser les notions de la physique d’une manière cohérente avec le donné sensoriel dont il a conduit une très rigoureuse étude expérimentale. Pour donner un sens à ce principe, imaginons un astronaute, flottant au milieu d’un espace vide de toute matière et de tout point de repère. Aucune étoile, aucune source d’énergie, le néant. Maintenant posons-nous la question : l’astronaute a-t-il un moyen de savoir qu’il est en rotation sur lui-même ou non, étant donné qu’il n’a aucun point de repère ? Si le principe de Mach est faux, c’est à dire si les forces d’inertie existent même en l’absence de toute matière ou énergie, alors l’astronaute pourrait le savoir, en ressentant des forces d’inertie qui poussent ses bras vers l’extérieur par exemple (force centrifuge). Mais cela aurait-t-il un sens ? Par rapport à quoi serait-il en rotation puisqu’il n’y a rien ? Cela impliquerait la notion d’un espace et d’un référentiel absolu, incompatible avec le principe de la relativité générale. Une manière d’interpréter les forces d’inerties en général, et la force centrifuge en particulier, sans introduire la notion de référentiel absolu est d’admettre avec Mach (et Einstein) que les forces d’inertie sont induites par les masses lointaines qui fournissent le référentiel par rapport auquel la rotation prend son sens physique.

suite

Quelle validité du principe d’inertie ?

« L’évolution des idées en physique », Einstein et Infeld :

« Nous devons retourner au point de départ, c’est-à-dire à la loi de Galilée.

Citons une fois de plus : « Tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite, à moins qu’il ne soit déterminé à changer cet état par des forces agissant sur lui. »

Une fois qu’on a compris l’idée d’inertie, on s’étonne qu’on puisse encore dire quelque chose là-dessus. Mais, bien que ce problème ait déjà été discuté à fond, il n’est nullement épuisé.

Imaginons un physicien qui croit que la loi de l’inertie peut être prouvée ou réfutée par des expériences réelles. Il pousse de petites sphères le long d’une table horizontale, en essayant d’éliminer le frottement autant que possible. Il remarque que plus la table et les sphères sont polies, plus le mouvement devient uniforme. Juste au moment où il allait énoncer le principe de l’inertie, un individu s’avise de lui jouer un tour. Notre physicien travaille dans une chambre sans fenêtres et n’a aucune communication avec le monde extérieur. Le farceur installe un mécanisme qui lui permet d’imprimer à toute la chambre un mouvement de rotation rapide autour autour d’un axe passant par son centre. Aussitôt que la rotation commence, le physicien fait des constations nouvelles et inattendues. La sphère qui se mouvait uniformément essaie de s’écarter du centre et de se rapprocher le plus possible des murs de la pièce. Lui-même sent qu’une force étrange le pousse vers le mur.

Il éprouve la même sensation qu’éprouve le voyageur dans un train ou une voiture, qui parcourent rapidement une courbe, ou plutôt, qu’éprouve un homme dans une balançoire tournante. Tous ses résultats acquis tombent en pièces.

Notre physicien serait obligé d’abandonner, avec la loi de l’inertie, toutes les lois mécaniques. La loi de l’inertie était son point de départ ; si celle-ci est changée, toutes les conclusions qu’il en a tirées changent également. Un observateur forcé de passer toute sa vie dans une chambre tournante et d’y faire ses expériences, arriverait à des lois mécaniques différentes des nôtres. Mais s’il pénètre dans la chambre muni de connaissances profondes et d’un ferme foi en les principes de la physique, il expliquerait l’écroulement apparent de la mécanique en supposant que la chambre tourne. Par des expériences mécaniques, il pourrait même savoir comment elle tourne.

Pourquoi devons-nous attacher tant d’intérêt à l’observateur dans sa chambre tournante ? Simplement parce que, sur notre Terre, nous sommes, jusqu’à un certain point, dans la même situation.

Depuis le temps de Copernic nous savons que la Terre tourne autour de son axe et qu’elle se meut autour du Soleil. Même cette idée simple, si claire pour tout le monde, n’a pas échappé au progrès de la science. Laissons cette question pour le moment et acceptons le point de vue de Copernic. Si notre observateur en mouvement ne pouvait pas confirmer les lois de la mécanique, nous devrions, sur notre Terre, être également incapables de le faire. Mais la rotation de la Terre est relativement lente, de sorte que l’effet n’est pas très marqué. Néanmoins, il y a beaucoup d’expériences qui montrent un léger écart des lois mécaniques, et leur concordance peut être regardé comme une preuve de la rotation de la Terre. (…)

Pour être capables de déterminer les positions des corps, nous devons avoir ce qu’on appelle un « système de référence ». En décrivant les positions des objets et des hommes dans une cité, les rues et les avenues forment le système auquel nous les rapportons. Jusqu’à présent, nous ne nous sommes pas souciés, en parlant des lois de la mécanique, d’indiquer le système de référence, parce que, vivant sur la Terre, il n’y a aucune difficulté à fixer, dans un tel cas particulier, un système de référence rigidement lié à la Terre. Ce système, qui est construit de barres rigides invariables et auquel nous rapportons toutes nos observations, est appelé « système de coordonnées ». Comme cette expression sera très souvent employée, nous écrirons simplement SC.

Jusqu’à présent toutes nos affirmations concernant les phénomènes physiques présentaient une certaine lacune. Nous n’avons pas tenu compte du fait que toutes les observations doivent être faites dans un certain SC. Au lieu de décrire la structure de ce SC, nous ignorions son existence. Par exemple, quand nous écrivions « un corps se meut uniformément… », nous aurions dû, en réalité, écrire « un corps se meut uniformément par rapport à un SC déterminé… » Notre expérience avec la chambre en rotation nous a appris que les résultats des expériences mécaniques peuvent dépendre du SC choisi.

Si deux SC effectuent un mouvement de rotation l’un par rapport à l’autre, alors les lois de la mécanique ne peuvent pas être valables dans tous les deux. Si la surface de l’eau d’une piscine formant l’un de ces systèmes de coordonnées est horizontale, celle d’une piscine similaire prend dans l’autre système la forme courbe bien connue de quiconque remue son café avec une cuillère.

En formulant les principales lois de la mécanique, nous avons négligé un point important. Nous n’avons pas établi pour quel SC elles sont valables. Toute la mécanique classique reste, pour cette raison, suspendue en l’air, puisque nous ne savons pas à quel système elle se rapporte. Nous voulons cependant passer sur cette difficulté pour le moment. Nous ferons la supposition légèrement incorrecte que les lois de la mécanique sont valables pour tout SC rigidement lié à la Terre. Ceci est fait afin de fixer le SC et de donner à nos propositions une forme précise. Et bien que notre affirmation que la Terre est un système de référence convenable ne soit pas tout à fait correcte, nous voulons pour le moment l’accepter.

Nous supposons donc l’existence d’un SC pour lequel les lois de la mécanique sont valables. Est-ce le seul ? Supposons un SC tel qu’un train, un navire ou un avion se mouvant relativement à la Terre. Les lois de la mécanique seront-elles valables pour ces SC ? Nous savons positivement qu’elles ne le sont pas toujours, par exemple, quand le train parcourt rapidement une courbe, quand le navire est ballotté par la tempête, ou quand l’avion descend en vrille.

Commençons par un exemple simple. Un SC se meut uniformément par rapport à notre « bon » SC, c’est-à-dire à un SC où les lois de la mécanique sont valides, par exemple un train idéal ou un navire qui vogue en ligne droite avec une douceur exquise sans jamais changer de vitesse. Nous savons par l’expérience journalière que les deux systèmes seront « bons », c’est-à-dire que les expériences effectuées dans un train ou un navire se mouvant uniformément donneront exactement les mêmes résultats que sur la Terre.

Mais si le train s’arrête brusquement ou accélère brusquement sa marche, ou si la mer devient grosse, des choses étranges se produisent. Dans le train, les valises sautent des filets, dans le navire les tables et les chaises sont bousculées et les passagers ont le mal de mer. Au point de vue physique, cela signifie simplement que les lois de la mécanique ne peuvent pas être appliquées à ces SC, c’est-à-dire qu’ils sont des « mauvais » SC.

Ce résultat peut être exprimé par le soi-disant principe de relativité galiléen : si les lois de la mécanique sont valables pour un SC, elles sont alors valables pour n’importe quel SC qui se meut uniformément par rapport au premier.

Si nous avons deux SC qui ne se meuvent pas uniformément l’un relativement à l’autre, alors les lois de mécanique ne peuvent pas être valables dans tous les deux.

Nous appelons les « bons » systèmes de coordonnées, c’est-à-dire ceux pour lesquels les lois de la mécanique sont valables, « systèmes d’inertie ».

La question de savoir s’il existe un système d’inertie n’est pas encore décidée. Mais si un tel système existe, il en existe un nombre infini. Tout SC qui se meut uniformément par rapport à un SC d’inertie est un SC d’inertie.

(…)

Une des questions les plus fondamentales n’a pas encore jusqu’à présent reçu de réponse : existe-t-il un système d’inertie ? Nous avons appris quelque chose sur les lois de la nature, leur invariance par rapport à la transformation de Lorentz et leur validité pour tous les systèmes d’inertie en mouvement uniforme l’un par rapport à l’autre. Nous avons des lois, mais nous ne connaissons pas le cadre auquel il faut les rapporter.

Pour nous rendre mieux compte de cette difficulté, nous voulons interviewer le physicien classique et lui poser quelques questions simples.

 Qu’est-ce qu’un système d’inertie ?

 C’est un SC où les lois de la mécanique sont valables. Un corps sur lequel n’agit aucune force extérieure se meut uniformément dans un tel SC. Cette propriété nous rend ainsi capables de distinguer un système d’inertie de tout autre.

 Mais quand vous dites qu’aucune force n’agit sur un corps, que signifie cette expression ?

 Elle signifie simplement que le corps se meut uniformément dans un SC d’inertie.

Ici nous pourrions une fois de plus poser la question : « Qu’est-ce qu’un SC d’inertie ? » Mais comme il y a peu d’espoir d’obtenir une réponse différente de celle de tout à l’heure, essayons d’obtenir quelque information concrète en modifiant la question :

 Un SC rigidement lié à la Terre est-il un SC d’inertie ?

 Non, parce que les lois de la mécanique ne sont pas rigoureusement valables sur la Terre, à cause de sa rotation. Un SC rigidement lié au Soleil peut être regardé pour beaucoup de problèmes comme un SC d’inertie ; mais quand nous parlons du Soleil en rotation, nous entendons de nouveau qu’un SC qui lui est lié ne peut pas être regardé rigoureusement comme un SC d’inertie.

 Qu’est-il alors, concrètement, votre SC d’inertie, et comment son état de mouvement doit-il être choisi ?

 C’est tout simplement une fiction utile, et je n’ai aucune idée comment on pourrait la réaliser. Si je pouvais seulement m’éloigner assez de tous les corps matériels et me libérer de toutes les influences extérieures, mon SC serait alors un SC d’inertie.

 Mais qu’attendez-vous par un SC libre de toutes les influences extérieures ?

 J’entends que le SC est un SC d’inertie.

Une fois de plus nous nous trouvons devant notre question initiale.

Notre interview révèle une grave difficulté dans la physique classique. Nous avons des lois, mais nous ne savons pas à quel cadre il faut les rapporter, et toute notre structure physique paraît être bâtie sur le sable.

Nous pouvons aborder cette même difficulté d’un point de vue différent. Imaginons qu’il n’y ait dans tout l’univers qu’un seul corps formant notre SC. Ce corps commence à exécuter un mouvement rotatoire. D’après la mécanique classique, les lois de la physique pour un corps exécutant un mouvement rotatoire sont différentes de celles pour un corps exécutant un mouvement non rotatoire.

Si le principe d’inertie est valable dans un cas, il n’est pas valable dans l’autre.

Mais tout cela est très suspect. Est-il permis de considérer le mouvement d’un seul corps dans tout l’univers ? Par le mouvement d’un corps nous entendons toujours son changement de position par rapport à un autre corps. Il est, par conséquent, contraire au sens commun de parler du mouvement d’un seul corps.

La mécanique classique et le sens commun sont, sur ce point, en désaccord complet. Le précepte de Newton est : si le principe d’inertie est valable, alors le SC est ou bien au repos u bien en mouvement uniforme. Si le principe d’inertie n’est pas valable, alors le corps est en mouvement non uniforme. Ainsi, pour décider s’il y a mouvement ou s’il y a repos, il faut savoir préalablement si, oui ou non, toutes les physiques sont applicables à un SC donné.

(…) Bâtir une physique valable pour tous les SC, voilà le programme de la théorie de la relativité générale. »

Fin de citation d’Einstein dans « L’évolution des idées en physique »

Quelle est la validité du principe d’inertie de Mach ?

« L’hypothèse générale que le champ métrique est déterminé par la distribution de matière et d’énergie peut être appelé le principe de Mach. »

R.C. Tolman, Relativity Thermodynamics and Cosmology, Dover, p.185 (1987)

« Puisque Mach avait clairement déterminé ce défaut dans la mécanique Newtonnienne, et avait remplacé l’accélération absolue par l’accélération relativement à toutes les autres masses dans l’univers, Einstein appela ce postulat le "principe de Mach". Il doit être postulé, en particulier, que l’inertie de la matière est uniquement déterminée par les masse environnantes. Elle doit donc tomber à zéro lorsque toutes les autres masses sont supprimés, parce qu’il est insensé, d’un point de vue relativiste, de parler d’une résistance à une accélération absolue (relativité de l’inertie). »

W. Pauli, Theory of relativity, Dover, p.179 (1981)

« Il semble que nous sommes en face d’un choix inévitable : Soit que l’on admette qu’il y ait un espace-temps absolu Newtonnien, lequel défini les référentiels inertiels et ceux par rapport auquels les galaxies typiques s’avèrent être justement au repos, ou l’on doit croire avec Mach que l’inertie est due à une interaction avec la masse moyenne de l’univers. Et si Mach est correct, alors une accélération donnée d’une particule pour une force donnée doit dépendre non seulement de la présence des étoiles fixes mais aussi, très légèrement, sur la distribution de matière dans la proximité immédiate de la particule. Nous verrons dans le chapitre 3 que le principe d’équivalence d’Einstein donne une réponse au problème de l’inertie qui ne réfère pas à l’espace absolu de Newton et qui n’est pas tout à fait en accord avec les conclusions de Mach. La question reste ouverte. »

S. Weinberg, Gravitation and Cosmology, John Wiley and Sons, p.17 (1972)

« Pour autant que nous le sachions, Mach a raison : personne n’a à ce jour démontré l’inexactitude de son principe en supprimant tout l’univers pour constater ensuite qu’une masse continuait éventuellement à avoir une inertie ! »

Richard Feynman dans “Six easy pieces”

« Le mouvement qui maintient en ligne droite un mouvement débuté en ligne droite n’a pas de raison connue. On n’a jamais trouvé pourquoi les choses continuent « en roue libre » indéfiniment. La loi d’inertie n’a pas d’origine connue. »

Richard Feynman dans « La nature de la physique »

Sur l’inertie de l’énergie

Il faut rajouter à la notion d’inertie de la matière en mouvement celle de l’inertie de l’énergie…

L’inertie elle-même était, aux yeux de Paul Langevin, d’origine électromagnétique, conformément au calcul de la masse de l’électron, variable avec l’énergie : c’était sur cette base même que le programme de « réduction électromagnétique » avait été formulé, et développé entre autres par Lorentz. En la calculant théoriquement, Langevin trouva des résultats fondamentaux de l’électrodynamique, notamment sur l’« onde d’accélération ». Il trouva aussi la relation donnant l’inertie de l’énergie (E=mc2), qu’il exposa dans son cours du Collège de France de la fin 1905, et qu’il fut surpris de retrouver, selon le témoignage d’Edmond Bauer (1880 -1963), dans l’article d’Einstein que Bauer lui signala quelques mois plus tard. Langevin eut aussi l’idée de rapporter à l’inertie de l’énergie (par le défaut de masse) la loi de Prout sur les combinaisons des éléments chimiques et d’imaginer (avant la connaissance du noyau atomique) tous les atomes comme formés à partir de l’hydrogène.

L’inertie de l’énergie et ses conséquences par Langevin

Lire ici Einstein, 21 novembre 1905 : “L’inertie d’un corps dépend-elle de l’énergie qu’il contient ?”

La première démonstration de l’inertie de l’énergie par Einstein est de 1905. La démonstration est plus complexe que celle que nous allons expliquer ici, publiée en 1946 sous le titre : "Une démonstration élémentaire de l’équivalence entre masse et énergie" (cf. Albert Einstein, Œuvres choisies, tome 2, Editions Seuil/CNRS). La démonstration ne fait appel qu’à trois lois classiques : 1) la conservation de la quantité de mouvement 2) la pression de radiation (quantité de mouvement d’une onde électromagnétique) 3) l’aberration de la lumière (composition de la vitesse de la source et de la vitesse de la lumière). Considérons un corps B, au repos par rapport à un référentiel Ko. Deux groupes d’onde lumineuse l’éclairent brièvement avec une énergie E/2 chacune, de part et d’autre (voir schéma), de sorte que son immobilité n’est pas altérée par la quantité de mouvement E/2c fournie par chacune des deux sources. Examinons B depuis un référentiel K, se déplaçant par rapport à Ko avec une vitesse v, perpendiculaire à la direction des deux sources S et S’. Les deux rayonnements ont, pour K, une direction qui fait un angle a avec la direction SS’. La loi de l’aberration de la lumière nous dit qu’en première approximation : a=v/c. Avant l’absorption du rayonnement par B, la quantité de mouvement totale du système est : Q1 = Mv + E sinα Mv + Ev/c²

Après absorption du rayonnement par B, la masse est M’, en anticipant "le fait que la masse puisse augmenter lors de l’absorption" (sic). La quantité de mouvement est : Q2 = M’v
La conservation de la quantité de mouvement Q1 = Q2 conduit à la relation : M’ – M = E/c²

Cette équation exprime la loi d’équivalence entre énergie et masse.

L’inertie et la physique quantique

Ce sont les particules et antiparticules agitées et fugitives du vide qui donnent naissance à la matière et à la lumière, qui permettent de passer de l’un à l’autre. Et ce sont aussi elles qui sont à l’origine de l’inertie…

Nous devons montrer pourquoi un tel mécanisme devrait être retenu : quels autres phénomènes encore inexpliqués une telle thèse permet de comprendre. En l’occurrence, nous verrons qu’on y trouve une interprétation de l’inertie de l’énergie, propriété qui n’est interprétée dans aucun modèle comme le relève le physicien Feynman :

« Le mouvement qui maintient en ligne droite un mouvement débuté en ligne droite n’a pas de raison connue. On n’a jamais trouvé pourquoi les choses continuent « en roue libre » indéfiniment. La loi d’inertie n’a pas d’origine connue. » (dans « La nature de la physique »)

suite

Conclusion : Il n’y a pas de théorie unique acceptée qui explique la source de l’inertie. Divers efforts notables à ce niveau ont été faits par des physiciens tels Ernst Mach (voir le principe de Mach), Albert Einstein, Dennis W. Sciama et Bernard Haisch, mais ces efforts ont tous été critiqués par d’autres théoriciens.

Messages

  • Le principe de relativité montre qu’il n’y a pas de VITESSE ZÉRO dans l’univers. Chaque corps non accéléré a son propre référentiel. MAIS il semble exister une ROTATION ZÉRO. Prenons 3 gyroscopes x y z, ils permettre de déterminer une rotation zéro de leur enveloppe, avec absence de forces centrifuges. Je sais bien que dans un corps en rotation, chaque point subit un changement de direction, ça ok. Mais je reste sur cette interrogation d’une rotation zéro, quels prolongements imaginer à ce constat ?

  • Tout mouvement, rotation et translation, est forcément relative à un référentiel. Un objet peut être en rotation par rapport à un référentiel et pas par rapport à un autre. Reste donc la fameuse quête du référentiel galiléen. Le problème de l’inertie n’est toujours pas réglée et existe-t-il dans l’univers un vrai référentiel galiléen ? Personne n’est capable de répondre que oui. On a des référentiels proches d’un galiléen, c’est tout. La rotation absolue ou la rotation zéro n’est pas définissable sans un référentiel galiléen. Les physiciens ne sont pas encore parvenus à éclaircir la notion d’une rotation absolue et donc indépendante d’un référentiel. Il y a cependant eu l’expérience de Sagnac qui concluait à l’existence d’une rotation absolue mais elle n’est pas considérée comme un point final de la discussion.

    Lire ici en anglais

  • Le problème d’une rotation absolue, qu’elle soit nulle ou pas, est celle de l’existence continue de la matière car on ne peut parler de rotation que d’un objet qui existe continument. Or la physique quantique ne reconnait pas une telle existence continue. En fait, l’univers de base n’est pas la matière massive durable mais la matière quantique du vide, éphémère, et qui, elle, possède un tout autre type de rotation : le spin ! Ce spin est une rotation absolue mais pas telle qu’on la connait au niveau de la matière macroscopique. Quant au spin nul, il ne peut exister que comme agrégation provisoire de deux spins opposés.

  • L’idée que le mouvement serait un « simple » déplacement est contredite par l’étude du vide quantique et sa relation permanente avec la matière qui, loin de seulement se déplacer, échange en même temps des particules virtuelles et des photons virtuels avec le vide. Une particule qui se déplace n’est jamais exactement la même particule et ce n’est pas un objet identique à lui-même qui ne fait que changer de position. C’est la propriété caractéristique de la particule qui ne change pas mais pas son identité. Du coup, penser la propriété de la rotation comme fondamentale et fixe signifierait qu’elle est une rotation de la matière alors que la matière n’est jamais la même, qu’il s’agisse d’une rotation de matière autour d’un centre de gravité ou d’une rotation de la matière sur elle-même. La « rotation zéro » pose d’autres problèmes encore que la « rotation absolue » : celle de l’immobilité absolue qui n’a pas de sens au niveau du vide quantique sans cesse agité et agitant toute matière en son sein

  • Sur ce qu’avait écrit Sagnac en 1913 lire ici

    Lire aussi en anglais : ici

  • Pouvez-vous donner un exemple simple de l’action de l’inertie ?

  • Par exemple, examinez quelle force met en mouvement les planètes ? Aucune force d’intervention externe mais c’est l’inertie qui entraine les planètes dans leurs mouvements de type ellipsoïdaux et pas seulement la gravitation…

  • Est-ce que, dans la vie quotidienne, on peut percevoir l’inertie ?

  • Tout à fait ! Déjà, si on est sur un mobile qui se déplace et qui ne change pas de vitesse, on ne sent rien quelle que soit la vitesse. Nous ne sentons pas le mouvement de la terre autour du soleil ni du soleil autour du centre de la voie lactée, ni de cette dernière autour du centre de masse de l’amas de galaxie, vitesses qui sont pourtant considérables et que notre corps accompagne de manière insensible. Par contre, dès qu’on est sur un mobile qui change de vitesse, soit de vitesse rectiligne ou du fait d’un mouvement de rotation, on est déstabilisés.

  • Moralité : on n’en sait pas grand chose ! des questions sans réponses : des lois qui résultent de l’expérimentation mais qui n’expliquent rien .

  • Bonjour, et merci pour vos nombreux articles tous passionnants !

    Il est assez étonnant que l’unification des physiques se concentre sur la gravité avec la recherche d’une théorie quantique l’expliquant, et semble laisser de côté l’inertie (de ce que je peux en lire sur le net de ma fenêtre)
    La gravité et l’inertie sont pourtant très souvent pointées comme étant de même nature…. Existe-t-il une recherche sur la nature quantique de l’inertie ?

    Sans-doute est-ce un peu simpliste et je n’ai pas le baguage nécessaire pour aller au-delà d’une simple hypothèse de néophyte – j’en ai trouvé peu de traces, et aucune infirmation – qui est la suivante :

    Nous savons depuis deux décennies que l’expansion de l’univers est en accélération. A toute accélération la masse y oppose son inertie. Quelle pseudo-force inertielle observe-t-on face à cette accélération ? Ne serait-ce pas tout simplement la gravité ? L’inertie opposée à l’accélération de l’expansion de l’univers causant la courbure de l’espace-temps ?
    La recherche quantique de la gravité perdrait alors de son sens, laissant ouverte la nature quantique de l’inertie et la cause de l’expansion de l’univers, bien d’autres questions pourraient être aussi revues sous un autre angle, de l’énergie noire à la nature des trous noirs…

    Est-ce là une hypothèse incongrue ?

  • Vous écrivez :

    « Nous savons depuis deux décennies que l’expansion de l’univers est en accélération. A toute accélération la masse y oppose son inertie. Quelle pseudo-force inertielle observe-t-on face à cette accélération ? Ne serait-ce pas tout simplement la gravité ? L’inertie opposée à l’accélération de l’expansion de l’univers causant la courbure de l’espace-temps ? »

    Cependant, il y a un obstacle à cette idée : l’expansion n’existe qu’entre les grands ensembles matériels, galaxies et au delà, amas de galaxies, et amas d’amas. Donc ce n’est pas la matière qui s’étend : c’est le vide et uniquement le vide des grandes bulles interstellaires, pas le vide au sein de l’atome, de la molécule, etc...

    voir ici

    En fait, il ne s’agit pas d’expliquer les grands phénomènes matériels les uns par les autres mais tous par le vide quantique :

    lire ici

    • En effet, si tout était en expansion, matière comprise, je ne pense pas qu’on soit en mesure d’en voir le moindre effet…. Je vois plus notre univers comme un bon vieux ballon de baudruche et la matière comme des grains de poussière à sa surface. L’accélération de l’expansion du ballon entraine l’accélération des poussières à sa surface sans qu’elles-mêmes soient en expansion et leur inertie courbe la surface du ballon… Pour notre univers, la gravité serait une pseudo-force « orthogonale » à l’espace tri-dimensionnel « moyen », courbant l’espace-temps sous l’inertie des masses et entrainant celles-ci à se rapprocher suivant la courbure induite.
      Je n’ai trouvé qu’un article sur ce sujet, bien savant de calculs pour moi, et sans être capable de trouver la moindre biographie de son auteur – Jen Jamison – en voilà le lien :
      https://drive.google.com/file/d/0B-F_PRQDmDAgVE1FMG02QmRBbUk/view

    • Le problème, c’est que la gravitation est partout, y compris entre particules, mais pas l’expansion...

  • Reste à découvrir et prouver le lien entre gravitation et inertie...

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