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Comment Babylone a disparu ?

mercredi 23 mai 2018, par Robert Paris

Comment Babylone a disparu ?

Babylone n’est pas qu’un mythe, celui de la richesse et des palais des mille et un jardins et fontaines, celui des immenses tours et palais, celui des mille et un peuples et langues rassemblées, celui d’une corruption tout aussi mythique. L’expression « fin de Babylone » est devenue, au même titre que « chute de l’empire romain » le symbole des civilisations qui ont atteint leurs limites et ne peuvent que péricliter et mourir, comme c’est le cas actuellement pour le monde capitaliste.

La fameuse Babel, ou Babylone, située en Irak sur l’Euphrate au nord d’Ur et Uruk, bien connue de nombreuses grandes religions et sociétés du monde notamment de la Bible (la classe dirigeante religieuse des Hébreux y a été déportée et y a rédigé l’Ancien Testament) et des gréco-romains mais aussi de tous les peuples orientaux, a réellement existé et elle a disparu ensuite complètement durant des siècle. Elle a été étudiée très tardivement, les fouilles archéologiques n’ayant commencé qu’au XXe siècle.

Ce qu’était la civilisation babylonienne

Babylone antique

Bien des gens croient que Babylone a forcément été détruite par une grande armée. En réalité, Babylone et la civilisation babylonienne ont connu un déclin et un effondrement, sans intervention militaire extérieure, dans les premiers siècles de notre ère. Bien entendu, ce n’est pas parce que « dieu s’est détourné des disciples de Nimrod et s’est tourné vers les disciples d’Abraham » comme le prétend la Kabbale de l’Ancien Testament qui affirmait : « La tour érigée à Babel, peu après le déluge, est un symbole de l’orgueil de l’homme, tombé ainsi dans la faute du diable. Elle rend témoignage de son attitude méprisante vis-à-vis de son Créateur » !!! Bien sûr, pour Les Hébreux et tous ceux qui se revendiqueront de l’Ancien Testament, la chute de Babylone est la défaite de l’idolâtrie, du polythéisme, des religions non bibliques…

Babylone a été une très grande ville et une capitale sous de nombreuses dominations royales et impériales successives : sumérienne, akkadienne, amorrite, kassite, babylonienne, araméenne, assyrienne, néo-babylonienne, perse, parthe.

Babylone était devenue la capitale d’un royaume au début du IIe millénaire av. J.-C. Elle connaît son apogée au VIe siècle av. J.-C. durant le règne de Nabuchodonosor II qui dirige alors un empire dominant une vaste partie du Moyen-Orient. Il s’agit à cette époque d’une des plus vastes cités au monde, ses ruines actuelles occupant plusieurs tells sur près de 1 000 hectares. Son prestige s’étend au-delà de la Mésopotamie, notamment en raison des monuments célèbres qui y ont été construits, comme ses grandes murailles, sa ziggourat (Etemenanki) qui pourrait avoir inspiré le mythe de la tour de Babel et ses mythiques jardins suspendus dont l’emplacement n’a toujours pas été identifié.

Comme nous allons le rappeler, les guerres ont fait rage mais elles ont d’autant plus été victorieuse que le peuple de Babylone était alors révolté contre le régime et contre le système social…

Quand le roi des Perses Cyrus II attaque Babylone en 539 av. J.-C. par une offensive surprise contre la porte d’Enlil au nord-ouest de la ville, la lutte tourne court et la cité et l’empire tout entier tombent entre ses mains. Dès lors, Babylone perd son indépendance. Le nouveau maître proclame néanmoins son souhait de préserver la ville et s’attache les faveurs du clergé local en proclamant un décret très favorable envers eux, qui a été retrouvé inscrit sur un cylindre d’argile trouvé à Babylone. La chute du royaume babylonien et la fin de l’indépendance politique ne signifient pas le déclin de la métropole mésopotamienne. Certes à plusieurs reprises la ville se révolte : contre Darius Ier vers 521 av. J.-C., puis plus tard contre son fils Xerxès Ier, à qui les auteurs grecs postérieurs ont attribué la décision de détruire le sanctuaire de Marduk, répression dont l’ampleur réelle est débattue. Babylone reste une ville importante de l’empire même si elle n’en est pas la capitale, et la Babylonie entière est une région cruciale où la noblesse perse dispose de vastes domaines. En 331 av. J.-C., Babylone ouvre ses portes au roi macédonien Alexandre le Grand après la victoire de Gaugamèles et les envahisseurs sont manifestement bien accueillis par la population. Alexandre patronne des restaurations de canaux et dans l’Esagil, s’y installe quelques mois après son expédition en Inde avant d’y mourir en juin 323. C’est donc à Babylone que s’ébauche le premier partage de l’empire entre ses généraux, les Diadoques, qui ne tardent pas de se déchirer dans des luttes qui touchent durement la Babylonie et sa plus grande ville. Celle-ci est exsangue au moment où Séleucos Ier réussit à raffermir sa domination sur la région en 311. Le nouveau souverain ne garde pas Babylone comme capitale, puisqu’il en construit une nouvelle une soixantaine de kilomètres au nord-est, à Séleucie du Tigre. Babylone reste cependant importante, comme en témoigne par exemple le fait que son fils Antiochos Ier y demeure plusieurs années avant de prendre seul le pouvoir, et que son statut reste prestigieux aux yeux des nouveaux maîtres. Les deux premiers rois y font restaurer les édifices religieux. Plus tard le centre de gravité de leur royaume se déplace vers l’ouest et Antioche devient la capitale principale de leurs successeurs, qui perdent progressivement la Babylonie face à l’avancée des Parthes qui la dominent définitivement sous Mithridate II (123-88 av. J.-C.)52. Ces conflits ont une nouvelle fois fortement touché Babylone et sa région, notamment du fait des exactions perpétrées par le général parthe Himéros.

Babylone reste donc une ville importante dans l’administration des empires dirigés par des dynasties étrangères au cours de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C. Sous les Achéménides, son gouverneur (appelé dans les textes cunéiformes par le titre babylonien pahāt et non par celui de satrape) dirige une vaste province couvrant au départ tout l’ancien empire babylonien, donc jusqu’à la Méditerranée, avant que son territoire ne soit réduit à la seule Mésopotamie. Sous les Séleucides, Babylone est supplantée par Séleucie en tant que principale cité de l’administration et devient donc une capitale provinciale secondaire. Le roi y est représenté par un personnage appelé dans les textes locaux šaknu (« préposé », autre titre d’un ancien dignitaire du royaume babylonien), qui dirige le personnel du palais royal local. À partir du règne d’Antiochos IV (vers 170 av. J.-C.), Babylone devient une cité grecque avec sa communauté de citoyens (grec politai, que l’on retrouve dans les textes babyloniens sous la forme puliṭē ou puliṭānu) dirigée par un épistate (à qui échoit apparemment le titre de pahāt dans les sources cunéiformes), groupe qui se réunit dans le théâtre qui est alors construit dans la ville. La communauté babylonienne indigène, qui reste sans doute dominante en nombre, forme la troisième entité politique de cette société complexe. Elle est représentée devant les autorités grecques par le personnel chargé de l’Esagil, qui a donc pris un poids dominant dans la vie de la cité en tant que seule autorité traditionnelle d’origine locale encore en place. Il est dirigé par une assemblée (kiništu) dont l’autorité supérieure est l’administrateur du sanctuaire (šatammu). Des autorités semblables semblent encore en place sous les Parthes, qui ne modifient pas la structure politique et sociale de la cité. Pour ces différentes périodes les archives cunéiformes de familles privées et des sanctuaires restent en nombre assez important par rapport aux autres villes de la région où elles se tarissent progressivement, et renseignent sur les activités cultuelles et économiques.

La période parthe voit Babylone décliner et se dépeupler progressivement, les grands centres du pouvoir s’étant définitivement déplacés plus au nord sur le Tigre (Séleucie, Ctesiphon, et bien plus tard Bagdad). Mais ses monuments principaux sont encore en activité : Pline l’Ancien écrit au début du Ier siècle de notre ère que le temple continue à être actif, bien que la cité soit en ruines et une inscription en grec datable du IIe siècle ap. J.-C. indique que le théâtre est encore restauré. Elle reste une ville commerciale active, où on trouve des communautés de divers horizons en plus des communautés babylonienne et grecque (qui se sont sans doute liées depuis longtemps), notamment des marchands de Palmyre, tandis que les premières communautés chrétiennes s’installent dans la région. Les mentions de cette ville comme un champ de ruines dans les textes gréco-romains, ainsi Dion Cassius quand il rapporte la venue sur place de l’empereur Trajan lors de sa campagne de 115 ap. J.-C, illustrent néanmoins le fait que son déclin ait été important et ait marqué les personnes imprégnées des récits relatifs à sa splendeur passée. Son temple principal fonctionnerait encore au début du IIIe siècle ap. J.-C., et son abandon est à dater des siècles suivants, donc sous la domination des Sassanides qui est généralement considérée comme la période de disparition définitive de l’antique culture mésopotamienne dans ce lieu même. Durant la période islamique, l’emplacement de Babylone est encore connu, mais Bābil n’est alors plus qu’un petit village selon le géographe Ibn Hawqal au Xe siècle. Les écrivains des siècles suivants ne parlent plus que de ses ruines et du fait qu’elles sont dépouillées de leurs briques les plus solides pour servir à construire des bâtiments dans les habitations des alentours, ainsi que de récits sur leur signification et les croyances locales. La ville antique a totalement basculé du côté de la légende.

Quelles étaient les classes dirigeantes de Babylone et de l’empire babylonien ?

Bien entendu, la plupart des historiens voient dans la famille impériale et sa clientèle (gouverneurs, seigneurs, etc.) la classe dirigeante mais c’est omettre que l’empire et sa capitale sont le centre d’une activité bourgeoise florissante qui donne toute sa prospérité au royaume.

La ville de Babylone est en effet le cadre d’activités économiques diverses servant de base aux affaires de familles de notables, en premier lieu l’agriculture pratiquée sur des champs céréaliers et des palmeraies-jardins situés à l’intérieur des murailles ou dans sa périphérie immédiate. Ce sont ces terrains que les notables cherchent à acquérir en priorité, de façon à en tirer des revenus importants en profitant de la proximité du fort marché de denrées que représente la ville. Ils se chargent également de la commercialisation des produits agricoles depuis ces terrains et d’autres situés plus loin, en utilisant le réseau de canaux pour leur transport. Iddin-Marduk de la famille des descendants de Nur-Sîn monte ainsi un réseau de collecte puis d’acheminement vers Babylone des productions de paysans localisés à proximité d’un canal (céréales, dattes et légumes avant tout). Babylone est également une ville commerciale majeure, jouant un rôle de carrefour régional et international grâce aux voies terrestres et fluviales majeures la desservant. Des marchands y affluaient pour se procurer des matières premières rares venues d’horizons lointains. Cependant le commerce régional et local est plus important. Plusieurs espaces commerciaux importants sont connus dans la ville : le port fluvial (kāru, « quai ») et le pont évoqués plus haut, et une partie du quartier de Shuanna autour de la « porte du Marché » (une porte intérieure).

Le site de la ville est un peu excentré par rapport aux autres capitales anciennes et futures de la Mésopotamie Agadé (Akkad), Eshnunna, Séleucie, Ctésiphon et Bagdad. Cependant il est proche de l’endroit ou le Tigre et l’Euphrate sont peu éloignés l’un de l’autre. Cela apporte la présence d’un fort réseau de voies d’irrigation et partant de là une forte productivité des terres agricoles. Enfin après l’époque de Hammurabi le sud de la Mésopotamie voit une forte dégradation de sa situation démographique et économique, pour des raisons qu’il est encore difficile d’élucider. C’est alors que de grandes métropoles telles Ur, Nippur, Uruk ou Larsa sont abandonnées pour de longues périodes au profit d’autres villes notamment Babylone au cœur d’une zone agricole prospère. Babylone récupère ainsi les forces vives de ces villes et intègre leurs traditions culturelles et religieuses.

Le paysage urbain de la Babylone du IIe millénaire n’est connu que par des textes, les niveaux anciens étant encore recouverts par ceux de la Babylone du Ier millénaire, et souvent noyés par la nappe phréatique. Dès sa fondation la ville s’étend des deux rives de l’Arahtu un bras alors secondaire de l’Euphrate avant d’en devenir le lit principal au Ier millénaire. Sur la rive droite s’étendait un parc, appelé « le jardin de l’abondance ». La partie orientale de la ville, sur la rive gauche, est nettement plus étendue. Au nord de cette partie de la ville se trouvait les quartiers royaux avec au centre le palais royal, édifié par Sumu-la-El. Sous le règne de Hammurabi la population du palais s’est fortement accrue car les rois amorrites avaient pour tradition en cas de victoire d’emmener la population féminine du harem du souverain vaincu. Cela dit cette population proche du souverain reste peu connue. Par les archives de Mari, nous savons que le palais de Babylone à l’époque amorrite est conçu avec une seule grande porte permettant de filtrer les entrées et comporte plusieurs bâtiments répartis autour d’une large cour arborée. On sait également que Samsu-iluna, successeur de Hammurabi, a construit un nouveau palais.

Au centre de la partie orientale de Babylone se trouve le temple de Marduk, l’Esagil, qui est déjà bordé par sa ziggurat, Etemenanki. L’autre grand temple de la Babylone amorrite était consacré à la déesse Ishtar. Au sud se trouvaient les quartiers commerciaux qui servent de quartiers résidentiels aux notables et aux commerçants, les seuls niveaux paléo-babyloniens de la ville à avoir été fouillée, où ont été retrouvées des archives privées, datant des règnes de Samsu-iluna et de ses successeurs.

Certes, cette bourgeoisie avait intérêt à la stabilité et à la grandeur de l’Etat babylonien mais c’est sa prospérité qui donnait sa stabilité à l’empire et pas seulement la puissance militaire et politique de l’empereur…

Lire ensuite : Révolutions de la Mésopotamie antique

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