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Les sauts qualitatifs des structures de la glace

jeudi 12 janvier 2017, par Robert Paris

Les sauts qualitatifs des structures de la glace

La glace, c’est l’eau à l’état solide. Les états solide, liquide et gazeux des différentes molécules dépendent des propriétés de la molécule et aussi de la température et de la pression extérieurs.

Dans l’esprit de bien des gens, le passage de l’eau liquide à l’eau glace, dans un sens comme dans l’autre, est rattachée à la température de seuil de O°C mais c’est une vision erronée. En réalité, la question du passage d’un état à un autre, la transition de phase, nécessite une énergie de passage, une chaleur latente de solidification ou de fusion. C’est un saut qualitatif. Il est marqué par ce que l’on appelle une chaleur latente ou enthalpie de fusion. Cela signifie que, même en chauffant, la température n’augmentera pas, si on est à une transition de phase, tant que l’énergie du saut ne sera pas fournie. source

La glace possède plusieurs propriétés étonnantes qui ont des effets déterminants pour la planète Terre où l’eau est sous ses trois phases.

Le premier, et non le moindre, est le fait que c’est le principal minéral terrestre, très loin devant ses suivants ! Le second, c’est que les nombreuses variétés de structure de la glace sont quasiment inexistants ou très rarement dans les conditions habituelles de température et de pression à la surface de la Terre et qu’une seule structure est fréquente et spontanée (la structure cristalline hexagonale) en plus de la glace amorphe.

Une première situation exceptionnelle pour les solides est le fait que l’eau solide soit moins dense que l’eau liquide, ce qui fait que la glace flotte dans l’eau liquide !

Les deux remarques précédentes sont liées car la stabilité de la glace à structure hexagonale provient du fait que cette structure lui assure une faible compacité et donc une densité faible.

Ceci explique aussi une autre propriété exceptionnelle : la température du point de fusion de la glace ordinaire s’abaisse avec l’augmentation de la pression (il s’agit d’une anomalie : les températures de fusion croissent normalement avec la pression)

Une nouvelle propriété déterminante de la glace solide, de la roche d’eau, est qu’elle est absolument imperméable à la pénétration de l’eau liquide. Le contact entre l’eau liquide et la glace n’est donc qu’en surface extérieure, ce qui modifie considérablement la possibilité d’influer sur la fonte de la glace par la présence de l’eau autour, tant que la glace ne fond pas d’elle-même du fait d’un apport de chaleur.

La glace peut « donner naissance à pas de moins de 15 polymorphes cristallins notés de Ic, Ih et de II à XIV ainsi que 3 phases amorphes différentes… On notera que les polymorphes V et XII, également désordonnés, n’avaient pas d’équivalent ordonné jusqu’en 2006 où deux nouveaux types de glace noté XIII et XIV ont pu être préparés par dopage à l’acide chlorhydrique et refroidissement (T = 80K) sous pression (0,5 GPa pour la glace V et 1,2 GPa pour la glace XII). » Source, Marc Henry

Dans les conditions habituelles de température et de pression de la surface terrestre, ces structures de la glace n’apparaissent pas mais on les trouve à la surface d’autres planètes ou de satellites de grosses planètes, tels Europe, Ganymède ou encore Callisto dans le système solaire.

On trouve donc sur Terre essentiellement de la glace amorphe (sans structure cristalline, qui existe sous trois forme : basse densité à pression atmosphérique ou inférieure à 1 Pa, haute densité et très haute densité) et de la glace à structure hexagonale dite Ih. Mais il existe seize autres formes de glace que les deux précédemment citées : les glaces Ic, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI.

Un des faits remarquables de ces diverses structures est qu’elles diffèrent parfois considérablement de forme et qu’on passe pourtant de l’une à l’autre de manière brutale et sans transition… Non seulement l’apparence de la glace change mais le type de structure cristalline passe d’un type de réseau à un tout autre, parcourant toutes sortes de réseaux comme l’hexagonal de la glace ordinaire, ou cubique à face centrée pour Ic, ou encore orthorhombique, tétragonale, cubique, monoclinique, etc…

Une des formes connues de la glace est la neige. Ce qui la caractérise est le fait d’être formée d’une immense majorité d’air, souvent plus de 80% par rapport à l’eau solide, et jusqu’à 95%.

Dans la glace Ih, la structure n’impose pas un ordre fixe. « Si on fixe la position des atomes d’hydrogène d’une molécule d’eau (six possibilités), il ne reste que trois possibilités pour les voisines et ainsi de suite. Le calcul statistique complet indique qu’en moyenne, on dispose de 3/2 possibilités pour chaque molécule dans un réseau infini. » source

D’autres formes de glace peuvent être obtenues à pression atmosphérique. Par exemple, si l’on projette de la vapeur d’eau sur une surface refroidie aux alentours de 77 K (soit –196°Celsius), on obtient un solide qui ressemble à un liquide figé. Un tel solide n’est donc pas cristallin, puisqu’il ne possède pas d’ordre à grande distance : il est dit vitreux ou amorphe. Cet amorphe est noté BD pour basse densité ; en effet, nous le verrons plus loin, il existe un autre amorphe de plus haute densité. Si l’on chauffe ensuite cet amorphe BD jusqu’à 150 K, on obtient à nouveau un cristal, mais celui-ci est de structure cubique, notée Ic. D’autres formes de la glace peuvent être obtenues sous hautes pressions. source

Les différentes dormes de la glace

 Glace amorphe :
Une glace amorphe est une glace sans structure cristalline. La glace amorphe existe sous trois formes : basse densité à pression atmosphérique ou inférieure, haute densité et très haute densité se formant à plus hautes pressions. Elles sont obtenues par refroidissement ultra rapide de l’eau liquide.

 Glace Ih :
Glace cristalline à réseau hexagonal. Pratiquement toute la glace de la biosphère est de la glace Ih, avec un petit peu de glace Ic et de glace XI.

 Glace Ic :
Forme métastable* cubique à faces centrées de la glace. Les atomes d’oxygène sont arrangés comme dans la structure du diamant. Elle se produit entre 130 et 220 K, et peut exister jusqu’à 240 K, où elle se transforme en glace Ih. Elle peut occasionnellement être présente en haute atmosphère. Densité 0,9

 Glace II :
Une forme orthorhombique* centrée très ordonnée. Produite à partir de glace Ih par compression à la température de 190–210 K. Se transforme en glace III par chauffage. Densité env. 1,2

 Glace III :
Une glace tétragonale produite en refroidissant de l’eau liquide à 250 K comprimée à 300 MPa. Densité env. 1,1

 Glace IV :
Une phase orthorhombique métastable. Peut être produite en chauffant de la glace amorphe haute densité lentement à la pression de 810 MPa. Ne se forme pas facilement sans germe.

 Glace V :
Phase monoclinique* à base centrée. Produite en refroidissant de l’eau à 253 K sous 500 MPa. Structure la plus complexe. Densité env. 1,2

 Glace VI :
Une glace tétragonale produite en refroidissant de l’eau liquide à 270 K sous 1,1 GPa. Présente la relaxation de Debye. Densité env. 1,3

 Glace VII :
Phase cubique simple. Position des atomes d’hydrogène désordonnée. Les liaisons hydrogène forment deux réseaux imbriqués. Relaxation de Debye. Densité env. 1,7

 Glace VIII :
Une version plus ordonnée de la glace VII, où les atomes d’hydrogène occupent des positions fixes. Produite en refroidissant de la glace VII en dessous de −5 °C.

 Glace IX :
Phase tétragonale. Produite graduellement à partir de glace III en la refroidissant de 208 K à 165 K, stable sous 140 K et pressions entre 200 MPa et 400 MPa. Densité 1,16 g/cm3.

 Glace X :
Glace à protons symétriquement ordonnés. Produite à environ 70 GPa.

 Glace XI :
Forme orthorhombique à basse température de la glace hexagonale. Elle est ferroélectrique. La glace XI est considérée comme la forme la plus stable de la glace Ih. La transformation naturelle est très lente. De la glace XI aurait été trouvée dans la glace de l’Antarctique âgée de 100 à 10 000 ans. Une étude assez controversée suggère que cette glace XI se formerait dès en dessous de −36 °C, bien au-dessus de sa température de fusion de -192°C.

 Glace XII :
Une phase tétragonale, métastable. Elle est observée dans l’espace de phase des glaces V et VI. Elle peut être produite en chauffant de la glace amorphe à haute densité de 77 K à 183 K sous 810 MPa. Densité env. 1,3 g/cm3 at 127 K.

 Glace XIII :
Phase monoclinique. produite en refroidissant l’eau à 130 K sous 500 MPa). Forme "proton-ordonnée" de la glace V.

 Glace XIV :
Phase orthorhombique. Produite sous 118 K à 1,2 GPa. Forme "proton-ordonnée" de la glace XII.

 Glace XV :
Forme "proton-ordonnée" de la glace VI produite en refroidissant l’eau entre 80 K et 108 K sous 1,1 GPa.

 Glace XVI :
Clathrate* obtenu artificiellement en 2014, dans le vide, en-deçà de 147 K. Densité 0,85.
Thermodynamiquement instable dans des conditions expérimentales, bien que l’on ait réussi à la préserver à des températures cryogéniques. Au dessus de 145–147 K sous des pressions positives, la glace XVI se transforme en glace Ic, puis en glace ordinaire Ih. Des études théoriques prévoient que la glace XVI soit thermodynamiquement stable sous des pressions négatives (c’est-à-dire sous tension).

Prise entre deux couches de graphène très proches, l’eau cristallise à température ambiante avec un motif carré inhabituel. source

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