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La naissance du capitalisme, est-ce d’abord une révolution technologique ?

samedi 8 septembre 2018, par Robert Paris

L’Angleterre, terre de naissance de l’industrie capitaliste

Le concept de « révolution industrielle »

La naissance du capitalisme, est-ce d’abord une révolution technologique ?

Contrairement à ce que prétendent certains économistes, le capitalisme n’est pas né d’abord d’une révolution technologique industrielle. La "révolution" capitaliste a débuté par un capitalisme agraire, concentrant les terres, supprimant l’agriculture vivrière, expulsant les ayant-droits paysans, développant la rentabilité à tout prix. Elle ne provient pas d’un artisanat s’étant mécanisé. Les artisans ont été dépossédés et prolétarisés, comme les paysans et les pauvres des villes. La grande masse de la population anglaise est passée de la possession de ses (petits) moyens de production, de ses outils, des terres qu’ils exploitaient, des relations ancestrales et solidaires, à une situation de totale dépossession des moyens de production. Cette dépossession est tellement entrée dans les mœurs qu’aujourd’hui, les prolétaires sont dépossédés même de leur revendication de la possession collective des moyens de production, revendication souvent remplacée à tort par celle de meilleure répartition des richesses produites. Au démarrage du capitalisme, il n’y a pas des petits patrons industrieux mais une accumulation primitive par le pillage colonial, par le vol des terres, par la paupérisation du peuple travailleur des villes et des campagnes. La production en vue de la rentabilité s’est imposée d’abord dans l’agriculture et elle l’a fait en démolissant la vie des paysans anglais. Ensuite, le travail en grande collectivité s’est développé, concurrençant et cassant l’artisanat individuel. C’est après la remise en un petit nombre de mains de fabriques employant un grand nombre de salariés que le machinisme s’est développé parce qu’il accroissait le profit extrait du travail humain, le capitalisme étant dès ses débuts agraires d’abord une machine à accumulation de capital par réinvestissement privé productif. Le machinisme n’a pas inventé l’exploitation du travail humain. Il a surtout permis que le temps de travail non payé, la base de la plus-value qui réinvestie donne l’accumulation du capital, s’accroisse et que l’industrie détruise définitivement l’artisanat. Ce n’est donc pas la technique qui a créé le capitalisme mais c’est l’inverse… Le capitalisme, c’est d’abord des rapports sociaux particuliers et pas d’abord une activité économique. La thèse « des révolutions technologiques » explique qu’il suffirait au capitalisme de faire de nouvelles découvertes technologiques, sans changement des fondements des rapports des classes sociales, pour que le capitalisme reparte de plus belle… C’est un discours mais il n’est pas fondé sur la réalité : la technologie n’a jamais été le fondement du dynamisme mais un simple moyen de celui-ci. Aucune époque, aucune civilisation, ne s’est dressée simplement sur la base de ses technologies mais d’abord et avant tout sur la base des rapports sociaux qui l’avaient fondée. Sur ce point, le capitalisme ne tranche pas sur les autres civilisations. Il développe les technologies quand le besoin lui en vient, en fonction de son propre but qui lui est particulier, en l’occurrence l’accumulation du capital par investissement productif, production de la plus-value extraite du travail humain, grâce au temps de travail impayé, puis le réinvestissement des profits dans la production. Mais lorsque le capital se détourne des investissements productifs, ce n’est pas des technologies nouvelles qui pourront le tirer de cette ornière qui est la marque de la fin du dynamisme capitaliste ayant atteint ses limites : celles d’un mode de production fondé sur la propriété privée des moyens de production…

La « révolution industrielle »

Dépouiller les producteurs de leurs moyens de production, un des premiers pas du capitalisme

Exproprier les petits paysans

Fabriquer les prolétaires

Faire naître un capitalisme agraire

La production et la reproduction du rapport de production spécifiquement capitaliste

Du capitalisme agraire au capitalisme industriel

Genèse du capitaliste industriel

Genèse de l’accumulation capitaliste

Le pillage colonial : accumulation primitive du capitalisme

L’apparition en Europe d’une classe nouvelle, le prolétariat

La plus-value capitaliste ou vol d’une partie de la valeur produite par le prolétaire

Le capitalisme dans l’agriculture

La manufacture, l’organisation sociale avant l’évolution technologique

La division du travail dans la manufacture

Genèse du capitaliste industriel

Pas de profit capitaliste sans exploitation du travail humain

Le point de vue de Henri Sée qui n’est pas le nôtre

La place du machinisme dans la naissance du capitalisme

Machinisme et grande industrie

Le travail est l’enrichissement du travailleur… qui le possède ?

Comment Marx analyse la société et l’économie capitalistes

Propriété et capital

Bien que la formation du capital et le mode de production capitaliste reposent pour l’essentiel, non seulement sur l’abolition du mode de production féodal, mais encore sur l’expropriation des paysans, des artisans et en général du mode de production fondé sur la propriété privée du producteur immédiat sur les conditions de production ; bien que le mode de production capitaliste, sitôt qu’il est introduit, se développe dans la mesure même où sont abolis cette propriété privée et le mode de production fondé sur elle, c’est-à-dire où ces producteurs immédiats sont expropriés par ce qu’on appelle la concentration du capital (centralisation) ; bien que ce processus d’expropriation, tel qu’il se répétera systématiquement avec le clearing of estates (clôture des biens-fonds), introduise, partiellement comme acte de violence, le mode de production capitaliste - la théorie du mode de production capitaliste (l’économie politique, la philosophie du droit, etc.) et le capitaliste lui-même aiment à confondre leur mode de propriété et d’appropriation (qui, pour ce qui est de son développement, repose sur l’appropriation du travail d’autrui et, pour ce qui est de son fondement, sur l’expropriation du producteur immédiat) avec l’ancien mode de production (qui suppose, contrairement au leur, la propriété privée du producteur immédiat sur les conditions de production, c’est-à-dire une prémisse qui, dans l’agriculture et la manufacture, etc., rendrait impossible le mode de production capitaliste).

Les capitalistes et leurs théoriciens présentent donc toute attaque contre leur forme d’appropriation comme une attaque contre la forme de propriété gagnée par le travail et, qui plus est, contre toute propriété. Naturellement, on a toujours le plus grand mal à démontrer que l’expropriation des masses laborieuses de leur propriété est la condition de vie de la propriété privée sous la forme capitaliste. Au reste, dans toutes les formes de propriété privée, on trouve pour le moins l’esclavage des membres de la famille, ceux-ci étant utilisés et exploités, ne serait-ce que par le chef de famille.

En général, la conception juridique, de Locke à Ricardo, est donc celle de la propriété petite-bourgeoise, alors que les conditions de production qu’ils décrivent appartiennent au mode de production capitaliste. Ce qui leur permet ce quiproquo, c’est le rapport entre acheteur et vendeur, ceux-ci restant formellement les mêmes dans les deux formes. On trouve donc, chez tous ces auteurs, la dualité suivante :

1. Du point de vue économique, ils font état des avantages tirés de l’expropriation des masses et du fonctionnement du mode de production capitaliste, en opposition à la propriété privée, fondée sur le travail ;

2. Du point de vue idéologique et juridique, ils reportent l’idéologie de la propriété privée, dérivant du travail sans plus de façons sur la propriété déterminée par l’expropriation du producteur immédiat.
D’où par exemple le radotage sur le transfert aux générations futures des charges actuelles par le moyen des dettes de l’État. Certes, A peut donner à B, qui lui emprunte - effectivement ou apparemment - des marchandises une créance sur des produits futurs : n’existe-t-il pas aussi des poètes et des musiciens de l’avenir ? En fait, A et B ne consomment jamais un atome de ce produit futur. Chaque génération paie, en effet, ses propres frais de guerre. En revanche, un ouvrier peut, cette année, dépenser le travail des trois années suivantes.
« En prétendant qu’on peut repousser les dépenses présentes dans le futur et qu’on peut accabler la postérité afin de suppléer aux besoins de la génération actuelle, on formule cette absurdité, à savoir que l’on peut consommer ce qui n’existe pas encore, et qu’on peut se nourrir de subsistances avant même que leurs semences n’aient été plantées... Toute la sagesse de nos hommes d’État aboutit en fait à un grand transfert de propriété d’une catégorie de personnes à une autre, en créant un fonds énorme pour payer les emplois et le péculat. » (Percy Ravenstone, Toughts on the Funding system and its Effects, Londres, 1824, p. 8 et 9.)

Karl MARX, Pages éparses du « Capital »

Contre la thèse de la révolution industrielle

Mouvement des enclosures

Révolution agricole en Angleterre

Marx et le secret de l’accumulation primitive

La législation sanguinaire contre les expropriés à partir de la fin du XV° siècle

« La machine possède le merveilleux pouvoir d’abréger le travail et de le rendre plus productif : nous la voyons qui affame et surmène les travailleurs. Par l’effet de quelque étrange maléfice du destin, les nouvelles sources de richesse se transforment en sources de détresse. Les victoires de la technique semblent être obtenues au prix de la déchéance totale. A mesure que l’humanité se rend maître de la nature, l’homme semble devenir esclave de ses semblables ou de sa propre infamie. On dirait même que la pure lumière de la science a besoin, pour resplendir, des ténèbres de l’ignorance et que toutes nos inventions et tous nos progrès n’ont qu’un seul but : doter de vie et d’intelligence les forces matérielles et ravaler la vie humaine à une force matérielle. Ce contraste de l’industrie et de la science modernes d’une part, de la misère et de la dissolution modernes d’autre part cet antagonisme entre les forces productives et les rapports sociaux de notre époque, c’est un fait d’une évidence écrasante que personne n’oserait nier. Tels partis peuvent le déplorer ; d’autres peuvent souhaiter d’être délivrés de la technique moderne, et donc des conflits modernes. Ou encore, ils peuvent croire qu’un progrès aussi remarquable dans le domaine industriel a besoin, pour être parfait, d’un recul non moins marqué dans l’ordre politique » (Extrait d’une allocution prononcée par Karl Marx, le 14 avril 1856, à l’occasion du quatrième anniversaire de l’organe chartiste People’s Paper)

Machinisme et grande industrie

La suite

Le marxisme et la révolution industrielle

L’Angleterre des « working house », maisons de travail forcé

Messages

  • La révolution capitaliste commença dans les campagnes et pas dans l’industrie ni par la technologie mais par l’expulsion des paysans des terres communales et pacages libres...

    Manifeste des paysans anglais de 1652 en révolte pour la défense des terrains communaux contre les enclosures :

    « Lorsque l’humanité commença à acheter et à vendre, elle perdit son authenticité ; et les hommes commencèrent alors à s’opprimer les uns les autres et à contrevenir à la nature humaine. »

  • Il y a eu aussi la rébellion des paysans communautaires des Midlands en 1607 contre les enclosures et la suppression des terres communes et la révolution des niveleurs (levellers) et des bêcheurs (diggers) de 1640…

  • Dans le Manifeste Communiste, Marx-Engels montrent que le capitalisme n’est pas seulement une révolution technologique car ce sont les rapports sociaux qui ont été révolutionnés :

    « L’industrie moderne a fait du petit atelier du maître artisan patriarcal la grande fabrique du capitalisme industriel. Des masses d’ouvriers, entassés dans la fabrique, sont organisés militairement. Simples soldats de l’industrie, ils sont placés sous la surveillance d’une hiérarchie complète de sous-officiers et d’officiers. Ils ne sont pas seulement les esclaves de la classe bourgeoise, de l’Etat bourgeois, mais encore, chaque jour, à chaque heure, les esclaves de la machine, du contremaître et surtout du bourgeois fabricant lui-même. »

  • En général, c’est une vraie absurdité, que de faire des machines une catégorie économique à côté de la division du travail, de la concurrence, du crédit, etc.

    La machine n’est pas plus une catégorie économique que le bœuf qui traîne la charrue. L’application actuelle des machines est une des relations de notre régime économique actuel, mais le mode d’exploiter les machines est tout à fait distinct des machines elles-mêmes. La poudre reste la même, que vous vous en serviez pour blesser un homme, ou pour panser les plaies du blessé. »

    « Jusqu’à l’an 1825 — époque de la première crise universelle — vous pouvez dire que les besoins de la consommation en général allaient plus vite que la production, et que le développement des machines était la conséquence forcée des besoins du marché. Depuis 1825, l’invention et l’application des machines ne sont que le résultat de la guerre entre les maîtres et les ouvriers. Encore ceci n’est-il pas vrai que pour l’Angleterre. Quant aux nations européennes, elles ont été forcées d’appliquer les machines à cause de la concurrence que les Anglais leur faisaient, tant sur leur propre marché que sur le marché du monde. Enfin, quant à l’Amérique du Nord, l’introduction des machines était amenée et par la concurrence avec les autres peuples et par la rareté des mains, c’est-à-dire par la disproportion entre la population et les besoins industriels de l’Amérique du Nord. »

    Karl Marx

    Lettre à Annenkov

    28 décembre 1846

  • Les avancées technologiques n’ont parfois rien eu à voir avec les avancées de la société.

  • Même si le capitalisme va vers Mars ou développe des matériaux nano et autres prétendues révolutions technologiques comme celles de l’informatique, il est en chute parce qu’il a atteint ses limites sur le terrain économique et social. La pandémie n’est qu’une image de cette chute inéluctable.

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