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Lénine contre Mach, les idéalistes, les agnostiques, les subjectivistes et les positivistes

samedi 30 décembre 2017, par Robert Paris

Lénine avait-il raison, dans « Matérialisme et Empiriocriticisme » contre le positivisme de Mach, Ostwald et Avenarius ?

Bien des auteurs ont ricané sur les compétences philosophiques et scientifiques de Lénine dans cet ouvrage, sous-entendant qu’il aurait mieux fait de s’en tenir à faire de la politique ! Ils ont notamment pris appui sur la tendance positiviste des débuts de la physique quantique.

Tout d’abord, rappelons que les positions antimatérialistes des Mach, Ostwald et Avenarius avaient d’abord pour but de contrer « la thèse de l’atome » ! En effet, ces auteurs en niaient l’existence et il va de soi que la physique a réduit a néant ces prétentions, même si l’atome n’est pas l’insécable, le fixe, le dur, le plein, etc. L’atome est certainement une découverte que la physique quantique n’a pas détruit, pas critiqué, pas démoli alors qu’elle a démoli bien des conceptions passées.

Ils combattaient alors notamment les thèses atomistes de Dalton, Avogadro, Faraday.

Rappelons que Mach, sa « Mécanique », avait fait, à juste titre la critique de la conception newtonienne de l’espace absolu et du mouvement absolu, critique qui allait influencer Einstein, même si ce dernier rejetait son positivisme :

« Personne ne peut rien dire de l’espace absolu et du mouvement absolu, qui sont des notions purement abstraites, qui ne peuvent en rien être des résultats de l’expérience… Dire qu’un corps conserve sa vitesse et sa direction dans l’espace est simplement une manière abrégée de s’en référer à l’univers entier. »

Ce « principe d’inertie » de Mach est considéré malicieusement par le physicien Richard Feynman dans « Six easy pieces » : « Pour autant que nous le sachions, Mach a raison : personne n’a à ce jour démontré l’inexactitude de son principe en supprimant tout l’univers pour constater ensuite qu’une masse continuait éventuellement à avoir une inertie ! ».

« Je n’aime pas du tout cette tendance à la mode qui consiste à coller de façon « positiviste » aux données observables. » écrivait Albert Einstein à l’adepte du positivisme Karl Popper (septembre 1935)

« La lune existe même quand on ne la regarde pas. » répétait Albert Einstein…

Einstein concluait « L’évolution des idées en physique » par ces mots :

« La réalité créée par la physique moderne est, en effet, très loin de la réalité du début de la science. Mais le but de toute théorie physique reste toujours le même. A l’aide des théories physiques nous cherchons à trouver notre chemin à travers le labyrinthe des faits observés, d’ordonner et de comprendre le monde de nos impressions sensibles. Nous désirons que les faits observés découlent logiquement de notre concept de réalité. Sans la croyance qu’il est possible de saisir la réalité avec nos constructions théoriques, sans la croyance en l’harmonie interne de notre monde, il ne pourrait pas y avoir de science. Cette croyance est et restera toujours le motif fondamental de toute création scientifique. A travers tous nos efforts, dans chaque lutte dramatique entre les conceptions anciennes et les conceptions nouvelles, nous reconnaissons l’éternelle aspiration à comprendre, la croyance toujours ferme en l’harmonie de notre monde, continuellement raffermie par les obstacles qui s’opposent à notre compréhension. »

« J’adorerais déchirer ta philosophie positiviste moi-même, mais il y a peu de chances que cela se produise durant nos vies. » écrit Einstein à Max Born la 18 mars 1948.

« A la source de ma conception, il y a une thèse que rejettent la plupart des physiciens actuels (école de Copenhague) et qui s’énonce ainsi : il y a quelque chose comme l’état "réel" du système, quelque chose qui existe objectivement, indépendamment de toute observation ou mesure, et que l’on peut décrire, en principe, avec des procédés d’expression de la physique. » écrit encore Einstein, dans "Remarques préliminaires sur les concepts fondamentaux".

Les physiciens et chimistes Ernst Mach et Wilhelm Ostwald avaient victorieusement combattu violemment la théorie atomiste des fluides et de la thermodynamique de Boltzmann dans la période précédente. Boltzmann en était sorti lessivé et s’était suicidé !

Qui était Ernst Mach

Qui était Richard Avenarius

Qui était Wilhelm Ostwald

Qu’est-ce que l’empiriocriticisme

Les thèses de Avenarius (empiriocriticisme) et de Mach et Ostwald mêlaient le kantisme (philosophie selon laquelle l’homme ne peut accéder à la « chose en soi », l’empirisme (philosophie selon laquelle on ne peut connaître la réalité mais seulement faire des expériences sur elle), le sensualisme (philosophie selon laquelle seuls nos sens humains nous renseignent sur le monde et nous ne pouvons pas savoir s’ils nous trompent ou pas) et le positivisme (philosophie selon laquelle on ne peut rien dire sur la réalité du monde mais seulement décrire des phénomènes observés).

Ils s’inspiraient de philosophes comme le subjectiviste (philosophie qui affirme qu’il n’y a pas de réalité matérielle objectif) Berkeley qui écrivait dans ses « Principes de la connaissance humaine » :

« Il y a en réalité une opinion qui prédomine étrangement parmi les hommes, à savoir que les maisons, les montagnes, les rivières, bref tous les objets sensibles, ont une existence naturelle ou réelle, indépendamment du fait qu’ils soient perçus ou conçus… En fait, que sont les objets cités, sinon des choses que nous percevons par nos sens ? Et que percevons-nous au-delà de nos propres idées et sensations ? Et n’est-il pas complètement inacceptable, pour n’importe quelle chose, d’exister sans être perçue ? » (Berkeley, dans « Principles of Human Knowledge »)

Ils s’inspiraient d’autre part du philosophe Hume (l’agnosticiste qui nie qu’on puisse affirmer quelque chose sur l’existence de la matière).

David Hume, Traité de la nature humaine (1740) :

« Toute connaissance dégénère en probabilité. »

David Hume, Dialogue sur la religion naturelle (1779) :

« Tout ce que nous concevons comme existant, vous pouvons aussi le concevoir comme non existant. Il n’y a donc pas d’être dont la non existence implique la contradiction. En conséquence, il n’y a pas d’être dont l’existence soi démontrable. »

Mach dans « La causalité et de l’explication » :

« La critique de Hume (sur la conception de causalité) demeure entière. »

Et encore :

« Nous nous rangeons » du côté de Hume. En dehors de la nécessité logique, il n’en existe aucune autre ; par exemple, il n’existe pas de nécessité physique. »

Avenarius :

« Désormais l’être sera considéré comme une sensation, privée de tout substrat étranger à la sensation. »

Mach :

« J’ai très vite commencé à revenir aux conceptions de Berkeley, contenues sous une forme plus ou moins latente dans les textes de Kant. En étudiant la physiologie des sensations et en lisant Herbart, j’en suis ensuite arrivé à des conceptions proches de celles de Hume… » (Mach dans « The analysis of sensations »)

Avenarius :

« Seule la sensation peut être conçue comme existante… L’être sera dès lors conçu comme une sensation dépourvue de tout substratum étranger à la sensation. »

Mach :

« Le monde n’est fait que de mes sensations… Les derniers éléments du monde sont les couleurs, les sons, les pressions, les espaces, les durées… Le psychique est identique au physique… » (dans « L’analyse des sensations »)

Kautsky leur répondait dans son « Ethique » :

« Le fait que je vois le vert, le rouge, le blanc s’explique par les particularités de ma faculté visuelle, écrit-il en s’élevant contre la gnoséologie de Kant. Mais la différence du vert et du rouge atteste quelque chose qui est dehors de moi, une différence réelle entre les choses... Les rapports et les différences des choses elles mêmes que m’indiquent des représentations mentales isolées dans l’espace et dans le temps... sont des rapports et des différences réels du monde extérieur ; ils ne sont pas déterminés par les particularités de ma faculté de connaître... dans ce cas. »

Lénine leur répondait dans « Matérialisme et Empiriocriticisme » :

« La sensation est une image de la matière en mouvement… Les sensations sont déterminées par l’action de la matière en mouvement sur nos organes des sens. Tel est l’avis des sciences de la nature. La sensation de rouge reflète les vibrations de l’éther d’une vitesse approximative de 450 trillions par seconde… Nos sensations reflètent la réalité objective, c’est-à-dire ce qui existe indépendamment de l’humanité et des sensations humaines. »

Les auteurs positivistes (empiriocricistes) précédemment cités prétendaient s’appuyer sur la « crise de la physique », comme le relevait Lénine, cette crise révolutionnaire qui allait engendrer plus tard deux révolutions, la physique quantique et la relativité :

« Du point de vue de la philosophie, l’essence de la « crise de la physique contemporaine » est que l’ancienne physique voyait dans ses théories la « connaissance réelle du monde matériel », c’est-à-dire le reflet de la réalité objective. Le nouveau courant de la physique n’y voit que symboles, signes, points de repère d’une utilité pratique, c’est-à-dire qu’il nie l’existence de la réalité objective indépendante de notre conscience et reflétée par celle-ci… Les grands progrès des sciences de la nature, la découverte d’éléments homogènes et simples de la matière dont les lois du mouvement sont susceptibles d’une expression mathématique font oublier la matière aux mathématiciens… « La matière disparaît », il ne subsiste que des équations… Ce nouveau stade de développement nous ramène à l’ancienne idée kantienne : la raison dicte ses lois à la nature… La nouvelle physique a dévié vers l’idéalisme, principalement parce que les physiciens ignoraient la dialectique. Ils ont combattu le matérialisme métaphysique (au sens où Engels employait ce mot, et non dans son sens positiviste, c’est-à-dire inspiré de Hume), avec sa « mécanicité » unilatérale, et jeté l’enfant avec l’eau sale. Niant l’immuabilité des propriétés et des éléments de la matière connus jusqu’alors, ils ont glissé à la négation de la matière, c’est-à-dire de la réalité objective du monde physique. »

Lénine rajoutait dans « Les trois sources du marxisme » :

« Les récentes découvertes des sciences naturelles – le radium, les électrons, la transformation des éléments – ont admirablement confirmé le matérialisme dialectique de Marx, en dépit des doctrines des philosophes bourgeois et de leur « nouveau » retour à l’ancien idéalisme pourri. »

Et, effectivement, les physiciens de l’école de Copenhague, des débuts de la physique quantique, ont plutôt donné raison au positivisme contre le matérialisme. Ainsi le physicien quantique Heisenberg affirmait dans « Physique et Philosophie » :

« L’ontologie du matérialisme reposait sur l’illusion que le genre d’existences, la « réalité » directe du monde qui nous entoure, pouvait s’extrapoler jusqu’à l’ordre de grandeur de l’atome. Or cette extrapolation est impossible ? »

Il rajoutait :

« On peut voir que le mot « état » et, plus spécifiquement, le terme « états coexistants », est tellement différent de l’ontologie matérialiste usuelle… Pendant les expériences avec les événements atomiques, nous avons à faire avec des choses et des « faits », avec des phénomènes qui sont aussi réels que les phénomènes de la vie quotidienne. Mais les atomes, ou les particules élémentaires elles-mêmes, ne sont pas réels ; ils constituent un monde de potentialités ou de possibilités plutôt qu’un monde de choses ou de « faits ». » (dans « Physique et Philosophie »)

Le physicien quantique Born déclare :

« Le vrai positivisme est obligé est obligé de nier la réalité de l’existence objective du monde extérieur, ou, au moins, la possibilité d’affirmer quoique ce soit à son sujet. »

Le physicien quantique A. Landé affirmait :

« Il n’est pas étonnant que Sir James Jeans, après avoir étudié Bohr et Heisenberg, soit arrivé à la conclusion triomphale que la matière consiste en ondes de connaissance dans notre esprit. » (dans « Du dualisme à l’unité dans la physique moderne »)

Ces physiciens confondaient la découverte de la dynamique matérielle sans cesse changeante, d’une matière inséparable du vide quantique, sautant d’un état à un autre, capable de disposer de plusieurs potentialités, avec l’inexistence d’une matière objective. Ils confondaient également l’interaction particule-appareil de mesure avec une interaction corps-esprit. Ils découvraient que la matière n’est pas immuable et en déduisaient qu’elle n’existe pas !!! Ils ont confondu le fait qu’on ne trouve pas de brique élémentaire de la matière avec l’absence totale de la matière et la seule existence de la pensée sur la matière !!!

Lénine répondait à ces thèses dans « Matérialisme et Empiriocriticisme » que les découvertes de la physique n’étaient en rien contraires aux conceptions matérialistes de Marx et Engels :

« Il n’y a d’immuable, d’après Engels, que ceci : dans la conscience humaine (quand elle existe) se reflète le monde extérieur qui existe et se développe en dehors d’elle. Aucune autre « immuabilité », aucune autre « essence », aucune « substance absolue », au sens où l’entend la philosophie oiseuse des professeurs, n’existe pas pour Marx et Engels. L’ « essence » des choses ou la « substance » sont aussi relatives ; elles n’expriment que la connaissance humaine sans cesse approfondie des objets et si, hier encore, cette connaissance n’allait pas au-delà de l’atome et ne dépasse aujourd’hui l’électron ou l’éther, le matérialisme dialectique insiste sur le caractère transitoire, relatif, approximatif de tous ces jalons de la connaissance de la nature par la science humaine qui va en progressant. L’électron est aussi inépuisable que l’atome, la nature est infinie, mais elle existe infiniment ; et cette seule reconnaissance catégorique et absolue de son existence, hors de la conscience et des sensations de l’homme, distingue le matérialisme dialectique de l’agnosticisme relativiste et de l’idéalisme. »

Comparons l’électron « inépuisable » de Lénine à cette déclaration de physiciens quantiques :

« Il y a un monde dans l’électron. »

« Toute la physique existe dans l’électron »

« Il y a un monde dans l’électron. »

« Toutes les particules se retrouvent, à l’état virtuel, dans un seul électron. »

« L’électron interagit avec les « paires virtuelles » de son propre champ électromagnétique. Le vide quantique contient de telles paires virtuelles et cet effet a été observé sous le nom de « polarisation du vide ».

Ce type de physicien concluent :

« La nature est plus riche que notre imagination. »

Mais pas que la nature n’existe pas et qu’il n’existe que… notre imagination, contrairement aux positivistes et empiriocriticistes !!!

Le physicien quantique Heisenberg, positiviste, lui, affirmait dans « Les Principes physiques de la Théorie des Quantas » :

« L’attribution d’une réalité physique quelconque aux calculs de l’histoire passée de l’électron est pure affaire de goût. »

Le positiviste Margenau écrivait :

« n électron est une abstraction, qui ne peut plus être décrite par une image intuitive correspondant à notre espérance de tous les jours mais déterminé au travers de formules mathématiques. »

Cette opposition est philosophique. C’est le rejet de la dialectique par les fondateurs de la physique quantique, du moins ceux dits de l’école de Copenhague.

L’école de Copenhague de la Physique quantique

Pourquoi Bohr et Heisenberg rejettent la dialectique des contradictions ?

Pourquoi la dialectique de Hegel fait-elle défaut aux physiciens ? Prenons comme exemple la question de l’élémentarité ou celle de la discontinuité, des questions déterminantes de la physique quantique.

Voyons ce qu’en disait le matérialisme dialectique. Engels écrit ainsi dans sa « Dialectique de la nature » :

« Hegel se tire très facilement d’affaire sur cette question de la divisibilité en disant que la matière est l’un et l’autre, ce qui n’est pas une réponse, mais est presque prouvé maintenant. »

Cette réponse qui n’en est pas une, ce qui signifie qu’on ne tranche pas entre les contraires dialectiques mais on les compose, a effectivement été celle des physiciens qui ne tranchent pas entre continu et discontinu, par exemple au sein du couple contradictoire et inséparable onde/corpuscule.

Pour Lénine, l’étude du monde réel est « L’étude de la contradiction dans l’essence même des choses. »

Le mouvement lui-même, pour Lénine, est le résultat « de la lutte des contraires, qui s’excluent mutuellement ».

Il ne fait ainsi que suivre la philosophie développée par Engels dont le matérialisme ne soutenait pas la « chosification » de la matière et dont la philosophie n’entrait donc pas en opposition diamétrale avec les découvertes quantiques :

« La grande idée fondamentale selon laquelle le monde ne doit pas être considéré comme un complexe de « choses » achevées, mais comme un complexe de « processus » où les choses, en apparence stables, - tout autant que leurs reflets intellectuels dans notre cerveau, les concepts, se développent et meurent en passant par un changement ininterrompu au cours duquel, finalement, malgré tous les hasards apparents et tous les retours en arrière momentanés, un développement progressif finit par se faire jour – cette grande idée fondamentale a, surtout depuis Hegel, pénétré si profondément dans la conscience commune qu’elle ne trouve sous cette forme générale presque plus de contradicteurs. » (Engels, dans « Ludwig Feuerbach »)

Lénine concluait :

« La condition pour connaître tous les processus de l’univers dans leur « automouvement », dans leur développement spontané, dans leur vie vivante, est de les connaître comme unité des contraires. Leur développement est « lutte des contraires ». » (Lénine, dans ses « Cahiers philosophiques »)

Et il concluait son « Matérialisme et Empiriocriticisme » par :

« Reconnaissant l’existence de la réalité objective, c’est-à-dire de la matière en mouvement, indépendamment de notre conscience, le matérialisme est inévitablement amené à reconnaître aussi la réalité objective de l’espace et du temps, et ainsi il diffère, d’abord du kantisme, pour lequel, comme pour l’idéalisme, l’espace et le temps sont des formes de la contemplation humaine, et non des réalités objectives. »

On comparera à l’affirmation de Mach :

« Il n’est pas obligatoire de se représenter les éléments chimiques dans un espace à trois dimensions… Le faire, c’est s’imposer une restriction inutile. Point n’est besoin de situer les objets purement mentaux dans l’espace, c’est-à-dire par rapport au visible et au tangible. »

Lénine répondait dans son « Matérialisme et Empiriocriticisme » :

« Les sciences de la nature ne s’attardent pas au fait que la matière qu’elles étudient existe uniquement dans un espace à trois dimensions et que, par suite, les particules de cette matière, fussent-elles infimes au point d’être invisibles pour nous, existent « nécessairement » dans le même espace à trois dimensions. »

Rappelons que, quand Lénine écrivait, la physique était encore en crise et la physique quantique comme la relativité n’étaient pas encore nés…

La physique quantique actuelle reconnaît effectivement dans l’espace-temps du vide un univers matériel fondé sur la contradiction matière/antimatière, écoulement du temps positif et négatif, matière/lumière. En somme, la théorie quantique des champs ou quantification du vide mène à une thèse matérialiste dialectique qui donne raison à Lénine contre ses contradicteurs positivistes.

Rappelons aussi que les thèses d’Engels incluaient l’idée que le vide soit une partie de la matière :

« Toute la nature qui nous est accessible constitue un système, un ensemble cohérent de corps, étant admis que nous entendons pas corps toutes les réalités matérielles, de l’astre à l’atome, voire à la particule d’éther, dans la mesure où l’on admet qu’elle existe. » (Engels dans « Dialectique de la nature »)

Lénine termine ainsi :

« La question vraiment importante de la théorie de la connaissance n’est pas de savoir quel degré de précision ont atteint nos descriptions des rapports de causalité, ni si ces descriptions peuvent être exprimées dans une formule mathématique précise, mais si la source de notre connaissance de ces rapports est dans les lois objectives de la nature ou dans les propriétés de notre esprit... C’est bien là ce qui sépare à jamais les matérialistes Feuerbach, Marx et Engels des agnostiques Avenarius et Mach (disciples de Hume). » (dans « Matérialisme et Empiriocriticisme »)

Laissons la conclusion aux physiciens :

Heisenberg dans « La partie et le tout, le monde de la physique atomique » :

« Otto (Stern) répondit : « (…) Si on utilise le langage de telle façon qu’il se réfère à ce qui est directement perçu, il ne peut guère se produire de malentendus, car pour chaque mot on sait ce qu’il signifie. Et si une théorie respecte ces conditions, on pourra toujours la comprendre sans beaucoup de philosophie. » Mais Wolfgang (Pauli) n’était pas prêt à accepter cela sans réserves : « Ton exigence, qui paraît si plausible, a été, comme tu le sais, formulée en particulier par Mach ; et l’on entend dire, à l’occasion, qu’Einstein a découvert la théorie de la relativité parce qu’il s’en est tenu à la philosophie de Mach. Mais cette façon de raisonner me semble constituer une simplification beaucoup trop grossière. On sait que Mach n’a pas cru à l’existence des atomes, dès lors qu’il pouvait objecter, à juste titre, qu’on ne pouvait pas observer ceux-ci directement. Cependant, il existe une grande quantité de phénomènes en physique et en chimie que nous pouvons espérer comprendre seulement maintenant, depuis que nous connaissons l’existence des atomes. Sur ce point, il semble bien que Mach ait été induit en erreur par son propre principe »…. Et Einstein : « Nous essayons de classer les phénomènes de façon cohérente, de les amener d’une certaine manière à quelque chose de simple, jusqu’à ce que nous soyons aptes à comprendre, à l’aide d’un petit nombre de notions, un groupe plus ou moins riche de phénomènes ; et « comprendre » en signifie sans doute ici rien d’autre que de pouvoir saisir, à l’aide de ces notions simples, les phénomènes dans toute leur multiplicité. (…) Ainsi, lorsque l’enfant forme la notion de « ballon », cela signifie-t-il seulement une simplification psychologique, en ce sens que des impressions sensorielles compliquées sont résumées par cette notion, ou bien le ballon existe-t-il vraiment ? Mach répondrait sans doute que l’affirmation « le ballon existe vraiment » ne contient rien de plus que le résumé simple de nos impressions sensorielles. Mais là, Mach aurait tort. Car, premièrement, la phrase « le ballon existe vraiment » contient également une foule de prédictions sur d’éventuelles impressions sensorielles qui pourront se présenter à l’avenir. Le possible, le prévisible constitue une composante importante de notre réalité, composante qu’il convient de ne pas oublier tout simplement en face du réel, de l’actuel. Deuxièmement, il faut remarquer que le fait de déduire, à partir de nos impressions sensorielles, les représentations et les objets constitue l’une des bases de notre activité mentale ; et que, par conséquent, si nous voulions ne parler que d’impressions sensorielles, nous devrions nous priver de notre langage et de notre pensée. En d’autres termes, il y a chez Mach une certaine tendance à ignorer que le monde existe réellement, et que quelque chose d’objectif est à la base de nos impressions sensorielles. »

Albert Einstein écrit dans l’article « L’opportunisme du savant » :

« La relation réciproque de la théorie de la connaissance et de la science est d’un genre remarquable : elles dépendent l’une de l’autre. La théorie de la connaissance sans contact avec la science n’est qu’un schéma vide. La science sans théorie de la connaissance – pour autant qu’elle est concevable – est primitive et confuse ; mais, dès que le théoricien de la connaissance, dans sa recherche d’un système clair, y est parvenu, il est enclin à interpréter le contenu de pensée de la connaissance dans le sens de son système et à écarter tout ce qui n’y est pas conforme. (...) Il apparaît comme un réaliste dans la mesure où il cherche à se représenter un monde indépendant des actes de perception ; comme un idéaliste dans la mesure où il considère les concepts et les théories comme des libres inventions de l’esprit humain (non dérivables logiquement du donné empirique) ; comme positiviste dans la mesure où il considère ses concepts et théories comme fondés seulement pour autant qu’ils procurent une représentation logique des relations et expériences sensorielles. »

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