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Quel est le premier de la poule et de l’œuf ? Connaît-on la réponse ?

vendredi 17 août 2018, par Robert Paris

Pour faire un oeuf de poule, il faut une poule et pour faire une poule, il faut un oeuf de poule ! Alors, comment cela a-t-il commencé ? Loin d’être une question bébête ou simpliste, c’est un vrai problème philosophique et scientifique.

Quel est le premier de la poule et de l’œuf ? Connaît-on la réponse ?

Le paradoxe est bien connu : pour faire une poule, il faut un œuf et pour faire un œuf il faut une poule et donc, on se demande, dans le cours de l’évolution, si le premier œuf de poule a précédé ou suivi la première poule… Et la question semble insoluble et il faudrait qu’ils soient nés en même temps, sans parler du poulet qui est lui aussi indispensable et nécessite encore maman poule et œuf !!! Bien entendu, les créationnistes profitent du problème pour en déduire qu’en tout il faut un créateur et les antiscientifiques pour dire que les sciences n’expliquent pas la vie…

Pourquoi croire que c’est la poule qui est arrivée avant l’œuf ? Parce que la formation de la coquille d’œuf dépend d’une protéine (l’ovocledidine-17 ou OC-17) présente dans l’ovaire des poules. Pourquoi croire que c’est l’œuf qui est arrivé avant la poule ? Depuis les dinosaures, qui eux-mêmes pondaient des œufs (et ne me demandez pas qui du dinosaure ou de l’œuf est arrivé en premier !), les espèces ont évolué. Par mutation, certains petits dinosaures se seraient transformés en animal proche de la poule…

Le paradoxe est loin de concerner seulement parents poules et progéniture des poules mais toutes les espèces vivantes. Ainsi, quel est le premier de l’embryon d’humain et de l’homme ? Il faut un embryon pour faire un homme et il faut un homme pour fabriquer un embryon… Et, effectivement, il en va de même de toutes les espèces vivantes.

L’œuf et l’embryon ne sont pas seuls en cause. L’œuf fécondé l’est tout autant. Un œuf fécondé nécessite la rencontre d’un male et d’une femelle adultes. Mais le male et la femelle, avant d’être adultes, ont besoin d’avoir été des œufs fécondés. Là encore, lequel est le premier est une question sans réponse, semble-t-il.

Il n’y a pas, comme seules étapes, l’œuf et la poule. Il y a la cellule-œuf, les diverses étapes de sa segmentation, la création d’une aire périphérique dite opaque, puis créations de zones (épiblaste, hypoblaste, archentéron), puis du croissant de Kohler, puis nœud de Hansen, puis somites, plaque neurale, tube neural, cœur, cerveau, puis les membres, etc. Ce n’est pas une poule qui est créée, c’est des centaines de créations diverses et successives avant de parvenir à « une poule » ! Les « destinées cellulaires » se ramifient, les cellules se diversifiant. On est bien loin de l’image : création de l’œuf puis création de la poule. Il y a « création » avant l’œuf, avant la coquille en tout cas, et avant la poule !!! Ce sont des créations spontanées sans créationnisme, sans grand mystère, sans besoin d’un créateur, sans « paradoxe de la poule et de l’oeuf » !

Le paradoxe de la poule et de l’oeuf concerne en fait non l’évolution d’une poule ou d’un être vivant mais l’évolution des espèces.
La question pose le problème de l’origine de la poule aussi bien que celle de l’œuf de poule. Or, si toutes les poules pondent des œufs, comment ont-elles fait pour avoir des ancêtres, avant les dinosaures bien entendu, qui n’en pondaient pas ? En fait, le changement global, voilà le problème. Comment des animaux vertébrés peuvent-ils avoir une origine dans des ancêtres invertébrés ? La réponse n’est certainement pas en disant qu’on trouve la réponse dans l’embryon de vertébré ou dans le vertébré adulte ! On ne peut pas opposer les deux. Le changement n’est pas du type « il était une fois un ancêtre qui n’a pas fait comme ses parents » ni un œuf qui n’a pas suivi ses parents.

L’opposition établie formellement entre les expressions « œuf de poule » et « poule » n’est pas conforme à la réalité car la poule va l’être au sein de l’œuf. C’est encore protégée par la coquille que la poule ou poulet va se développer, former ses membres, son cerveau, ses organes et devenir anomal complet. La poule est déjà poule dans l’œuf. Donc parler de premier de l’œuf ou de la poule, c’est une opposition diamétrale qui n’a pas lieu d’être et qui nie l’histoire. Il y a toute une évolution de la poule au sein de l’œuf à laquelle succédera toute une évolution de la poule à l’extérieur. Dans ces deux évolutions, il y aura maintes transformations et donc il n’y a pas un seul état qui s’appellerait « œuf » auquel succèderait un seul état qui s’appellerait « poule ».

D’ailleurs, le paradoxe de l’œuf de la poule, opposant deux âges du même individu comme dans toute relation parent-enfant, apparaît même bien avant la contradiction entre ces deux âges successifs. Il apparaît ainsi une relation parent-enfant dès la division cellulaire. Il apparaît aussi des différenciations entre cellules-mères et cellules filles spécialisées.

Le drame se complique et s’aggrave dès qu’on va au-delà des espèces et qu’on passe à la génétique. On trouve que, dans le fonctionnement génétique, l’ARN et les protéines peuvent agir et se former sans l’ADN qui semble second. L’ADN pourrait être apparu après les deux autres et être produit par eux, ce qui est biologiquement possible. Cependant, quel est le premier, en effet, de l’ARN et des protéines ? Pour se former et agir, les protéines ont besoin de l’ARN et l’ARN besoin des protéines. Là encore, le même emmêlement inextricable des causes et des effets ! Quel est le premier est encore une question sans solution !

Parmi les « paradoxes de l’œuf et de la poule » les plus difficiles à résoudre, il y a celui de la naissance du Vivant. Parmi « les premiers » qui ont initié la vie sur Terre, on compte bien entendu les macromolécules de la « soupe primitive » parmi les hypothèses mais on ne peut pas ordonner leur apparition, mais qu’est-ce qui vient ensuite ? La réponse n’est pas encore connue ! On a pensé comme premier à la cellule, à l’enzyme, aux protéines, aux gènes, à l’ARN… Si l’ARN était la molécule d’origine, il aurait dû se copier sans l’aide d’enzyme ni de modèle. Les cellules ne fabriquent des ARN qu’à l’aide d’enzyme. Il est certes plus facile à la soupe primitive de synthétiser des acides aminés (éléments de base des enzymes) que des nucléotides (éléments de base des ARN et ADN), ce qui rendrait plausible l’apparition des protéines avant les ARN, mais cela supposerait que l’ARN ait été une maladie parasitaire, un produit accidentel du métabolisme de l’ATP, hypothèse de Freeman Dyson. Manfred Eigen, lui, en tient pour les gènes d’abord. Leslie Orgel en tient pour les ARN d’abord. Mais comment se serait-il formé sans modèle, nul ne le sait. On voit ainsi, avec ce petit tour des hypothèses possibles, que le paradoxe a encore de beaux jours devant lui.

On remarquera que la nature non vivante n’est pas indemne. La matière a besoin de lumière pour exister, ne serait-ce que pour relationner. En effet, les interactions matière-matière passent inévitablement par la lumière. Les physiciens diraient plus exactement que ces interactions entre fermions (matière) nécessitent des bosons d’interaction (lumière). Dans la formation de l’Univers, pouvez-vous concevoir quel est le premier de la matière ou de la lumière ?

En fait, en ce qui concerne matière et lumière, on a fini par découvrir que les deux avaient une origine commune qui était la matière-lumière éphémère, à savoir les particules et antiparticules à courte durée de vie du vide quantique. Bien ! Une origine commune peut être une réponse, même si, dans ce cas, cette origine est double puisqu’il s’agit des particules dites virtuelles et des antiparticules virtuelles. Quel est le premier des particules et des antiparticules, demanderez-vous sans doute et on en restera à la même contradiction qu’au départ !

Mais, rassurez-vous, on a la réponse : le virtuel éphémère du vide quantique, particules et antiparticules qui forme aussi bien la matière que la lumière, a une origine, le virtuel de virtuel. Et inquiétez-vous quand même car le virtuel de virtuel a la même origine double en particules et antiparticules de virtuel de virtuel…

Rien ne prouve donc que l’on trouve une rupture dans le fonctionnement naturel contradictoire en descendant les échelles de la réalité, pas plus qu’en les remontant… Le type de fonctionnement, dialectiquement contradictoire, n’en est pas modifié. On trouve toujours des réalités doubles, contradictoires mais unifiées, opposées mais interpénétrées.

Revenons à l’œuf et à la poule. Ils ont une même origine qu’est le dinosaure. Les oiseaux ont en effet eu comme ancêtre les dinosaures, mais ils ont eu non seulement un ancêtre dinosaure mais une naissance dans un œuf issu des dinosaures…

Comment cela est-il possible ? Pour le comprendre, revenons à l’évolution des espèces. Le bon sens commun répète à l’envi que « les chiens ne naissent pas de chats ». Pourtant, les chiens et les chats ont un même ancêtre commun ! Si on examine cette bifurcation de l’évolution du vivant, il faut concevoir un même ancêtre qui a pu donner naissance au chien et au chat et cela ne peut entrer dans notre cervelle, trop étriquée pour concevoir de telles horreurs de la pensée…

De la même manière, nous avons du mal à admettre que l’abrisseau a besoin de l’arbre pour naître et que l’arbre ne peut se développer bien entendu qu’à partir d’un arbrisseau.

Ceux qui sont habitués à ce que « les effets suivent les causes » sont gênés. Ceux qui pensent que les contraires se contentent de s’opposer, se combattre ou se détruire le sont tout autant. Ceux qui pensent que l’actuel produit l’actuel de manière linéaire, continue, progressive, obéissant à une logique formelle ne peuvent que trouver que l’on arrive là à une énigme insoluble.

D’ailleurs tout ce qui concerne l’évolution des espèces comme les lois de la matière-lumière ne peut que leur paraître une énigme qui n’aura jamais de solution.

Comment voulez-vous concilier le fait qu’on analyse l’univers en matière, d’un côté, et lumière, de l’autre, (on peut aussi dire matière et énergie, si l’on préfère), avec des lois différentes (loi des fermions et loi des bosons) pour finir par expliquer que la lumière peut se changer en matière et la matière se changer en lumière !!!

Comment voulez-vous, en ce qui concerne l’évolution des espèces, affirmer que les espèces ne sont pas interfécondes pour expliquer ensuite que les changements biologiques, qui sont aléatoires, ont produit un individu ayant une génétique différente qui a pu se croiser avec un autre individu de l’ancienne espèce. Et si cela n’est pas arrivé, il faut alors admettre qu’en même temps plusieurs individus ont eu, par un hasard inconcevable, la même évolution du matériel génétique aléatoire et ont pu ensuite se rencontrer pour avoir une descendance !!!

Décidément, il est difficile de concilier les opposés diamétraux quand on a en tête une logique dans laquelle les opposés ne peuvent coexister, ne peuvent collaborer pour fonder une réalité nouvelle.

Si l’espèce nouvelle était, dès le départ, incompatible avec l’espèce ancienne, ne peut pas se croiser avec elle, alors aucune évolution des espèces ne serait possible. A moins d’en revenir à la création divine d’espèce, créées les unes après les autres, séparément, ce que nos observations des fossiles comme des espèces actuelles démentent.

En fait, on constate que des molécules du vivant d’une espèce peuvent agir sur d’autres espèces très différentes.

Ensuite, on constate que la génétique d’une espèce contient en potentialité bien d’autres espèces qui pourraient apparaître si d’autres protéines mettaient autrement en activité la molécule d’ADN des cellules vivantes.

Nous considérons bien sûr que les parents et l’enfant sont des êtres séparés, mais la vie ne les voit pas ainsi. Nous considérons de la même manière que la lumière et la matière sont des choses séparées. Pourtant la matière émet de la lumière et la matière absorbe de la matière, ce qui suppose que la matière tire la lumière de son sein et la rentre aussi dans son sein, et tout cela sans que l’on voit ni d’où elle l’a tiré, ni où il a été se cacher.

C’est la vision des objets séparés qui nous enseigne de fausses images.

Certes, l’enfant devient « un individu » indépendant de ses parents, mais en termes génétiques en est-il ainsi. N’avons-nous pas plutôt toute une population d’une espèce qui engendre des enfants et maintient ainsi son espoir d’avenir ? Peut-on parler en effet d’espèce si on parle seulement de deux individus, un père et une mère ? Non, c’est toute une population assez nombreuse pour laquelle la notion d’appartenance ou pas à une espèce a un sens. Et l’évolution d’une espèce n’est pas une évolution d’un individu ou d’un trop petit nombre d’individus.

Bien sûr, me direz-vous, si on parle d’un atome qui émet un photon de lumière, où voyez-vous ces populations ? Eh bien, il faut pourtant les concevoir et ne pas imaginer ni l’atome, ni la particule, ni le photon de lumière comme des objets individuels mais comme des émanations de phénomènes collectifs. En effet, ce sont les agitations et les structurations du vide quantiques, les fameuses particules et antiparticules virtuelles, qui s’agitent, relationnent, apparaissent et disparaissent autour des particules dites réelles de matière et lumière, pour concevoir les lois de celles-ci. Sans toute cette agitation, il n’y aurait pas de lois de la matière à notre échelle, celle où nous avons l’illusion de l’existence individuelle et séparée des corpuscules de la matière et de lumière.

La particule, le noyau ou l’atome de matière, pas plus que le corpuscule de lumière ne doivent être considérés comme des êtres à part, ayant une existence individuelle indépendante du fond, le vide quantique qui les fonde en fait.

Les individus d’une espèce vivante ou les molécules du vivant ne peuvent pas davantage être considérés séparément, individuellement, sous peine que leur évolution devienne absolument incompréhensible.

Comment les espèces font-elles pour développer, à partir d’un même groupe d’une seule espèce, plusieurs évolutions génétiquement différentes finissant par devenir incompatibles pour produire ensemble des descendants, ayant ainsi cessé d’être interféconds ?

Tout d’abord, il suffit qu’un groupe d’une seule espèce se scinde et vive séparément, quelle qu’en soit la raison, qu’elle soit géographique, sexuelle ou autre. Dans le vivant, tous les groupes ayant la même origine mais qui cessent de se croiser vont diverger. La diversité existe dans le vivant autant que la conformité. Les individus d’une même espèce ont certes une tendance naturelle à produire des individus de la même espèce. Mais ils ont en même temps, et de manière contradictoire dialectiquement, une tendance naturelle à produire des changements qui les éloignent. Ces changements sont atténués par les croisements et accrus par l’éloignement.

En fait, une espèce n’est pas un état de stagnation. C’est au contraire, une réalité dynamique sans cesse en mouvement.

Il suffit de faire en sorte que cette espèce soit divisée de manière durable pour que les potentialités qu’elle porte s’expriment de plusieurs manières différentes.

Comme on l’a dit, la loi universelle, de la matière inerte comme de la matière vivante, n’est pas une relation linéaire, de cause à effet, continue et progressive, entre des états actuels, mais une relation contradictoire, révolutionnaire, entre des séries de potentialités d’hier et de demain.

L’ADN d’une espèce a bien d’autres potentialités que de produire l’espèce qu’il produit actuellement. Et, dans un autre contexte, ces potentialités, qui sont pour le moment inhibées au sein de l’ADN, peuvent parfaitement s’exprimer, menant à un changement irréversible d’espèce.

Dans tout cela, depuis l’atome et la lumière et jusqu’aux êtres vivants, en passant par la génétique, on n’a fait, sans le dire, que discuter de la nature des interactions contradictoires entre ordre et désordre. Ainsi, apparemment, la conservation de l’ADN dans les cellules d’un individu appartenant à une espèce vivante peut nous sembler de l’ordre, un opposé diamétral au désordre que serait le changement d’espèce. Et c’est cela qui est archifaux ! La conservation de l’ADN est un processus qui nécessite à la fois ordre et désordre au même titre que la matière apparemment la plus ordonnée du cristal nécessite l’agitation qui amène l’atome à occuper une place vide au sein de la structure cristalline pour la compléter et donner au cristal sa perfection ordonnée.

L’expression des gènes est un phénomène aussi aléatoire que tous les autres processus du vivant, par exemple ceux à l’intérieur de la cellule, ceux en contact avec l’ADN. Rien, à aucune échelle, dans aucun domaine de la nature, n’est piloté par le seul ordre ni le seul désordre. Chaque ordre est produit par un désordre et inversement et nul ne peut prétendre qu’ « au départ », il y ait l’ordre ou qu’il y ait le désordre ! Les deux ne sont jamais complètement séparés, mais, au contraire, sans cesse imbriqués, autant que le sont la variation et la reproduction à l’identique dans le vivant, ou encore autant que sont imbriqués et inséparables la réalité corpusculaire et ondulatoire. Chercher l’origine dans un seul des deux éléments indispensables de la contradiction, c’est chercher à séparer la tête et le corps d’un être humain. On ne peut que tuer l’homme comme on tue la dynamique du réel, en séparant, par la fausse pensée, les deux éléments contradictoires nécessairement couplés.

On dit souvent que l’individu reproduit l’ADN en conservant sa structure, mais il faudrait dire aussi que, pour la conserver, il doit la reproduire et qu’en la re-produisant, il augmente les risques et les moyens de la transformer. C’est que, dialectiquement, la conservation produit la transformation.

Ne croyez surtout pas que tout cela ne soit que des petits jeux de logique amusante, et que le paradoxe de l’œuf et de la poule ne soit qu’un vulgaire syllogisme. Non ! Cette contradiction n’est pas un produit du discours mais un produit du type de lois que génère sans cesse la réalité du monde et qu’il est indispensable d’intégrer pour prétendre comprendre le fonctionnement réel du monde.

Espèce et évolution, conservation et transformation génétiques, sont des éléments aussi contradictoires et inséparables que bosons et fermions, matière et lumière, matière-lumière et vide, durable et éphémère, ou corpuscule et onde, etc.

L’atome ou la particule durable ne se conservent que grâce à des transformations, qu’en changeant sans cesse. Ainsi, pour se conserver, l’atome doit émettre de la lumière et donc changer. La particule, pour conserver ses propriétés, doit les transmettre à une autre particule, qui était virtuelle et devient ainsi réelle. Pour se conserver, l’espèce doit changer, tout comme l’individu. La génétique ne diffère pas des autres fonctionnements : la conservation y nécessite le changement.

L’évolution darwinienne n’est rien d’autre qu’une dialectique de la diversification et l’antidiversification qu’est la sélection, des contraires de la vie et de mort, de l’innovation et de la lutte contre l’innovation.

La dialectique de la liberté et de la nécessité s’impose, à tous les niveaux et dans tous les domaines, aux relations entre l’ordre et le désordre. Quiconque se risque à expliquer le monde par le seul ordre ou le seul désordre, ou par les deux mais séparés et sans relation permanente entre eux, ne peut que considérer le fonctionnement universel comme un mystère sans fin, du même type que celui de l’œuf et de la poule…

S’il y avait « un premier » de l’œuf ou de la poule, la vie aurait eu, fût-ce qu’un peu, un créateur, et elle n’en a pas et n’en a pas besoin.

S’il est vrai que la Terre tourne autour du Soleil, il est également vrai que l’observateur terrestre voit le Soleil tourner autour de la Terre et qu’aucune des deux visions n’est en soi fausse, ni en soi vraie. Il existe un mouvement d’ensemble qui est relatif. Quand on veut arrêter le mouvement du Soleil ou celui de la Terre, fût-ce pour raisonner, fût-ce par la pensée, on n’approche pas de l’explication de la réalité…

Pas plus ne peut-on dire si ce sont les gènes qui produisent l’espèce ou l’espèce qui produit les gènes, parce que cette séparation est arbitraire et n’éclaire pas le fonctionnement du vivant.

Ce n’est pas parce que la logique formelle ne peut pas appréhender le réel, pas plus la matière inerte que la matière vivante, que cela signifie qu’il faudrait se livrer aux antisciences, aux mystiques, aux créationnismes et autres balivernes. Il n’y a pas une création d’une espèce, pas plus qu’il n’y a une création de la matière, ni une création de la lumière. Tout cela se crée sans cesse et pas une fois pour toutes. Et cela n’est pas un mystère mais une difficulté pour l’entendement humain parce que nos raisonnements ont du mal à sortir d’une logique formelle qui ne correspond pas à la logique dialectique du réel.

L’erreur fondamentale de la pensée, c’est de vouloir que des catégories figées, non contradictoires dialectiquement donc non dynamiques puissent décrire des phénomènes fondamentalement dynamiques et contradictoires dialectiquement.

Ceux qui veulent absolument répondre que l’œuf est antécédent de la poule ne se contentent pas seulement des apparences, ils se contentent d’une partie de la dynamique, qui ne peut exister sans l’autre partie.

La poule est issue de l’évolution mais ce n’est pas une catégorie « poule » figée qui est issue d’une autre catégorie figée, fût-elle un oiseau ou un dinosaure.

Jamais il ne serait possible de sortir d’une espèce qui correspondrait à une catégorie figée, qu’elle en sorte au stade œuf ou poule. De toutes les manières, la poule est déjà potentiellement dans l’œuf et l’œuf est déjà potentiellement dans la poule. La procréation ne pourrait pas se produire si l’enfant n’était pas une potentialité de l’être vivant. Du coup, la séparation entre œuf de poule et poule future à l’état d’œuf est la création d’une séparation infranchissable là on sait déjà que la réalité franchit la séparation. C’est celui qui établit, en pensée, la barrière infranchissable là où la réalité ne la présente pas, qui a tort et défend un point de vue purement métaphysique.

Quel est donc le premier de l’œuf de poule ou de la poule ? Ni l’un ni l’autre, c’est l’ancêtre de la poule (ce qui comprend aussi son embryon ou son œuf). C’est le déroulement contradictoire de l’Histoire, avec ses changements permanents composés de lutte permanente contre le changement, qui produit les deux, l’œuf de poule et la poule.

L’œuf et la poule ne sont pas l’origine et le point d’arrivée, ni le moyen et le but, ni le début et la fin. Il n’y a pas de but, pas de début et pas de fin. Toutes les visions cosmogoniques du monde développent des métaphysiques trompeuses, qu’elles soient ou pas créationnistes ou mystiques, et qui ne servent nullement à permettre à l’homme de comprendre le monde mais à l’enfermer dans des prisons idéologiques comme réelles.

De même, toute pensée qui isole le corps et l’esprit de l’homme, avant de prétendre les remettre en connexion, ne peut que nous éloigner du fonctionnement réel de l’ensemble que représentent le corps et l’esprit construit en même temps et non séparément. Il est aussi faux de faire de l’esprit le but et du corps le moyen que de faire de la poule le but et de l’œuf le moyen. On ne peut pas couper ainsi l’histoire en attribuer au début du morceau créé artificiellement un rôle d’origine et à sa fin un rôle de finalité. La fin n’est qu’un début d’autre chose et son début n’est que la fin d’un autre développement. Aucun développement historique n’existe séparément et ne peut être expliqué séparément.

Celui qui découpe par la pensée la dynamique peut prétendre la reconstituer ensuite toujours par la pensée, mais le monde ne fonctionne pas ainsi. Une telle pensée ne peut pas nous éclairer sur le mode réel de fonctionnement universel.

L’œuf fécondé n’est rien d’autre qu’une cellule vivante et l’individu formé n’est rien d’autre que des cellules vivantes s’organisant collectivement, c’est-à-dire que les deux n’ont pas un sens qu’il faille opposer diamétralement ou penser séparément.

La pensée de la logique formelle, la pensée du bon sens, la pensée des opposition diamétrales, la pensée du tiers exclus, la pensée du « oui ou non », la pensée de la cause et de l’effet séparés et se succédant, tout cela mène à tous les faux raisonnements qui empêchent aussi bien de comprendre l’espèce que celle qui va lui succéder et comment cela est possible.

Concluons avec Diderot :

« Si la question de la priorité de l’œuf sur la poule ou de la poule sur l’œuf vous embarrasse, c’est que vous supposez que les animaux ont été originairement ce qu’ils sont à présent. Quelle folie ! On ne sait non plus ce qu´ils ont été qu´on ne sait ce qu´ils deviendront. Le vermisseau imperceptible qui s´agite dans la fange, s´achemine peut-être à l´état de grand animal ; l´animal énorme, qui nous épouvante par sa grandeur, s´achemine peut-être à l´état de vermisseau, est peut-être une production particulière et momentanée de cette planète. »

Denis Diderot dans « Entretien entre M. d´Alembert et M. Diderot »

A chaque fois que la nature produit des couples de contraires dialectiques, la pensée dichotomique les oppose diamétralement et cherche lequel des éléments de ce couple serait le premier. Mais, en termes d’évolution des espèces, la question est aussi absurde que dans d’autres questions. C’est comme si on demandait qui est le premier de l’homme ou de la femme. C’est ce que faisait l’Ancien Testament en prétendant que c’était l’homme qui était le premier et qu’on avait fabriqué la femme avec une côte de l’homme. En termes d’évolution des espèces, comment comprendre qu’une nouvelle espèce apparaisse par un mâle (ou par une femelle), les autres étaient de l’ancienne espèce, et les espèces différents n’étant pas censées être interfécondes ! La réponse est que les espèces n’apparaissent pas ainsi sur des traits individuels mais sur des populations restreintes coupées du reste de l’ancienne population et qui se fécondent depuis un certain temps seulement entre eux et ont donc divergé génétiquement. Du coup, mâles et femelles sont premiers en même temps ! Il en va de même bien entendu de l’œuf de poule et de la poule qui n’ont pu qu’apparaître en même temps, issus tous deux de leurs ancêtres : œuf de dinosaure et dinosaure !

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