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La révolte des Paspéyas (Canada)

samedi 12 janvier 2019, par Robert Paris

Paspébiac est une ville du Québec, située dans la municipalité régionale de comté de Bonaventure, dans la région administrative de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Faillite de la Jersey Banking Company qui entraîne une baisse du crédit accordé aux pêcheurs et la révolte de ces derniers. Le 16 février 1886, révolte et pillage des magasins par les pêcheurs de Paspébiac (ils craignaient la famine) à la suite de la fermeture de Robin et Le Bouthillier Brothers.

La révolte des Paspéyas-I : Hiver 1886 à Paspébiac

par Pierre Provost

L’histoire n’est jamais écrite par les vaincus. Ce sont les vainqueurs, les possédants et les régnants qui écrivent l’histoire à leur manière, à leur vérité.

Celle que vous allez entendre n’a jamais été racontée sauf ce que la rumeur populaire en avait retenue, des brides éparses où il est question d’émeute, d’emprisonnement et la haine viscérale des riches marchands exploitants qui avaient fait emprisonnés des pères de famille dont le seul crime eut été de vouloir nourrir leurs femmes et leurs enfants en ce terrible hiver 1886.

Tout commence en cette période des réjouissances annuelles du Temps des Fêtes. Bien sûr on s’amuse ferme en cette période de repos après les durs temps de pêche. Les saisons sont bien rythmées. Le système des Robin bien rodé. On pêche, on s’endette, on emprunte l’hiver de quoi survivre pour pouvoir durer jusqu’au printemps prochain. « C’était le bon temps, on pêchait près du bord, y’avait beaucoup de poissons, on passait l’hiver en ‘folleries’ et quand tout était dépensé, on allait voir les messieurs Robin ». Ainsi va la vie au pays de Paspébiac et ce, depuis des générations.

En ce lundi 11 janvier 1886, une nouvelle provenant des Îles Jersey va avoir des conséquences dramatiques pour la Gaspésie, mais à des milliers de kilomètres aux Îles anglo-normandes la tempête qui se lève n’a pas encore montré de signes visibles sur nos côtes.

Philip Gosset, directeur et actionnaire de la Jersey Banking Company ainsi que Secrétaire d’État du Duché de Normandie fait poser une affiche à la porte de sa banque : « Des circonstances imprévues ont contraint cette banque de suspendre ses paiements. Jersey, 11 janvier 1886 ». C’est la faillite.

La mauvaise nouvelle se répand dans l’Île à la vitesse de l’éclair. La banque ne peut plus payer les intérêts sur les bonds du Trésor Public et ses engagements financiers dépassent largement les fonds disponibles.

Cette banque fondée sur un système de crédit illimité rend responsables tous ses actionnaires de tout déficit de la banque. Mais, Philip Gosset est un des grands financiers de l’Île, il va sûrement trouver une solution à ce problème que l’on souhaite passager. De plus n’est-il pas le beau-père du Procureur-général de la Reine ?

Une enquête est ouverte par le Comité Spécial des États et tous les documents de la Jersey Banking sont mis sous scellés.

Les journalistes publient les premiers articles annonçant la faillite de la banque. À Montréal on reçoit les nouvelles en provenance de Londres que la Jersey Banking a fait banqueroute.

Un télégramme est expédié à M. Georges Romeril, agent de la CRC à Paspébiac. M. Stan-Edouard Hue agent de la maison Le Boutiller reçoit le même message. La BB est en banqueroute elle aussi, les deux étant dépendantes de la même banque jersiaise et dans lesquelles Philip Gosset est actionnaire.

Si les deux compagnies ne reprennent pas rapidement leurs activités, plus de la moitié du village sera sans provision et les familles de pêcheurs comptent sur les avances des compagnies pour subsister jusqu’au printemps. De plus l’hiver elles font travailler les pêcheurs à divers travaux, allouant jusqu’à 40 $ par famille pour des travaux d’hiver.

La révolte des Paspéyas-II : la tempête s’abat sur la Gaspésie

Ce même jour les notables de la place, le maire de Paspébiac John Legrand, les agents des deux compagnies Hue et Romeril, les curés Larrivée de Paspébiac et Smith de St-Godefroi, le pasteur anglican de New Carlisle et l’ex-lieutenant gouverneur du Québec Théodor Robitaille se réunissent.

Un tour d’horizon leur fait vite comprendre l’ampleur du désastre. Ces compagnies qui dans les faits n’en étaient plus qu’une, Gosset était aussi actionnaire des deux compagnies, par leur faillite plongent dans la misère plus de 5000 familles en Gaspésie, sur la Côte-Nord et en Acadie.

On songe à mettre sur pied un Comité de secours si jamais les réouvertures tardaient à survenir.

Après une première analyse des documents saisis à la Jersey Banking company, Philip Gosset est arrêté et accusé de détournement de fonds. Il est transféré à la prison publique.

Le lendemain il est admis à l’hôpital Général à la suite de malaises.

On fait le bilan des possessions de la Jersey Banking. On réalise l’impact de la fermeture des compagnies sur les pêcheries canadiennes. Des milliers de personnes dépendent des deux compagnies, des rumeurs de famine étaient persistantes et que des rumeurs de révolte, de mise à sac des magasins des compagnies seraient préjudiciables aux intérêts des créanciers.

On calcule que la CRC a 14 voiliers de commerces et de cabotage, 300 embarcations de pêche et que 2000 personnes dépendent de cette compagnie.

La BB a 12 navires de commerce et de cabotages, 165 embarcations et 1200 personnes qui dépendent de cette compagnie.

Par leur système de prêt et d’avance, les deux compagnies dépensaient près de 40,000 $ par hiver en avance par des travaux d’hiver.

Malgré la constitution de comité de secours (formé en majorité par les élites locales jersiaises sauf deux curés francophone et aucun à l’exécutif), dans toutes les paroisses de la Gaspésie où la CRC et la BB font affaires, les aides financières entrent au compte-gouttes et les curés responsables de la distribution des bons ont très peu à donner. Pourtant, il y a plus de 4000 barils de farine de stocker dans les magasins. Ordre est donné depuis Jersey que seuls ceux qui peuvent payer peuvent en obtenir.

On fait appel aux médias, à la population, aux gouvernements pour obtenir rapidement de l’aide.

On s’inquiète, car des rumeurs de menace de piller les entrepôts se font sentir. Selon une dépêche de Londres, une demande de faire intervenir les troupes pour protéger ces propriétés se profile du gouvernement canadien envers le gouvernement Impérial à Londres.

Le vendredi 5 février 1886. Parlement fédéral d’Ottawa.

Le gouvernement fédéral vote une aide de 2000 $ à la condition que le gouvernement provincial en fasse autant, à partager aux centaines de famille nécessiteuse. Ces sommes seront consenties aux deux entreprises qui verront à distribuer la nourriture et se faire rembourser les sommes par celles-ci lorsqu’elles le pourront et que la somme recueillie soit retournée au gouvernement fédéral. Selon la Gazette : « Cette mesure est plus dans l’intérêt des marchands que celui des pêcheurs ».

Dans une lettre au Premier Ministre du Québec, le mardi 2 février 1886 Mgr. Jean Langevin, Évêque de Rimouski propose trois mesures immédiates pour empêcher les gens de mourir de faim.

 Un secours immédiat en provisions de bouche à faire distribuer par les curés tout au long de la côte.

 Une quantité de grains de semence et des pommes de terre pour la saison à venir.

 Adopter des mesures pour ouvrir l’accès aux terres et la concession par le gouvernement de celles-ci aux pêcheurs.

Il faut rappeler que Robin pour s’assurer d’une main d’œuvre permanente qui s’adonne à la pêche avait, dès son installation permanente à Paspébiac, fait distribuer les terres de la région, par petits lots afin que nul ne soit détourné de la pêche et ait à s’occuper de ses animaux de ses prés et pâturages. « Nous avons besoin de pêcheurs pas d’agriculteurs, avait-il déclaré lors de la distribution des lots de terre. »

Le commandant Wakeham, représentant du Département des Mines et des Pêcheries, dans sa tournée des Maritimes pour s’enquérir de la situation de misère des pêcheurs dit que c’est à Newport et à Paspébiac qu’il a vu le plus de nécessiteux. Il veut s’assurer de la répartition de l’aide financière. Il y a actuellement 180 $ de souscriptions reçues.

En calculant les besoins des pêcheurs, il faudrait 30,000 $ pour se rendre à la saison de pêche. Les 4000 $ de prêt des deux gouvernements sont largement insuffisants pour répondre à la demande.

Le 15 février, une émeute éclate à Paspébiac en Gaspésie. La famine qui y sévit depuis quelques mois en serait la cause. La milice doit intervenir pour régler le problème...

Sur l’empire de la morue

Révolte des pêcheurs de 1909 en Gaspésie

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