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Musique et fonctionnement du cerveau

mercredi 13 février 2019, par Robert Paris

« La musique n’agit pas seulement sur la perception, la mémoire et le corps, elle a aussi un impact sur le réseau émotionnel et hédonique. »

Hervé Platel, neuropsychologique

Musique et fonctionnement du cerveau

On peut lire sur le net diverses études dont nous citons des extraits ici.

Notre sens musical est une des capacités remarquables de notre cerveau. Il est probable que l’éveil musical de l’homme soit devenu conscient bien avant ses capacités de langage. La première flûte a été produite par un homme de Neandertal il y a 43.000 ans alors les études sur l’origine des langues ne remontent que vers 35.000 ans. L’étude de la musique est l’une des manières de l’homme de percevoir et d’échanger des sentiments. Elle peut donner du plaisir et soigner des maladies mais aussi nous permettre de comprendre le fonctionnement cérébral. « Elle se révèle aussi un matériel de choix pour étudier et stimuler le cerveau » explique Hervé Platel, professeur de neuropsychologie, chercheur à l’Université de Caen et organiste.

De la musique on dit bien souvent qu’elle est universelle ou qu’elle adoucit les mœurs. Musicien ou non, nous avouons presque tous l’apprécier. Certaines mélodies peuvent susciter de vives émotions ou les influencer. La musique s’avère parfois indispensable au bien-être de l’homme et on l’intègre dans certaines thérapies. Présente au sein des sociétés humaines depuis des millénaires, savons-nous pour autant comment nous percevons la musique ? Comment cette information non verbale est-elle traitée par notre cerveau ? Avons-nous tous les mêmes possibilités pour la musique ? A l’occasion de la Semaine du Son, nous avons procédé à la sélection de quelques documents qui vous permettront de mieux connaître les liens de la musique et du cerveau ainsi que les nombreuses études dont ils font l’objet.

Le fonctionnement du cerveau

L’anatomie du cerveau est connue parfois au neurone près mais nous sommes loin encore d’identifier tous les composants des circuits neuronaux. Le traitement d’une information et son cheminement dans la jungle des neurones font l’objet de recherches toujours plus pointues. Essentiel au bon fonctionnement du corps et à sa communication avec l’extérieur, l’ensemble du système nerveux perçoit les stimulations, qu’elles viennent de l’extérieur ou de l’intérieur du corps. Ces stimulations sont conduites en un signal nerveux le long des nerfs jusqu’à un centre de traitement : le cerveau. Ce dernier est séparé en grandes zones et organisé en aires fonctionnelles dont chacune est dédiée au traitement d’un certain type d’informations.

La perception auditive

Au milieu d’une masse d’informations acoustiques entremêlées, le cerveau est capable de distinguer la musique des bruits ambiants ou des cris d’animaux. La musique qui nous entoure dès notre plus jeune âge façonne notre perception. Notre réseau neuronal s’organise en fonction de cette structure musicale. Les études d’imagerie cérébrale ont permis d’inventorier les différentes structures du cerveau impliquées dans la perception de la tonalité. Elles montrent aussi que les circuits cérébraux perçoivent les aspects émotionnels de la musique indépendamment des aspects plus rationnels.
Dans de rares cas, des personnes présentent une incapacité à reconnaître des airs entendus comme la dysmusie. Chez les musiciens possédant une oreille absolue, les circuits d’identification des sons diffèrent des autres musiciens.


Le traitement de l’information musicale

La musique est présente dans toutes les cultures, quelle que soit sa forme. Partout on retrouve la même attirance de l’homme pour les sons organisés. Celui-ci donne du sens à des vibrations sonores. L’objectif de la psychologie cognitive de la musique consiste à comprendre comment ce matériau complexe est codé, traité et interprété par l’esprit humain, qui perçoit et ressent des émotions.

Le cerveau musicien

Qu’en est-il du fonctionnement cérébral qui chapeaute l’ensemble de cette perception musicale ? L’observation de troubles sélectifs de la compréhension de la musique à la suite de lésions, lors d’études cliniques, montre qu’il existe une atteinte dissociée des fonctions langagières et musicales du cerveau. On tente de comprendre si des régions du cortex sont spécialement dédiées à l’une ou l’autre de ces fonctions.

Au cours des années 1960, on a soutenu une distinction de la localisation musique/langage dans les hémisphères cérébraux. Chacun peut y être latéralisé différemment. Depuis une vingtaine d’années, on module davantage la perception musicale et ses processus. En l’état actuel des connaissances, il semble évident que la musique et les paroles sont traitées en grande partie de façon indépendante.

Enfin, malgré des disparités anatomiques et fonctionnelles à l’écoute de sons ou en raison de l’apprentissage de la musique, l’architecture cognitive présente de fortes similarités entre musiciens et non musiciens. Tous ont un intérêt prononcé à écouter de la musique qui provient certainement du fait qu’elle peut susciter des émotions.

L’émotion musicale

Les réponses émotionnelles provoquées par la musique sont aussi intenses que certaines stimulations biologiques, et extrêmement rapides. Ce phénomène est d’autant plus vrai qu’il est identique pour les individus musicalement experts et novices.

Les recherches en neurosciences attestent que la musique peut stimuler des fonctions vitales car elle active les circuits neuronaux de la gratification, elle réduit les activations des régions cérébrales en jeu dans les émotions négatives et augmente la résistance au stress. Elle peut permettre d’affronter la mort avec courage ou de calmer les angoisses des bébés. De fait, elle est aussi utilisée, ces dernières années, à des fins thérapeutiques.

La musique et la perception de la douleur

De nouvelles études scientifiques sont menées en France depuis 2003 auprès de patients douloureux. C’est une relaxation musicale personnalisée par le choix des styles et des instruments qui permet d’obtenir une détente optimale. La diminution de la douleur ressentie par les patients peut aller de 40 à 60%. Les usages à domicile pour des affections au long cours permettent de diminuer l’usage d’antalgiques, d’anxiolytiques voire d’antidépresseurs.

Musique et cerveau, des liens étroits

Les processus de traitement de la musique par le cerveau ont fait l’objet d’un vaste champ d’exploration, dans de nombreuses disciplines. Pourtant, l’information musicale n’a pas encore dévoilé l’ensemble des cheminements qu’elle emprunte pour atteindre la conscience humaine. On constate ses effets sur le fonctionnement cortical - grâce à l’imagerie cérébrale - et sur nos comportements - grâce à l’évaluation des émotions qu’elle induit. En cela la musique présente une caractéristique notable : objet culturel, elle n’en a pas moins des incidences biologiques. Cette capacité fait d’elle un langage - non verbal et donc universel - primordial pour le développement de l’individu. Les chercheurs n’ont pas fini d’étudier ce rôle.

Un moyen thérapeutique connu de longue date

Dès l’Antiquité, la musique est utilisée à des fins thérapeutiques. Ainsi, Platon conseillait la musique et la danse pour ses effets calmants sur les angoisses. La musicothérapie s’est constituée en discipline lors de la deuxième guerre mondiale, après qu’on ait constaté ses vertus bénéfiques auprès des soldats pour soulager les traumatismes de la guerre. Outil thérapeutique permettant d’entrer en communication avec les patients en souffrance psychique, elle sert à améliorer leur santé mentale, physique et émotionnelle. Le Dr Rolando Benenzon, psychiatre, psychanalyste, musicien et compositeur, a fondé la première faculté de musicothérapie à Buenos Aires, en 1966. Il est le découvreur d’une nouvelle voie en psychothérapie, basée sur la communication non verbale, à destination notamment des personnes atteintes de la maladie Alzheimer.

La musique de Jean-Sébastien Bach et de Claude Debussy aurait-elle des effets hypnotiques ? C’est la thèse de Stéphane Ottin Pecchio, rhumatologue et musicothérapeute : « Le rythme accorde la respiration, induit une distorsion temporelle et fait entrer dans le temps musical. »

Le praticien expérimente depuis une quinzaine d’années une thérapie « Toucher et piano » associant thérapie manuelle et improvisation chantée et jouée au clavier. L’utilisation simultanée de plusieurs langages (verbal, tactile, musical) permettrait d’atteindre plus facilement un état d’hypnose susceptible de libérer les émotions et de calmer les souffrances psychosomatiques.

La voix pourrait être notre instrument thérapeutique le plus efficace. Selon des études neurobiologiques et physiologiques, chanter entraîne la production d’endomorphines, les hormones du bien-être. Thomas Blank et Karl Adamek, de l’Université de Münster en Allemagne, ont trouvé que les jeunes enfants de maternelle pratiquant le chant, notamment de façon joyeuse, amélioraient leurs acquisitions langagières et leur comportement social. Chanter en groupe permettrait également de solliciter les neurones miroirs, qui s’activent lorsque l’on voit une action se réaliser, et ainsi d’aider les personnes aphasiques suite à un accident cérébro-vasculaire à récupérer le langage.

Selon le psychologue américain Howard Gardner, la créativité musicale est l’une des fonctions fondamentales du cerveau, au même titre que le langage et la logique mathématique. Au Centre de neurobiologie de l’apprentissage et de la mémoire de Californie, le physicien Gordon Shaw et la psychologue Frances Rauscher ont mené une expérience auprès d’une cinquantaine d’enfants de 3 et 4 ans, répartis en trois groupes : pendant huit mois, le premier groupe a reçu des cours individuels de piano et de chant ; le deuxième, des cours d’informatique ; le troisième n’a reçu aucune formation spécifique. Les enfants ont ensuite subi des tests de reconnaissance spatiale (arrangement de puzzles, assemblages de volumes, mise en couleurs d’éléments en perspective, etc.). Le groupe des pianistes en herbe a obtenu un résultat supérieur de 31 % à celui des autres enfants ! L’apprentissage précoce de la musique favoriserait donc le développement des circuits neuronaux dans les zones de représentation spatiale du cerveau.

Par ailleurs, une équipe de chercheurs chinois vient de démontrer qu’en stimulant la mémoire, l’apprentissage de la musique favorisait celui du langage. Ces études montrent surtout que, au cours des premières années de la vie, le cerveau – donc la façon de penser, de réagir, de se comporter – ne se construit pas seulement à partir des stimuli visuels et de l’ambiance familiale, mais aussi en fonction de l’environnement sonore. La manière dont il est structuré peut ainsi correspondre au style de certaines musiques. Par exemple, un cerveau « logique » et analytique se sent dans son élément avec une musique dite « intellectuelle ». C’est pourquoi beaucoup de mathématiciens adorent Bach ! Un cerveau « intuitif » ou « émotionnel » est plutôt touché par des musiques romantiques…

Initier les enfants à la musique classique ne peut donc que leur être profitable. S’il n’y a pas d’âge pour apprendre à écouter, il ne faut pas commencer par des œuvres trop « chargées ». Choisir des œuvres « simples » (Prokofiev ou Schumann ont aussi écrit pour les enfants) et varier les styles pour voir celles qu’ils préfèrent. Il en va de même pour l’apprentissage d’un instrument : la limite d’âge n’est fixée que par le développement des capacités motrices. Dès qu’un enfant sait s’asseoir sur une chaise et se servir de ses mains, il peut, par exemple, apprendre le piano. Mais il faut lui laisser le temps de découvrir l’instrument par lui-même avant de l’envoyer chez un professeur…

Des effets psychologiques

Outre notre fonctionnement mental, notre structure psychique est elle aussi influencée par la musique. Depuis des années, des musicothérapeutes tentent d’établir une relation entre les types psychologiques et les formes musicales… en vain : les études statistiques révèlent que deux personnes au tempérament « identique » peuvent avoir des goûts musicaux très différents. En effet, comme pour la nourriture, c’est notre milieu familial et culturel qui façonne nos goûts. En outre, la musique est porteuse de sens : un rythme spécifique, une phrase mélodique, une œuvre, une ambiance musicale particulière ou un son peuvent être associés à une expérience ou à une période précise de notre enfance. Une personne qui, petite, a été bercée par les chansons de Brel éprouve certainement de grandes émotions en l’écoutant, adulte. Un enfant qui, un jour, a été effrayé par le bruit des tambours au passage d’une fanfare risque d’éprouver toute sa vie une aversion irraisonnée pour ce genre de musique…

Parole et musique

Là où s’arrête le pouvoir des mots commence celui de la musique, disait Richard Wagner… Les effets d’une mélodie sur notre cerveau sont souvent étudiés à la lumière de ceux d’un matériel sonore complexe mieux connu : le langage. Ces systèmes perceptifs sont liés, mais distincts. D’ailleurs, près de 5 % de la population est « amusicale » congénitale : ces personnes n’ont aucun problème cognitif ou de langage mais ont des problèmes de perception musicale. Par exemple, elles ne détectent pas une fausse note. Depuis plusieurs années, les chercheurs de l’Institut de neurosciences cognitives de la Méditerranée (INCM)2 à Marseille effectuent des études comparatives entre langage et musique grâce aux techniques d’imagerie, par électroencéphalogramme (EEG) et par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), celle-ci mesurant l’activité cérébrale selon la consommation d’oxygène des zones du cerveau. Ainsi, selon Mireille Besson, directrice de recherche à l’INCM, « le rythme et les règles de l’harmonie ou du contrepoint sollicitent des zones de l’hémisphère gauche souvent attribuées au langage, en particulier à la syntaxe. Mais le timbre de l’instrument stimulerait plutôt l’hémisphère droit. » Bref, la perception du langage comme de la musique s’effectue par étapes, explique Daniele Schön, chercheuse à l’INCM. « Par exemple, dans l’apprentissage d’une langue étrangère, le cerveau segmente d’abord les informations sonores. Puis, du sens est attribué aux chaînes des sons. » Résultat étonnant : la vitesse d’émergence d’un mot est multipliée par trois si l’information est chantée plutôt que parlée ! « D’où l’intérêt des comptines destinées aux jeunes enfants », note Daniele Schön. La quantité d’informations extraite est énorme durant la première minute, puis elle augmente lentement.

Une part de mémoire à court terme spécifiquement auditive influe également. Laurent Demany, chercheur au laboratoire bordelais « Mouvement adaptation cognition »5, a observé un phénomène paradoxal dû à cette mémoire. Il a constaté qu’il est possible d’entendre consciemment un mouvement mélodique (un changement de hauteur tonale) entre deux sons successifs… alors que pourtant le premier de ces sons a été masqué par un ensemble d’autres sons simultanés et n’a pas été perçu consciemment ! « Cela peut se produire même si les deux sons successifs sont séparés par plusieurs secondes de silence, et s’ils ne sont pas présentés à la même oreille. Le cerveau relie automatiquement des sons dans le temps et détecte des changements indépendamment de l’attention et de la conscience », explique-t-il. « Cette mémoire auditive est hypersensible aux changements de fréquence, et donc de hauteur tonale », précise le chercheur : dans un délai d’une demi-seconde à deux secondes, la mémoire à court terme oublie plus vite l’intensité d’un son que sa hauteur.

Après quinze secondes d’écoute d’un morceau musical, un autre processus de mémoire entre en jeu, comme l’a montré Barbara Tillmann : il nous devient plus facile de discriminer avec précision les autres caractéristiques de cet extrait (mélodie, harmonie, etc.). Notre mémoire musicale aurait donc tendance à se bonifier avec le temps d’écoute. Pour détecter les capacités d’apprentissage de notre cerveau, Barbara Tillmann a utilisé avec Bénédicte Poulin-Charronnat, chercheuse au LEAD à Dijon, une nouvelle grammaire musicale établissant des règles d’écriture de suites de notes. Elles ont créé des séquences de cinq et six notes, fréquentes ou impossibles d’après cette grammaire. Elles ont alors testé la sensibilité de quarante personnes à ces règles musicales. « Dans 60 % des cas, les transgressions aux règles suivies sont détectées en moins d’un quart d’heure d’écoute. Les auditeurs ne s’en rendent pas compte, mais ils ont saisi certaines des caractéristiques de la nouvelle structure musicale », commente Bénédicte Poulin-Charronnat. Cet apprentissage implicite existe au sein de chaque culture, où une musique environnante est omniprésente.

La mémoire entre en jeu

Si plusieurs réseaux neuronaux sont impliqués dans la perception de la musique, comment le cerveau parvient-il à traiter la complexité de l’information musicale ? Les scientifiques savent aujourd’hui qu’il élabore une stratégie basée sur la familiarité, l’apprentissage implicite et la mémoire. Démonstration : Barbara Tillmann, chargée de recherche dans l’unité « Neurosciences sensorielles, comportement, cognition »3 de Lyon, s’est intéressée à la reconnaissance de mélodies familières. « Après 500 millisecondes d’écoute, les jugements de familiarité des auditeurs se différencient pour des morceaux musicaux connus ou non. » Les réseaux neuronaux impliqués lors de cette perception de la familiarité musicale sont similaires à ceux activés par les odeurs familières, selon ses résultats publiés en février dans la revue Cerebral Cortex.

Le cerveau musical

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