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L’homme est-il le plus grand succès de l’évolution du vivant ?

vendredi 5 avril 2019, par Robert Paris

L’homme est-il le plus grand succès de l’évolution des espèces, le plus adapté, le plus complexe, l’espèce dominante par excellence ?

Bien des gens s’imaginent que la notion d’évolution est identique à celle de progrès, que le progrès va dans le sens de la complexité, que l’homme est le produit de son cerveau et, pour finir, que le cerveau humain est le produit le plus réussi et le plus élevé de la tendance à la complexité.

Ces quatre affirmations sont, à coup sûr, des erreurs remarquables et aucune n’a en rien même une part de vérité !

Mais d’abord, il importe de rappeler que l’évolution darwinienne ne suppose nullement une directionnalité des transformations d’espèces. La Vie ne va pas dans un sens donné et la meilleure manière de s’en convaincre, ce sont les bactéries qui conservent de manière stable l’ensemble de leurs caractéristiques, tout en évoluant à grande vitesse.

La Vie n’est fondée ni sur le changement ni sur la conservation mais sur une dialectique mêlant les deux.

Mais la Vie, pas plus que la Matière, ne se transforme pas de manière directionnelle. De même que l’on ne peut nullement dire que la lumière serait plus ou moins avancée dans l’évolution par rapport à la matière, ni la matière durable par rapport à la matière éphémère du vide quantique, on ne peut pas dire que les espèces actuelles sont plus évoluées que leurs ancêtres. En ce sens, le terme d’ « évolution », pour la transformation des espèces, est assez malencontreux et cela a été dit bien souvent. Ce n’était d’ailleurs pas le terme préféré de Darwin. Autrefois, on parlait plutôt de transformisme et Darwin parlait de descendance transformée…

Que la transformation soit pilotée par des mécanismes darwiniens ne signifie pas qu’elle soit dirigée dans un sens donné. Etre favorisé par un état donné du milieu peut arriver à une espèce nouvelle mais ce n’est pas un avantage dans l’absolu. Cela dépend des changements de ce milieu (climat, conditions d’existence, sexualité, nourritures, mode de vie, autres espèces vivantes, etc.) et les milieux changent sans avoir non plus un sens. Les climats se succèdent et modifient l’ensemble du milieu et, du coup, un avantage devient un désavantage. Etre évolué peut être un avantage ou un grand désavantage. Une espèce apparemment largement dominante peut complètement disparaître. Cela étonne certains mais cet étonnement lui-même montre que la logique de l’ « évolution », notamment son caractère dialectiquement contradictoire, leur échappe.

L’évolution ne fonctionne pas sur le mode dichotomique des « facteurs positifs » et des « facteurs négatifs ». Le négatif devient du positif et inversement. Une faiblesse devient une force. Une régression devient un facteur de domination. Une domination mène à une extinction….

Prenons, point par point, les raisonnements qui amènent certains à affirmer que l’homme serait le sommet de l’évolution des espèces, le plus grand succès de la complexité du Vivant, et son cerveau le plus grand succès de la transformation du Vivant.

Commençons d’ailleurs par cette dernière affirmation…

Nous ne nions pas que l’intelligence humaine soit admirable et qu’elle soit particulière. Mais nous nions que le cerveau humain soit le produit d’une construction particulièrement complexe. Le terme de « complexité » pour parler du cerveau humain est une erreur scientifique classique.

Le fait que le cerveau humain parvienne à piloter non seulement le corps mais la pensée n’est pas un effet d’un mécanisme de construction du cerveau particulièrement complexe. Nous connaissons assez bien le mode de construction du cerveau humain et ses mécanismes sont, au contraire, particulièrement simples.

Pour construire un cerveau humain, il suffit de multiplier follement toutes les cellules nerveuses au cours du développement initial de l’individu indépendamment de leur utilité, de leur efficacité, de leur capacité à entraîner des moyens de penser ou de diriger le corps humain et, ensuite, de laisser mourir naturellement tous les neurones, les synapses, les réseaux neuronaux qui n’ont aucune liaison particulière avec le fonctionnement du corps. C’est le suicide cellulaire, ou apoptose, qui se chargera, là aussi très simplement, de supprimer les inefficaces. Et ce mécanisme de l’apoptose n’a pas été inventé spécifiquement pour le cerveau humain, car il caractérise tous les types de cellules vivantes ! Le mécanisme qui amène la suppression des neurones qui ne servent pas à véhiculer de l’influx nerveux vers le corps est tout simplement le fait que cette irrigation électrique soit le moyen même de nourrir les cellules nerveuses. Elles fonctionnent sur la base du principe : qui ne travaille pas ne mange pas !!!

On peut lire plus précisément ici : le mécanisme de production d’un cerveau humain

Qu’est et d’où vient l’intelligence humaine

Qu’est-ce que l’apoptose

Remarquons que l’affirmation selon laquelle l’homme actuel serait un produit des particularités de son cerveau est là encore une absurdité. Le cerveau n’a pas connu une évolution qui soit à dissocier de celle de l’ensemble du corps humain. Ce qui caractérise l’homme, par rapport aux autres singes, est une évolution retardée, néoténique, des rythmes d’évolution des singes, et cela caractérise aussi bien toutes les parties du corps humain, et pas spécifiquement le cerveau.

Le fait de considérer que l’homme aurait un avantage évolutif provient de l’idée selon laquelle, s’il domine la nature, c’est qu’il a reçu cet avantage de l’évolution naturelle.

Tout d’abord, il y a erreur : l’homme ne domine pas à proprement parler la nature. Il en fait simplement partie !

Ainsi, l’homme ne domine pas les bactéries.

Certes, il transforme la nature, mais pas plus que l’avaient fait d’autres espèces, apparemment dominantes, qui l’ont précédé, comme les dinosaures.

Une autre erreur consiste à affirmer que l’homme serait le plus évolué des animaux !

Pour ne prendre qu’un seul exemple, la phrase introductive de l’exposition de la faculté d’Orsay, intitulée « Chroniques de l’évolution » affirme très justement :

« Vous croyez que l’être humain est l’être vivant le plus évolué sur Terre ? Vous avez tort.

Qu’elles soient végétales, animales, bactériennes ou archéennes, toutes les espèces qui vivent autour de nous sont autant évoluées que l’humain. »

(texte cosigné par les professeurs de Vienne, Darmerval, Casane, Montchamp-Moreau, Nadot notamment)

La notion même de « complexité croissante », attribuée au Vivant et particulièrement à l’Homme est tout à fait trompeuse. Les espèces qui ne semblent pas plus complexes que leurs ancêtres, comme les bactéries, ne sont pas moins évoluées pour autant.

Tous les êtres vivants descendent des mêmes ancêtres. En témoignent notamment les gènes homéotiques qui pilotent le développement de l’individu et qui fonctionnent aussi bien sur toutes les espèces. Nous sommes donc, tous les êtres vivants, aussi éloignés en termes évolutifs de nos ascendants. Il n’y a pas sur Terre des plus évolués et des moins évolués, ni des plus complexes et des moins complexes.

Les ciseaux de la mort qui, par la sélection naturelle, éliminent des espèces, une par une ou, dans certaines périodes, par centaines et milliers d’espèces, n’épargnent nullement les espèces « plus évoluées » ou « plus complexes » mais, parfois, celles qui ont développé dans le passé plus de « capacité à évoluer rapidement », ce qui est très différent….

L’évolution est un produit de la dialectique du hasard et de la nécessité et non un effort dirigé dans un sens, dans un but, en vue de la réalisation d’un projet.

L’homme n’est nullement un aboutissement de la transformation du Vivant. Il n’est rien de plus, en termes évolutifs, que n’importe quelle espèce vivante.

Il est évident que, si les dinosaures avaient survécu, l’homme, s’il était apparu, n’aurait pas eu l’occasion de se croire dominant. Or, ce n’est nullement une quelconque supériorité des mammifères qui leur a évité de disparaître alors que des centaines d’espèces sont mortes en même temps que les dinosaures.

L’évolution naturelle, ce n’est absolument pas un adage moral du type « ce sont les meilleurs qui restent » !!!!

Concluons, provisoirement, avec Stephen Jay Gould (dans « L’éventail du vivant, Le mythe du progrès ») :

« La révolution darwinienne sera achevée lorsque nous nous déferons définitivement de notre arrogance et accepterons les conséquence évidentes de l’évolution quant à la non-directivité non prédictible de la vie – et lorsque nous prendrons au sérieux la topologie darwinienne en reconnaissant que Homo sapiens, pour reprendre une fois de plus notre leitmotiv, est une ramille minuscule, émergée depuis hier à peine sur un arbre de vie extrêmement luxuriant, qui ne redonnerait jamais les mêmes branches si on replantait la graine dont il est issu. Nous nous raccrochons au progrès (cette branche idéologique desséchée) parce que nous ne sommes pas encore prêts pour la révolution darwinienne et qu’il (le prétendu progrès) est notre meilleur espoir de préserver notre arrogance dans un monde en évolution. Telles sont, à mon sens, les seules raisons qui expliquent pourquoi l’argument du progrès, malgré sa pauvreté et son invraisemblance, conserve aujourd’hui une telle emprise sur nous. »

Et Stephen Jay Gould cite une discussion :

Huxley : Un jour, j’ai tenté de définir l’évolution d’une manière globale. Cela donna à peu près ceci : un processus à sens unique, irréversible dans le temps, produisant manifestement des novations et une plus grande diversité, et conduisant à un degré d’organisation supérieur.

Darwin : « supérieur » ?

Huxley : Oui, plus différencié, plus complexe, mais en même temps plus intégré.

Darwin : Mais elle produit aussi des parasites.

Huxley : Je veux dire un degré supérieur d’organisation globale, comme celui du niveau le plus élevé. »

« Cette discussion date de 1959. Charles Darwin est mort en 1882 et Thomas Huxley en 1895 – ainsi, à moins qu’il ne s’agisse d’une séance de spiritisme, cette conversation a quelque chose d’étrange. La date, 1959, devrait mettre les aficionados sur la voie : Charles Darwin a publié « De l’origine des espèces » en 1859, donc exactement cent ans plus tôt. Cela fleure une célébration de centenaire.

En fait, Huxley est ici le petit-fils de Thomas Henry, Julian, éminent biologiste et homme d’Etat, tandis que ce Darwin est le petit-fils de Charles, également prénommé Charles, scientifique lui aussi, mais également humaniste social.

Les deux petits-fils eurent cet échange lors de la plus imposante célébration du centenaire de « L’Origine des espèces », à l’université de Chicago…

Les erreurs et les idées de Darwin et Huxley du XXe siècle rappellent curieusement celles de leurs ancêtres… »

Gould cite les notes de Darwin dans ses carnets :

« Matérialiste, va !... Pourquoi serait-il plus extraordinaire de considérer la pensée comme une sécrétion du cerveau que la gravité comme une propriété de la matière ? C’est notre arrogance qui nous en empêche, notre admiration pour nous-mêmes. »

Gould rajoute :

« Darwin ne craignait pas d’afficher son non-progressisme. Il griffonna dans la marge d’un éminent ouvrage défendant le progrès dans l’histoire de la vie : « Ne dites jamais supérieur ou inférieur. » Et dans une lettre (du 4 décembre 1872) au paléontologue Alpheus Hyatt, qui avait proposé une théorie évolutionniste fondée sur un progrès intrinsèque, il écrivit : « Après mûre réflexion, j’ai la ferme conviction qu’il n’existe aucune tendance naturelle au développement progressif. »

Gould rétablit ainsi la véritable conception darwinienne de l’évolution :

1°) Tous les organismes ont tendance à produire plus de descendants qu’il n’en peut survivre

2°) Ces descendants présentent entre eux des variations et ne sont pas des copies conformes d’un type immuable

3°) Une part au moins de ces variations se transmet aux générations suivantes (nous savons que c’est par la génétique, ce que ne savait pas Darwin)

4°) La sélection provient de la nécessité qui contraint nombre de descendant à mourir, l’écosystème ne pouvant les accueillir tous

5°) c’est seulement après coup, que l’hérédité ajoutée à la sélection, de manière hasardeuse et en aveugle, et absolument pas de manière adaptative et progressiste, amène les descendant survivants à avoir conservé des évolutions avantageuses par rapport à l’environnement.

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