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Le lien entre maladies et suicide cellulaire

jeudi 26 juin 2008, par Robert Paris

Rappelons que le suicide de la cellule est génétiquement programmé (gènes et protéines) par avance mais inhibé au cours du fonctionnement de celle-ci.

Cela nous amène à la liaison entre le suicide cellulaire et certaines maladies.
En effet, de nombreuses maladies sont liées à une apoptose massive restée souvent inexpliquée. Ou au contraire dans le cas des cancers à un blocage de l’apoptose.
Ainsi, la maladie d’Alzheimer produit la mort d’un grand nombre de neurones. Le sida tue la plupart des lymphocytes T du système immunitaire, nous rendant sans défense face aux attaques microbiennes intérieures et extérieures. Au début, on croyait que ces morts massives de cellules étaient dues à une agression provoquant la mort par exemple par un virus, une toxine ou des protéines anormales. Mais le plus souvent, dans ces phénomènes de mort massive de cellules, on n’a pas retrouvé d’éléments capables de tuer autant de cellules dans une durée aussi courte. Et on a recherché une autre explication. En étudiant le sida on s’est alors aperçu de la relation entre le sida et le déclenchement anormal de l’apoptose de certaines familles de neurones. Dans la maladie de la paralysie de l’enfant, une maladie génétique assez fréquente, on a trouvé un lien entre la maladie et une déformation génétique de la protéine liée au message d’apoptose provoquant là aussi des suicides de neurones d’un certain type.
On retrouve le même phénomène dans d’autres maladies génétiques par exemple celle de la dégénérescence de la rétine. Dans ce cas, une exposition à une lumière trop intense provoque la déformation de la protéine de l’inhibition du suicide déclenchant ainsi le suicide massif des cellules de photorécepteurs de la rétine et provoquant des cécités graves.
Dans d’autres maladies comme les maladies cérébrales dues à un manque d’oxygène on a également détecté la liaison entre la suppression massive de neurones et une déformation de l’apoptose. En effet, ce n’est pas le manque d’oxygène dans le cerveau, par exemple en cas de formation d’un caillot de sang, qui tue directement les neurones du cerveau. On a pu montrer que le manque d’oxygène bloque le signal de survie et enclenche un suicide cellulaire massif de neurones provoquant des maladies cérébrales aiguës.

Le cancer et l’inhibition de l’apoptose

La principale maladie liée à un défaut du mécanisme d’apoptose est certainement le cancer.
Les causes de cancers sont multiples (agression chimique, magnétique, fumée ou déformation génétique) ainsi que les formes de la maladie en fonction des zones où elles se déclenchent mais le mécanisme semble bien unique. Une cellule cancéreuse est une cellule qui commence à se développer comme le ferait un unicellulaire c’est-à-dire qui survit en construisant une colonie de cellules du même type. Et ces cellules cancéreuses vivent aux dépens des cellules normales dont elles absorbent la nourriture. La cause de cette déformation est génétique, les accidents ayant provoqué l’enclenchement anormal de gènes jusque là verrouillés et la production de protéines dites oncogènes qui fabriquent la tumeur. Ces gènes altérés sont ceux qui freinent normalement le dédoublement cellulaire comme le gène P53. C’est pourquoi on a longtemps pensé que le cancer était une maladie due à un enclenchement incontrôlé du dédoublement cellulaire. Cependant on savait que des dédoublements cellulaires très activés existent dans le fonctionnement vital sans provoquer de cancer.
On s’est ensuite aperçu que le dédoublement cellulaire accéléré n’était que le résultat visible d’une cause plus profonde : une maladie génétique du mécanisme d’apoptose entraînant le blocage du message de mort.

Ameisen raconte ainsi qu’en 1982, un biologiste de Moscou, Serge Umansky, a proposé cette nouvelle hypothèse selon laquelle une déformation oncogène devrait entraîner automatiquement le suicide cellulaire et ne le ferait pas du fait d’une autre déformation, celle de l’apoptose. Son idée a été méconnue durant de longues années.
En 1992, Gerard Evans, biologiste de Londres montrait que le cancer débutait par une inhibition du suicide cellulaire suivie d’un blocage de la régulation de la multiplication cellulaire. Les cellules cancéreuses sont des cellules qui ont dérivé vers la recherche de l’immortalité. Elles subissent du coup de nombreuses déformations puisqu’elles ne sont plus capables de s’autodétruire en cas de déformation génétique nuisible.
Elles montrent également à quel point le mécanisme de suicide cellulaire est indispensable au vivant.

J’ai essayé de montrer à quel point il s’agit d’un changement de point de vue sur le fonctionnement du vivant. Contrairement à la conception selon laquelle chaque ADN ne peut produire qu’un être vivant spécifique, on a constaté une très grande souplesse d’utilisation du matériel génétique permettant de produire des molécules et même des êtres vivants différents suivant la manière dont sont verrouillés et déverrouillés les gènes qui y sont présents. Des variations proviennent de déverrouillages de certains gènes qu’Ameisen appelle inhibition de l’inhibition. Les variations inadéquates sont supprimées par une autre inhibition de l’inhibition, celle du message de mort qui enclenche le suicide.

Cancer et interactions cellulaires

Je voudrai en quelques mots évoquer une recherche récente qui concerne le cancer, le mode d’interaction des cellules vivantes et, au delà, la conception même que nous avons de la vie. Cette recherche a notamment été évoquée dans le dernier numéro de la revue « Sciences et vie ». Elle est nouvelle et même très novatrice et donc bien entendu encore loin d’être unanimement reconnue et suscite de multiples controverses.

Ce sont les chercheurs américains Carlos Sommenscheim et Ana Soto de l’université Tufts à Boston qui proposent cette nouvelle interprétation du cancer, une nouvelle manière de le soigner liées à une interprétation particulièrement novatrice du mécanisme du vivant. Pour l’essentiel, il s’agit de remplacer une interprétation génétique du cancer par une autre qui fait appel à des modifications tissulaires. Un cancer n’aurait pas pour origine une altération de l’ADN mais de l’environnement des cellules et de leurs relations. Rappelons que jusqu’à présent la thèse classique affirmait que l’origine du cancer était à chercher dans l’altération des mécanismes génétiques de la division ou de la mort cellulaire.

Cette nouvelle recherche part de nombreuses observations qui soulignent l’importance des interactions entre cellules au sein d’un tissu. On constate par exemple qu’une cellule en train de se supprimer par apoptose peut cesser de s’auto-détruire si elle est transplantée dans un autre environnement et inversement, une cellule vivante peut s’autodétruire si on la déplace. L’explication provient des messages chimiques intercellulaires.

Selon ces chercheurs que je cite ici, « il faut cesser de penser selon un schéma linéaire où des événements cellulaires s’additionnent pour conduire au cancer sans les connecter à l’échelle supérieure, celle du tissu. Nous préférons aborder le cancer à l’échelle tissulaire parce que c’est à ce niveau de complexité et en trois dimensions que la tumeur se développe. »

Là où cette thèse change fondamentalement la conception, ce n’est même pas uniquement à propos du cancer mais du mécanisme du vivant tout entier. En effet, ce qui sous-entend l’idée d’une altération génétique causant le cancer est la conception des oncogènes. Il s’agit de gènes qui stimuleraient la division cellulaire et qui, lorsqu’ils sont altérés, produiraient une augmentation de la division. Mais cela sous-entend que, sans les oncogènes, la cellule serait non divisible. Or rien ne le prouve.

Il en va de même en ce qui concerne l’apoptose. L’expression même de cellule vivante sous-entend que la cellule qui possède tous ses attributs serait naturellement faite pour vivre.

La thèse de ces scientifiques est inverse : la cellule aurait naturellement tendance à se diviser et elle aurait également tendance à se laisser mourir. Ce sont les interactions par messages chimiques qui inverseraient ces tendances.

Les deux phénomènes clefs du vivant qui sont liés au cancer sont donc inversés dans cette conception. Au profit de l’idée que ce sont les interactions qui donnent le message à la cellule de retarder sa mort. Le contrôle de la prolifération serait également un contrôle négatif et non une stimulation. Quand les cellules ne se divisent pas comme dans la peau ce serait sous l’action de processus inhibiteurs.

Pour ces chercheurs le cancer résulterait d’anomalies de la communication entre les cellules agissant sur la division cellulaire et sur l’apoptose. Il en résulte une proposition de soins aux cancéreux : dans une zone cancéreuse inoculer des molécules d’interaction inter cellulaires d’une autre zone.

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