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Pygmées et Bushmen, chasseurs-cueilleurs nomades au stade du communisme primitif

samedi 4 janvier 2020, par Robert Paris

Pygmées et Bushmen, chasseurs-cueilleurs nomades au stade du communisme primitif

Les Pygmées ne sont pas un peuple, pas une ethnie, pas les occupants d’une région localisée, mais tout l’ancien peuple humain chasseurs-cueilleurs de petite taille des forêts d’Afrique soit des centaines de peuples, d’ethnies, de sociétés diverses et de régions.

Précisons tout de suite que « Pygmées » et « Bushmen » sont des noms qui n’ont rien de commun avec des noms de peuples réels. Ils ont en commun d’avoir été une invention des colonisateurs occidentaux et de ne pas exister en réalité ! Il n’existe en effet pas plus un peuple Pygmée qu’un peuple Bushmen et cela ne signifie pas seulement que ces noms ont été inventés par les colons mais aussi que ces entités n’existent pas réellement comme un peuple. En effet, ces termes employés par les colonisateurs occidentaux décrivent non un ou deux peuples mais toute une série de peuples, de la forêt équatoriale pour les prétendus « Pygmées » et de la savane d’Afrique du Sud pour les prétendus « Bushmen ». Et non seulement une série de peuples mais une série de civilisations différentes. Ces peuples ont subi le mépris, l’oppression, l’esclavage forcé et même l’extermination systématique…

L’une des « idées » complètement fausses des colonisateurs, c’est que la petite taille des Pygmées et des Bushmen exprimerait une infériorité raciale et c’est complètement imbécile. La petite taille n’est pas insignifiante mais elle ne signifie nullement une race dégénérée ou peu évoluée, ni inférieure de quelque manière que ce soit. De même, aucun des comportements de ces peuples n’exprime une quelconque infériorité.

La seule caractéristique qui les différencie clairement de nous, c’est qu’ils sont chasseurs-cueilleurs nomades et n’appartiennent pas à une société qui reconnait ni l’Etat, ni l’argent, ni la soumission à un pouvoir quelconque, ni aucune forme d’oppression, de répression, de propriété privée des biens de production et des moyens de production, qui ne considère pas qu’il faut accumuler des biens, qu’il faut produire le plus de richesses possibles, ni le plus d’enfants possibles et surtout pas qu’il faut viser à la domination d’autres hommes ou êtres vivants !

Certains imbéciles essaient de faire croire que ces peuples seraient intermédiaires entre l’homme moderne et le singe ou bien un reste des premiers hommes, avant l’espèce humaine actuelle, mais c’est complètement faux : ce sont des hommes modernes, des homo sapiens sapiens, exactement au même titre que nous. Ils ne manifestent aucun type d’infériorité génétique, physiologique, intellectuelle ou culturelle ou d’un autre type encore. Leurs différences sont nombreuses mais elles sont surtout dues au milieu, au mode de vie, au mode de production, aux relations économiques et sociales.

Il faut d’ailleurs reconnaître que les colonisateurs africains, des peuples agriculteurs, n’ont pas généralement fait mieux que les colonisateurs européens à l’égard de ces peuples. Ils les ont esclavagisés, aussi bien les uns que les autres !

Ce sont des peuples qui ont en commun de ne pas être passés au stade de l’agriculture et donc de ne pas avoir connu ni la sédentarisation, ni l’urbanisation, ni l’Etat, ni la division en classes sociales, ni encore la propriété privée des moyens de production, ni l’agriculture et, même quand ils l’ont connu, de s’y refuser.

Les Pygmées, caractérisés par leur petite taille (en moyenne 1,44 mètre par homme adulte) semblent être les plus anciens occupants de la forêt équatoriale d’Afrique. Ils se répartissent en groupes très dispersés, du Cameroun au Rwanda en passant par le Gabon et jusqu’à l’Afrique australe. L’immense majorité ne s’est pas sédentarisé et n’est pas passé à l’agriculture, restant chasseurs-cueilleurs. Ils forment des peuples divers : Bushmen, Binga, M’buti, Twa, San, Bongo, Baga, Barimba, Bakoya, etc. On ne sait pas s’ils ont une origine commune ou pas.

Ces peuples ne cherchent pas l’accumulation de richesses, ne se sédentarisent pas, ne forment pas des villages durables et des villes, ne constituent pas d’Etat, ne développent pas des inégalités, ne forment pas de classes sociales, n’ont pas des dirigeants puissants.

Les premiers récits d’explorateurs sur les Pygmées :

« A journey to Ashango-land » (1867) de Du Chaillu, traduit en français en 1868 par « L’Afrique sauvage », puis « The Country of the Dwarfs » (1872), étude des « Bongo ». Du Chaillu souligne le refus des Pygmées de cultiver : « Pourquoi planter alors qu’il y a tant de fruits et de gibier dans la forêt ? »

Du Chaillu décrit une « tribu de nains », appellation sous laquelle une peuplade d’Afrique a été mentionné déjà en 1686 dans « Description de l’Afrique » par Dapper (1686). Il fait le rapprochement entre les Bongo et les Bushmen d’Afrique du sud et avec les chasseurs-cueilleurs d’Afrique de l’est.

Depuis, Pierre-Philippe Rey a étudié les Barimba en 1970, Raymond Mayer a étudié les Pygmées du Gabon en 1981, Emmanuel Mve Mebia a étudié les Baka, Pither Medjo-Mve a étudié les Bakoya, Kaim Klieman a étudié les Barimba, etc.

Les termes « pygmée », « populations autochtones » ou « peuples de la forêt » englobent les différents groupes ethniques disséminés le long de l’équateur dans de nombreux États de l’Afrique centrale actuelle, allant de la partie occidentale Cameroun, Gabon, Congo, République démocratique du Congo, jusqu’au Rwanda, au Burundi et à l’Ouganda à l’est. Ces groupes de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs sont aujourd’hui confrontés à une précarisation croissante et leur culture se trouve menacée.

Les Pygmées sont divisés en deux grands ensembles : un groupe des Pygmées de l’ouest et un groupe des Pygmées de l’est. Ces deux ensembles ont divergé il y a environ 20 000 ans. Les deux auraient suivi une évolution convergente vers une forme de nanisme insulaire, ils se distinguent cependant par la forme de leur courbes de croissance respectives. Les deux groupes partagent des caractéristiques culturelles communes  :

• Pygmées de l’Est, présents au Rwanda, à l’est de la RDC et en Ouganda)  : ce groupe comprend les Aka, Sua, Efe (ou Mbuti) et les Batwa  ;

• Pygmées de l’Ouest, présents au Cameroun, en Centrafrique, au Gabon, au Congo Brazzaville et en RDC)  : y sont inclus les Bakas, Kola, Bongo, Koya, Aka et Twa.

Les pygmées pratiquent traditionnellement une forme de nomadisme. Ceux-ci se déplacent entre des campements temporaires installés pour une période de chasse, chaque campement accueille une famille élargie. Ces campements sont constitués d’un ensemble de mongulus, des huttes construites en feuilles de marantacées assemblées sur un treillis ancré en terre et arqué de force en forme de tonnelle. Les feuilles sont posées comme des tuiles agrafées par leurs pétioles incisés. Ce sont les femmes qui se chargent de construire ces huttes. Cela dénote une grande importance des femmes dans ces sociétés.

Dans toutes les ethnies l’unité sociale de base est le campement, il est généralement composé de 30 à 70 individus qui vivent dans une dizaine de huttes. Les individus sont généralement étroitement apparentés ou liés par des mariages. La composition des groupes change régulièrement et ils entretiennent de fortes relations entre groupe voisins.

La société pygmée, basée sur le retour immédiat (par opposition au retour différé, c’est-à-dire avec un échange de monnaie comme étape), est l’une des plus égalitaires qui existe. Il n’y a pas de hiérarchie au sein des campements, même pour les activités de groupe.

Les Pygmées pratiquent la chasse à l’arc ou à l’arbalète, à la sagaie et au filet. Alors que la chasse à l’arc (ou l’arbalète) se pratique individuellement, les battues au filet peuvent rassembler les individus de plusieurs campements. Les techniques de chasse varient selon le type de gibier disponible mais aussi selon les groupes ethniques. Ils sont réputés pour la chasse à l’éléphant. Ils pêchent grâce à des retenues temporaires qui leur permettent de capturer le poisson ou à l’aide de nasses de vannerie. En plus des fruits et des tubercules, ils récoltent du miel et des chenilles pour l’alimentation. Le produit de la chasse est systématiquement partagé entre les chasseurs pour leurs familles, les fruits de la récolte eux ne sont distribuées qu’en cas de surplus.

Les animaux les plus consommés sont les rongeurs (porc-épic et rats de Gambie) l’hylochère et les céphalophes. Les petits morceaux de viande abats et tubercules peuvent être cuits à l’étouffé ou bouillis en sauce par les femmes au campement, ces sauces varient en fonction de la saison et les disponibilités en accompagnement. La cuisine pratiquée par les hommes pendant les expéditions de chasse est plus rapide, les viandes sont grillées. Les Pygmées ont tendance à attaquer la viande en mordant latéralement avec les canines et prémolaires, car leurs incisives tallées en pointe sont fragiles et hypersensibles au chaud.

Une pharmacopée traditionnelle à base de plantes leur est utile pour soigner les blessures et maladies propres à la vie en forêt.

Les pygmées possèdent une connaissance matérielle et une intelligence de la forêt très importante, ils sont de ce fait souvent employés par les ONG, les compagnies d’exploitation du bois ou les sociétés de chasse comme guides. Ces talents leur sont reconnus (parfois considérés très élevés) par leurs voisins agriculteurs11. Une étude menée chez les Baka et les Aka de la région de la Sangha, a montré qu’ils connaissaient, ou en tout cas accordaient une plus grande importance aux « produits forestiers non-ligneux ».

Bien que considérés comme chasseurs cueilleurs, les peuples de la forêt gèrent la forêt et en particulier la ressource en igname : il est d’usage pour eux de replanter un fragment d’igname dans un trou comblé avec de l’humus, après l’avoir récolté dans la forêt. Ceci enrichit nettement la forêt en ressources, les anciens campements abandonnés depuis plus de 10 ans, sont de 6 à 30 fois plus riches en ignames que le reste de la forêt et les ignames y sont moins piquants.

Le communisme primitif des chasseurs-cueilleurs pygmées

« Les Pygmées chassent à leur manière, et pas au fusil. On le sait, ils sont très petits ; il est presque ironique de penser que ce sont les hommes les plus petits qui tuent les animaux les plus gros (les éléphants). Avec un courage immense, ils attendent la charge de l’éléphant, après avoir fixé en terre une grosse lance dirigée vers la poitrine de l’animal ; ils ne se sauvent qu’au dernier moment ; ou bien ils frappent aux flancs et au ventre, ou encore aux pattes, pour lui couper les tendons.

Je n’ai pas essayé de les accompagner à la chasse à l’éléphant. Pour atteindre la zone favorable, quatre ou cinq journées de marche en forêt auraient été nécessaires, à une température oscillant entre 35 et 40°, et surtout avec un degré d’humidité de 100%. Mais je me souviens de ce que m’en avait raconté un agriculteur africain qui y était allé, et qui, au moment crucial, s’était caché derrière un arbre, saisi d’une peur incontrôlable à la vue du grand animal fonçant sur son « tuma » (le titre prestigieux auquel a droit le Pygmée passé maître dans la chasse à l’éléphant).

Je demandai au chef d’un campement si nous pouvions aller chasser avec eux ; nous étions deux, un collègue et moi-même. Il me répondit qu’il devait consulter les autres. La société pygmée ne comporte pas de hiérarchies sociales et le « chef » n’y a pas d’autorité véritable, il est seulement un point de repère pour les personnes qui viennent de l’extérieur….

Le campement se composait de neuf ou peut-être dix familles ; sept d’entre elles donnèrent leur accord. Dans la chasse au filet, celle qui est habituellement pratiquée par la grande majorité des Pygmées, sept filets au moins sont nécessaires pour former autour des animaux un cercle suffisamment grand. Chaque famille possède en général un de ces filets, longs d’environ cinquante mètres, tressés à l’aide d’une cordelette confectionnée à partir de l’écorce de certains arbres.

Nous partîmes le lendemain matin et campâmes dans la forêt à quelques heures de notre base de départ. En deux ou trois heures, les femmes construisirent les cabanes, qui sont de forme hémisphérique un peu allongée, de la longueur d’un Pygmée couché, et pourvues d’une ouverture si petite qu’on ne peut y pénétrer qu’en rampant. Elles sont formées d’une squelette de branches entrecroisées et recouvertes de grandes feuilles qui les rendent parfaitement étanches à la pluie. La couche est faite de troncs disposés dans le sens de la longueur, parallèlement au corps. Deux jeunes Pygmées, qui n’avaient pas d’épouse pour construire leur cabane dormirent à la belle étoile sur un lit de branches, serrés l’un contre l’autre pour se protéger du froid de la nuit…

Le lendemain, ce fut le départ pour la chasse, en compagnie des femmes et des enfants les plus petits, qui allaient à la recherche de tortues et d’oiseaux. La forêt est touffue, avec des arbres hauts de trente à quarante mètres ; le feuillage est si dense qu’il ne laisse pas filtrer les rayons du soleil, si bien que l’on y vit constamment plongé dans une ombre épaisse. Sur le sol la végétation est rare, constituée de buissons ou d’arbustes, très verts, afin de compenser la faiblesse de la lumière ; ce sont ces mêmes plantes que nous retrouvons dans nos appartements urbains, où la lumière n’abonde pas. Le sol est jonché de troncs d’arbres tombés et d’obstacles divers. Les hommes mettent en place les filets, hauts d’environ un mètre, de manière à former approximativement un cercle, et les fixent à des branches basses pour que les animaux ne les voient pas trop facilement.

Pendant cette phase, tous restent silencieux, invisibles les uns aux autres, jusqu’à ce qu’un signal les avertisse que le cercle est prêt, et la chasse commence alors. Un groupe de trois ou quatre hommes avance vers le centre, armé de lances, en faisant du bruit pour effrayer le gibier ; tous les autres restent près des filets, y compris les femmes, et se tiennent prêts à attraper les animaux qui, en s’enfuyant, viennent s’y prendre et tomber, ou restent un instant prisonniers des mailles. Ils se relèvent en effet très vite, et il faut agir rapidement pour les immobiliser ou les frapper. La forêt est très dense et l’on n’y voit en général qu’à quelques mètres, si bien qu’il est rare d’assister à la rencontre avec l’animal ; on entend des bruits de lutte et des cris, toute une excitation qui se prolonge jusqu’à ce que le gibier soit pris, ou bien se soit échappé. Ce cycle de chasse dure quarante ou cinquante minutes ; le groupe se déplace ensuite d’environ un kilomètre pour recommencer ailleurs.

On continua ainsi pendant toute la journée, sans attraper grand-chose. Entre un cycle et un autre, on tenta de changer le cours du sort par des actes de magie et des formules, tantôt en crachant sur les filets, tantôt en appâtant les animaux par des chants, ou bien en les insultant. A un moment donné, un gros animal fut capturé : nous le comprîmes aussitôt car nous entendîmes à quelque distance de là, au milieu du tohu-bohu de la chasse, un grand éclat de rire argentin, de toute évidence une exclamation de joie. Il s’agissait d’une grande antilope.

Tout le gibier est partagé entre les membres du campement mais certains des meilleurs morceaux sont réservés à celui qui a pris l’animal. Pour les Pygmées, la chasse est évidemment un travail, nécessaire pour vivre, mais c’est aussi un travail amusant…

Les Pygmées ont développé une extraordinaire connaissance du comportement des animaux, qui leur permet de pratiquer des chasses très difficiles, comme la chasse ua fourmilier, ou très dangereuses comme la chasse à l’éléphant…

Les Pygmées aiment profondément le genre de vie qui est le leur. Il est difficile de les déraciner : on ne le peut que si l’on détruit la forêt, comme cela a été fait durant ces derniers millénaires, et continue de se faire, à une vitesse hallucinante, dans une véritable tentative d’anéantissement à l’échelle de la planète…

Pendant plus de 99% de son histoire, l’humanité a vécu de la chasse et de la cueillette. Les Pygmées sont un des rares exemples encore existants de peuples qui pratiquent ce genre de vie. Dans les années soixante, il ne restait déjà plus guère de populations auprès desquelles ont pouvait encore mener ce genre de recherche…

L’organisation sociale primitive devait être très semblable à l’organisation sociale actuelle des Pygmées. Les Pygmées sont nomades ou semi-nomades. Une tribu peut se composer de cinq cents, mille ou deux mille personnes, parfois même plus, mais ils vivent toujours en bandes, en groupes d’une trentaine de personnes en moyenne – ce nombre peut varier entre dix et cinquante, femmes en enfants compris -, qui chassent ensemble. Plusieurs de ces bandes, ou la tribu tout entière, peuvent se réunir par intervalles pour des fêtes ou des célébrations qui sont l’occasion de grandes danses ou de rites collectifs. Les danses et les chants en chœur sont les activités sociales les plus importantes chez les Pygmées.

Peu de temps suffit pour construire une maison et il leur est donc facile de changer souvent de lieu de campement – nécessité qui leur est imposée par la chasse – et d’en bâtir un nouveau à quelques journées de marche. La composition du camp n’est pas fixe mais relativement fluide…

Le territoire de chasse est réparti entre les différents groupes, et les individus en héritent de leurs parents ; de plus, ils acquièrent en se mariant le droit de chasser sur le territoire de la famille de leur épouse.

Environ 30 à 40% de la nourriture des Pygmées est constituée de viande de gibiers divers, essentiellement d’antilope et de gazelle. Le singe est également considéré comme un mets de choix, en particulier nos cousins les grands singes, comme le gorille et le chimpanzé, qui habitent les mêmes régions que les Pygmées. La chasse est la tâche des hommes, tandis que les femmes s’occupent de la cueillette du reste de l’alimentation : fruits, herbes et végétaux de toutes sortes.

Ils marchent pieds nus et sont, ou du moins étaient jusqu’à il y a peu de temps, totalement dévêtus. Leur seul vêtement est un cache-sexe, généralement fait d’écorce d’arbre. Ils ne savent pas tisser, et lorsqu’ils en ont la possibilité, ils se procurent volontiers auprès des agriculteurs des guenilles de coton, chemises ou pantalons en piteux état. Au début de mon travail, à la moitié des années soixante, ils fabriquaient encore ces cache-sexe à partir de morceaux d’écorce d’arbre, battus afin de les rendre plus souples…

Les Pygmées sont extraordinairement bien adaptés à l’environnement de la forêt. Ils sont des experts de tout ce qui vit. Ils tirent des herbes et des racines des médicaments généralement inconnus de la médecine occidentale. Ils trempent leurs flèches dans un poison meurtrier, composé d’extraits de trois ou quatre plantes différentes ; ils ont également développé pour ces poisons des antidotes. Leur compétence majeure est l’éthologie, c’est-à-dire la connaissance du comportement animal, fondamentale pour eux dans la chasse. Ce sont en réalité les seuls êtres humains capables de survivre dans la forêt par leurs propres moyens…

Les Pygmées sont les gens les plus pacifiques que j’aie jamais connus. Gentils, d’une grande dignité et spirituels. Ils détestent la violence et la fuient. S’ils sont en désaccord, ils discutent, ils se disputent bruyamment… Il est exceptionnel qu’ils en viennent aux armes. Les meurtres sont rares… En cas de dissension grave, l’un des deux quitte le campement et rejoint une autre bande….

Il n’y chez eux ni chefs, ni hiérarchie, ni lois. Les hommes et les femmes sont égaux. Les questions qui concernent tout le monde sont débattues en commun autour du feu. La punition la plus grave qui puisse être infligée par la communauté est l’éloignement du camp, qui équivaut pratiquement, dans la forêt, à une condamnation à mort : vivre dans la forêt est magnifique en groupe, mais y survivre seul est impossible. Naturellement, l’exilé peut toujours s’adjoindre à un autre groupe, si celui-ci est disposé à l’accueillir.

Un des aspects qui m’a le plus frappé est l’amour exceptionnel que portent aussi bien les pères que les mères à leurs enfants, qui sont élevés par leurs parents mais traités par tous les adultes du groupe comme s’ils étaient les leurs…

Une forte solidarité existe à l’égard des anciens et de ceux qui ont quelque handicap, du moins aussi longtemps qu’il est possible de les aider sans mettre en danger la vie du groupe… J’ai constaté moi-même qu’on n’abandonne pas les aveugles ou les malades graves…

Leur divinité – si on peut l’appeler ainsi – est la forêt, dont ils se sentent faire intégralement partie. Elle est le père et la mère, elle est l’être grâce auquel la vie est possible et qu’il faut respecter. Quand un Pygmée meurt, selon les régions, soit on brûle son corps, soit on le dépose à l’intérieur de sa cabane que l’on abat sur son cadavre après avoir accompli les rites funéraires, puis on déplace le campement en laissant là le mort pour qu’il se dissolve dans la terre…

Les Pygmées sont connus depuis l’Antiquité – Hérodote et Aristote le disaient déjà – pour être les hommes les plus petits qui existent. En réalité, ils ne sont pas d’aussi petite taille que beaucoup de gens le croient. La tribu la plus petite a une stature moyenne de 1,43 m pour les hommes et 1,37 m pour les femmes. Il existe des groupes de Pygmées plus grands, et même de dix centimètres en moyenne. C’est une taille qui n’est guère inférieure, par exemple, à celle de l’ex-roi d’Italie Victor-Emmanuel III ; et l’on voit parfois dans nos contrées des gens aussi petits qu’un Pygmée d’Afrique. C’est quand on en voit beaucoup ensemble que l’on se rend compte qu’il s’agit d’un peuple très particulier. Mais il ne faut pas confondre les Pygmées avec les nains, qui sont petits en raison d’un dysfonctionnement physiologique ; dans plusieurs cas de nanisme hypophysaire, on rencontre d’ailleurs des tailles plus petites encore.

Nous ne savons pas si les Pygmées sont devenus petits au fil du temps ou s’ils l’ont toujours été. Si, comme cela est possible, ils ont toujours vécu dans la forêt, nous n’avons aucun espoir de retrouver des ossements car le sol y est à ce point acide que les os eux-mêmes s’y dissolvent rapidement.

Les premiers hommes, il y a deux ou trois millions d’années, étaient très petits, plus petits même que les Pygmées. Dans le monde industriel, la stature moyenne a augmenté pendant ces deux derniers siècles, essentiellement parce que l’alimentation s’est améliorée. Si nous regardons les armures médiévales, nous constatons qu’elles sont généralement très petites ; un homme d’aujourd’hui n’y entrerait pas. Les premières données disponibles quant à la hauteur moyenne des Européens remontent au début du siècle dernier – Napoléon faisait mesurer la taille des conscrits -, et elles nous montrent que nos quadrisaïeuls étaient nettement plus petits qu’on ne l’est aujourd’hui, que nos trisaïeuls étaient déjà un peu plus grands, et ainsi de suite ; mais le grand saut a été accompli en ce siècle, d’abord dans le nord de l’Europe, ensuite dans le Sud. La taille des Pygmées a-t-elle augmenté aussi ? Certains disent oui, mais nous n’avons aucune certitude.

Les Pygmées vivent tous aujourd’hui dans la forêt africaine. Nous constatons que les peuples qui habitent la forêt tropicale, où le climat est très humide, sont généralement toujours petits : c’est le cas dans le sud de l’Inde comme en Indonésie, aux Philippines et en Nouvelle-Guinée, pour les Mayas d’Amérique centrale comme pour les habitants des forêts tropicales brésiliennes, bien que de tous ces peuples les Pygmées soient les plus petits…

Lorsqu’un corps est de petite taille, la surface de ce corps, rapportée à son volume, est plus grande… La chaleur du corps s’évacue par la surface ; si celle-ci est comparativement plus grande, parce que nous sommes plus petits, la chaleur s’évacue plus facilement et l’action du refroidissement (par sudation) est plus efficace. Dans un milieu chaud et humide, il convient donc d’être petit. C’est un premier mécanisme de protection.

Un autre avantage de la petite taille, pour qui doit dépenser une énergie considérable, est que l’on a besoin de moins d’énergie pour déplacer son propre poids… Le Pygmée, lorsqu’il se déplace, fait moins d’effort qu’un individu plus grand que lui, parce que le poids qu’il a à déplacer est moindre…

La petite taille apparaît donc comme une adaptation biologique à la vie dans la forêt. Il se peut que les Pygmées y aient vécu suffisamment longtemps pour qu’une telle adaptation ait lieu…

Bien que les Pygmées soient petits, leur tête est aussi grosse que la nôtre. Leur thorax est musclé, bras et jambes sont minces et fuselés, les jambes sont un peu courtes mais l’ensemble est gracieux. Ils sont athlétiques, et les hommes grimpent avec une agilité merveilleuse dans des arbres parfois hauts de quarante mètres…

Aujourd’hui, de nombreux groupes pygmées ne passent plus la totalité de l’année dans la forêt. Pendant quatre et même parfois six mois par an, à la saison sèche, ils construisent leurs campements non loin des villages des agriculteurs locaux, qui les utilisent comme main d’œuvre dans leurs plantations et les traitent en esclaves.

A dire vrai, de nombreux agriculteurs considèrent les Pygmées comme moins que des humains. Ils ont établi un système d’esclavage héréditaire, au sens où un Pygmée a toujours un maître parmi les agriculteurs, que ses enfants héritent de ce même maître et que les enfants du maître héritent de ses Pygmées. Cet esclavage est d’ailleurs une réalité surtout dans la tête des agriculteurs ; et, de fait, il ne peut avoir lieu qu’avec le consentement du Pygmée. Le maître doit le traiter de manière raisonnable, faute de quoi le Pygmée s’en va dans la forêt, où plus personne n’est capable de le retrouver…

Il existe entre les agriculteurs et les Pygmées une relation commerciale, généralement au désavantage de ces derniers, qui n’utilisent pas d’argent et ignorent sa valeur. Les agriculteurs ne sont pas capables de chasser ou d’élever du bétail, hormis des poules, quelques chèvres, et, plus rarement, des porcs ; auprès des Pygmées, ils se procurent donc essentiellement de la viande, ainsi que d’autres produits de la forêt. En échange, les Pygmées obtiennent, outre la nourriture, des outils en fer tels que des pointes de lance et des couteaux, et des récipients de terre cuite (de plus en plus fréquemment remplacés maintenant par des casseroles, parfois même fabriquées en Chine). En effet, ils ne savent pas travailler le fer, car les habitudes nomades ne permettent pas d’emporter avec soi ces poids excessifs que représenteraient des enclumes ou des forges.

Les Pygmées sont considérés comme les plus pauvres de tous, tout en bas de l’échelle économique. Les agriculteurs, tant qu’ils le peuvent, font en sorte de les laisser dans l’ignorance de l’usage de la monnaie, de peur qu’ils n’en viennent alors à leur coûter trop cher. Le Pygmée travaille beaucoup pour eux, notamment dans les champs, du moins pendant les saisons qui ne se prêtent pas à la chasse. Il construit également les toits des maisons, car il est habile grimpeur et léger. Outre les outils, il est payé avec de l’alcool, du tabac, du manioc et des bananes, que les agriculteurs, il n’y a pas très longtemps encore, étaient les seuls à produire.

Quelques Pygmées commencent eux aussi aujourd’hui à produire du manioc. En effet, le manioc est une plante dont la culture demande peu de surveillance : il suffit de planter une petite branche dans la terre, de revenir deux ans plus tard et de récolter les racines…

Quoiqu’il en soit, les Pygmées n’aiment pas l’agriculture. Ils ne s’y résolvent que lorsque la forêt est détruite. Contraints à changer de mode de vie, ils ne se sont pas seulement faits paysans, certains sont devenus potiers, et d’autres, pêcheurs. Ils survivent tant bien que mal mais, aussi longtemps qu’ils le peuvent, ils vont à la chasse…

La vie des agriculteurs n’a jamais été considérée comme très agréable… Le chasseur travaille en général moins que l’agriculteur. Cela vaut également pour les quelques groupes de chasseurs qui subsistent encore dans la savane, cette plaine recouverte d’herbe, avec un arbre ici ou là, peuplée d’un grand nombre d’animaux herbivores. Aujourd’hui, avec la concurrence des économies plus avancées, ces chasseurs ont presque tous disparus mais l’abondance du gibier et sa visibilité devaient leur assurer autrefois une vie merveilleuse. Dans la forêt, les animaux peuvent plus facilement se cacher…

Les femmes des agriculteurs, auxquelles revient la part la plus dure du travail dans les champs, travaillent, elles, nettement plus que les femmes pygmées.

La forêt est un peu sombre, bien sûr, mais le Pygmée s’y trouve parfaitement à son aise, il s’y protégé. C’est un lieu où rien de mal ne peut lui arriver, où les dangers sont pour lui minimes et la vie très agréable. La même remarque vaut d’ailleurs pour tous les autres peuples de chasseurs-cueilleurs modernes sur lesquels nous avons des informations ethnographiques ou historiques. Ces peuples sont (ou étaient) magnifiquement adaptés à leur milieu, mais dès lors que celui-ci a été détruit, il leur a fallu inévitablement soit changer de mode de vie soit disparaître…

Il reste très peu de populations de chasseurs-cueilleurs : une trentaine, il y a encore quelques années, beaucoup moins aujourd’hui. Pratiquement, seuls les Pygmées en Afrique centrale, les Khoisan en Afrique méridionale et les Aborigènes d’Australie ont encore une certaine importance numérique (au-delà des cent-mille individus) mais il n’y a plus que les Pygmées, et encore, pas tous, pour continuer à vivre essentiellement de la chasse et de la cueillette…

Il existe en Afrique du sud deux populations connues en général comme étant les Bochimans (de « Bushmen », autrement dit les gens des broussailles) et les Hottentots. Les anthropologues ont inventé le terme de « Khoisan », en additionnant le nom des Khoi (les Hottentots) et celui des San (les Bochimans), car le terme de Bochiman est considéré comme péjoratif ; mais il semble que ce nouveau nom également leur soit désagréable, et nous ne savons pas très bien comment les appeler… Ils habitent aujourd’hui des endroits très arides mais ils vivaient antérieurement dans un environnement plus favorable, la savane, dont ils ont été chassés.

Mise à part la différence d’environnement, d’écologie, les Khoisan ont un mode de vie plutôt semblable à celui des Pygmées : ils se déplacent eux aussi en bandes de trente personnes en moyenne, passant librement d’une bande à une autre et s’associant en groupes plus importants dans certaines circonstances. Très peu d’entre eux sont restés aujourd’hui chasseurs-cueilleurs. Beaucoup sont devenus travailleurs dans les fermes, quelque fois soldats, ou bien survivent d’une manière ou d’une autre dans les villes.

Ils ont conservé leur langue, qui est certainement très ancienne et présente une caractéristique étonnante : elle possède des sons qui ne se rencontrent dans aucune langue et qu’on appelle des « clicks » ; ce sont des sortes de claquements de la langue, dont il existe plusieurs variétés, toutes difficiles à imiter. Certaines tribus bantoues d’Afrique du Sud, telle celle des Xhosa, se sont beaucoup mêlées avec les Khoisan, comme le montre l’apparition dans leur langue de trois clicks différents, ainsi que celle de gènes khoisan dans leur patrimoine génétique…

Tous les groupes de chasseurs-cueilleurs existant encore aujourd’hui ont des coutumes communes, même si celles-ci disparaissent peu à peu, soit par l’extinction physique de ces groupes, soit par leur conversion à d’autres modes de vie. Ce sont toujours des petits groupes, qui n’ont pas d’organisation hiérarchique, les chefs généralement n’existent pas et la vie sociale est fondée sur le respect réciproque.

Ils ont souvent une éthique élaborée. Une caractéristique importante de ces populations situées aux niveaux les plus bas de l’échelle économique est que sur le plan de la morale elles ne sont nullement primitives. Elles ont simplement une vision profondément différente de la nôtre. Quand les Hollandais, arrivés au Cap, se mirent à remonter vers le nord avec leurs troupeaux, occupant les territoires des indigènes, les incidents avec les populations commencèrent… Les paysans boers se mirent à tirer à vue, exterminant littéralement les Khoisan dans de vastes zones. Il n’en est plus resté qu’en Namibie et au Botswana, dans des savanes et des déserts pauvres et peu convoités…

Les chasseurs-cueilleurs ont un sens de la propriété différent, parce que la propriété individuelle est rare chez eux, et peu importante. Certains droits existent cependant, comme celui du territoire de chasse. Le Pygmée surpris à chasser sur un territoire qui n’est pas le sien doit payer une amende, non pas en argent puisqu’ils ignorent l’argent, mais en nature. Par contre, il ne respecte pas les propriétés des agriculteurs – quand il ne risque pas d’être vu -, et en particulier les produits alimentaires que ces derniers cultivent et dispensent avec une extrême frugalité aux Pygmées qui travaillent pour eux dans les champs. Il ne s’agit pratiquement que de bananes et de manioc, deux aliments l’un et l’autre très pauvres sur le plan nutritif. Ces propriétés agricoles modernes sont, au fond, les anciens terrains de chasse, des zones de forêt que l’on a converties en abattant les arbres, sans leur demander aucune permission ni leur offrir aucune compensation. Les Pygmées savent parfaitement que les agriculteurs les exploitent et qu’ils les considèrent comme des bêtes mais ils ont besoin de ne pas rompre les relations avec eux. Ils se vengent en leur volant de la nourriture quand ils le peuvent, et en se moquant d’eux…

Le Pygmée va encore à la chasse à l’arc ou, dans certaines zones, à l’arbalète, mais il chasse surtout au filet. Son avenir, c’est l’avenir de la forêt, qui était détruite lentement dans le passé et qui l’est aujourd’hui à une vitesse accrue. En Afrique, ce processus a commencé il y a trois mille ans, quand les paysans bantous partis du Cameroun se sont étendus vers le sud et vers l’est, et il s’est poursuivi, avec lenteur, des siècles durant. Aujourd’hui, il s’accélère, et de nombreux groupes pygmées ont été contraints ces dernières décennies d’abandonner le type d’existence qu’ils menaient…

L’étude des Pygmées, des Bochimans, des Eskimos, des Aborigènes australiens et de ces quelques autres groupes de chasseurs-cueilleurs qui survivent encore (sans doute pour peu de temps, on l’a vu) nous aide à comprendre comment pouvaient vivre nos ancêtres. Naturellement, on ne peut pas penser que le mode de vie de ces populations est resté totalement inchangé depuis les temps les plus reculés. Les Pygmées sont en contact avec les agriculteurs africains depuis au moins deux mille deux cent ans, troquant les produits de la chasse contre des outils de fer, plus efficaces que les outils de pierre…

La construction des habitations, la vie sociale en petits groupes semi-nomades, la dimension même de ces groupes, tout cela n’a probablement pas changé d’une manière sensible. De nombreux autres aspects de la vie des chasseurs-cueilleurs d’aujourd’hui évoquent la vie que menaient nos ancêtres : l’habitude de partager la nourriture, mangée en commun ; l’absence caractéristique de hiérarchies rigides et de lois préétablies (toute la tribu prend part aux décisions) ; probablement aussi les usages qui se rattachent à la fertilité et à la natalité… »

« Qui sommes-nous » de Cavalli-Sforza

L’invention des Pygmées

Lire aussi en anglais, « Les Pygmées Mbuti » de Colin Turnbull

Lire encore en anglais sur les Pygmées du Gabon

Why Pygmies Are Dealing Weed to Survive

Lire aussi sur les chasseurs-cueilleurs

Les chasseurs-cueilleurs bushmen sont menacés

La société des chasseurs-cueilleurs en voie de disparition

L’émergence de l’homme, parmi les hominidés, une conséquence… du communisme des chasseurs-cueilleurs !

"Les San du Kalahari, une image de la vie de nos ancêtres ?"Religions, classes et Etat "Comment connaître le mode de vie des hommes de la préhistoire ? La première source est celle des traces archéologiques. A partir des outils, des vestiges d’habitat, elle nous livre des indices sur le mode de vie des hommes de la préhistoire, mais des indices forcément partiels. D’où l’intérêt d’observer comment vivent les dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs encore présentes sur la planète. Ce fut le cas de quelques groupes d’Aborigènes d’Australie, d’Inuits ou de populations san du désert du Kalahari qui ont vécu jusqu’à il y a peu selon un mode de vie de chasseurs-cueilleurs nomades. (...)

Les populations san sont souvent appelées "Bushmen". Mais Bushmen est un terme dévalorisant qui signifie "l’homme de la brousse". Autrefois, ce peuple occupait toute l’Afrique australe. Ce n’est donc pas la vie dans le désert qui a façonné sa morphologie. Durant des centaines, voire des milliers d’années, les San ont perpétué leurs traditions ancestrales, et ce malgré l’arrivée, à différentes reprises, de peuples pratiquant d’autres modes de vie (...)

L’organisation de la société san repose sur un ensemble de groupes, ou clans, ayant les mêmes coutumes et partant le même dialecte, liés entre eux par un système d’alliances qui forme un réseau leur permettant de survivre durant les périodes de disette. Le groupe est composé de dix à quinze familles qui se séparent au fil des saisons selon l’unité fondamentale de la bande. Celle-ci, forte d’une trentaine de membres au plus, correspond au noyau de la société. la bande est très soudée, car ses membres sont tous plus ou moins apparentés. La famille, parents et enfants, est son élément fédérateur : elle a sa propre hutte, la sphère privée étant ainsi préservée. (...)

Chez les San, il n’y a pas d’autorité centrale, pas de chef, mais souvent un patriarche élu. Il est respecté par tous et représente le groupe ou la bande dans certaines occasions : respect du territoire, rassemblements, litiges, ... Le plus souvent, les problèmes sont réglés par les chasseurs les plus habiles ou par les anciens souvent plus expérimentés. Toutes les décisions sont prises lors des délibérations entre adultes. La "propriété privée", à l’exception de certains points d’eau familiaux, n’existe pas chez les San. L’individu, comme le sol et ce qu’il y a dedans et dessus, appartient à la nature. Au sein des groupes, la liberté individuelle est respectée et une certaine égalité règne entre hommes et femmes. La division sexuelle du travail est bien marquée. Les femmes, par exemple, cueillent les végétaux et les hommes chassent le grand gibier. Toutes les nourritures, végétales et animales, sont équitablement réparties ; le partage est une des caractéristiques du comportement social des peuples chasseurs. Le chasseur habile ne tire ni prestige ni bénéfice personnel, c’est le complexe dit d’"humilité" (...)".

Article tiré de "les grands dossiers de Sciences Humaines" de janvier 2008

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