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Histoire chronologique de la colonisation française de l’Afrique noire

samedi 7 mars 2020, par Robert Paris

Histoire chronologique de la colonisation française de l’Afrique noire

C’est à partir du milieu du XVe siècle que plusieurs nations européennes atteignent les côtes d’Afrique de l’Ouest, investies successivement ou simultanément par les Portugais, les Hollandais, les Anglais et les Français. Les Européens s’établissent d’abord le long des côtes, sur les îles, dans les embouchures des fleuves puis un peu plus en amont. Ils ouvrent des comptoirs et s’adonnent à la traite – un terme qui, sous l’Ancien Régime, désigne tout type de commerce (blé, poivre, ivoire…), et pas nécessairement, ou uniquement les traites négrières, même si cet « infâme trafic », comme on l’appelait à la fin du XVIIIe siècle, se trouve en effet au cœur d’un nouvel ordre économique, contrôlé par de puissantes compagnies à privilèges.

Les échanges commerciaux et la traite négrière s’intensifient au XVIIe siècle avec, au Sénégal, l’entrée en scène des Français et des Anglais qui s’affrontent principalement autour de deux enjeux, l’île de Gorée et Saint-Louis. Le 10 février 1763 le traité de Paris met fin à la guerre de Sept Ans et réconcilie, après trois ans de négociations, la France, la Grande-Bretagne et l’Espagne. La Grande-Bretagne restitue l’île de Gorée à la France.

En 1626 Richelieu fonde la Compagnie normande, une association de marchands de Dieppe et de Rouen, chargée de l’exploitation du Sénégal et de la Gambie. Elle est dissoute en 1658 et ses actifs sont rachetés par la Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal, elle-même expropriée à la suite de la création par Colbert en 1664 de la Compagnie française des Indes occidentales. La Compagnie du Sénégal est à son tour fondée par Colbert en 1673. Elle devient l’outil majeur de la colonisation française au Sénégal, mais, criblée de dettes, elle est dissoute en 1681 et remplacée par une autre qui subsistera jusqu’en 1694, date de la création de la Compagnie Royale du Sénégal dont l’administrateur, André Brue, sera capturé par le damel du Cayor et libéré contre une rançon en 1701. Une troisième Compagnie du Sénégal est créée en 1709, jusqu’en 1718. Du côté britannique, le monopole du commerce avec l’Afrique est concédé à la Royal African Company en 1698.

Saint-Louis (Sénégal) attise la convoitise des Anglais qui l’occupent à trois reprises, pendant quelques mois en 1693, puis pendant la guerre de Sept Ans, de 1758 jusqu’à sa reprise par le duc de Lauzun en 1779, enfin de 1809 à 1816. En 1783 le traité de Versailles restitue le Sénégal à la France. Le monopole de la gomme est concédé à la Compagnie du Sénégal.

Au Sénégal, des comptoirs de traite sont établis à Gorée, Saint-Louis, Rufisque, Portudal et Joal, mais la haute vallée du fleuve Sénégal, notamment avec le fort de Saint-Joseph de Galam, constitue au XVIIIe siècle un moteur de la traite française en Sénégambie.

Faidherbe, gouverneur du Sénégal de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865, pénètre lentement à l’intérieur du pays et jette les bases de la future Afrique-Occidentale française (AOF).

Dans une région où, après l’abolition de la traite négrière, l’agriculture est essentiellement vivrière (mil, sorgho, tubercules…), Faidherbe impose la culture de l’arachide. Il met fin à l’administration traditionnelle locale, crée des tribunaux indigènes et des écoles qui ne sont qu’un moyen d’exercer une menace sur les chefs locaux, telles que l’École des Otages, destinée aux fils de chefs et d’interprètes. Le 21 juillet 1857 le premier corps de tirailleurs sénégalais est créé par le gouverneur Faidherbe.

Conduites par le capitaine de vaisseau Protet, les troupes françaises prennent possession de la côte en 1857 et un petit fort y est construit, mais le chef de bataillon du génie Émile Pinet-Laprade qui élabore un premier plan cadastral en juin 1858 sera le véritable fondateur de Dakar. Les travaux du port de Dakar qui n’était à l’origine qu’un village de pêcheurs, commencent en 1862.

La France obtient le contrôle de la plus grande partie de l’Afrique occidentale à la conférence de Berlin de 1884–1885, mais la Gambie est attribuée à la Grande-Bretagne.

Faidherbe se heurte néanmoins à une vive résistance, notamment à celle de Lat Dior, Damel du Cayor. D’abord animiste, mais converti à l’islam sous l’influence du marabout Maba Diakhou Bâ, Lat Dior mène une véritable guerre sainte contre le colonisateur. En 1865 le Cayor est annexé, ce qui permet de relier Dakar à Saint-Louis par le rail. Lat Dior comprend le risque que représente pour lui l’arrivée du chemin de fer et résiste farouchement, mais il est tué lors de la bataille de Deukhlé le 27 octobre 1886. C’est aujourd’hui un héros national, l’une des plus grandes figures de l’histoire du Sénégal.

En 1850, El Hadj Omar, chef de la confrérie Tidjane, fonde un empire islamique qui s’étend de Tombouctou au Sénégal. Il est battu par la France en 1864, mais les Wolofs prennent le parti de Tall dans un conflit qui dure trente ans.

1831 : Échec d’une intervention française à Madagascar

1840 : implantations coloniales françaises en Afrique de l’Ouest (explorateurs, comptoirs, compagnies, religieux et troupes coloniales)

1854 : le second empire français sous l’égide de Faidherbe donne par sénatus-consulte à l’Afrique Noire française les principes de son administration coloniale qui se maintiendra jusqu’en 1946. Cela signifiera en réalité que le ministre des Colonies légifère par décret pour toute l’Afrique noire française ! Le despotisme se poursuit ensuite en descendant l’échelle administrative, aux gouverneurs, administrateurs, commandants de cercle, sous-officiers et commis. La mise en œuvre de type militaire est assurée par Galliéni. Conquête coloniale du Sénégal réalisée par Faidherbe

1869 : défaite militaire française à Mekhé (Sénégal)
Entre 1852 et 1870, sous le Second Empire, Napoléon III lance une politique coloniale française. En Afrique, il nomme Faidherbe au poste de gouverneur du Sénégal. S’ensuivront la fondation du port de Dakar et la création du corps des tirailleurs sénégalais. L’implantation du comptoir des Rivières du Sud en 1859, puis l’acquisition de la côte du Gabon en 1862 sont les principales étapes de la pénétration française en Afrique de l’Ouest. En Afrique de l’Est, Napoléon III signe en 1862 un traité de commerce avec Madagascar où s’installe un consulat de France. La politique impériale vise principalement de ce côté de l’Afrique à contrer l’influence britannique. La France occupe le petit territoire d’Obock, à côté de la ville de Djibouti, sur le golfe de Tadjourah ; ce sera le premier point d’ancrage français dans la région.

Années 1870 : Léon Gambetta et de Jules Ferry amènent la France à se lancer dans la colonisation d’une partie majeure de l’Afrique occidentale et équatoriale. La méconnaissance de l’arrière-pays ivoirien amène les Français Édouard Bouët-Willaumez (1837-1839), Paul Fleuriot de Langle, Marcel Treich-Laplène (1887-1890), Louis-Gustave Binger (et, dans une moindre mesure, les Anglais Lonsdale (1882), Freeman (1888) et Lang (1892)) à lancer de nombreuses missions d’exploration. Après la signature de divers traités de « protectorat », un décret, le 10 mars 1893, crée la Côte d’Ivoire en tant que colonie française autonome.

1881 : fondation de la compagnie française d’exploitation de l’Afrique, la SCOA

1882 : défaite militaire française à Keniera (Guinée)

1884-1886 : les Mandingues de Samory Touré résistent sur le Niger à l’avance française.

1886 : la France transforme la Côte d’Ivoire en gouvernorat français. L’autorité française commence à s’instaurer dans l’ensemble du pays au moyen d’un système de quadrillage hiérarchisé qui comprend les villages, les cantons, les subdivisions et les cercles. Elle établit des liens de subordination à travers l’instauration de l’impôt de capitation, la prestation gratuite de travail (travail forcé), le service militaire obligatoire, l’application d’un code de l’indigénat et l’exercice d’une justice indigène.

1887 : fondation de la compagnie française d’exploitation de l’Afrique, la CFAO

1890 : défaite militaire française à Atchoupa (Dahomey)

Première guerre du Dahomey

1890 : accord franco-anglais qui reconnaît les droits de la France sur Madagascar et le Sahara et les droits de l’Angleterre dans la région entre le Niger et le Tchad.

1891 : la France entre au Tchad et y lance des expéditions militaires contre les royaumes musulmans..

1892-1894 : seconde guerre du Dahomey

1893 : formation de la colonie française de Côte d’Ivoire, agrandie en 1899 par le rattachement de l’ancien Soudan militaire français. Mais la guérilla anti-française continue en pays Baoulé en 1902 malgré les opérations militaires françaises.

1894 : signature de l’accord franco-allemand par lequel l’Allemagne abandonne toute prétention sur le Soudan, permettant à la France de relier ses colonies africaines du Nord et de l’Ouest à ses possessions du Congo.

1898 : défaite de l’almami Samori Touré. Il a déplacé son empire des contreforts du Fouta-Djalon jusqu’à la Volta noire et y a instauré un État théocratique puissant, mais sa défaite devant Sikasso (actuel Mali), le refus d’alliance de son voisin Ahmadou et les révoltes de certains de ses vassaux mettent un terme à quarante ans de pouvoir. Il meurt en captivité au Gabon le 2 juin 1900.

La résistance à la colonisation de la Côte d’Ivoire s’exprime dès la phase d’exploration (guerre de Jacqueville et de Lahou en 1890, guerre de Bonoua en 1894 et 1895, guerre en pays adioukrou en 1897 et 1898). Paris décide une guerre ouverte avec Samory en 1896, qui est enfin vaincu à Guéouleu (Guélémou) en 1898. Quelques années plus tard, pour asseoir rapidement et définitivement l’autorité de la France sur le territoire, le gouverneur Gabriel Angoulvant opte pour l’accélération forcée de la colonisation : « Je désire qu’il n’y ait désormais aucune hésitation sur la ligne politique à suivre. Cette ligne de conduite doit être uniforme pour toute la Colonie. Nous avons deux moyens de les mettre en pratique : ou attendre que notre influence et notre exemple agissent sur les populations qui nous sont confiées ; ou vouloir que la civilisation marche à grands pas, au prix d’une action... J’ai choisi le second procédé. » De nouvelles résistances apparaissent notamment dans l’ouest forestier (siège de Daloa en 1906, siège de Man en 1908, siège de Sémien en 1911) ou chez les Akan du Sud (attaques des postes d’Agboville et d’Adzopé en 1910). Elles sont longues en pays Baoulé (1893-1912), en pays Gouro (1907-1914) et en pays Lobi (1898-1920). En dépit de quelques défaites françaises, toutes les résistances sont définitivement vaincues en 1920. Les chefs de la résistance sont tués ou déportés et les pertes en vies humaines sont importantes pour les populations locales.

1898 : la France lance trois expéditions en direction du Tchad : la mission Voulet-Chanoine depuis Dakar et le fleuve Niger, la mission Foureau-Lamy depuis Alger et le Sahara algérien et la mission d’Émile Gentil depuis le Moyen-Congo. La bataille décisive du 22 avril 1900, la bataille de Kousséri, vit s’affronter les forces du commandant François Joseph Amédée Lamy et celles du seigneur de guerre soudanais Rabah — tous deux morts durant le combat. Émile Gentil fonde alors Fort-Lamy sur la rive droite du Chari et devient le premier administrateur du Tchad.

1898 : les Toma, qui s’étaient précédemment alliés avec Samory, massacrent la mission française de Bailly et Pauly en Guinée forestière. Le combat continue jusqu’en 1908. Le dernier point de résistance tombe en 1910. L’épisode le plus fameux de la résistance Toma a lieu dans le village de Boussédou, à l’est de Kuonkan.

1899 : la mission Voulet-Chanoine

1900 : bataille de Kousseri

1901 : la Banque de l’Afrique occidentale prend la succession de la Banque du Sénégal

1902 : révolte des Coniagui qui anéantit la colonne française de Moncorgé. Cette révolte sera réprimée et, en guise de vengeance, en avril 1904, une colonne répressive de 500 hommes avec artillerie massacrera les villages au canon.

1900-1906 : révoltes en Côte d’Ivoire et attaques contre l’occupation française, notamment à Bingerville, siège de l’administration française.

1900-1914 : mise en place de l’exploitation économique française de l’Afrique noire avec notamment la formation de grandes compagnies coloniales comme la CFAO ou la SCOA, ou encore la Société Commerciale et Industrielle du Haut-Ogooué, la Société Commerciale et Industrielle du Congo Français, la Société des Sultanats du Haut-Oubangui, de factoreries tenues par les Français, de dynasties bourgeoises françaises, appelées « les grandes maisons » comme Borelli, Pastré, Olivier, Maurel et Prom, Chavanel, Rabaud, Delmas et Clastre, Verdier et Daumas…

1902 : passage de l’impôt en nature (par exemple dans la Haute-Sangha mille kilos de caoutchouc et vingt pointes d’ivoire pour mille individus) à l’impôt en espèces dans l’empire colonial français. Le produit de l’impôt de 1902 à 1904 double en AOF et est quintuplé au Congo.

1903 : les responsables français Bruel, Gentil, Gaud et Toqué organisent de grands massacres dans le Haut-Chari comme celui de la Nana.

1904 : la souveraineté toute théorique des chefs africains et la fiction des « protectorats », reconnue de façon très hypocrite, sont purement et simplement abolis en AOF et remplacés systématiquement par l’administration directe de la France, soutenue localement par des chefs locaux (cantons, villages…) et miliciens indigènes nommés.

1904 : formation définitive de l’AOF (Afrique Occidentale Française avec Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Dahomey, Haut-Sénégal, Sénégambie, Mauritanie et Niger)

1908 : révolte des Dogons contre l’impôt. En réponse au refus de laisser pénétrer le percepteur, la France brûle les cultures. Percepteurs et administrateur sont tués. Une colonne française de 500 hommes avec quatre pièces d’artillerie attaquent les falaises des Dogons pour les obliger à les quitter. La « pacification » est achevée en janvier 1910.

1908 : la région du N’Goko-Sangha se révolte contre la France

Toujours en 1908, la colonne française Prokos-Mourin écrase la Lobaye et le Moyen-Oubangui, puis la N’Goko-Sangha. Les opérations militaires doivent se poursuivre jusqu’en 1911. C’est seulement alors que le Haut Oubanghui et le N’Goko-Sangha sont soumis de force…

1908 : l’ensemble des interventions militaires répressives de la France en Afrique nécessite des troupes en nombre croissant, mille au Congo, mille deux-cents au Tchad, dix mille au Cameroun, etc…

1909 : occupation militaire française d’Abéché, capitale de l’Ouadaï. C’est une victoire française mais elle est compensée par plusieurs défaites : anéantissement de la colonne Fiegenschuh à l’Ouadi Kadja (janvier 1910) et la défaite de Doroté (novembre 1910), la révolte générale du Ouadaï (mai-août 1911), la résistance du sultan de Dar Kouti (1911) et de son fils Kamoun (1912).

1910 : formation de l’AEF (Afrique Equatoriale Française avec Gabon, Moyen-Congo, Oubangui-Chari-Tchad).

1910 : révolte en Côte d’Ivoire du peuple forestier des Abbeys contre le train français. Les installations ferroviaires sont attaquées, la voie coupée. Le gouverneur français Angoulvant, nommé en 1908, organise la répression sanglante comme il a organisé les autres répressions des révoltes de Côte d’Ivoire dans la région de Man (1908), dans la région des lagunes (1909). L’alerte causée par la révolte des Abbeys sert à Angoulvant pour obtenir de la métropole coloniale des moyens considérables de répression (1400 tirailleurs sénégalais). Jusqu’en 1916, Angoulvant « pacifie » la Côte d’Ivoire. Après les interventions armées face aux révoltes, le pays est parcouru par les colonnes françaises qui massacrent, pillent, tuent, brulent les villages, violent, volent… Colonne des Abbeys (janvier-avril 1910), colonne des N’gbans (mai-juillet 1910), colonne contre les Saléfoués (août-décembre 1910), colonne du Bandama (janvier-juillet 1911), etc… Angoulvant, pour prix de bons et loyaux massacres sera nommé gouverneur général de l’AOF puis de l’AEF. Le général Hilaire, commandant supérieur des troupes de l’AEF le décrivait : « Affairiste forcené, il faisait assez cyniquement ses propres affaires, en même temps qu’accessoirement, au petit bonheur, celles de la colonie. » Il finit sa carrière dans les conseils d’administration de la Compagnie générale des colonies, de la Banque commerciale africaine, de la Compagnie d’exploitations forestières africaines, de la Compagnie forestière Sangha-Oubangui et de nombreuses autres…

Années 1910 : la France entreprend la conquête du Tchad… Résultat : la famine de 1913 !

1911-1912 : fin de la résistance de l’Adrar à la colonisation française avec l’attaque de la colonne Gouraud (1907-1909), la prise de Tichitt (1911) et de Oualata (1912).

1913-1921 : dépeuplement systématique de l’AEF écrasé par l’exploitation et le massacre colonial (1900 : 15 millions d’habitants ; 1913 : 10 millions ; 1921 : 3 millions).

1914 : la guerre mondiale amène la puissance coloniale française à recruter de force sur place des troupes africaines pour se battre sur le continent européen ; tous les tirailleurs sénégalais en 1914, auxquels se rajoutent 30.000 Africains en 1915, 51.000 en 1916, 120.000 en 1917, 63.000 en 1918… Les troupes africaines ont un pourcentage de pertes qui dépasse 10% !!! Ce sont des troupes sacrifiées… En même temps, le pillage de l’Afrique s’accroît pour « nourrir la France en guerre ». Il en résulte un pillage des cultures d’Afrique et la famine générale au nom du « ravitaillement de la France ».

Pendant la première guerre mondiale, des révoltes éclatent : 1914-1916, révolte du Dahomey en pays Holli ; 1915, révolte des Bambaras du Soudan et de la région voltaïque, puis la révolte s’étend à San, Koutiala, Bandiagara, Dori, Ouagadougou, révolte du Bangana entre Ouadda et Yalinga ; 1916, révolte des Somba de l’Atakora et de la région du Borgou, des Bariba, du Nikki, révolte des Sahoués du Dahomey, révolte des Agni du Sanwi ; 197 : révolte à Abéché au Tchad ;1917-1918, révolte du Gabon et du Moyen Congo ; 1919, révolte de l’Ouham-Pendé et de l’Ouham-Barga, etc, etc…

1915-1917 : des accords secrets entre alliés franco-anglais de la guerre prévoyaient le partage des colonies allemandes : Cameroun et Togo sous prétexte de « mandat confié par la société des nations ». Le Cameroun est divisé en trois (France, Angleterre et sultanat du Bornou). Le Togo est divisé en deux (France et Angleterre).

1919 : le Cameroun allemand est « confié » à la France. Pendant les vingt premières années de son mandat, la France doit notamment s’employer à liquider les rébellions de populations Kirdi dans le nord du Cameroun. La « pacification » de cette région s’accompagne de massacres et de pillages récurrents. La ligne de chemin de fer Douala-Yaoundé, commencée sous le régime allemand, est achevée. Des milliers d’ouvriers sont déportés de force vers ce chantier pour y travailler cinquante-quatre heures par semaine. Les ouvriers souffrent également du manque de nourriture et de la présence massive de moustiques. En 1925, le taux de mortalité sur le chantier s’élève à 61,7 %.

1919-1920 : répression des révoltes des Baya, des Pana, des Karé, dans l’AEF.

Années 1920 : l’écho de la révolution russe atteint l’Afrique… L’écho n’atteint pas que les populations d’Afrique. Il frappe de plein fouet les colons blancs : la révolution des exploités et des opprimés peut triompher. Désormais, ils tremblent ! Et ils n’en seront que plus durs et plus sanglants contre leurs colonisés !

1925 : grève des cheminots du Dakar-Saint Louis et du Dakar-Niger

1928-1931 : grande révolte du Congo et de l’Oubagui qui débute à Laï, puis Baboua, puis Nahing, puis l’Ouham-Pendé, puis se développe dans la Haute-Sangha, etc… En 1929, ce sont les régions de l’Ibenga et de la Motaba, puis Liakouala, puis le Tchad. Puis la révolte gagne le Cameroun. Puis le Gabon. En 1930, la révolte continue de s’étendre…

En France, on n’apprend l’existence de cette énorme révolte que par l’article de L’Humanité du 19 janvier 1929 !!!

Le soulèvement général de l’AEF aura duré des mois et nécessité une véritable guerre pour sa répression… Aujourd’hui encore, le récit de cette révolte reste à faire…

1930 : révolte au Moyen Congo et répression coloniale…

1933 : révolte de Lomé et répression au Togo

1934 : occupation de Tindouf

1936 : achèvement de la liaison coloniale française Maroc-Sénégal via la Mauritanie

1936 : la France de Blum et du Front Populaire agit dans la continuité de la France coloniale. Il n’y a même pas de rupture. Le PCF (celui de 1936 au contraire de celui de 1920) comme le PS sont pour le maintien et le développement d’une France coloniale.

1938 : grève des cheminots du Dakar-Niger

Années 1920 à 1940 : l’exploitation capitaliste de l’Afrique prend son essor. Par exemple, la production guinéenne en direction de la France passe de 114 tonnes en 1920 à 4000 tonnes en 1928, 9000 tonnes en 1930, 21.000 tonnes en 1933, 30.000 tonnes en 1935, 53.000 tonnes en 1938…. Et ce n’est qu’un exemple qui n’a rien de particulier.

En Afrique noire, contrairement à l’image qui en est souvent donnée, c’est le prolétariat, et non la petite bourgeoisie nationale, qui a donné le signal de la lutte contre l’impérialisme. En 1947, ce sont les travailleurs de Madagascar qui se révoltent. Au Cameroun, en 1948, ce sont encore les travailleurs que l’impérialisme français doit écraser. Ce sont encore les ouvriers qui, en 1947-48, bloquent toute l’Afrique de l’ouest « française », du Sénégal à la Haute Volta, du mali à la Guinée, en passant par la Côte d’Ivoire, en se mobilisant autour de la grève générale des chemins de fer. Travailleurs des docks, petits boulots des villes, chômeurs, femmes sont mobilisées avec les cheminots et les travailleurs des ports. Dans cette même période, toute l’Afrique noire connaît une vaste mobilisation qui entraîne des grèves, remplit brutalement les syndicats, menace l’ordre colonial. La radicalité des travailleurs tranche avec la modération des dirigeants de la petite bourgeoisie noire. Les grèves de cheminots se multiplient dans toute l’Afrique : en 1945, de Matadi à Léopoldville, en Afrique centrale, en 1945-46 à Douala (Cameroun) et en 1947 au Zaïre. On atteint alors le sommet de la mobilisation, avec à la fois la grève générale de 11 jours au Kenya, la mobilisation de 15.000 ouvriers à Mombasa, celle de 10.000 cheminots soudanais, celle des cheminots et mineurs de Gold Coast, avec une émeute populaire à Abidjan, en Côte d’Ivoire, luttes qui se déroulent en pleine grève générale des cheminots de la ligne du Dakar-Niger. Cette mobilisation ouvrière dure jusque dans les années 1950 dans toute l’Afrique, entraînant un développement syndical jusque là inconnu. Des grèves générales la marquent : 1950 à Nairobi, 1955 au Nigeria et 1956 à Abidjan. Souvent l’armée réprime violemment faisant des dizaines de morts. Les organisations ouvrières sont détruites.

9 octobre 1947-19 mars 1948 : Grève des cheminots du Dakar/Niger

1945 – La révolte des travailleurs de Doula

1955 - Cameroun
Au Cameroun, c’est la classe ouvrière qui commencé la lutte en 1955, comme on l’a rappelé, à Douala, à Yaoundé et dans d’autres villes de moindre importance. C’est ce qui va amener les dirigeants nationalistes comme Ruben Nyobe, ancien syndicaliste, à se radicaliser. L’organisation de Ruben, l’UPC, n’est pourtant pas si radicale. Au début, elle se contente d’organiser des manifestations non violentes. La répression ne va pas lui donner le choix. Pour le pouvoir français, il n’est pas question d’accepter le moindre compromis, car l’UPC est « communiste ». En 1955, la répression de Roland Pré, gouverneur du Cameroun, fait 5000 morts. L’UPC n’a pas choisi tout de suite la lutte armée. Très clairement, Um Nyobé, tout stalinien qu’il était, ne proposait pas la révolution, ni la lutte radicale. Il ne s’en cachait pas, déclarant : « Nous offrons des garanties qui prouvent non seulement notre détermination d’œuvrer pour sortir le Cameroun de l’impasse, mais aussi de travailler de concert avec le gouvernement français (…) ». Ce qui montre le mieux les limites sociales et politiques des nationalistes de l’UPC, c’est leur volonté de laisser la classe ouvrière en dehors du combat. L’UPC mobilise trois régions : Bassa, Bamiléké et la Sanaaga. Les travailleurs de Douala qui ont pourtant maintes et maintes fois montré leur combativité sont laissés en dehors par l’UPC. Nyobé a tourné le dos à la classe ouvrière, d’où il vient. Désormais, il est un dirigeant de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie camerounaise. Il s’adresse à eux ainsi qu’aux chefs traditionnels.

1947- Madagascar
En mars 1947, c’est l’insurrection de Madagascar. La France va mettre cinq mois à l’écraser, malgré la violence de la répression. En juin et en décembre 1946, des signes avant-coureurs de la grande révolte ont été émis. Ces premières révoltes sont durement réprimées. Ces étincelles vont allumer un grand incendie. Dans la nuit du 29 au 30 mars 1947, toute la partie Est de l’île se soulève, contre la misère, contre les exactions des Européens et du pouvoir colonial. C’est une explosion spontanée. Cela se voit notamment au fait que, sans armes, l’insurrection le restera jusqu’à la fin de l’année 1948. Les plus pauvres, les plus opprimés se mobilisent, n’ont plus peur de la répression, ne reviendront plus en arrière. La réaction coloniale est violente et débute, dès le 4 avril, avec la proclamation de l’état de siège dans dix districts. Le 31 mars, c’est un camp militaire français qui est attaqué par plusieurs centaines d’hommes seulement armés de sagaies et de coupe-coupes. C’est la guerre côté français : infanterie, parachutistes et aviations attaquent les civils désarmés et font déjà un carnage. Le 30 avril, un camp militaire, celui de Moramanga, est attaqué. Les révoltés libèrent cent cinquante prisonniers. Les Européens, survoltés, organisent une véritable milice de tueurs et le carnage commence. Les exactions et l’arrivée de renforts militaires n’y suffisent pas. Ce n’est qu’en juillet que le colonialisme commencera à prétendre qu’il est désormais à l’offensive. Il faudra toute l’année 1948 au colonialisme français pour en finir avec les rebelles. Le 7 décembre 1948, Mr De Chevigné, Haut commissaire de France à Madagascar, déclare : « Le dernier foyer rebelle a été occupé. » Bilan : l’île est ravagée et il y a eu bien plus que les 80.000 morts reconnus officiellement, sans compter les blessés, les personnes arrêtées, les torturés.
Tout au long des événements, les principales organisations malgaches comme françaises n’ont pas pris le parti des insurgés. Le Parti communiste français ne risquait pas de le faire puisqu’il participait au pouvoir colonial français qui écrasait la révolte. En juin 1947, au onzième congrès du PCF à Strasbourg, Maurice Thorez conclue : « A Madagascar, comme dans d’autres parties de l’Union Française, certaines puissances étrangères ne se privent pas d’intriguer contre notre pays. » L’empire colonial français, hypocritement appelé « Union française », est défendu par le PCF. Dans les « Cahiers du communisme » d’avril 1945, on peut lire : « A l’heure présente, la séparation des peuples coloniaux avec la France irait à l’encontre des intérêts de ces populations. » Quant à François Mitterrand, il déclarait le 6 avril 1951, alors que des milliers de Malgaches pourrissaient dans les geôles de la France : « Je me déclare solidaire de celui de mes prédécesseurs sous l’autorité duquel se trouvait M de Chevigné quand il était haut commissaire. Les statistiques manquent de précision mais il semble que le nombre de victimes n’ait pas dépassé 15.000. C’est beaucoup trop encore, mais à qui la faute si ce n’est aux instigateurs et aux chefs de la rébellion. »
A Madagascar, l’attitude des organisations de gauche ne vaut pas mieux. Le 8 avril, ils envoient à Ramadier, président du Conseil, le télégramme suivant : « Les comités et groupes suivants, France combattante, Union rationaliste, CGT, Ligue des droits de l’homme, Groupes d’études communistes, Fédération socialiste, soucieux de traduire l’opinion de tous les Français et Malgaches unis dans un sincère désir de construire une véritable Union française, profondément indignés des troubles actuels, s’inclinent devant les victimes, condamnent toute la réaction factieuse, approuvent les mesures prises par l’autorité civile et lui font confiance pour rétablir l’ordre dans la légalité démocratique et poursuivre l’œuvre constructive vers une véritable union. » L’opposition démocratique malgache, elle, avait été accusée d’avoir organisé la révolte, accusation totalement infondée en ce qui concerne sa direction. Les dirigeants du M.D.R.M (Mouvement démocratique de rénovation malgache) n’étaient nullement politiquement de taille à vouloir une insurrection contre le colonialisme français. Il s’agissait tout au plus de politiciens libéraux. Mais il fallait bien que le pouvoir trouve des coupables ayant manipulé les masses malgaches. Dès le lendemain de l’insurrection des 29-30 mars, ses dirigeants sont arrêtés et torturés. Le MDRM avait déclaré : « Les événements du 30 mars apparaissent comme le fait d’éléments ou de groupes isolés de la population ayant agi spontanément sous la pression des souffrances endurées et des persécutions subies. » M de Coppet, Haut commissaire à Madagascar, déclare : « Le M.D.R.M est le responsable des troubles à Madagascar. La preuve de la préméditation des crimes est établie, c’est là un coup préparé minutieusement et de longue date. » Le 26 mars, le M.D.R.M collait une affiche appelant les populations au calme. Pourtant, le 7 mai, déjà 13.000 militants de ce parti sont arrêtés et torturés et les députés sont inculpés de crime et d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Il en résultera dix condamnations à mort et trois aux travaux forcés à perpétuité, qui se rajoutent à plus de cent mille morts. Même après l’indépendance, la mainmise de l’impérialisme français se maintiendra, notamment avec la mise en place de la dictature de Tsiranana.

Afrique coloniale française en 1960

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