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Maroc juillet 2008

samedi 5 juillet 2008, par Robert Paris

MAROC
Une ville en état de siège

samedi 5 juillet 2008 par Correspondant
À Sidi Ifni, ville côtière du sud du Maroc, un mouvement de protestation, dirigé par de jeunes chômeurs, a été réprimé au début du mois de juin. La ville vit depuis au rythme de la chasse aux militants et des arrestations.

Les origines du mouvement social actuel à Sidi Ifni remontent à plusieurs années. En 2005, a été créée une coordination d’associations constituée de diplômés chômeurs, de syndicats et d’associations locales, à laquelle se sont joints les sections locales de l’Istiqlal et du Parti du la justice et du développement (PJD). Ces deux derniers ne jouent plus aucun rôle depuis la radicalisation du mouvement. Les principales revendications étaient la gratuité et la qualité des services de santé, l’intégration des diplômés de la région dans la fonction publique, l’indemnisation des victimes de la colonisation, l’ouverture d’une route vers Tan-Tan, au sud d’Ifni, l’entretien du port et la création d’une préfecture propre à la ville, pour en finir avec la dépendance envers la province voisine de Tiznit.

La population locale, qui a une tradition de lutte [1], a soutenu ces revendications, et l’été 2005 a été marqué par une vague de manifestations. Le roi Mohammed VI a dû visiter la ville pour donner son feu vert à la construction d’infrastructures mais, depuis, aucune promesse n’a été tenue.

Le 30 mai dernier, des centaines de jeunes ont bloqué l’accès au port afin de demander la construction d’unités industrielles dans la ville, l’édification d’un centre de formation maritime et la distribution de permis de pêche pour les jeunes de la région. Ils ont bénéficié de la solidarité de la population. Les négociations s’enlisant, un contre-pouvoir s’est installé dans le port, les jeunes contrôlant l’accès à la plateforme portuaire. Le pouvoir et les médias qui lui sont affiliés ont alors lancé une campagne de désinformation contre « ces jeunes voyous manipulés par des ennemis du Maroc ».

Samedi 7 juin, à 6 heures du matin, a commencé une violente opération de répression, qui durera deux jours, et qui se déploiera aux niveaux terrestre (ville, villages et montagnes), maritime (intervention de Zodiac transportant des forces spéciales) et aérien (hélicoptères de la gendarmerie royale). En tout, 4 000 membres des forces de répression ont investi une ville de 20 000 habitants. Plus de 100 maisons ont été envahies et pillées. 300 personnes ont été arrêtées, seize d’entre elles ayant été transférées à la prison d’Agadir. Seuls, trois cas de viol dans les commissariats ont été déclarés, mais le phénomène a touché beaucoup plus de femmes, réduites au silence. Certaines ont été abusées devant leurs familles.

À la suite de l’état de siège que subissait la ville, une caravane de solidarité a été organisée par Attac-Maroc, avec le soutien de l’Association marocaine des droits de l’Homme, de syndicalistes, du Rassemblement de la gauche, du Mouvement Amazigh, d’Action jeunesse et d’autres organisations. Elle a fait le tour des quartiers de la ville. Une autre caravane a également été organisée, le 22 juin, avec la même mobilisation et le même enthousiasme.

Après la révolte du pain à Sefrou, en septembre 2007, les événements de Sidi Ifni confirment que les mouvements sociaux les plus forts proviennent de la périphérie du pays. Les grands centres urbains, comme Casablanca, Rabat, Marrakech, Fès, Tanger, sont peu mobilisés, du fait de l’absence de syndicats combatifs capables de mobiliser les travailleurs, de la dégénérescence de la gauche réformiste et de l’alignement de la majorité de la gauche radicale derrière la bureaucratie syndicale. La réponse apportée par les services de sécurité à cette crise, prouve que la méthode « M6 » (Mohammed VI) est mise à mal et que « les années de plomb » ne sont pas terminées.

Notes

[1] Le territoire d’Ifni a été colonisé, en 1934, par l’Espagne, qui y a constitué une province séparée du Sahara occidental. Sa population s’est soulevée contre le colonisateur, en 1957.

* Paru dans Rouge n° 2259, 03/07/2008.

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