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En Inde, la dictature capitaliste se durcit violemment

mercredi 14 octobre 2020, par Robert Paris

Inde : le gouvernement Modi fait passer en force une demi-douzaine de lois anti-ouvrières et anti-agriculteurs

Bafouant normes et procédures parlementaires de longue date, le gouvernement du parti Bharatiya Janata (BJP) dirigé par Narendra Modi a fait passer une demi-douzaine de lois de « réforme » du travail et de l’agriculture, ouvertement favorables au patronat. Elles furent votées lors d’une « session de mousson » abrégée du Parlement indien, le mois dernier.

Trois des lois de « réforme » visent à ouvrir le vaste secteur agricole de l’Inde aux sociétés transnationales rapaces de l’agrobusiness et à leurs concurrents nationaux potentiels.

Les trois autres lois représentent une attaque frontale de l’emploi, des conditions de travail et des droits de la petite fraction des travailleurs employés dans le secteur dit « formel » ; ceux qui travaillent dans les grandes entreprises industrielles et commerciales.

La nouvelle législation autorisera le recours à la main-d’œuvre contractuelle dans pratiquement toutes les industries, tant publiques que privées, et dans les activités de production « essentielles » où elles étaient auparavant interdites.

Plus grave encore, la nouvelle « réforme » du Code du travail érige d’énormes barrières juridiques empêchant les travailleurs de s’organiser en syndicats ou de faire grève. Le « Mint business newspaper » fait remarquer : « Plusieurs clauses surprenantes du Code créent effectivement un régime juridique où les grèves sont impossibles et où les travailleurs ne seront plus libres d’organiser ou même de participer à des grèves pacifiques. Ils seront pénalisés s’ils le font et les amendes imposées serviront à financer la sécurité sociale ».

Selon diverses agences gouvernementales, au moins 90 pour cent des quelque 450 millions de travailleurs indiens sont employés dans le secteur dit « informel ». L’écrasante majorité d’entre eux n’ont aucune protection juridique. La plupart gagnent leur vie comme petits vendeurs « indépendants » ou ouvriers journaliers, effectuant les travaux les plus subalternes.

Sur les 45 millions de travailleurs restants du secteur « formel » ou « organisé », 29 pour cent au plus, soit quelque 13 millions, sont salariés réguliers à temps plein. Ils bénéficient d’avantages garantis tels que congés payés, vacances et certaines prestations retraite.

L’énorme précarité de l’emploi en Inde, même dans le secteur formel, fut confirmée par la dernière enquête périodique du gouvernement sur la population active (Periodic Labour Force Survey – PLFS), de 2017-2018, rendue publique en mai 2019. Elle indique que parmi les travailleurs réguliers/salariés du secteur non agricole : 71,1 pour cent n’ont pas de contrat de travail écrit ; 54,2 pour cent n’ont pas droit à des congés payés ; et 49,6 pour cent n’ont droit à aucune prestation de sécurité sociale.

Le gouvernement Modi, dans une tentative ouverte de donner une « couverture progressiste » à sa réécriture pro-patronat du Code du travail et d’exploiter le fossé entre les salariés du secteur informel et ceux du secteur formel, a affirmé qu’un objectif central de sa « réforme » était de donner une certaine « sécurité sociale », comme des prestations de retraite, aux travailleurs informels.

C’est là une totale imposture. Une partie des fonds destinés à ces prestations, comme indiqué ci-dessus, doit être volée aux travailleurs participant à des grèves « illégales ». De plus, ces plans de « sécurité sociale » sont à ce stade tout à fait théoriques. Un futur « Conseil national de la sécurité sociale » devra décider quelles prestations seront offertes et quel en sera le mode de financement. Les divers régimes d’aide sociale annoncés précédemment par le gouvernement BJP n’offraient qu’une aide très limitée. Le gouvernement BJP les a souvent donnés à gérer à des sociétés financières privées.

Le gouvernement Modi a également affirmé qu’il améliorait la sécurité sur le lieu de travail. Mais les changements ne s’appliquent en l’état qu’aux entreprises qui emploient au moins 250 travailleurs. Ainsi, 90 pour cent des travailleurs indiens sont complètement exclus du champ d’application de cette législation.

Même pour ces « grandes » entreprises, l’indemnisation maximale qu’un employeur serait tenu de verser lorsqu’un travailleur est tué au travail est de 100.000 roupies (1.165 euros). En Inde, au moins 48.000 travailleurs meurent chaque année dans des accidents du travail et des centaines de milliers d’autres sont gravement blessés.

En vertu de la nouvelle législation, les entreprises qui emploient moins de 300 travailleurs, la grande majorité, pourront embaucher et licencier à volonté, voire même fermer complètement. Auparavant, les entreprises employant 100 travailleurs ou plus devaient obligatoirement obtenir l’autorisation du gouvernement avant de licencier des travailleurs permanents.

L’élimination de ces restrictions et le développement de l’emploi de main-d’œuvre contractuelle, est une exigence de longue date du capital national et international.

Le gouvernement a fait grand cas de ce qu’il maintenait l’obligation pour les plus grandes entreprises de demander l’approbation du gouvernement avant de procéder à des suppressions d’emplois ou de fermer une usine ou un autre lieu de travail. Mais en y regardant de plus près, cette restriction s’avère être une simple ruse. La législation stipule que si l’agence gouvernementale compétente ne répond pas dans les 60 jours suivant la demande d’autorisation, cela « équivaut à un accord » [c’est nous qui soulignons]. Autrement dit, l’employeur aura les coudées franches.

Les trois lois de « réforme » agricole ont une portée similaire et imposent également des changements réactionnaires demandés depuis longtemps par l’élite des entreprises.

Ces trois lois – qui étaient déjà passées à la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement où le BJP et ses partenaires de l’Alliance démocratique nationale (NDA) ont une large majorité – ont été approuvées par la Rajya Sabha, la Chambre haute par simple vote oral, une procédure tout à fait anti-démocratique.

Ce résultat a été obtenu après que le vice-président de la Rajya Sabha, un député du BJP, ait expulsé huit membres de l’opposition qui insistaient pour que les projets de loi soient d’abord envoyés devant une commission parlementaire pour examen détaillé.

Le BJP a fait adopter ces lois malgré une opposition massive des agriculteurs dont la grande majorité travaille sur des parcelles petites ou marginales. Les exploitations agricoles en Inde sont très fragmentées, plus de 86 pour cent des agriculteurs possédant moins de 2 hectares.

D’énormes manifestations d’agriculteurs et de leurs partisans ont eu lieu dans les jours qui ont précédé l’adoption de ces lois. Dans les États du Punjab et de l’Haryana, au nord du pays, des centaines de milliers d’agriculteurs en colère ont bloqué le trafic routier et ferroviaire pendant quelques jours, bravant les gaz lacrymogènes et les tabassages de la police indienne, dont la brutalité est notoire.

L’objectif principal des nouvelles lois agricoles est de détruire les marchés agricoles gérés et réglementés par les gouvernements des États indiens depuis des décennies, connus sous le nom de Mandis. Malgré leur corruption et leur inefficacité endémiques, ils ont néanmoins apporté aux agriculteurs un minimum de sécurité en leur offrant un moyen garanti de vendre leurs produits.

A présent, les agriculteurs indiens vont être jetés en pâture au « marché libre », où ils seront nettement désavantagés. Les sociétés géantes, par l’intermédiaire de leurs agents indiens, utiliseront inévitablement leur pouvoir d’achat pour faire baisser les prix de gros aux dépens des agriculteurs — des « économies » qu’elles ne répercuteront pas sur les consommateurs, mais utiliseront bien plutôt pour augmenter leurs profits.

Les grandes entreprises agricoles et du commerce au détail ou d’autres gros acheteurs seront également autorisés à conclure des contrats avec les agriculteurs dans tout le pays pour qu’ils cultivent les denrées agricoles qu’elles exigent, au prix et à la qualité qu’elles exigent.

En faisant passer ces projets de « réforme » au Parlement, le gouvernement Modi s’est présenté comme l’ami des agriculteurs. Il s’est vanté du fait qu’ils pourront désormais contourner les « intermédiaires » sur les marchés réglementés par le gouvernement et vendre directement leurs produits à n’importe quel acheteur.

En réalité, les agriculteurs indiens, à l’exception d’une infime minorité chez les plus grands, seront obligés de vendre aux intermédiaires des villages, car les grandes entreprises n’achètent pas directement aux petits agriculteurs marginaux et fragmentés.

L’État du Bihar, à l’est du pays, l’a démontré en 2006, sous un gouvernement de coalition allié au BJP qui avait éliminé le système Mandi réglementé. Une étude réalisée par des chercheurs du Centre d’études asiatiques de l’Université de Pennsylvanie en 2014 a révélé que les agriculteurs continuaient à vendre leurs produits aux marchands villageois (appelés communément « banias »), la classe commerciale qui est l’une des principales bases politiques du BJP.

Comme l’a commenté l’un des agriculteurs qui manifestait au service en pendjabi de la BBC : « C’est un arrêt de mort pour les petits agriculteurs marginalisés. Il vise à les détruire en livrant l’agriculture et le marché aux grandes entreprises. Ils veulent nous arracher nos terres. Mais nous ne les laisserons pas faire ».

L’objectif déclaré de toutes ces mesures pro-patronat est d’attirer les investissements des transnationales aux dépens de la Chine. Le deuxième objectif est de faire monter l’Inde dans le classement de la Banque mondiale pour la « facilité de faire des affaires ». L’Inde se trouve actuellement en 63e place et veut figurer parmi les dix premiers.

L’opposition, le Parti du Congrès, s’est dit adversaire déterminé de ces projets de loi. Mais c’est lui qui a ouvert la porte en 1991 à des « réformes » favorables aux investisseurs et qui, jusqu’à sa chute en 2014, a été le fer de lance de la campagne visant à transformer l’Inde pour le capital mondial en paradis de main-d’œuvre bon marché et en « partenaire stratégique mondial » de l’impérialisme américain.

Le gouvernement de l’Alliance progressiste unie, dirigé par le Parti du Congrès, a imaginé des plans similaires à ceux mis actuellement en œuvre par le BJP pour démanteler les marchés agricoles réglementés et forcer les petits agriculteurs paupérisés à s’affronter aux vicissitudes du « marché libre ». Mais finalement, le Congrès n’avait pas mis en œuvre sa politique par crainte d’une opposition de masse.

Les fédérations syndicales ont dénoncé avec la plus grande fermeté les « réformes » du travail et de l’agriculture, accusant le gouvernement de vouloir ramener les droits des travailleurs à ceux de l’époque du Raj britannique. Hier, elles ont annoncé qu’elles organiseraient une grève générale d’une journée dans tout le pays le 26 novembre pour s’opposer à la « réforme du travail » du gouvernement BJP, à ses politiques d’austérité et à sa campagne de privatisation massive.

Il ne fait aucun doute que la classe ouvrière est en colère contre le gouvernement Modi, notamment à cause de sa gestion catastrophique de la pandémie de COVID-19. Mais les syndicats — y compris la CITU et l’AITUC, respectivement affiliés au Parti communiste de l’Inde-marxiste, stalinien (CPM) et au Parti communiste de l’Inde (CPI) — ont pendant des décennies réprimé la lutte des classes et collaboré à la mise en œuvre du programme néo-libéral de l’élite dirigeante. L’une de leurs principales plaintes est que le gouvernement du BJP refuse depuis plusieurs années de convoquer la Conférence nationale indienne du Travail, un organisme corporatiste regroupant syndicats gouvernement et patronat.

Kranti Kumara

L’Inde est désormais en deuxième position après les États-Unis pour le nombre de cas COVID-19, mais continue à développer la « réouverture ».

Après avoir enregistré plus de 90.000 nouvelles infections lundi, l’Inde a dépassé le Brésil en tant que pays qui a le deuxième plus grand nombre de cas de COVID-19 dans le monde.

Malgré cette situation catastrophique, qui fait environ 1000 morts par jour, le Premier ministre indien Narendra Modi et son parti d’extrême droite, le Bharatiya Janata Party (BJP) ; ainsi que les différents gouvernements des États, poursuivent la réouverture de l’économie. Cela inclut les gouvernements des États dirigés ou soutenus par le Parti du Congrès (opposition) ; et divers partis régionaux et fondés sur des castes ; ainsi que leurs collaborateurs staliniens au sein du CPM (Parti communiste indien, marxiste) et du CPI (Parti communiste indien).

Selon les chiffres publiés par le ministère indien de la Santé, le pays a enregistré un nouveau record mondial de nouvelles infections en une seule journée avec 90.802 lundi. Cela porte le total officiel de l’Inde à plus de 4,2 millions infectés. Depuis environ un mois, l’Inde enregistre le plus grand nombre de cas quotidiens dans le monde. Le nombre de décès est passé à 71.642.

Le rythme de propagation du virus s’est considérablement accéléré au cours du dernier mois. Alors qu’environ 55.000 nouveaux cas par jour étaient enregistrés au cours de la première semaine d’août, l’Inde compte désormais une moyenne de plus de 80.000 nouveaux cas par jour. Le nombre total d’infections COVID-19 confirmées en Inde a doublé, passant de 2 millions à plus de 4 millions en un mois seulement. Il n’a fallu que 13 jours pour que le nombre d’infections augmente d’un million, passant de 3 millions le 22 août à 4 millions le 4 septembre.

Aussi horribles que soient ces chiffres, ils constituent une sous-estimation substantielle de la véritable ampleur de la crise. Pratiquement tous les experts s’accordent à dire qu’en raison d’un taux de dépistage misérablement bas, seule une fraction des infections au COVID-19 est identifiée. Certains ont même suggéré que l’Inde a déjà dépassé les États-Unis pour devenir le pays le plus touché au monde.

CBS News a interrogé Le Dr Ramanan Laxinarayan, chercheur en santé publique et directeur du « Center for Disease Dynamics, Economics and Policy » (CDDEP — Centre pour la dynamique, l’économie et la politique des maladies) basé à Washington. Il a déclaré : « Ce n’est qu’une question de temps avant que l’Inde ne dépasse (les) États-Unis. Nous parlons d’infections signalées, et étant donné le faible niveau des tests, c’est certainement possible que les infections réelles en Inde aient déjà dépassé celles des États-Unis ». Il a ajouté que les tests de séroprévalence des échantillons de sang « indiquent qu’au moins 100 millions d’infections » ont eu lieu en Inde.

Les politiques impitoyables et criminelles du gouvernement Modi au centre et des différents gouvernements des États ont produit d’énormes souffrances sociales, en plus de la catastrophe sanitaire.

Le confinement national du coronavirus de Modi était mal conçu et mal préparé. On l’a mis en œuvre le 25 mars avec un préavis de moins de quatre heures. C’était un échec total. L’élite dirigeante indienne a refusé d’utiliser le temps gagné par le confinement pour mettre en place un système complet de tests de masse et de recherche des contacts. Ils n’ont même pas alloué des ressources supplémentaires au système de santé publique du pays, qui en manque chroniquement.

De plus, le gouvernement du BJP n’a fourni aux dizaines de millions de travailleurs appauvris qui ont perdu leur emploi du jour au lendemain en raison du confinement que des programmes d’aide misérables. Cela a entraîné un dénuement généralisé, des sans-abri et la famine. Le blocage et le refus du gouvernement de fournir une aide sociale ont provoqué un effondrement économique sans précédent. Au cours du trimestre qui s’est terminé en juin, le PIB de l’Inde a chuté de 23,9 pour cent, la plus forte baisse enregistrée parmi les grandes économies.

La classe dirigeante a ensuite exploité cette misère sociale pour remettre les travailleurs au travail, afin que l’extraction de profits par l’exploitation des ateliers clandestins puisse reprendre. Le gouvernement BJP a commencé à approuver la suppression des mesures de confinement dans des industries d’exportation et d’autres industries à la fin du mois d’avril. Cela a rapidement conduit à une recrudescence des infections.

Le virus s’est maintenant répandu dans tout le pays, s’installant dans les quartiers pauvres de nombreuses grandes villes et dans les zones rurales, où les établissements de soins de santé sont inexistants. Il a même atteint les îles Andaman et Nicobar, qui sont situées à plus de 1.000 kilomètres du continent.

L’augmentation du nombre de cas et de décès dus à la COVID-19 n’a causé aucun relâchement, ni même aucune pause dans la volonté du gouvernement Modi et de ses homologues dans les États de l’Inde de rouvrir l’économie. Plaçant les profits avant les vies humaines, ils poursuivent une politique d’« immunité collective » — une politique meurtrière dans laquelle les autorités laissent le virus se répandre jusqu’à ce qu’il ait infecté l’écrasante majorité de la population.

On a autorisé maintenant la plupart des entreprises à rouvrir. Les entreprises et les autorités ont largement abandonné l’éloignement social et les autres mesures préventives élémentaires. Ces mesures étaient toujours impossibles pour les dizaines de millions de pauvres des villes qui vivent à cinq ou plus dans une pièce et n’ont pas accès à des installations sanitaires adéquates. Les marchés des villes et des agglomérations du pays regorgent à nouveau de monde, ce qui augmente le risque d’une nouvelle accélération des infections.

Le même jour où l’Inde a établi un nouveau record mondial d’infections quotidiennes, Modi a lancé la quatrième phase de son programme de déconfinement. Lundi, les réseaux de métro ont repris dans la capitale nationale, Delhi, et dans plus de dix autres villes, mettant fin à cinq mois de fermeture. Avec un grand nombre de personnes entassées dans des métros mal ventilés, les infections et les décès vont certainement augmenter fortement.

La réouverture du métro de Delhi, le plus grand système de transport rapide du pays, est particulièrement imprudente compte tenu du volume de passagers et de la récente augmentation des cas de coronavirus dans la capitale. Avant sa fermeture forcée en mars, il transportait en moyenne 2,7 millions de passagers par jour dans des trains bondés. La ligne jaune, qui a été la première à être rouverte, relie le nord de Delhi à la ville satellite de Gurgaon, un centre industriel et informatique de l’État de Haryana, dans le nord de l’Inde. Il s’agit de la ligne la plus fréquentée, qui relie 37 gares et transporte environ 1,45 million de passagers par jour.

Autre exemple de l’indifférence de l’élite au pouvoir face à la menace que représente le virus mortel pour les travailleurs, l’Agence nationale de test (NTA), un organisme du gouvernement central, organise des examens d’entrée à l’université dans les principales villes du pays. On a ignoré les protestations des étudiants en colère, dont beaucoup doivent parcourir de longues distances pour participer.

La Cour suprême, se ralliant à la décision du gouvernement Modi, a rejeté un appel déposé au nom des étudiants le 17 août. La Cour a affirmé que le fait de ne pas organiser les examens mettrait la carrière des étudiants « en péril ». Elle a ajouté : « La vie devrait avancer même en époque de COVID-19 ». Ceci est tout à fait conforme au mantra du gouvernement Modi et de ses homologues de l’État. Ils insistent tous sur le fait que les entreprises doivent rouvrir et que les travailleurs doivent travailler dans des conditions dangereuses. Prétendument afin que la vie puisse revenir à la « normale ». Mais en réalité, c’est-à-dire que la classe dirigeante peut continuer à s’enrichir.

Comme leurs homologues du monde entier, le gouvernement Modi et l’élite capitaliste indienne dans son ensemble ont saisi l’occasion de la pandémie pour déplacer la politique bourgeoise vers la droite. Selon les propres termes de Modi, son gouvernement fait avancer un « saut quantique » dans les réformes économiques, c’est-à-dire des politiques pro-investisseurs pour attirer les capitaux mondiaux. Ces « réformes » comprennent une accélération des privatisations ; des changements radicaux dans la législation du travail afin que les employeurs puissent embaucher et licencier des travailleurs à volonté ; l’assouplissement des réglementations sur l’utilisation des terres pour le développement des entreprises ; et des mesures d’austérité plus sévères.

Pour détourner la colère sociale croissante envers ses politiques dans une direction réactionnaire, Modi attise également un nationalisme indien belliqueux en intensifiant le conflit frontalier entre l’Inde et la Chine. En cela, l’impérialisme américain l’a encouragé. Les États-Unis considèrent l’Inde comme un partenaire crucial dans son offensive économique et militaro-stratégique contre Pékin.

Lundi, les tensions entre l’Inde et la Chine se sont encore aggravées lorsqu’on a tiré des coups de feu lors d’un différend entre les troupes indiennes et chinoises sur la question de savoir où se trouve la ligne de contrôle réelle (LAC), la frontière de facto entre les deux pays. Chaque partie a accusé l’autre d’avoir tiré le premier coup de feu. Bien que plusieurs dizaines de soldats indiens et chinois soient morts lors d’un affrontement à coups de bâtons et de couteaux sur une crête de l’Himalaya en juin, c’était la première fois en 45 ans que les deux parties ont échangé de tirs réels entre eux.

Le danger d’un conflit militaire entre les deux puissances nucléaires est devenu si aigu que même les médias indiens qui ont exhorté New Delhi à résister à l’« agression » chinoise s’alarment aujourd’hui. « Nous sommes sur le point d’entrer dans une dangereuse matrice d’escalade qui pourrait mener à une guerre totale », a déclaré un éditorial du « Times of India ». « Si cela se produit, ce serait une catastrophe. »

En opposition aux politiques de droite du gouvernement Modi, un nombre croissant de travailleurs ont participé à des grèves et autres manifestations ces dernières semaines. La colère s’est surtout dirigée contre les privatisations prévues. Mais aussi, contre l’incapacité des autorités à fournir des équipements de protection individuelle adéquats aux travailleurs du secteur de la santé et aux autres travailleurs de première ligne pendant la pandémie.

On doit stopper la propagation implacable du coronavirus ; on doit protéger les travailleurs des retombées économiques ruineuses de la pandémie ; on doit s’opposer avec succès à l’alliance incendiaire de l’élite dirigeante indienne avec l’impérialisme américain ; on doit stopper l’alimentation du conflit militaire. Le seul moyen : est que la classe ouvrière se constitue en force politique indépendante. Elle doit rallier les pauvres des zones rurales et les autres travailleurs derrière elle dans la lutte pour un gouvernement ouvrier et le socialisme.

Comme l’a expliqué le Comité international de la Quatrième Internationale dans sa déclaration, « Pour une action internationale de la classe ouvrière contre la pandémie de COVID-19 ! » :

« Le contrôle de la réponse à la pandémie doit être retiré des mains de la classe capitaliste. Une action de masse de la classe ouvrière, coordonnée à l’échelle internationale, est nécessaire pour maîtriser la pandémie et sauver des millions de vies, maintenant en danger. La lutte contre la pandémie n’est pas seulement une question médicale. C’est avant tout une question de lutte sociale et politique ».

Deepal Jayasekera

Alors que l’Inde approche le million de cas de COVID-19, le gouvernement Modi continue de nier la transmission communautaire

Alors que l’Inde s’approche de la sombre étape d’un million d’infections confirmées au COVID-19, le Premier ministre Narendra Modi et son gouvernement du parti Bharatiya Janata Party (BJP) continuent de se vanter que leurs efforts pour lutter contre la pandémie se révèlent fructueux. Comme exemples les plus grotesques de cette propagande gouvernementale, il y a les déclarations répétées du ministère de la Santé et de la plus grande institution épidémiologique de l’Inde qu’il n’y aurait aucune importante transmission communautaire du virus potentiellement mortel dans le deuxième pays le plus peuplé du monde.

Que les responsables gouvernementaux tiennent à l’admettre ou non, la réalité est que le coronavirus se propage comme une traînée de poudre dans de nombreuses régions de l’Inde, et l’afflux de patients infectés accable de plus en plus le système de santé délabré du pays.

En termes de cas COVID-19, l’Inde est désormais le troisième pays le plus touché au monde.

Jeudi, selon les données fournies par le ministère de la Santé et de l’Aide sociale familiale, les cas de COVID-19 s’élèvent à 968 876. Au cours des 24 heures précédentes, 32 695 nouvelles infections ont été enregistrées, le plus gros pic d’une journée à ce jour. Le nombre de morts a quant à lui grimpé à 24 915, après 606 décès supplémentaires. Les nouvelles infections sont restées supérieures à 25 000 par jour depuis le 10 juillet, affichant presque chaque jour un nouveau record d’infections au coronavirus.

Alors qu’il a fallu 109 jours à l’Inde pour atteindre 100 000 cas de COVID-19, le nombre total d’infections a été multiplié par neuf au cours des 57 jours suivants, à mesure que la suppression par le gouvernement des mesures de confinement passait à la vitesse supérieure. Quatre jours seulement se sont écoulés avant que le total de 800 000 cas passe à 900 000.

Le bilan officiel des morts est étrangement bas par rapport à d’autres pays gravement touchés. Les autorités indiennes ont la triste réputation de sous-déclarer les chiffres des décès même en temps normal, ce qui rend presque certain un nombre réel de décès beaucoup plus élevé. Malgré tout, l’Inde a déclaré plus de 500 décès chaque jour depuis le 11 juillet.

Comme le président américain Donald Trump, Modi proclame à presque toutes occasions des mensonges grossiers sur l’efficacité supposée de la réponse de son gouvernement à la pandémie, sans se soucier des milliers de personnes qui ont déjà perdu la vie. Le Premier ministre indien est devenu de facto le principal porte-parole de la politique criminelle « d’immunité collective » de l’élite dirigeante, qu’un conseiller gouvernemental a allègrement estimé entraînera 2 millions de morts. Pour couvrir le coût horrible de cette politique, qui vise à donner la priorité au profit des grandes entreprises sur la vie humaine, Modi et ses ministres doivent recourir à des mensonges purs et simples. Le principal de ces arguments est l’affirmation selon laquelle aucune transmission communautaire n’a lieu en Inde.

Après avoir présidé une réunion sur COVID-19 samedi dernier, Modi a déclaré : « Nous avons également souligné les initiatives couronnées de succès entreprises à travers l’Inde pour s’assurer que le coronavirus est contrôlé. »

Cela visait à dissimuler le fait que le principal objectif de la réunion, qui impliquait le ministre de l’Intérieur, Amit Shah et le ministre de la Santé Harsh Vardhan, était de faire avancer la « réouverture » de l’économie alors que le virus sévit. Plutôt que de décrire de nouvelles mesures pour arrêter la propagation du virus, Modi a réprimandé le public. « Nous devons réitérer », a-t-il déclaré, « la nécessité de respecter l’hygiène personnelle et la discipline sociale dans les lieux publics ».

En d’autres termes, alors que le gouvernement ouvre tous les secteurs de l’économie, forçant des dizaines de millions de travailleurs mal payés à retourner dans des lieux de travail dangereux, la responsabilité d’empêcher la propagation du virus incombe à l’individu – et ce dans un pays où des centaines de millions de personnes n’ont pas facilement accès à l’eau potable et vivent dans des bidonvilles grouillants où il est impossible de pratiquer la distanciation sociale.

Bien que certains États aient été contraints de réimposer certaines restrictions limitées en raison de la recrudescence des cas, les lieux de travail industriels et autres chantiers sont autorisés – voire encouragés – à continuer de fonctionner. Quant aux employeurs, avec la complicité du gouvernement, ils violent toutes les maigres mesures de sécurité au travail qui ont été officiellement ordonnées.

Aucune des initiatives prises par le gouvernement Modi en réponse à la pandémie ne s’est avérée une « réussite ». Son confinement mal préparé, annoncé avec un préavis de quelques heures fin mars, a été un désastre. Des dizaines de millions de personnes ont été plongées du jour au lendemain dans le dénuement en raison de l’incapacité du gouvernement à fournir une aide financière aux travailleurs qui ont perdu leur emploi. La période du confinement n’a pas été utilisée pour renforcer le système de soins de santé chroniquement sous-financé de l’Inde, ni pour mettre en place un système de tests de masse et de recherche des contacts pour lutter contre la propagation des infections. Au lieu de cela, le confinement est devenu le mécanisme de propagation du COVID-19 dans les zones reculées, car le gouvernement Modi a gardé des dizaines de millions de travailleurs migrants entassés dans des camps insalubres pendant des semaines, puis les a renvoyés dans leur pays d’origine sans les tester pour le virus.

Pas plus tard que le 9 juillet, le gouvernement a répété que l’Inde n’avait pas atteint le stade de transmission communautaire de COVID-19. Interrogé pour savoir si l’Inde est entrée dans la phase de transmission communautaire, Rajesh Bhushan, officier de service spécial au ministère de la Santé de l’Union, a déclaré lors d’un point de presse : « Aujourd’hui encore, le ministre de la Santé a clairement déclaré que l’Inde n’était pas parvenue à l’état de transmission communautaire. Dans certaines zones géographiques, il y a eu des foyers localisés. »

S’engageant dans une tentative infructueuse de prouver son point de vue, Bhushan a affirmé que « 49 districts (sur 733) représentent à eux seuls 80 pour cent des cas de COVID-19 ». Par conséquent, « dans une telle situation dans laquelle vous pouvez retrouver et identifier les contacts proches des cas actifs, parler de transmission communautaire n’est pas justifié. » Son affirmation ignore commodément le fait que bon nombre des 49 districts couvrent des zones urbaines telles que Delhi, Mumbai, Chennai, Kolkata, Hyderabad, Pune et Bengaluru, où vivent des dizaines de millions de personnes. Entre elles, Delhi et Mumbai comptent à elles seules plus de 40 millions de personnes.

Les affirmations stupides et ignorantes des représentants du gouvernement ne sont pas simplement l’expression de l’incompétence personnelle. Le gouvernement Modi et ses homologues dans les États de province ont plutôt rejeté avec mépris toute approche scientifique pour lutter contre la pandémie afin qu’ils puissent se concentrer exclusivement sur la défense des profits et de la richesse des millionnaires et milliardaires indiens. Si la réouverture de l’économie pour les grandes entreprises nécessite de mettre de côté les conseils de l’Organisation mondiale de la santé pour effectuer des tests de masse, isoler les personnes infectées et rechercher des contacts, qu’il en soit ainsi !

La réalité est que des scientifiques sérieux mettent en garde contre les niveaux dangereux de transmission communautaire en Inde depuis plus d’un mois. Le Dr Jacob John, un virologue éminent, a souligné la transmission communautaire généralisée en Inde dans une interview avec la BBC au début de juin. Le Dr John a souligné le fait que l’Inde, selon les données du gouvernement, n’a testé que 0,3 pour cent ou 0,4 pour cent de la population. Se référant aux données du Conseil indien de la recherche médicale (ICMR), il a déclaré que les statistiques ont « montré que moins d’un pour cent (0,73%) des cas dans 83 districts montraient des preuves d’une exposition passée à des cas confirmés, et si cela ne s’agit pas de transmission communautaire, comment ont-ils pu être exposés autrement ».

Dans une interview accordée à The Wire le 16 juin, le professeur Ramanan Laxminarayan, directeur du Center for Disease Dynamics basé à Washington et chercheur de Princeton, a déclaré que la transmission communautaire s’effectuait « absolument » en Inde. Appliquant les modèles mathématiques utilisés aux États-Unis ou au Royaume-Uni à l’Inde, Laxminarayan a estimé que l’Inde comptait déjà des dizaines de millions de cas et que ce chiffre pourrait atteindre 200 millions d’ici septembre.

Alors que le gouvernement Modi porte la responsabilité principale de la crise humanitaire massive déclenchée par COVID-19, les partis d’opposition qui dirigent divers gouvernements des États sont également coupables. Ils ont présidé à des conditions sociales misérables et continuent de priver le système de santé de fonds dont il a désespérément besoin.

L’État le plus touché de l’Inde, avec 275 649 cas et 10 928 décès en date de jeudi, est le Maharashtra, où l’extrême droite Shiv Sena dirige un gouvernement soutenu par le Parti du Congrès nominalement laïc. L’État méridional du Tamil Nadu, qui est le deuxième État le plus touché, avec 151 820 cas et un total de 2 167 décès, est gouverné par la droite All India Anna Dravida Munetra Kazhagam (AIADMK), tandis que Delhi, territoire de la capitale nationale et troisième État le plus touché (116 993 cas et 3 487 décès), est gouverné par le Parti Aam Aadmi (AAP). Pendant des décennies, l’establishment politique indien a délibérément laissé à l’abandon le système de santé publique – dépensant 1,5 pour cent du PIB ou moins par an pour les soins de santé – afin de réduire les impôts des sociétés et de poursuivre d’autres politiques favorables aux investisseurs.

L’élite dirigeante criminelle de l’Inde n’a pas réussi à faire face à la catastrophe sanitaire et sociale provoquée par la pandémie. La seule façon d’arrêter la propagation incessante du coronavirus et de protéger les travailleurs des retombées économiques ruineuses de la pandémie est que la classe ouvrière développe sa propre réponse indépendante. Comme l’a expliqué le Comité international de la Quatrième Internationale dans sa déclaration du 23 juin :

« Le contrôle de la réponse à la pandémie doit être retiré des mains de la classe capitaliste. Une mobilisation de masse de la classe ouvrière, coordonnée à l’échelle internationale, est nécessaire pour maîtriser la pandémie et sauver des millions de vies aujourd’hui menacées. La lutte contre la pandémie n’est pas seulement, ni même principalement, un problème médical. C’est avant tout une question de lutte sociale et politique. »

Wasantha Rupasinghe

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