Accueil > 06- Livre Six : POLITIQUE REVOLUTIONNAIRE > 7- La question de l’Etat > Pourquoi le capitalisme a-t-il conservé ici et là des systèmes féodaux ?

Pourquoi le capitalisme a-t-il conservé ici et là des systèmes féodaux ?

jeudi 4 février 2021, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

« Pourquoi le capitalisme a-t-il conservé ici et là des systèmes féodaux, en les intégrant certes, en les dépossédant de nombre de leurs attributs mais sans les casser ? » nous demande un de nos lecteurs…

On connaît effectivement aujourd’hui notamment le régime social et politique de l’Arabie saoudite, du Japon, de la Thaïlande, du Maroc, de la Jordanie, etc. Il y a eu dans le passé la coexistence de l’Angleterre au capitalisme naissant avec les régimes de Maharadjahs d’Inde.

En fait, la bourgeoisie anglaise, après avoir triomphé politiquement et socialement en Angleterre, n’a nullement souhaité que toutes les bourgeoisies du monde triomphent de même ! Au contraire, elle a été radicalement opposée à la révolution française et européenne, y voyant à juste titre une concurrence menaçante.

Le capitalisme a révolutionné le monde mais ce n’était nullement le but de la grande bourgeoisie capitaliste, quasi au contraire…

Tout d’abord, elle a été révolutionnaire quand elle n’accédait pas au pouvoir politique ou pas assez, quand le système social en place freinait trop ses intérêts. Elle a alors momentanément soutenu la révolution sociale des « basses » classes sociales. Mais, même dans ce cas, elle l’a fait souvent à reculons avec des inquiétudes et des réticences marquées, et elle a parfois abandonné la révolution sociale en cours de route pour se raccrocher à l’Etat en place contre la révolution sociale.

Dès qu’elle a accédé au pouvoir dans un pays, l’Angleterre, elle a pactisé avec les féodaux et a partagé le pouvoir et les avantages. La bourgeoisie anglaise a alors développé l’industrie capitaliste et tâché de la rendre dominante dans le monde mais elle a aussi combattu alors la révolution bourgeoise dans le reste du monde, en France, en Europe et aux Etats-Unis. Elle a pactisé pour cela avec la réaction féodale en Europe.

De même, dans les pays coloniaux une fois dominés, elle a pactisé systématiquement avec les féodaux en place et ses successeurs des bourgeoisies françaises et autres bourgeoisies européennes ont fait de même.

L’idéologie prétendument « progressiste » de la bourgeoisie a prétendu, au contraire, que le système capitaliste entraînait et nécessitait « le progrès », à la fois technologique, économique, social et politique, incluant la démocratie. Le bilan réel de l’essentiel du monde a démontré le contraire.

Une fois encore dans l’Histoire, c’est le développement inégal et combiné qui mène le monde, ce qui signifie que le développement, à un pôle, se nourrit du sous-développement, à l’autre pôle, et le nourrit… Et aussi que la richesse et le progrès à un bout du monde nécessite la misère et la régression à l’autre !

Une autre question doit être soulevée : celle des limites du rôle révolutionnaire du capitalisme. On aurait pu penser, dans une vision évolutionniste, progressiste, continuiste, que la bourgeoisie capitaliste, commençant à vaincre en Europe de l’Ouest (Angleterre, France), allait immédiatement se servir de ces nouveaux pouvoirs pour imposer la même révolution sociale dans le monde, et au moins dans les pays dominés et il n’en a rien été. Marx en a relevé la raison de fond : la victoire du capitalisme, c’est aussi le développement du prolétariat et son apparition sur la scène politique ! Dès lors, le capitalisme continue à bouleverser le monde mais il cesse complètement d’agir en révolutionnaire au plan social et politique. Le revirement apparaît nettement au cours des révolutions de 1848, suite à la révolution prolétarienne en France en juin 1848.

Marx n’est pas évolutionniste et il a souligné que la grande bourgeoisie capitaliste, si son mode de production révolutionne sans cesse la technique, renverse mille fois les situations économiques et sociales, n’est pas une force révolutionnaire sur le terrain social et politique.

L’erreur provient de la fausse image du capitalisme soi-disant porté par « une force du progrès ».

La réalité historique, c’est que les classes possédantes se sont bien gardées de révolutionner sciemment l’ancien ordre social quand elles sont parvenues au pouvoir.

Cela a été vrai de la bourgeoisie capitaliste en Angleterre comme en France et en Allemagne ainsi que dans le reste de l’Europe. La bourgeoisie a toujours tenté de pactiser avec l’ancien ordre féodal, royal ou impérial au lieu de le renverser ou de le déraciner définitivement. C’est pour cela que les royautés ne subsistent pas seulement en Arabie saoudite mais aussi en Europe et un empereur au Japon.

Dans ce dernier pays, la bourgeoisie capitaliste a fait subsister l’ancien ordre féodal et impérial et non seulement la bourgeoisie japonaise à ses débuts mais aussi l’impérialisme américain occupant le pays à la fin de la deuxième guerre mondiale.

Cependant, il faut dire aussi que, tout en conservant des bribes désuètes de l’ancien régime, les bourgeoisies capitalistes ont cependant révolutionné l’ancien ordre, ses lois, ses règles, ses buts, sa morale, son fonctionnement fondamental. C’est pour garantir ce tels changements qu’elles ont maintenu les formes de l’ancien ordre. Ainsi l’Arabie saoudite n’est pas moins capitaliste que la France !

En tout cas, le capitalisme n’est pas fondé sur la religion du progrès. Il n’a jamais roulé pour le bien-être de l’humanité ou la démocratie comme voudraient le faire croire ses défenseurs et porte-plumes vendus.

C’est d’autant plus remarquable que ce soit dans un des pays dits avancés et démocratiques, l’Allemagne, que le fascisme a pris son tour le plus violent, barbare, rétrograde, antidémocratique et antihumain.

La vision noir et blanc démocratie/dictature, progrès/réaction, loin de permettre le fonctionnement du capitalisme, en cache les réels objectifs.

Quand le grand capital décide de détruire des usines, des secteurs d’activité, des emplois, des régions entières ou des pays, voire le monde, ce n’est pas pour faire avancer la roue du progrès mais parce que c’est nécessaire au grand capital.

Le fait que le pays qui domine aujourd’hui le monde capitaliste soit la féroce dictature chinoise, avec son immense goulag et son parti unique militaire et stalinien, en dit long sur les perspectives démocratiques du capitalisme !!!

Aujourd’hui que le capitalisme a atteint ses limites de développement des forces productives, cela est d’autant plus important à comprendre. Il ne s’agit pas pousser le capitalisme à nouveau dans le sens du progrès, de la démocratie et autres balivernes car le grand capital ne peut plus, même s’il le voulait, offrir un tel avenir après lequel courent les réformistes de tous poils…

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.