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Bactérie, plasmide et toxine : un exemple de la dialectique du vivant

dimanche 15 août 2010, par Robert Paris

CONSTRUCTION ET DECONSTRUCTION : LA DIALECTIQUE DU VIVANT

Henri Atlan explique dans « Entre le cristal et la fumée » :
« Deux courants convergents ont conduit à se représenter aujourd’hui l’organisation d’un système vivant comme le résultat de processus antagonistes, l’un de construction, l’autre de déconstruction ; l’un d’ordonnancement et de régularités, l’autre de perturbations aléatoires et de diversité ; l’un de répétition invariante, l’autre de nouveauté imprévisible. »

L’immunologue Jean Claude Ameisen expose dans « La sculpture du vivant ou le suicide cellulaire, une mort créatrice » :
« Rien – ou presque – de ce qui émerge au cours de la longue histoire du vivant n’est de nature définitive. L’ évolution est une succession infinie d’accidents, construisant, déconstruisant et reconstruisant, sans cesse, faisant naître de la nouveauté. (…) Essayons d’imaginer des accidents qui auraient pour effet de délivrer une bactérie infectée (par une toxine) de l’étreinte d’un plasmide qui l’asservit, et de permettre à la bactérie de survivre. (…) Les informations génétiques du plasmide permettent à la bactérie de fabriquer en permanence l’antidote et de contrer ainsi l’effet de la toxine. (…) L’efficacité du module (toxine/antidote) de dépendance repose sur un mécanisme d’une merveilleuse simplicité : l’existence d’une différence de stabilité dans le temps entre l’exécuteur – la toxine -, capable de détruire la bactérie, et l’antidote – le protecteur -, capable de neutraliser l’effet de la toxine. La raison pour laquelle l’antidote disparaît plus vite que la toxine est que la protéine antidote est rapidement dégradée, découpée en morceaux, par une enzyme, une protéase, un « ciseau » moléculaire. (…) Le « programme » qui condamne la bactérie et le plasmide à l’interdépendance est un programme interactif (…) qui dépend des modalités du dialogue – des interactions – entre les protéines à l’intérieur de la cellule. (…) Il existe une circonstance qui permettrait à une bactérie de se libérer du plasmide. Elle ne correspondrait pas, pour la bactérie qui guérirait, à une véritable victoire, à un véritable retour en arrière, au temps « avant l’infection ». Elle correspondrait à une plongée dans la nouveauté. Toute bactérie qui par hasard capturerait dans son chromosome les gènes plasmidiques du module toxine/antidote pourrait désormais se défaire du plasmide et survivre à sa disparition. (…) Au cœur du mystère du vivant, ce que nous commençons à entrevoir, c’est l’intrication profonde, l’interchangeabilité et l’interdépendance, entre les outils de construction et les outils de destruction. Et nous avons vu se brouiller les frontières qui séparent les notions apparemment antagonistes de vie et de mort, de « bâtisseur » et d’ « exécuteur », de « suicide » et de « meurtre ». »

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