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Pas de discontinuité de la gauche de la gauche à l’extrême droite et au fascisme !

mardi 1er juin 2021, par Alex, Waraa

Pas de discontinuité de la gauche de la gauche à l’extrême droite et au fascisme !

Pour ceux qui s’inquiètent des dérives fascistes, il n’y a pas que les mesures liberticides des gouvernants. Il y a aussi les tendances « naturelles » des appareils spéciaux de répression. « Ce qui distingue principalement l’ère nouvelle de l’ère ancienne, c’est que le fouet commence à se croire génial », disait Karl Marx, montrant que la vague de réaction provenait d’une nouvelle période de recul de la société capitaliste.

Après les deux lettres ouvertes des militaires, véritables mises en demeure, aux dirigeants des institutions républicaines la manifestation des policiers du 22 mai est une deuxième provocation, même si seulement verbale, à relents fascistes.

La manifestation des policiers a un caractère antiparlementaire et antirépublicain et rappelle celle du 6 février 1934, dont le déclenchement fut dû à la révocation du Préfet de police de Paris, J. Chiappe, dont les liens avec l’extrême-droite étaient connus.

La désignation par les policiers et leurs syndicats, dont la CGT Police 75, de l’Assemblée nationale et du ministre de la Justice comme coupables de la mort de policiers (pas des femmes récentes victimes de violence conjugales ayant demandé en vain la protection de la police), avec l’appui du ministre de l’intérieur et de tous les partis de gouvernement, de gauche et de droite, peut troubler bien des travailleurs qui sont attachés à ces institutions, même s’ils aspirent à une « République sociale ».

La sacro-sainte solidarité gouvernementale est cyniquement rompue sans qu’aucun ministre ou même le Président ne réagisse. Le manque de respect dans le ton des policiers comme des militaires qu’on nous présente dans tous les media comme les « héros » et « protecteurs » de nos institutions est flagrant.

L’extrême gauche électorale (NPA, LO) a certes dénoncé cette manifestation. En particulier P. Poutou (CGT et NPA) dénonce à juste titre le parti de J-L Mélenchon,LFI, qui : « tout en dénonçant le rassemblement, la France Insoumise a tenu à mettre en avant un programme de réforme de la police, défendant à nouveau l’idée qu’une « police républicaine » est possible. Une position semblable dans sa logique à celle défendue par LFI sur l’armée après la tribune des militaires dans Valeurs Actuelles, et qui vise en dernière instance à défendre l’institution policière, présentée comme réformable. »On s’attend suite à cette analyse à ce que le NPA saisisse l’occasion de reprendre le programme révolutionnaire de la Commune d’il y a 150 ans, que toutel’extrême-gauche vient de célébrer : dissolution des armées permanentes, armement du peuple.

On l’attendra en vain, de même de la part de JP Mercier (LO-CGT), candidat comme P. Poutou aux élections régionales, derrière un programme qui ne mentionne aucun de ces problèmes. Le programme du NPA est finalement le même que celui de LFI, la preuve en étantque le parti de P. Poutou, le NPA, est actuellement en campagne électorale pour les Régionales … avec le LFI que le NPA dénonce !

Le fait que la police et l’armée soient gangrénées par l’extrême-droite n’est pas un fait nouveau, Alors cela doit-il prendre une grande importance dans un programme ouvrier des mois à venir ? Certainement pour quiconque comprend que les intérêts ouvriers consistent à rompre avec le capitalisme et l’Etat à son service. Le système capitaliste est bloqué depuis la crise de 2007-2008, que le ministre de l‘économie a lui-même comparée à celle de 1929. Or c’est la marche aux fascismes et à la guerre que les bourgeoisies européennes avaient trouvé comme solution pour maintenir leur domination. C’est donc dans ce contexte que la manifestation pacifique des policiers, les lettres des militaires sont potentiellement plus dangereuses que les assassinats d’hommes politiques ou de syndicalistes de que la droite gaulliste alla jusqu’à organiser dans les années 70.

Depuis des mois, des signes annoncent un changement de régime politique en France. Même J. Attali, un des mentors de Macron lâchant son protégé, déclare ironiquement sur une radio, que le déclin de la France est « En marche ». Ce n’est donc pas la dérive de l’électorat, d’un corps de métier comme la police ou les officiers, de personnalités politiques comme Macron, Valls ou Darmanin qui en sont les causes. C’est la décadence du système capitaliste, sa décomposition.

L’illusion que devraient dissiper de véritables marxistes révolutionnaires, c’est celle qui consiste à dénoncer seulement des partis, comme le RN, sans rappeler que c’est une lutte des classes qui est en cours, pas une lutte entre individus ou partis, et que la destruction de l’Etat bourgeois, son renversement et son remplacement par un Etat ouvrier, est le seul programme possible pour stopper la marche aux fascismes et guerres que préparent les bourgeoisies impérialistes.

Les partis « démocratiques » et les aspirants au rôle de dictateur bonapartiste ne sont en guerre que dans la mesure où ils travaillent en concurrence pour le même patron : l’Etat de la bourgeoisie. Dans les années 30, les ligues fascistes et les partis ou syndicats de gauche (PS de L. Blum, PC de M. Thorez, la CGT de L. Jouhaux), se faisaient un semblant de guerre sur le terrain du régime bourgeois. Les uns annonçaient, comme nos militaires et policiers, que la parlementarisme était périmé, qu’un régime militaro-policier devait prendre le pouvoir, les autres proposaientau patronat d’empêcher la révolution ouvrière en s’appuyant sur les illusions électorales et les syndicats pour endiguer les grèves comme celles de 1936.

La bourgeoisie française eut recours aux deux solutions : elle s’appuya sur le gouvernement de Front Populaire pour endiguer la révolution en 1936, puis se jeta dans bras de Pétain puis de Hitler. Le PS et le PC eux-mêmes mirent en place les deux solutions, démocratique ou fasciste, selon les choix variables de la bourgeoisie. Ainsi en 1936 PS et PC se posaient en porte-parole des ouvriers grévistes auprès du patronat, puis en 1940, ils se mirent au service du Maréchal Pétain, lorsque celui-ci devint président du conseil, avant même le vote des pleins-pouvoirs. L. Blum avait déjà présenté Pétain dans, Le Populaire, organe du PS, en mars 1939, comme « le plus noble, le plus humain de nos chefs militaires ».

Lors du vote des pleins-pouvoirs à Pétain en juillet 1940, un socialiste ancien ministre du Front Populaire s’exprimait en des termes que nos militaires et policiers semblent reprendre aujourd’hui : « Le Parlement va se charger des fautes communes. Ce crucifiement est nécessaire pour que le pays ne tombe pas dans les violences de l’anarchie. Retrouvons un orgueil national. Nous avons cru à la liberté individuelle, à l’indépendance de l’homme. Ce n’était qu’une anticipation sur un avenir qui n’était pas à notre portée. » Le PC ne fût pas en reste. Entre la signature du pacte germano-soviétique et l’offensive de l’Allemagne contre l’URSS qui y mit fin, le PC, bien qu’interdit, sur ordre de Staline, offrit ses services à Pétain et à l’occupant nazi, marchant sur les traces de Doriot. Seuls des militants étrangers, souvent juifs, de la CGT-MOI, comme Krasucki et Manouchian, furent des résistants de la première heure.

La lutte qui se déroula dans les années 30 de la part des organisations ne fût donc pas celle de la démocratie contre le fascisme, ni celle des partis de gauche contre l’extrême-droite. Toutes les organisations politiques ou syndicales qui faisaient le choix de servir l’Etat bourgeois, fournirent des personnalités qui sont passeront au service du fascisme. Et les travailleurs ne doivent pas être troublés par ces volte-face qui n’en sont pas. Le 6 février 1934 l’Association Républicaine de Anciens Combattants, proche du PC, participa à la manifestation, à laquelle L’Humanité avait appelée ! Le Parti socialiste connut dès 1933 une scission aboutissant au départ des « néo-socialistes » dont la devise était « Ordre, autorité, nation ». Son chef M. Déat finira dans les bras du fascisme. Le PC vit le départ de J. Doriot, qui finira également fasciste.

Le fait que la CGT Police 75 appelle à la manifestation a été dénoncé à juste titre par le NPA. Mais en sous-entendant que cette dérive n’est pas vraiment une surprise parce que c’est celle d’un syndicat policier, le NPA, tout comme LO, en ne menant aucune campagne contre la gangrène de l’extrême droite qui menace aussi la CGT, endort les travailleurs. Car cette dérive vers l’extrême-droite du syndicalisme ne se limitera pas à la police. Ce n’est pas un policier mais R. Belin, postier, numéro deux de la CGT avant 1940, qui devint ministre du travail de Pétain.

Aujourd’hui rien de tel n’arrivera ? L’actualité (la visite de Macron au Rwanda) oblige les travailleurs à se souvenir du rôle de complice actif que l’armée française,qui prétend redresser notre pays, a joué dans le génocide des Hutus du Rwanda, contrairement à la thèse négationniste du discours du président Macron qui reprend la vieille thèse d’une France « coupable de n’avoir rien fait » pour empêcher le génocide. Parce qu’il a vocation à servir cet Etat bourgeois, le parti LFI de JL Mélenchon assume sans vergogne, comme vient également de le refaire F. Hollande, cet héritage de Mitterrand-Védrine. A son tour en faisant liste commune avec le parti LFI dans ce contexte, le NPA cautionne cette gauche gouvernementale française amie des nazis rwandais du Hutu-Power.

Suite au 6 février 34 fut conclu un pacte d’Unité d’action entre le PC et le PS, il devait aboutir au front Populaire. Or dès ce point de départ ces deux partis emmenaient la classe ouvrière à la défaite, car dans leur accord les deux partis s’engageaient à ce que des « Comités d’action » élus par la base soient remplacés par des « Comités de coordination » réunissant quelques « responsables » des deux partis. Le PC et le PS ne cherchaient qu’à défendre la place qu’ils occupaient dans un régime au service de la bourgeoisie, contre les concurrents fascistes qui se présentaient. Un des buts de ce pacte était de « mobiliser la population laborieuse contre les organisations fascistes », de demander leur désarmement et leur dissolution … à l’Etat bourgeois. En étouffant la voix des travailleurs organisés dans des comités souverains qui se seraient coordonnés à l’échelle du pays, dès le départ, le PC et le PS rendaient illusoire leur programme de lutte anti-fasciste, tout comme le fit la gauche républicaine en Espagne contre Franco.

Ce qui est commun entre les différentes tendances des années 30 et le fascisme qui pointe le nez chez les policiers et les militaires, c’est d’annoncer la fin de la République. Les militaires le font en creux dans leurs deux tribunes, où ils ne parlent pas de la République, luis substituant la mystique du patriotisme. Mais ces manifestations ne sont que des offensives idéologiques préparatoires. C’est toujours en étant mis à la tête de l’appareil d’Etat par la bourgeoisie que des fascistes ont pu exercer le pouvoir. Or en France la République est un compromis, la forme politiqueappropriée aux intérêts de la bourgeoisie et de son personnel politique, dont les courants bourgeois au sein de la classe ouvrière : partis et syndicats de gauche, rejoints par l’extrême gauche électorale. Un changement de régime correspond donc naturellement pour les aspirants fascistes à un régime bourgeois sans République. Les militaires signataires des lettres se réfèrent à leurs prédécesseurs : la Révolution sans république entre 1789 et 1791, avec comme gardien en chef La Fayette à la tête de la Garde nationale, armée bourgeoise de volontaires civils, puis les deux Napoléons et le Maréchal Pétain.

Seule la classe ouvrière peut vaincre le fascisme, seule la classe ouvrière peut bâtir une république digne de ce nom qui ne soit pas un leurre. Elle aussi à ses exemples historiques à suivre.

C’est de la force des masses travailleuses dans des comités réunissant toutes ses forces, groupant des délégations d’usines, de quartiers, que peut venir le salut. Face aux nouveaux Versaillais, aux ailes d’extrême droite de la police et de l’armée, ce sont des comités d’action, des comités de grève rassemblant les travailleurs en lutte qui sont l’avenir.C’est en coordonnant ces comités en un Etat des travailleurs que les opprimés tueront le fascisme dans l’œuf, pas en essayant de sauver une République bourgeoise dont la bourgeoisie elle-même commence à se débarrasser.

Et c’est en menant cette action radicale que les prolétaires prendront la tête de tous ceux qui ne vivent que de leur travail, y compris des couches petites bourgeoises paupérisées ou menacées par l’effondrement capitaliste et qu’ils éviteront que ceux-ci ne soient gagnés par le fascisme. Le mouvement des gilets jaunes a été le premier pas en ce sens. Allons de l’avant vers les assemblées révolutionnaires de gilets jaunes dans les entreprises et le vieux monde, avec ses licenciements et sa pandémie, deviendra un vieux souvenir !!

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