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L’Etat (en général), c’est quoi ?

lundi 18 octobre 2021, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

L’Etat (en général), c’est quoi ?

L’Etat est sans aucun doute la machine des classes possédantes qui est la plus difficile à comprendre car elle fait l’objet d’un véritable mythe savamment et patiemment construit par ces exploiteurs et qu’il est souvent difficile à décrypter.

Sa nature est d’autant plus cachée qu’il ne s’agit pas d’une personne ni d’un groupe de personnes comme le gouvernement, ou d’une fonction simple de la société comme la santé, ou encore d’un seul organisme comme Pôle emploi. L’Etat ne tient ni dans un bâtiment ni dans plusieurs. L’Etat n’a pas d’adresse connue. L’Etat n’est pas un principe, ni une règle, ni une loi. Il n’y a pas d’un côté les Etats démocratiques, de l’autre les dictatures. Il n’y a pas d’un côté les Etats riches et les Etats pauvres.

L’Etat consiste en tout ce qui est placé au-dessus de la société civile, qui la dirige, qui la domine, qui décide des règles qu’elle devra respecter, ainsi que des moyens matériels d’imposer tout cela.

Le rôle général de l’Etat ne dépend pas du type d’Etat ni de l’époque, de l’économie, de la région, des traditions, des constitutions, et autres spécificités locales.

Des Etats, il y a eu de nombreuses sortes dans l’Histoire, organisés de manières diverses, dirigeant des sociétés de types divers, fondés sur des classes sociales diverses, dans des régions différentes et des économies de sortes très nombreuses, et cependant on peut réellement déterminer un rôle de l’Etat qui reste valable quelque soit cet Etat. On peut en effet répondre à la question posée dans l’article de manière générale, sans parler spécialement d’un Etat particulier, comme de l’Etat capitaliste. Et on peut notamment parler d’Etat capitaliste, sans distinguer le pays dont il s’agit ni l’époque en question.

Mais le rôle général de l’Etat est une question complètement cachée au grand public qui croit toujours que « normalement » l’Etat devrait servir le public, devrait défendre la justice fiscale, devrait défendre l’emploi, la santé, la sécurité des gens, les femmes, les pauvres, les chômeurs, etc.

La plupart croient que l’Etat défend le pays, défend le peuple, défend l’intérêt général, est là pour faire fonctionner des services publics et que, s’il ne le fait pas, c’est uniquement parce que des hommes politiques particulièrement corrompus et menteurs ont détourné son véritable rôle et l’on transformé en son inverse en la défense d’intérêts privés de la plus infime minorité, celle des grands capitalistes.

C’est pour cela qu’ils pensent que l’Etat devrait intervenir contre les licenciements patronaux, qu’ils pensent que l’Etat devrait intervenir contre les injustices sociales ou pour les limiter par une fiscalité contraignante du grand capital, qu’ils pensent que l’Etat devrait intervenir contre la crise économique qui les menace de chômage et de misère, qu’ils pensent que l’Etat met en place un secteur économique étatique dans le but de servir l’intérêt de la population, qu’ils pensent que les nationalisations sont là pour servir le peuple, qu’ils pensent que les aides économiques aux entreprises sont là pour servir l’emploi, que les efforts d’armement sont là pour protéger le peuple et lui éviter la guerre, qu’ils pensent que l’Etat fait la guerre pour les défendre, que l’appareil d’Etat démocratique est là pour combattre les risques fascistes, que l’Etat est mené par les élections, par l’opinion publique, par les choix des peuples eux-mêmes et que, si l’Etat prend la mauvaise voix, c’est surement parce que le peuple s’est aussi trompé, que si l’Etat démocratique est devenu dictatorial, c’est parce que le peuple, ou une partie de celui-ci, s’est entiché du dictateur, fasciste, c’est parce que le peuple l’est devenu en partie, etc, etc.

Or la compréhension de l’Etat nécessite tout d’abord d’aller complètement en sens inverse : l’Etat c’est essentiellement un appareil détaché de la société civile et qui n’est attaché qu’à une fraction infime de celle-ci, l’infime minorité des exploiteurs, qu’il s’agisse de maitres d’esclaves, de nobles exploitant des serfs, de bourgeois exploitant des travailleurs, de capitalistes impérialistes, opprimant des continents entiers…

Et bien des éléments historiques fondamentaux sur l’Etat sont inconnus du grand public et d’abord que l’Etat n’a pas toujours existé, qu’il est né bien après la civilisation humaine qu’il est très loin d’avoir créé, et même bien après la division de la société en classes sociales, que ses interventions ont surtout consisté à écraser des révoltes et des révolutions, détruisant souvent en totalité des villes, faisant revenir la société des siècles en arrière, qu’il n’a jamais servi à protéger un peuple d’ennemis extérieurs qui le menaçaient.

Peu nombreux sont ceux qui savent que, sans l’Etat, les exploiteurs seraient dépossédés du pouvoir et des richesses depuis belle lurette. Peu nombreux savent que dès l’Antiquité, des révolutions sociales et politiques ont renversé les exploiteurs et qu’elles se sont heurtées aux Etats quand ils existaient.

Le pendant de l’Etat, son opposé, ce n’est pas le chaos social qu’il faudrait d’empêcher, ce n’est pas le danger extérieur, non, c’est le danger intérieur : les risques sociaux et politiques que représentent les exploités.

L’Etat en lui-même n’a pas d’autre nature que celle de l’exploitation qui existe dans une société donnée à un moment donné. C’est ainsi qu’il y a des Etats esclavagistes, des Etats féodaux, des Etats bourgeois et des Etats capitalistes.

Certains ont prétendu que le débat sur la question de l’Etat porterait sur « moins d’Etat » (les libéraux) ou « plus d’Etat » (les étatistes), mais cela est faux : on a bien vu ces derniers temps que les libéraux ne dispensaient pas moins de milliers de milliards de dollars d’argent d’Etat aux capitalistes que les étatistes !

La prétention à distinguer des Etats démocratiques et d’autres dictatoriaux, qu’ils soient ou pas des dictatures militaires ou des régimes fasciste, ne résiste pas à l’étude de l’Histoire.

Un Etat dit démocratique se comporte en dictateur et fasciste dès lors qu’il intervient militairement dans un pays colonisé ou dans une guerre.

Et un Etat démocratique, à la faveur d’une crise sociale et politique, se change en Etat dictatorial sans même qu’il y ait de rupture dans la structure de l’Etat.

L’Etat est donc bel et bien la structure répressive indispensable pour détruire les possibilités de révolutions sociales menées par les exploités.

Compter sur l’Etat pour résoudre les problèmes de la société humaine, c’est se tromper gravement.

Bien sûr, me direz vous, on parle ici de l’Etat en général et cela englobe donc l’Etat ouvrier ?

Tout à fait ! La même leçon est vraie pour l’Etat ouvrier tel qu’il sort d’une révolution prolétarienne victorieuse.

Si le prolétariat « compte sur l’Etat », même si c’est une structure qu’il a lui-même mise au pouvoir, cela signifie qu’il ne compte plus sur ses propres forces, organisées par lui-même, à savoir ses conseils de travailleurs ou ses soviets, qu’il laisse des appareils plus ou moins bureaucratisés diriger à sa place.

Dès lors, l’Etat devient « ouvrier à déformation bureaucratique » comme l’appelait Lénine ! Et le maintien au pouvoir de cet Etat, face aux Etats capitalistes n’est plus du tout une garantie pour le peuple travailleur.

Est-ce que ce n’est pas trop schématique de parler d’Etats au service d’une classe sociale, que ce soit les maîtres esclavagistes, les féodaux, les bourgeois, les capitalistes ou les prolétaires ?

Certes, une telle définition de la nature de classe n’explique pas chaque geste que va faire l’Etat, vis-à-vis par exemple des couches sociales intermédiaires ou des classes sociales d’autres pays. Mais la nature de l’Etat, décrite par son rôle dans la lutte des classes, est de loin la meilleure pour comprendre les faits historiques et s’orienter politiquement.

Bien sûr, un Etat capitaliste peut parfaitement prendre une mesure momentanément nuisible à certains intérêts capitalistes. De même, un Etat ouvrier peut demander des sacrifices importants des ouvriers. Mais ce sont les intérêts fondamentaux de la classe dominante que défend l’Etat.

Et il le fait les armes à la main.

En ce sens, l’Etat c’est toujours la barbarie et ce n’est jamais le socialisme. Même quand c’est un Etat ouvrier. Il doit toujours être sous le contrôle des travailleurs au travers des conseils de base et le prolétariat ne doit jamais être démobilisé, y compris pour lutter contre des tendances inhérentes à « son » Etat. Aucune forme d’organisation, ni partis ni syndicats, ni associations, même révolutionnaires, ne peuvent pallier à la désorganisation des conseils.

L’avenir socialiste, c’est la suppression des classes sociales, la fin de la division en exploiteurs et exploités et… la fin de la nécessité de l’Etat.

Vive la mort historique de l’Etat, instrument barbare d’une société barbare !

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