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Un texte inédit en français de Rosa Luxemburg : L’indépendance polonaise et la cause ouvrière (1895) - chapitre 1

mercredi 12 janvier 2022, par Alex

Traduction de la couverture :

La Bibliothèque social-démocrate

II

L’indépendance polonaise et la cause ouvrière

écrit par Maciej Rozga

recommandé par

la direction Social-démocrate du Royaume polonais

Editions de La Cause Ouvrière

1895

Les inter-titres ont été ajoutés, il ne sont pas de R.L
Toute amélioration de cette traduction sera la bienvenue. Le texte polonais original complet est disponible ici

**************

Chapitre 1 : Ce dont nous allons parler dans cette brochure.

Une misère sans fin

Il n’y a à peu près plus de travailleur polonais qui ne ressente pas aujourd’hui
combien sont insupportables sa situation et l’injustice qu’il subit.
Ici, des hommes travaillent dur de l’aube au crépuscule,
et à peine ont-ils assez d’argent pour acheter du pain, tandis que d’autres
qui toute leur vie ne lèveront pas le petit doigt pour travailler nagent dans l’abondance et la richesse. Ici, un homme
est traité comme un serviteur par tout le monde, alors que
là encore, une poignée d’oisifs prennent de grands airs et donnent des ordres.
Et encore, quand il n’y a plus de travail, quand pendant des
semaines on doit aller d’usine en usine, se prosterner, demander la charité - pour se placer en fait sous le joug du Capital ! C’est alors qu’on en a assez de l’humiliation, de la misère et du désespoir...

Que faire pour sortir de ce misérable état de gueux et d’esclave ?
C’est ce à quoi pensent des milliers de travailleurs polonais, se prenant la tête
pour trouver un moyen de sortir de leur situation.

L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes

Heureusement, beaucoup d’entre nous ont déjà repris leurs esprits et savent ce qu’il faut faire. Ils ont finalement compris que ni Dieu ni aucune âme vivante n’aideront le travailleur s’il ne prend pas lui-même sa lutte en main.
La lutte entre le travailleur et ceux qui sont enrichis par son travail dure depuis des années.
Et c’est là le plus important ! Dès que les travailleurs
ont cessé de compter sur la miséricorde de Dieu,
dès que l’humilité et l’indifférence ont disparu, alors le travail est
à moitié fait. Nos travailleurs n’abandonneront pas la lutte, tant qu’ils ne parviendront pas à une libération complète.

La lutte de classe a besoin d’une science

Mais l’autre moitié du travail consiste maintenant
en ce que les travailleurs sachent parfaitement comment
ils doivent combattre, ce qu’ils doivent faire pour améliorer
leur sort. Il n’est pas aussi facile qu’il y paraît de trouver les bons moyens de lutter. La situation
du travailleur est très dure et des obstacles se dressent devant lui à chaque étape.
Alors il fait des tentatives de ce côté-ci puis de ce côté-là, et commet parfois diverses erreurs, ne pouvant pas trouver tout de suite la vraie cause du mal.

La lutte économique est nécessaire mais subordonnée à lutte pour le socialisme

Par exemple, dans notre pays, plus d’un travailleur pense
avoir déjà tout fait pour sont salut, lorsqu’il s’est associé à des collègues de l’usine ou du même métier, a constitué une caisse et s’est mis en grève avec les autres pour des salaires plus élevés ou une journée de travail plus courte.
Mais un tel travailleur a tort.

Il est vrai que les caisses professionnelles d’aide mutuelle, les grèves, ainsi que l’augmentation des salaires, sont tous excellents pour les affaires des travailleurs ; on ne peut pas se passer des luttes professionnelles. Mais le monde ne se limite pas à cela. Les travailleurs doivent savoir à l’avance que la délivrance complète de la pauvreté et de la dépendance
sera acquise seulement que lorsqu’ils n’auront plus besoin de vendre leur travail pour du pain, lorsque qu’ils confisqueront aux capitalistes et prendront pour eux-mêmes tous les moyens de production, c’est-à-dire lorsque sera établi une société socialiste . De cela également nous parlerons plus loin dans cette brochure.

Mais même cela ne suffit pas encore pour que le travailleur mène la lutte professionnelle et s’efforce d’établir le socialisme. Le travailleur doit encore comprendre comment lutter pour le socialisme. Nous allons l’expliquer
à l’aide d’un exemple, parce qu’il est préférable de regarder ce qui s’est déjà produit ailleurs avec les travailleurs et utiliser leur expérience.

L’expérience du mouvement ouvrier anglais

En Angleterre, les ouvriers sont entrés dans la lutte
il y a près de cent ans. Ils ont pensé pendant longtemps qu’il fallait
seulement lutter contre les propriétaires d’usines individuels pour
de meilleurs salaires et un temps de travail plus court, et que
tout irait bien. Mais ici ils ont rencontré un grand obstacle :
leur propre gouvernement. Le gouvernement anglais
leur interdit d’établir des caisses de solidarité, les a arrêtés pour faits de grève,
les mit en prison pour participation aux syndicats. Les travailleurs ont pris conscience qu’ils n’iraient pas très loin et durent se dirent se dire : nous avions eu tort. Nous n’obtiendrons pas grand-chose des propriétaires d’usines, parce qu’ils ont comme soutien le plus puissant le gouvernement, le pouvoir. Il est nécessaire de
se battre avec le gouvernement pour divers droits et
libertés, nous devons mener une lutte politique.

Cette situation des travailleurs d’Angleterre de l’époque est la même dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Notre
gouvernement est aussi le plus grand défenseur de nos
exploiteurs, et nous devons diriger notre lutte
également contre le gouvernement, nous devons lutter pour un certain nombre de droits politiques.

Le pouvoir du Tsar est le soutien des capitalistes

Le gouvernement tsariste ne nous a-t-il pas prouvé à plusieurs reprises
qu’il est notre ennemi mortel,
qu’il ne nous permet pas non plus de mener la lutte pour nos intérêts professionnels ou pour le socialisme ? Que s’est-il passé à Zyrardow ?
en mai 1891, lorsque les cosaques, sur ordre du
du gouvernement ont battu les travailleurs avec des nagaïkas ? Que
s’est-il passé à Lodz en mai 1892, lorsque des ouvriers, des femmes et des enfants se sont fait tirer dessus pour avoir revendiqué la journée de 8 heures ?

Et maintenant, si vous tournez votre regard vers Zyrardow, quelle persécution contre les des travailleurs ! Et à Varsovie tous les jours des arrestations ! C’est le gouvernement qui nous instruit constamment
d’une voix forte qu’il est notre ennemi et qu’il se tient du côté des capitalistes.
Ce serait une erreur pour les travailleurs polonais de ne pas comprendre
qu’ils doivent se battre contre un tel adversaire.
Par conséquent, tout travailleur qui veut
se libérer du joug du capital, doit
se dire : ma tâche est de lutter contre les propriétaires d’usines et en même temps de mener contre le gouvernement une lutte politique.

Et maintenant, est-ce que nous comprenons déjà quelles sont nos
tâches et nos moyens ? Nous savons, premièrement, que notre
salut complet réside dans le fait d’enlever aux capitalistes
les terres et des usines, en instaurant le socialisme .

Nous savons, deuxièmement, qu’en attendant, pour améliorer
notre sort, il est nécessaire de mener une lutte professionnelle contre les exploiteurs individuels.

Nous savons, troisièmement, que tant dans notre lutte professionnelle
que dans celle pour le socialisme nous sommes entravés
par le gouvernement actuel et qu’il est nécessaire de mener contre le pouvoir une lutte politique.

Le plan de lutte du parti social-démocrate

Eh bien, savons-nous déjà tout ce qu’il faut ?
Non, pas du tout, parce que nous ne savons pas encore en quoi consiste la lutte contre le pouvoir, ce qu’est la lutte politique.
C’est difficile à deviner - diront beaucoup de travailleurs. C’est pourtant simple : le gouvernement interdit les grèves ? Luttons pour le droit de grève.
Le gouvernement interdit la création d’une caisse de solidarité ou d’un syndicat ?
 luttons pour les droits syndicaux. Le gouvernement ne
vous permet pas de vous réunir et de discuter
de la cause des travailleurs ? Exigeons la liberté de réunion
et la parole
.
Le gouvernement fait des lois à son profit de manière complètement arbitraire ? Exigeons qu’aucune loi ne soit promulguée sans notre consentement, et ainsi de suite.

En effet, c’est la pure vérité. C’est également ce que dit
dit le parti des travailleurs, la Social-démocratie.
Il dit : nous devons forcer la porte du pouvoir
pour qu’ils nous donne tous les droits et libertés
que les travailleurs ont aujourd’hui dans tous les pays civilisés
et qui sont appelés Constitution. La Constitution est nécessaire à la fois pour nous et pour les travailleurs russes, parce qu’ils souffrent eux aussi du même gouvernement tsariste. Nous devons donc,
aux côtés des travailleurs russes, lutter ensemble contre
gouvernement et pour la Constitution. C’est à une telle lutte politique
que la Social-démocratie ne cesse d’appeler les travailleurs
Et rien ne semble plus simple. Dans quel autre but les travailleurs polonais pourraient-ils lutter contre le gouvernement ?

La voie nationaliste des social-patriotes

Pourtant, il y a des gens qui disent autre chose.
Ils disent que pour leur salut, les travailleurs polonais ne devraient pas se battre aux côtés avec les travailleurs russes pour une constitution, mais devraient séparer le royaume polonais de la Russie, l’unir avec la Galice et
la Poznanie, pour former un gouvernement national polonais.
et construire un État polonais indépendant.
C’est dans la reconstruction de la Pologne - disent ces gens -
que se trouve la voie du salut des travailleurs polonais.
Les gens qui s’expriment ainsi sont des social-
patriotes
, qui s’appellent eux-mêmes le
« Parti socialiste polonais ».

Les travailleurs doivent penser par eux-mêmes

A présent les travailleurs devraient réfléchir attentivement
à ce qu’ils doivent répondre. La restauration de
la Pologne peut-elle libérer les travailleurs
de la misère et de l’esclavage ? Les travailleurs sont-ils en état
reconstruire la Pologne ? Tout cela est très important. Chaque travailleur polonais devrait réfléchir à ces questions et toujours savoir répondre à de telles interrogations. Car que
se produira-t-il si un travailleur ne pense pas par lui-même ?
L’un viendra lui dire : va à droite. Un autre viendra et lui dira : va à
gauche. Et le travailleur sera comme perdu dans une grande forêt et laissera
l’un ou l’autre le mener par le bout du nez. Il en ira tout autrement, si vous considérez chaque chose, y réfléchissez par vous-même, et ne croyez personne sur parole.
Ce n’est qu’alors que le travailleur saura, au moyen sa propre tête, s’il doit aller à droite ou à gauche. Donc nous allons considérer dans cette brochure les questions suivantes :

  • une « Pologne indépendante » peut-elle complètement
    libérer les ouvriers de la pauvreté et de l’esclavage ?
  • Ou du moins, est-ce que cela peut atténuer de manière significative
    notre misère actuelle ?
  • ou, enfin, est-il possible de reconstruire une Pologne indépendante ?

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