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La démocratie est la forme de domination politique idoine du capital

lundi 24 janvier 2022, par Khider Mesloub

Dans sa forme antique comme dans sa version moderne, la démocratie est le mode de gouvernement élaboré par les classes dominantes pour administrer pacifiquement leurs conflits. À l’époque grecque antique, berceau de son éclosion, la démocratie, qui n’eut qu’une existence éphémère, ne s’appliquait qu’aux hommes libres. Elle était exercée exclusivement par les hommes libres, en l’espèce une portion infime de la population. En effet, la majorité de la population laborieuse (les esclaves, les métèques et prolétaires) était exclue du jeu et des enjeux « démocratiques » des propriétaires d’esclaves. Qui plus est, si la démocratie fut inventée pour les citoyens libres afin de s’administrer directement eux-mêmes, l’exercice effective de cette liberté fut permis par leur affranchissement de l’obligation de travailler : le travail étant assuré par les seuls esclaves. Par conséquent, à l’époque antique grecque, déjà la démocratie était fallacieuse. Ce fut une démocratie d’argent, elle avait une caractéristique « aristocratique » manifeste, autrement dit un caractère de classe.

Plus tard, avec les révolutions bourgeoises anglaise, américaine et française, la remise sur la scène historique de la démocratie comme mode de désignation des saltimbanques politiques préposés à l’administration des intérêts politiques des riches ne fut pas le fruit du hasard, un accident de parcours de l’Histoire. La démocratie bourgeoise s’imposa d’emblée comme la forme de domination politique la plus efficiente et la plus durable, en ce qu’elle associait l’esclave salarié au choix de ses maîtres. Cette forme d’organisation politique de gouvernance moderne est la plus idoine pour protéger les intérêts économiques de la bourgeoisie. À cet égard, il est important de relever que la sphère économique est paradoxalement exclue du scrutin démocratique. Voit-on un banquier, un patron de conglomérat industriel élu au vote universel ? L’économie – le capital et sa reproduction élargie –, propriété exclusive de la minoritaire classe capitaliste, ne fait l’objet d’aucune forme de gouvernance démocratique. Les dirigeants d’entreprise ne sont jamais élus démocratiquement par les travailleurs mais désignés discrétionnairement par les détenteurs de capital. L’entreprise, lieu de production des richesses et matrice de la reproduction de la vie, n’est pas soumise à une gestion coopérative démocratique mais à un management dictatorial patronal exercé contre les salariés, à qui il n’est pas permis de s’immiscer dans les affaires de l’entreprise à capital privé ou public.

À ses débuts, de la fin du XVIIIème siècle jusqu’à la fin du XIXème siècle, la démocratie bourgeoise fut élitaire, « mandarinale », socialement ségrégationniste, politiquement aliénante. En effet, les classes bourgeoises dominantes en phase de consolidation de leur pouvoir politique et étatique, plus honnêtes que leurs descendantes contemporaines relativement à la caractéristique sociale inégalitaire de leur société de classe, ne se trompaient pas (et ne trompaient pas le peuple opprimé) sur la visée réelle de leur démocratie inique. D’emblée, leur démocratie fut placée sous le signe de la propriété privée, de l’opulence, apparentée à la richesse. Aussi, pour être éligible et électeur, fallait-il posséder un grand patrimoine, s’acquitter d’impôts élevés, en un mot être riche. Cette démocratie des riches était symbolisée par le suffrage censitaire.

L’institutionnalisation du suffrage universel est récente. Ce mode de scrutin fut instauré sous la pression des révoltes populaires en lutte pour bénéficier des mêmes droits parlementaires que les classes possédantes. Sous l’instigation des classes populaires fréquemment en révolte, les classes dominantes furent contraintes d’instituer le suffrage universel. Plus près de nous, l’Algérie vécut la même expérience historique avec l’instauration du multipartisme concédé au lendemain de la révolte populaire d’octobre 1988.

Dès le XIXème siècle, après avoir consolidé sa domination sur la totalité de la société, pour mieux mystifier le peuple, en particulier dans les pays développés en proie à l’âpreté de la lutte des classes, la bourgeoisie eut l’ingénieuse idée d’associer électoralement (non politiquement ni économiquement : la différence est importante) le peuple à son système régalien de gouvernance. Mais à une condition fondamentale : à aucun moment ce « privilège électoral », formellement concédé par les représentants du capital, ne doit servir de tremplin aux classes populaires pour remettre en cause la hiérarchie des pouvoirs de la société de classe, ni le mode de production capitaliste. Autrement dit, le suffrage universel constitue, depuis sa création, une mascarade électorale, permettant d’associer les prolétaires à la reproduction sociale de leur exploitation et aliénation.

La démocratie de papier octroyée au peuple en lieu et place de besoins sociaux essentiels

Historiquement, le droit de vote fut concédé avec parcimonie, de manière graduelle, aux différentes couches sociales de la société, des propriétaires fonciers jusqu’aux couches populaires en passant par les paysans et les femmes sans emploi. L’expérience électorale élargie ayant été concluante – à savoir qu’aucune formation politique subversive ne profitait de cette fenêtre d’opportunité « démocratique » pour contester l’ordre établi et s’emparer du pouvoir parlementaire en vue de promouvoir les intérêts du salariat au détriment des intérêts du capital -, la bourgeoisie se convainquit de l’utilité politique du suffrage universel, lui assurant toutes les garanties de pérennité de sa domination économique et politique.

Parallèlement, l’irruption menaçante du prolétariat sur la scène politique, allait contraindre la bourgeoisie à changer son fusil d’épaule : à ne plus l’épauler contre les prolétaires souvent en lutte, en insurrection. Aussi, pour mieux museler le mouvement socialiste subversif naissant (autrement dit, acheter la paix sociale), avait-elle discerné tout l’intérêt qu’elle pouvait tirer de la participation des partis ouvriers (longtemps interdits) aux mascarades électorales. La bourgeoisie consentit à intégrer les partis socialistes et communistes au cirque électoral pour mieux les corrompre de l’intérieur, les vider de leur substance révolutionnaire en transformant leurs dirigeants en mandarins parlementaires dotés de substantiels appointements. Elle y est parvenue, à observer la mutation des partis ouvriers qui troquèrent la révolution contre le parlementarisme. Cette transmutation donna naissance au Réformisme, cette naïve croyance qu’on peut améliorer la condition de l’ouvrier en faisant l’économie de la Révolution. Aujourd’hui, avec la paupérisation absolue de l’ensemble des prolétaires du monde entier, l’histoire a démenti les élucubrations des réformistes sur le prétendu caractère progressiste du capitalisme, ou la nature démocratique des institutions gouvernementales et parlementaires censément définitivement établie. Ces institutions sont actuellement, sous la chape de plomb du capital, dans tous les pays, en voie de durcissement autoritaire, autrement dit de transition dictatoriale.

Cette concession « démocratique » constitua une imposture « électoraliste » dictée par le grand capital à la gauche collaboratrice pour lui permettre de se crédibiliser auprès des ouvriers et de dévoyer la gronde du prolétariat pressuré. Ce fut le début de l’aliénation citoyenne, autrement dit l’esquisse de la dépossession du collectif réel combatif au profit du citoyen abstrait atomisé.

Ainsi, en lieu et place de la satisfaction des revendications sociales portant notamment sur la hausse des salaires, la diminution du temps de travail, globalement l’amélioration des conditions de vie, la bourgeoisie concéda-t-elle opportunément la généralisation du suffrage universel. En lieu et place de la répartition égalitaire des richesses, procéda-t-elle à la distribution régulière des bulletins de vote à la plèbe affamée, sous les ovations complaisantes des bureaucrates syndicaux ravis de leur collaboration traîtresse et l’approbation perfide des partis ouvriers parlementaires infatués de leur allégeance. À l’instar des pays du Tiers-monde, notamment d’Afrique et du Maghreb, où la « démocratie » de papier fut généreusement octroyée au peuple misérable en lieu et place de besoins sociaux essentiels. Sans conteste, la démocratie bourgeoise est l’apothéose de l’aliénation.

À la vérité, depuis son apparition, la démocratie parlementaire n’a jamais concerné les classes dominées, si ce n’est pour être sollicitées périodiquement, au moyen de campagnes électorales racoleuses, aux fins de déposer un bulletin de vote dans l’urne, au nom évocateur tant elle symbolise le réceptacle mortuaire des illusions déposées par l’ensemble des classes populaires enterrées socialement vivantes.

La démocratie bourgeoise a toujours revêtu un caractère de classe. Les mascarades électorales ont toujours été une affaire de riches par lesquelles chaque fraction (clan) de la classe dominante tente d’accaparer les leviers de l’État pour l’exercer à son profit. À plus forte raison, la démocratie constitue un efficace adjuvant politique prescrit aux dociles citoyens comme antidote à leur misère sociale, citoyens reconnaissants pour ce « privilège électoral » généreusement octroyé par le pouvoir dominant. Ces dociles citoyens sont satisfaits d’élire leurs respectifs représentants aux prétendues différentes casquettes politiques, mais en vrai à l’alternative électorale réduite au choix entre le candidat de la droite du capital et le candidat de la gauche du capital (pour l’Algérie : candidat de la nomenklatura kleptomane FLNèsque et de la confrérie mafieuse et séditieuse islamique).

Longtemps, dans les pays développés libéraux dits « démocratiques », par leur participation aux élections, les masses populaires crurent naïvement qu’elles pouvaient infléchir la politique du gouvernement à leur profit, améliorer leurs conditions de vie par le vote, transformer « démocratiquement » la société en leur faveur. Or l’histoire nous enseigne que jamais un acquis social important ne fut accordé par le vote, obtenu par la grâce du scrutin. Il fut toujours arraché par la bataille de rue, la lutte collective, tout comme l’indépendance de l’Algérie ne fut pas concédée par la démocratie française colonialiste mais conquise de haute lutte par le versement du sang du peuple algérien.

Mercenaires politiciens fabriqués par les puissances financières

Plus près nous, l’élargissement du suffrage universel intervenu au XXème siècle répondit au besoin de la bourgeoisie de pallier la désaffection de la politique de larges couches de la population désabusées par les cirques électoraux. Ce fut la raison pour laquelle elle étendit le suffrage aux femmes, reconnaissantes de disposer enfin de ce privilège longtemps réservé aux hommes, de participer à la plus vaste imposture du régime capitaliste. Plus tard, pour juguler l’abstentionnisme, les politiciens décrétèrent l’abaissement de l’âge de participation électorale. En effet, dans de nombreux pays, le droit de vote fut abaissé à 18 ans, auparavant fixé à 21 ans (certains pays envisagent aujourd’hui de l’abaisser à 16 ans).

Par ces subterfuges contorsionnistes constitutionnels, autrement dit en trafiquant le thermomètre de l’âge, la bourgeoisie escomptait faire grimper vertigineusement le corps électoral. Or, elle n’endigua pas pour autant le désintéressement de la population laborieuse pour le cirque électoral, l’hémorragie abstentionniste. En dépit des campagnes médiatiques de propagande électoralistes, de culpabilisation des abstentionnistes, dans de nombreux pays, ces dernières décennies, les taux d’abstention ne cessent de croître.

Ces deux dernières décennies, certaines élections attirent à peine 30 % de votants. Cette forte augmentation de l’abstention reflète un désaveu total de la démocratie formelle bourgeoise, du système politique parlementaire et présidentiel. Elle révèle surtout de la part des abstentionnistes une maturité politique quant à la facticité des échéances électorales captieuses. À l’évidence, la supercherie de la démocratie parlementaire a été démystifiée : les abstentionnistes ont compris que, en matière électorale, les dés sont pipés, les parties (partis jouets) jouées d’avance. Car le véritable pouvoir décisionnel est concentré entre les mains de l’oligarchie économique (nations développées) ou étatique (pays sous-développés despotiques), et non entre celles de la classe politique stipendiée. Les parlements sont devenus de simples chambres d’enregistrement des décisions dictées par le pouvoir économique ou étatique despotique.

Au reste, à notre époque, même les présidents sont également devenus de simples administrateurs de l’État. L’État, lui-même, métamorphosé en simple rouage assujetti au Grand capital mondial. De fait, chaque pays s’est mué en une véritable société anonyme dirigée par un PDG-président asservi au capital mondial apatride. Le pouvoir étatique est devenu à tel point impuissant qu’il est soumis, comme un vulgaire salarié, aux appréciations des agences de notations financières chargées de distribuer les notes d’évaluation de la gestion du pays. La moindre mauvaise note en matière économique et budgétaire, et s’en est fini du pouvoir, en particulier, et du pays, en général. Pris en otage, le pays se voit parachuter un nouveau président, imposer une nouvelle classe dirigeante (caste affligeante) constituée de mercenaires politiciens, fabriqués par les puissances financières entièrement contrôlées par le grand capital mondial, à la manière du nouveau régime bonapartiste de Macron intronisé à l’Élysée, devenu, à la faveur de la crise sanitaire politiquement instrumentalisée, despotique.

Au plan électoral, à notre époque, la démocratie marchande constitue un véritable marché au sein duquel chaque candidat bourgeois vante son produit politique programmatique pour mieux le vendre aux citoyens prolétaires, impécunieux économiquement (pour bâtir leur propre parti révolutionnaire) et indigents politiquement (pour transformer la société dans l’intérêt de leur classe). De nos jours, le candidat organise sa campagne électorale comme une réclame publicitaire, vantant les mérites de sa personne comme une marchandise. À l’instar de l’aguicheuse péripatéticienne, le candidat vend les charmes de sa personne avec les promesses de nous offrir le paradis, des noces politiques éternelles. Mais en fait de paradis, c’est le même enfer que continuent à subir les citoyens. En fait de noces sociales orgasmiques promises, c’est la poursuite de la sempiternelle impuissance politique du candidat à honorer son programme affligé de frigidité économique.

Les mascarades électorales s’apparentent aux ventes aux enchères où les programmes diffèrent uniquement par leurs emballages et leurs étiquetages. La mise est lancée par les instituts de sondage, ces entités occultes mafieuses spécialisées dans la fabrication des candidats, le façonnage des opinions politiques et de l’orientation libérale économique. Dès lors, dans cette société marchande où tout se monnaye, jusqu’à l’air qu’on respire, il ne faut pas s’étonner de voir les campagnes électorales ressembler à des réclames pour produits de consommation. De surcroît, dans le cirque électoral régulièrement organisé pour élire un député ou un président, l’important n’est pas la qualité morale et politique du candidat victorieux (soumis toujours aux puissances économiques) mais la participation massive des « citoyens » à leur servitude volontaire électoralement exécutée.

Élections pièges à cons, électeurs cons piégés

À cet égard, parmi les recettes aptes à passionner les débats, à mobiliser les foules citoyennes léthargiques, à rabattre les électeurs dépolitisés vers les urnes, il n’y a pas mieux que la politique de la peur, l’agitation de l’épouvantail. Selon les époques et les contextes, les épouvantails varient en fonction des nécessités circonstancielles politiques : la menace brune (fascisme), le spectre rouge (communisme), l’épouvantail vert (islamisme), le danger noir (terrorisme), la peste communautaire, le péril viral (Covid-19), etc.

Ainsi, quand les « veaux-tants » (votants) se précipitent vers ces isoloirs illusoires pour déposer leur bulletin de vote dans l’urne (qui porte si bien son nom tant elle ne contient que les promesses politiques depuis longtemps trépassées, réduites en cendres mortuaires), le choix de ces « veaux-tants », bêlant l’apathie politique, se fait par défaut et non par conviction, pour le « moins pire des candidats », proclament-ils (pensent-ils). Par élimination, plutôt que par sélection. Souvent, ils doivent se résoudre à choisir entre la peste et le choléra. Entre le candidat des promesses mensongères et le candidat des mensongères promesses. Entre la politique des restrictions budgétaires et la politique des budgets restreints. Entre le programme politique de la disette et la misère de la politique programmatique.

Ainsi, dans ces mascarades électorales, à défaut d’avoir le choix, les citoyens ont le show. Cependant, à force de supercheries électorales, nos « veaux-tants » citoyens ont fini par comprendre que les élections sont des « pièges à cons », et les électeurs, des « cons piégés ». Victimes de sempiternelles promesses électorales mensongères. Où le meilleur des mondes promis vire au pire cauchemar du monde.

De manière générale, la démocratie bourgeoise est fondée sur la représentativité de ses élus désignés au scrutin majoritaire. En réalité, il n’y a jamais de majorité pour gouverner le pays. La majorité est artificiellement fabriquée par le système électoral. De sorte que cette majorité électorale ne représente qu’une minorité de la population réelle. Ce constat est encore plus vrai avec des élections aux taux d’abstention frisant les 80 %, devenue la règle.

Le candidat arrivé en tête des élections, élu par un très faible pourcentage des suffrages exprimés, capitalise en réalité moins de 20 % de l’ensemble du corps électoral (l’exemple de l’élection de Macron en France). Aussi, notre élu représente-t-il une majorité fictive, gouvernant au nom de la minorité électorale de son parti (de la fraction dominante du capital du moment), et décidant néanmoins de la politique pour l’ensemble de la population du pays.

Aussi, conscient de ne pas être représentatif, l’élu ne se sent pas mandaté par le peuple, mais le mandataire exclusif de ses actionnaires du capital (ou tuteurs étatiques) ayant investi sur sa candidature. Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’il gouverne, comme dans une entreprise, dans l’intérêt exclusif de ses investisseurs financiers et de son enrichissement personnel. Mais jamais dans l’intérêt du peuple.

Toujours est-il que, par sa participation aux élections, le peuple vote pour sa servitude volontaire. De fait, la démocratie représentative bourgeoise est l’appropriation du pouvoir politique des individus, rebaptisés électeurs, par des représentants. Ceux-ci, au nom de leurs électeurs, emploient ce pouvoir au bénéfice de la classe dominante. « Le vote est la légitimation formelle des maîtres », avait écrit Robert Chasse, dans Situationist International, New York 1969.

Le meilleur des mondes est aujourd’hui construit sur le meilleur des mensonges. La propagande bourgeoise nous fait croire que choisir « son maître » (candidat) est un acte démocratique de liberté. Or, tout élu n’est qu’un agent du marché, un gestionnaire du système, serviteur du capital, allié de l’impérialisme, ami des mafias financières. Par sa participation à ces mascarades électorales, l’électeur cautionne et légitime ce système démocratique bourgeois mafieux. Par sa duplicité et sa complicité, il pérennise le fonctionnement d’une entreprise de corruption politique, de prévarication des deniers publics, de l’asservissement du peuple.

Sur le registre de la gestion du pouvoir, « diviser pour régner » est le fondement de toute classe dominante. Dans la même logique de fragmentation politique, la bourgeoisie aime séparer les problématiques. La séparation fait le jeu de la classe dominante. Par la dissociation, fragmentation et morcellement des problématiques (en vérité produites par la même cause, le même responsable), c’est la compréhension globale du monde qui disparaît. Le fonctionnement du système devient ainsi énigmatique. C’est le règne de l’opacité. Dès lors, l’idéologie dominante se présente au regard profane comme réalité dotée d’une telle complexité que seuls les experts (bourgeois) sont à même de comprendre, d’analyser, bien sûr d’orienter dans l’intérêt de leurs commanditaires occultes, la puissance financière mondiale masquée.

Aujourd’hui, à l’ère de la crise économique systémique, la peur de l’avenir n’est que l’expression de l’incertitude du devenir et du désarroi des gouvernants qui n’ont plus de futur, peur propagée à l’ensemble de la société. Au contraire, la confiance en un avenir meilleur est l’œuvre de tous les opprimés qui n’ont plus grand-chose à perdre dans cette décadente société, sinon leurs chaînes. Ils ont tout à espérer d’un nouveau monde.

Le pire est à venir, nous annoncent les gouvernants. Le prolétariat lui rétorque : au contraire, le pire sera bientôt derrière nous, une fois enseveli le mode de production létal de ces dirigeants capitalistes.

De manière générale, il est communément répandu que la démocratie est l’ennemie de la dictature, et réciproquement. Or, il n’y a rien de plus fallacieux. En réalité, la démocratie et la dictature sont des frères siamois. C’est l’avers et le revers de la même médaille de l’imposture. Pour preuve : il ne faut jamais perdre de vue que Mussolini et Hitler accédèrent démocratiquement au pouvoir, appelés à la rescousse pour dompter les soulèvements ouvriers.

Historiquement, démocratie et dictature, deux modes de régulation politique complémentaires, se succèdent alternativement au sein du même mode de production capitaliste institutionnellement incarné par l’État des riches, au gré des conjonctures socioéconomiques et de l’assoupissement ou de l’exacerbation de la lutte des classes. Pour prendre un exemple récent : au Chili, au mois d’octobre 2019, avec la révolte sociale, l’État « démocratique » avait démontré sa véritable nature dictatoriale. Le gouvernement chilien lança une répression brutale qui, selon les chiffres officiels, aurait fait 20 morts, mais au moins 50 morts selon certaines organisations humanitaires. L’état de siège fut décrété et le maintien de l’ordre, confié à l’armée. Les tortures furent infligées aux protestataires comme à la sinistre époque de Pinochet. Cela démontre que la démocratie et la dictature sont les deux faces du même État capitaliste chilien. Aujourd’hui, sous couvert de lutte contre l’épidémie du Covid-19, nombre de pays, censément démocratiques, se sont métamorphosés en dictature, avec l’instauration du confinement totalitaire, du couvre-feu, de la surveillance de masse, du traçage électronique, de la répression policière, etc.

Au reste, si les gouvernants des pays du tiers-monde, longtemps adeptes zélés du culte de la dictature, se sont convertis à la religion de la démocratie, c’est par leur prise de conscience de l’innocuité de ce mode de gouvernance. De la vacuité de la démocratie formelle bourgeoise. De la puissance de convertibilité de la démocratie en dictature, c’est-à-dire de sa propension à transmuter l’or (électoral) en plomb (létal), autrement dit à transformer les bulletins de vote portés par le corps électoral en balles réelles pointées (tirées) sur le corps social du haut des cimes du pouvoir par les snipers cravatés du capital.

La démocratie est la forme efficace de domination politique de la classe dominante. Elle ne permet jamais au peuple d’accéder au pouvoir, totalement concentré entre les mains des classes possédantes.

Si la démocratie bourgeoise permettait de changer le sort des citoyens, elle serait interdite

Ainsi, au début de l’accession de la bourgeoisie aux rênes du pouvoir, dans sa phase embryonnaire de domination formelle, par crainte de livrer l’État à son ennemi, le peuple, la bourgeoisie instaura-t-elle le suffrage censitaire pour maintenir le peuple à distance. Dès l’époque de son éclosion, la démocratie fut restrictive : son exercice verrouillé par la classe dominante, son action politique corsetée par l’argent, sa souveraineté despotique assurée par son armée et sa police. Plus tard, avec l’essor de sa domination, l’affermissement de son pouvoir économique et politique, l’expansion de ses moyens de contrôle des instruments de propagande scolaires et médiatiques, autrement dit au cours de sa phase de domination réelle, la bourgeoisie se résolut-elle à desserrer l’étau de sa dictature par l’instauration progressive du suffrage universel, l’institutionnalisation d’une démocratie libérale domestiquée.

Désormais, certes les « citoyens » allaient pouvoir user « librement » de leur droit d’expression, mais c’est la bourgeoisie qui dicterait et contrôlerait la pensée de cette expression politique au moyen de ses appareils idéologiques de conditionnement mental, notamment par le truchement du système scolaire et les organes médiatiques. À plus forte raison à notre époque dans laquelle le débat politique s’est aseptisé, chloroformé. Le débat est principalement encadré par les instances de propagande scolaire et médiatique, instruments d’uniformisation de la pensée unique hégémoniques.

Indéniablement, la démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du capital. Dans notre société prétendument démocratique, les élections sont partout mais la démocratie populaire et sociale nulle part. N’est-ce pas que l’exploitation, l’oppression et l’aliénation sont plus supportables sous la démocratie que sous la dictature, selon Winston Churchill, dont l’enfant prodige, le grand démocrate Boris Johnson, n’avait pas hésité à suspendre récemment, manu militari, le parlement pour passer en force son projet de Brexit. La démocratie n’est qu’une imposture.

Nul doute, cette forme de gouvernance de classe est appelée à disparaître avec la fin de la société de classes. Dans la future société humaine sans classe, comme l’avait écrit Friedrich Engels : « Le gouvernement des personnes fera place à l’administration des choses et à la direction de la production. La société libre ne peut pas tolérer un État entre elle et ses membres ».

Demain, une fois le système capitaliste anéanti, la nouvelle communauté universelle humaine sans classe saura inventer le moment venu une nouvelle forme de gouvernance égalitaire et horizontale, éloignée des délégations de pouvoir et des représentations théâtrales politiques actuelles proposées lors des spectacles électoraux pour divertir le peuple asservi, pour le grand profit des classes parasitaires dominantes régnantes.

Pour cela, nous devons nous affairer à refaire un monde sans le monde des affaires. De reprendre le pouvoir sur nos conditions d’existence, en nous débarrassant de l’existence des conditions du pouvoir actuel. De bâtir ensemble, en dehors des structures institutionnelles dominantes actuelles du pouvoir despotique, une démocratie directe horizontale avec des mandataires révocables. Une démocratie fondée sur l’autogestion généralisée à l’ensemble des aspects de la vie, en particulier ces précieux espaces de production de richesses, aujourd’hui zones d’exploitation et d’oppression, accaparés par la classe possédante en vertu de cet inique droit de propriété privée des moyens de production.

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