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Lutte Ouvrière est bien est dans l’union sacrée, malgré les proclamations de N. Arthaud : preuve par R. Luxemburg (1915) et les révoltés de la Mer Noire (1918)

vendredi 11 mars 2022, par Alex

Face à la guerre en Ukraine, dans son hebdomadaire Lutte Ouvrière, l’organisation de N. Arthaud a publié un article sous le titre Face à la guerre : L’union derrière Macron, c’est non !

Cette déclaration apparait comme une prise de position internationaliste communiste, dans la tradition de R. Luxemburg, Lénine et Trotsky qui firent partie de la minorité des socialistes qui en 1914 refusèrent de soutenir la politique de leur gouvernement acteur de la boucherie impérialiste.

Mais il ne suffit pas d’une déclaration, les travailleurs conscients attendent des actes. Or ne pas être dans l’union sacrée, cela n’implique pas seulement se proclamer contre, mais proposer une politique de lutte de classe face à la guerre. Or LO, par imitation de la CGT, ne le fait absolument pas,

L’Union sacrée expliquée par R. Luxemburg

Dans sa célèbre Brochure de Junius (1915), R. Luxembourg explique bien qu’être dans l’union sacrée est équivalent, en particulier pour les syndicats, à interrompre "momentanément" la lutte des classes :

L’autre aspect de l’attitude de la social-démocratie était l’acceptation officielle de l’Union sacrée, c’est-à-dire la suspension de la lutte de classes pour la durée de la guerre. (...)

Les chefs syndicaux firent aussitôt cesser toutes les luttes de salaires et ils communiquèrent officiellement leur position aux entrepreneurs en invoquant les devoirs de l’Union sacrée. La lutte contre l’exploitation capitaliste fut spontanément interrompue pour toute la durée de la guerre. Ces mêmes chefs syndicaux prirent l’initiative de fournir aux agriculteurs de la main-d’oeuvre des villes, de manière que la rentrée des récoltes ne soit pas interrompue.

Lutte Ouvrière : de la critique révolutionnaire de la CGT « hier », à l’apologie de la CGT « aujourd’hui »

Le texte de LO en 2010 : Les syndicats hier et aujourd’hui, illustre bien le titre de ce paragrpahe.

Lutte Ouvrière est en parole en accord avec la dénonciation de la participation de la CGT « hier » à l’Union sacrée, comme R. Luxemburg l’a fait pour les syndicats allemands :

L’explosion de la première guerre mondiale révéla au grand jour ces évolutions souterraines qui taraudaient le mouvement ouvrier. Dans tous les pays, à l’exception d’une poignée de minoritaires, les syndicats s’alignèrent derrière leur bourgeoisie. Les dirigeants syndicaux laissèrent les travailleurs partir pour s’entretuer, contribuèrent à l’effort de guerre et encouragèrent le patriotisme. Devenus du jour au lendemain ministres ou commissaires à la nation comme Jouhaux, le nouveau secrétaire de la CGT, ils jouèrent au sein de l’industrie, militarisée et largement planifiée par les gouvernements, le rôle des officiers sur les champs de bataille.

(...)

Entre 1944 et 1947, le PCF mit tout [son] crédit au service de la bourgeoisie en participant pour la première fois au gouvernement sous la tutelle de De Gaulle. Dans cette période où des millions de travailleurs attendaient que leur sort change après les années de privations, il leur fit accepter le maintien des tickets de rationnement, les salaires de misère et les conditions de travail exécrables.

(...)

Le rôle des syndicats fut d’aider au redémarrage de la production. C’est pour faciliter ce rôle d’encadrement des travailleurs par les syndicalistes que furent créés les Comités d’entreprises qui n’eurent jamais de réel droit de regard ni sur les comptes ni sur la marche des usines.

C’est pour fournir au patronat une main-d’œuvre en bonne santé, tout en mutualisant les coûts et en maintenant des salaires faibles, que fut créée la Sécurité sociale.

Toutes ces dispositions furent prises avant même la fin de la guerre, au sein du Conseil National de la Résistance, le CNR, auquel la CGT participait. Ces structures de collaboration, organismes de Sécurité sociale, Conseil Economique et Social, Comités d’entreprises, etc., absorbèrent des milliers de militants. Roger Linet, responsable de la CGT-métallurgie, confiait dans ses mémoires que la CGT eut du mal à trouver assez de militants expérimentés pour occuper tous les postes à pourvoir.

C’était « hier ». Quant à « aujourd’hui », pour s’intégrer à la CGT, LO montre patte blanche, faisant croire que tout ce qui a été décrit plus est "de fait" dépassé, et que que la CGT est le paradis de l’auto-organisation des travailleurs :

C’est pourquoi, même si, selon les circonstances et au fil des tribulations infligées par les bureaucrates, les révolutionnaires sont amenés à militer dans tous les syndicats, c’est dans les rangs de la CGT que leur travail pour « renforcer et accroître l’esprit de lutte » des syndicats est le plus important.

Militer dans un syndicat c’est apprendre aux travailleurs, aux syndiqués, à diriger eux-mêmes leurs propres luttes tout en luttant au jour le jour contre l’exploitation.

Or les confédérations syndicales (mettons à part quelques syndicats isolés) en France ne sont-ils pas depuis 1914 dans une suspension permanente de la lutte des classes ? Si ! la CGT est dans l’Union sacrée relativement à toutes les guerres que mène l’impérialisme français.

Lutte ouvrière, à travers ses militants de la CGT n’écrit aucun tract dénonçant la complicité de la CGT avec les crimes de l’impérialisme français. Lutte ouvrière est donc dans l’Union sacrée par sa pratique dans la CGT, et l’absence de la moindre proposition d’action concrète concernant les guerres.

L’article de LO : « Face à la guerre : l’union derrière Macron, c’est non ! » mentionne, à juste titre, parmi les organisations qui sont dans l’Union sacrée derrière Macron : La droite, le PS, les écologistes et les macronistes, Jean-Luc Mélenchon et L’extrême droite (paragraphe 2). La CGT n’est pas citée !

LO sous-entend donc que la CGT n’est pas dans l’Union sacrée. En dénonçant l’Union sacrée, LO s’engage donc, si on lit entre les lignes, derrière la CGT. Ces textes sont des communiqués destinés à la CGT : rassurez vous, on ne vous contestera pas sur la question de la guerre en Ukraine.

André Marty : un CGTiste révolutionnaire en 1918

Comment des syndicalistes peuvent-ils mener une politique révolutionnaire dans les syndicats face à une guerre ? C’est la question que se posait A. Marty, futur militant du Parti communiste, en 1918, dans un livre d’actualité : Les Révoltés de la mer Noire.

Dans un communiqué de N. Arthaud, LO aurait pu, pour rendre plus concret son refus de l’Union sacrée : « nous sommes les héritiers des syndicalistes révolutionnaires, socialistes et anarchistes qui se mutinèrent contre leurs officiers et Clémenceau, en 1919, pour apporter activement leur solidarité à la révolution ouvrière et paysanne en Ukraine et Russie. Comme le dit l’internationale : "s’ils veulent faire de nous des héros, nos balles seront pour nos propres généraux". Les seuls qui aidèrent l’Ukraine à conquérir son indépendance, du côté français furent les ouvriers-soldats révolutionnaires, contre la clique des officiers français au service de l’impérialisme français, dont l but était de restaurer la colonie franco-russe qu’était l’Ukraine en 1914. »

La mémoire des révoltés de la Mer Noire est enterrée, par la conspiration (disons complot pour être plus moderne), pendant l’actuelle campagne électorale par le PC, LO et le NPA.

Donnons donc la parole à l’un d’entre eux, qui décrit son sentiment à la fin de la guerre, commençant par rappeler que la seule façon d’être contre l’union sacrée, c’est de transformer la guerre impérialiste en révolution, indiquer que dès à présent, mettre fin à la guerre, c’est se poser, comme à l’époque, la question du renversement des régimes d’Ukraine, de Russie, de France, des USA :

Je ne voyais qu’une seule force révolutionnaire avant la guerre : la
C.G.T. Aussi, l’attitude des ses dirigeants après le 2 août 1914 m’avait - comme tant d’autres - complètement désemparé. Je n’avais, en effet,
jamais eu confiance dans les socialistes. Mon père, ancien combattant de
la Commune de 1871 à Narbonne, condamné à mort par contumace
pour avoir fraternisé avec les travailleurs avec tout son bataillon, avait rapporté
de ses dix ans de séjour à Barcelone et à Buenos-Aires la haine des
phraseurs. Il disait des socialistes : « Ils ne parlent de révolution que pour
tromper les ouvriers. Ce ne sont que des politiciens qui courent après l’assiette
au beurre des mandats électoraux. Ils ne veulent pas de la révolution
et n’ont aucune intention d’essayer seulement de la réaliser. » Leur attitude
durant la guerre ne m’avait donc pas étonné. Leur silence au printemps
de 1917 au moment des grèves et des mutineries de Champagne m’avait
confirmé dans la croyance qu’il n’y avait rien à faire avec eux : je confondais
les dirigeants et ceux qui les avaient suivis.

Un moment, nous avions espéré dans l’Union des syndicats de la
Seine. Au début de l’année 1918, avec deux quartiers-maîtres mécaniciens
des sous-marins, nous avions envoyé un permissionnaire parisien trouver
Merrheim pour lui demander son aide dans la lutte contre la guerre : il
l’avait expulsé, déjà passé à la trahison, lui aussi.

Ç’eût été le désespoir si la presse bourgeoise, la seule qui nous arrivait,
n’eût été pleine d’informations sur la Révolution russe. Les « horreurs » et
les « violences » bolcheviks produisaient dans nos flottilles - surtout sur
les sous-marins — l’effet exactement inverse de celui qu’escomptait la presse
bourgeoise. Pour ma part, je les lisais avec passion. En dévorant toutes
les nouvelles, falsifiées cependant, sur la Révolution russe, je me sentais
bouillonner d’enthousiasme pour elle.

Les dénonciations violentes de ses partisans en France (en réalité soit-disant
partisans) m’amenèrent également à différencier les chefs socialistes
entre eux et c’est ainsi que Brizon, Alexandre Blanc, Raffin-Dugens, c’està-
dire les kienthaliens, gagnèrent peu à peu ma sympathie et celle de mes
camarades.

« En finir, en finir, avec ce régime. » Voilà quelle était sans cesse la pensée
essentielle de tout un groupe à bord.

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