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Bulgarie : de la révolution à la contre-révolution

lundi 30 septembre 2024, par Robert Paris

Bulgarie : de la révolution à la contre-révolution, du zinovievisme et du stalinisme au fascisme

La révolution prolétarienne en Bulgarie a été temporisée de force par la direction Staline-Zinoviev de 1923 jusqu’à ce que les classes dirigeantes bulgares prennent l’initative de la contre-révolution et écrasent la révolution dans le sang. Nous donnons ci-joint le point de vue révolutionnaire mais aussi celui de Staline-Zinoviev et leurs sous-fiffres et exécutants comme Dimitrov et Kolarov.

Victor Serge dans « Le tournant obscur » :

« La Bulgarie demeurait grosse d’une révolution plusieurs fois avortée. J’avais entendu, à la tribune de l’Internationale, les Bulgares, Kolarov et Kabakychiev, parler avec fierté de leur parti, le seul parti socialiste d’Europe demeuré fidèle, comme les bolcheviks de Russie, à l’intransigeance doctrinale. Ils s’appelaient eux-mêmes « les Rigoureux » (Tiesssniaki) par opposition aux opportunistes, « larges et mous », comme partout. Ils affirmaient qu’ils prendraient le pouvoir quand on le voudrait ; qu’ils l’auraient déjà pris si l’Exécutif de Moscou n’avait redouté des complications internationales ; il fallait, en attendant l’heure, laisser le parti paysan de Stambouliiski s’user et perdre son crédit sur les masses rurales qui se tourneraient ensuite vers nous…

En juin 1923, le professeur Tsankov, appuyé par une ligue militaire, avait fait son coup de force, montrant une fois de plus qu’on ne diffère pas impunément une action de masses devenue nécessaire, ou ce sont les classes menacées qui, se ressaisissant, prennent l’offensive et imposent leur dictature de contre-révolution préventive.

Le gros Stamboulliski, géant à tête crêpue, surpris dans sa maison de campagne, fut chevauché comme une bête par des brutes qui le tuèrent avec la cruauté d’une imagination primitive.

Le puissant parti communiste de Kolarov, Kabakychiev, Dimitrov, observant une neutralité justifiée par l’intransigeance doctrinale la plus bornée – un parti ouvrier n’ayant pas à soutenir la petite bourgeoisie paysanne contre la grande bourgeoisie des villes… - avait laissé décimer le parti paysan, persécuté lui-même ; le lendemain, ses leaders reconnaissaient à Moscou leur erreur et promettaient de la réparer…

Trop tard. En septembre, les communistes bulgares prenaient enfin les armes, mal soutenus par le parti paysan affaibli, aigri et désemparé. On se battit huit jours à l’égaillée ; et la rumeur des fusillades qui mirent fin à cette aventure se perdit dans le grand bruit de la révolution allemande…

Au début d’avril 1925, le tsar Boris échappa de justesse à un attentat ; le 15, le général Kosta Georgieff tomba dans la rue sous les balles d’un terroriste. Le 17, tout le gouvernement se trouvait réuni à ses obsèques, dans la cathédrale des Sept-Saints, quand une machine infernale provoqua l’écroulement de l’une des coupoles. On ramassa plus de cent vingt morts dans les décombres : trois députés, treize généraux, huit colonels, huit hauts fonctionnaires….

Hasard singulier, le gouvernement et la dynastie étaient indemnes. L’attentat, préparé par des officiers de la section militaire du parti communiste bulgare agissant peut-être pour leur propre compte (car les dissenssions ravageaient le parti) ou sur des directives ignorées de la plupart des dirigeants du parti eux-mêmes, surprit les communistes, tout de suite assaillis par la la police et la troupe, mitraillés, assassinés, suppliciés, brûlés vifs…

Kassobov, populaire à Varna, préit ainsi. Chabline, que j’avais connu en Russie, fut, paraît-il, brûlé vif dans un four. Les deux auteurs de l’attentat, Yankov et Minkov, se firent tuer en résistant selon les consignes de l’organisation militaire.

Plusieurs milliers de communistes, de membres du parti paysan, de Macédoniens furent arrêtés : on ne sait pas le nombre des massacrés. La terreur blanche se prolongea des mois. Nous fîmes, pour la combattre, des campagnes de presse… « Boris, tueur des Bulgares »… « Bulgarie gouvernée au couteau »… Cela ne servait pas à grand-chose.

En mai, comparurent devant la cour martiale le sacristain de la cathédrale, Zadgorsky, un lieutenant-colonel en retraite, Koëv, qui avait hébergé l’un des terroristes, et l’avocat Marco Friedmann, ancien officier, militant communiste en vue, qui défendit pied à pied avec intrépidité le Parti, les idées, l’action du Parti. Il n’appartenait pas à l’organisation militaire, qu’il connaissait ; il reconnut avoir travaillé à la préparation d’un mouvement insurrectionnel, mais nia toute participation à l’attentat…

« Si j’avais su, dit-il courageusement, je ne sais vraiment pas ce que j’aurais fait », laissant entendre qu’il aurait agi de son côté. « C’était un petit homme noir et basané, parlant bien, extrêmement intelligent. » ont dit les journaux.

Zadgorsky, Koëv et Friedmann furent pendus dans la plaine voisine de Sofia sous les yeux d’une foule innombrable….

Tout espoir de révolution sociale s’éteignait pour longtemps en Bulgarie. »

Le coup d’Etat fasciste de 1923

Le coup d’État du 9 juin 1923, aussi appelé coup d’État bulgare de 1923 est un putsch orchestré par la Ligue militaire1 dans la nuit du 8 et 9 juin 1923. Le régime agrarien d’Alexandre Stambolijski, premier ministre du Royaume de Bulgarie, est renversé et remplacé par un gouvernement conservateur dirigé par Alexandre Tsankov.

Fort du succès électoral de son parti aux législatives de mars 1920, le Premier ministre Alexandre Stambolijski forme, dans le mois qui suit, un nouveau gouvernement composé uniquement de membres du parti agraire. L’objectif de ce parti est de transformer entièrement les structures politiques, économiques et sociales du pays en faveur des plus démunis. De nombreuses mesures sont ainsi réalisées en ce sens, dont la plus significative est la réforme agraire. Toutefois, les milieux traditionnels aisés, désavantagés par ces réformes, protestent contre les mesures du nouveau régime.

Se sentant menacé, Stambolijski radicalise les méthodes brutales de son régime et a recours à la Garde orange, la milice du régime. Se transformant peu à peu en véritable dictateur, Stambolijski arrête sans ménagement ses principaux opposants en 1922. La fonction publique, l’armée, la police sont au fur et à mesure purgées de ses membres hostiles au régime. Intellectuels, anciens officiers, bourgeois, riches paysans et opposants s’unissent alors ensemble pour faire face au gouvernement. Mais après les élections d’avril 1923, où les agrariens remportent 87 % des sièges, l’opposition comprit qu’elle ne pourrait pas renverser Stambolijski par la voix parlementaire.

L’opposition décide de profiter des vacances de Stambolijski pour passer à l’action. C’est la Ligue militaire du général Ivan Valkov (en) qui dirige l’opération. Cette organisation secrète fondée en 1919, avait caché après la Première Guerre mondiale une partie des munitions et des armes de l’armée, avant que le traité de paix ne désarme la Bulgarie.

Dans la nuit du 8 au 9 juin 1923 et dans une improvisation complète, des patrouilles militaires commencent à bloquer les rues de la capitale Sofia. Ils arrêtent tous les ministres, qui n’opposent pas de résistance, et forcent les habitants à rester à leur domicile. Ce n’est qu’à 11 heures, après la levée du blocus, que les Sofiotes apprennent par des affiches placardées dans la rue qu’un coup d’État a eu lieu dans la nuit et qu’un nouveau gouvernement vient d’être formé. C’est un civil de droite conservatrice qui prit la tête du pays, le professeur Alexandre Tsankov ; la Ligue militaire savait qu’un gouvernement militaire ne serait ni populaire en Bulgarie, ni accepté par ses voisins et vainqueurs.

Le coup d’État est relativement bien accepté par la population, du fait du fossé qui s’était creusé entre elle et le gouvernement agrarien. Il reçoit également l’approbation de nombreuses organisations et syndicats, mais étrangement, pas celui du tsar Boris III de Bulgarie qui, pourtant, était devenu le quasi-prisonnier d’Alexandre Stambolijski.

Malgré ce que put dire les Éditions de Sofia de la période communiste, Boris III n’était pas de connivence avec les putschistes. Alors que Tsankov se rend au palais de Vrana pour recevoir l’aval du tsar au coup d’État, Boris III, ayant appris la nouvelle, s’isole pour réfléchir de la situation. Ce n’est qu’après six heures d’attente que le tsar accepte de le recevoir afin que Tsankov lui expose les causes et les raisons du putsch. Mais Boris III refuse de soutenir le mouvement, soulignant que le coup porte atteinte aux prérogatives du chef de l’État et qu’il est dirigé contre les prescriptions de la constitution. Après une longue discussion, Tsankov explique que son refus serait fatal pour la dynastie et que même en cas de veto, le coup d’État sera accompli. Boris III finit par céder et signe les décrets légitimant le nouveau gouvernement. Immédiatement après cela, le tsar ajoute : « Prenez toutes les mesures, Messieurs, pour que la vie de tous soit conservée. Nous ne devons pas verser une goutte de sang bulgare ! »
Quant au Premier ministre déchu, Alexandre Stambolijski, en vacances dans son village natal de Slavovitsa, il tente d’organiser la résistance mais, capturé, il est torturé et tué d’une manière répugnante.

Au lendemain de la chute des agrariens, le Parti Communiste Bulgare (PCB) est une des organisations qui condamnent le plus sévèrement le régime de Stambolijski. En effet, les communistes sous ce dernier furent persécutés, du fait de leur différend sur la propriété privée que les agrariens soutenaient fermement. Mais la direction du Kominterm, étonnée par cette réaction, accuse alors le PCB d’inertie et lui demande d’y remédier. Suivant les conseils de Moscou, les communistes s’allieront avec les agrariens et fomenteront l’insurrection du 23 septembre 1923.

L’insurrection du 23 septembre 1923 est un soulèvement armé en Bulgarie. Ce soulèvement fait suite au coup d’État du 9 juin 1923 perpétré par l’homme politique d’extrême droite Alexandre Tsankov.

Il est mené, conformément à une directive du Komintern, par le Parti communiste bulgare. Outre les communistes, l’insurrection était également soutenue par les agrariens et les anarchistes. Son but ultime était « l’établissement d’un gouvernement de travailleurs et de paysans » en Bulgarie, et non la conversion du pays en un système de type communisme.

Toutefois, mal préparée, l’insurrection échoue et s’ouvre alors une période de terreur blanche en Bulgarie.
Condamnés à mort par contumace, Georgi Dimitrov et Vassil Kolarov, qui étaient à la tête du soulèvement, parviennent à quitter le pays1,2.

Références

1• Mikhail Narinski, Serge Wolikow, « Notice DIMITROV Géorgi » [archive], sur Le Maitron

2• Serge Wolikow, « Notice KOLAROV Vassil Petrov » [archive], sur Le Maitron

Coup d’Etat fasciste en 1923 en Bulgarie

https://bnr.bg/fr/post/100200749/le-coup-detat-du-9-juin-et-linsurrection-qui-la-suivi

https://bnr.bg/fr/post/101835474/il-y-a-100-ans-le-9-juin-la-violence-engendre-une-serie-de-coups-detat

L’insurrection bulgare de septembre 1923 et la situation révolutionnaire en Europe

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4760

Après la défaite bulgare

https://www.marxists.org/francais/general/souvarine/works/1923/11/Kolarov.htm

La signification des événements en Bulgarie

https://www.marxists.org/francais/zinoviev/works/1923/10/zinoviev.htm

Comment le fascisme a triomphé en Bulgarie

https://www.marxists.org/francais/zinoviev/works/1923/10/armin.htm
L’Insurrection bulgare de 1923

http://communismeetconflits.over-blog.com/2018/02/l-insurrection-bulgare-de-1923.html

Cette politique faisait suite à la défaite sans combat en Allemagne

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3053

La suite de la politique de Zinoviev, après la Bulgarie l’Estonie

http://communismeetconflits.over-blog.com/article-une-insurrection-communiste-en-estonie-le-soulevement-du-1-decembre-1924-99972359.html

Le conflit roumano-bulgare

https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/1913/03/roumano-bulgare.pdf

La social-démocratie bulgare et la question d’Orient

https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/1897/03/question_orient.pdf

Lettres sur la tentative de réunification des socialistes bulgares

https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/1910/08/lettres_bulgares.pdf

Les sociaux-démocrates bulgares et serbes

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1910/11/101101.htm

Sur le Manifeste bulgare - 1930

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1930/11/301129a.htm

L’Internationale communiste en 1923 - Projet de la partie théorique du programme de l’Internationale (Parti communiste bulgare)

https://www.cermtri.com/bulletin-communiste/annee-1923

La Bulgarie des soudards fascistes, 1923-1927...

https://www.google.fr/books/edition/La_Bulgarie_des_soudards_fascistes_1923/p7zWpwAACAAJ?hl=fr

Les atrocités du gouvernement frasciste

https://www.google.fr/books/edition/Les_atrocit%C3%A9s_du_gouvernement_frasciste/hcLSjwEACAAJ?hl=fr

L’insurrection contre le fascisme

https://pandor.u-bourgogne.fr/archives-en-ligne/ark:/62246/r20483z6swn3lk/f1

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