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Le « Ah Qisme chinois » du NPA-R ou comment créer des luttes qui n’existent pas ou faire passer une défaite pour une victoire
mardi 23 juillet 2024, par
Qu’est-ce que le Ah Qisme ?
Plus on s’intéresse au Ah Qisme, plus l’on s’étonne que ce concept chinois soit peu utilisé en France, surtout à propos de l’extrême gauche électolariste (NPA, LO).
Etre Ah Qiste, c’est déguiser toutes les défaites en victoires, surtout lorsqu’on n’a pas mené une vraie bataille.
En 2023 le NPA a affirmé à propos du mouvement des retraites : nous n’avons pas gagné, mais Macron a perdu : formule Ah Qiste.
En 2024 LO a fait comme d’habitude depuis des années un peu plus de 0% aux élections, loin des 5% de 2002 : mais LO se vante d’avoir été capable de se présenter aux élections surprises des 30 juin -7 juillet (jetant par la fenêtre les cotisations de ses militants), et voyant dans ses scores faibles la preuve que ses militants sont une élite à contre-courant : Ah Qisme électoral.
1 milliards de Chinois étudient le Ah Qisme à l’école, comment se prétendre révolutionnaire internationaliste et ne pas utiliser ce concept ? Si un militant français se retrouve par hasard à un meeting de 10 000 ouvriers chinois en grève (ce qui correspond à 100 ouvriers en France), il peut prendre la parole publiquement et crier "A bas le Ah Qisme !", il sera applaudi à tout rompre immédiatement, même par les maoïstes.
Ah Qi : un récit de Lu Xun (1921)
Commençons par le point de départ : le livre La véritable histoire de Ah-Qi par Lu Xun.
Ce livre est un classique de la littérature chinoise. Un révolutionnaire français qui l’ignore mais s’intéresse à la révolution en Chine est comme un révolutionnaire chinois qui s’intéresserait à la France mais n’aurait pas entendu parler des Misérables ou Germinal. Le récit raconte la révolution de 1911, à travers l’éternel opprimé chinois, qui n’est en rien libéré par cette révolution.
Pour survivre, Ah Q se dépeint à lui même en permanence ses humiliations et défaites comme des victoires.
Wikipedia donne un bon aperçu du Ah Qisme :
Les chapitres II (« Aperçu sur quelques victoires de Ah Q ») et III (« Encore des victoires ») narrent une série d’épisodes illustrant « le système de revanche psychologique » de Ah Q. Plus la défaite dans la réalité est grande, plus la « revanche psychologique » est importante. Ainsi, un jour qu’il a « la malchance de gagner » au jeu, une dispute éclate, Ah Q est assommé et volé. « Cette fois, il ressentait quelque chose comme l’amertume de la défaite. Mais par un brusque revirement, il la transforma en victoire ; levant la main, il se gifla par deux fois de toutes ses forces. [...] et bientôt il fut persuadé qu’il avait battu un autre [...]. Content de sa victoire, il s’allongea et s’endormit. »
Des candidats du NPA-révolutionnaire face à la CGT-iste Verzeletti
Des camarades matérialistes comme nous, prisonniers d’un marxisme mal interprété, pourraient croire que le NPA-R n’a absolument pas dénoncé dans sa campagne électorale le ralliement de la CGT-Binet au Nouveau Front Populaire NFP. Emblématique de ce ralliement est la candidature de la dirigeante de la CGT, Céline Verzeletti, peu connue du grand pubic, mais tout de même bureaucrate des sommets de la CGT.
Or le NPA-révolutionnaires était présent dans la circonscription de Verzeletti, et aurait pu en faire le centre de gravité de sa campagne.
Les électeurs de la 15ème circonscription de Paris n’ont pourtant rien vu dans la profession de foi du NPA-R dans cette circonscription.
Les camarades qui comme nous pensent qu’on peut juger un parti sur ses écrits publics et ses actes ne comprendront rien au NPA-R dans cette question.
Il faut apprendre à penser comme Ah Q : les faits ne sont pas des faits, la réalité n’a pas d’importance, il suffit de la transformer.
Après avoir vu ce que le NPA-R a fait en réalité : rien, allons explorer les états d’âmes de ce parti, exprimés dans sa presse à usage quasi-interne.
La pseudo-lutte du NPA-révolutionnaire dans les syndicats
Le NPA-R en interne se vante d’avoir mené une lutte contre la direction de la CGT face au NFP.
L’article Le « Nouveau Front populaire » au second tour : comme on fait son lit, on se couche donne le plus grand exemple récent de Ah Qisme : une capitulation déguisée en en grand victoire.
Le titre : comme on fait son lit, on se couche semble annoncer une grande manoeuvre de la Résistance.
Car si ce titre ne veut rien dire politiquement, ce genre de formule rappelle incontestablement des annonces du type les sanglots longs des violons de l’automne ... Le fantôme n’est pas bavard diffusées par Radio Londres, à l’époque de la Résistance.
Interprétons donc le message de Radio-NPA
Le NPA-R décrit sa grande bataille :
Les directions syndicales, notamment celles des syndicats dont les militants sont de bien des luttes, CGT et Solidaires, avaient appelé à voter NFP dès le premier tour. Les militants du NPA-Révolutionnaires dans les syndicats s’y sont opposés,
Après les souvenirs de Radio-Londres, là encore, les plus anciens d’entre nous sont émus.
Car nous nous souvenons que Trotsky, il y a exactement 90 ans, à l’aube du Front populaire, s’adressant à la centaine de militants que regroupait notre parti français (la Ligue), nous fixa parmi les tâches prioritaires la lutte dans les syndicats en tirant le signal d’alarme concernant notre composition petite-bourgeoise et le manque de lien avec les masses ouvrières.
Une tâche particulièrement importante énoncée par Trotsky en 1934 était liée justement à la politique syndicale des révolutionnaires :
Tel est le réel danger de la situation présente : nous apparaissons dans ces
luttes comme de l’extérieur, nous n’avons pas les forces organisées correspondantes dans les organisations de masse, les syndicats en particulier, nos liens permanents avec la classe ouvrière sont presque nuls.Il n’y a pas de fraction dans la C.G.T.U. et douze militants au plus y ont un poste responsable.
Il n’y a pas de fraction dans la C.G.T.
Il n’y a pas de fraction coordonnée nationalement dans la
S.F.I.O. où nous avons pourtant des militants qui interviennent.Trotsky, Oeuvres, Tome 4
Mais les militants français ne jouèrent finalement pas de rôle déterminant en 1936.
Ainsi donc, le NPA-R semble reprendre le drapeau trotskiste là où il était tombé en 1934 ?
Le NPA-R se vante régulièrement de regrouper non pas une seule centaine de militants comme Trotsky en France en 1934, mais plusieurs centaines de jeunes et ouvriers, les chiffres triomphalistes variant. La Grande bataille dans les syndicats préconisée par Trotsky en 1934 contre le futur Front populaire serait enfin menée par la NPA-R en 2024, avec une masse plus grande de militants ?
Rassurons tout de suite le lecteur (qui par exemple syndiqué, s’en voudrait de n’avoir rien remarqué récemment dans ce domaine), cette grande bataille du NPA-R est inexistante, on est en plein Ah Qisme.
Le Ah Qisme est nécessaire pour comprendre le NPA-R
Premièrement, on cherchera en vain un seul écrit syndical du NPA-R dénonçant le Front populaire. Le NPA-R se vante de diriger l’UNEF-Paris X, rien non plus de ce côté-là ! Du vent !
Deuxièmement, alors que la théorie de l’indépendance, de l’autonomie des syndicats est une vieille erreur, complètement réformiste depuis 1914, que dénoncent les révolutionnaires (car les militants communistes des syndicats doivent y appliquer la politique de leur parti communiste, ils dépendent de ce parti en permanence), le NPA-R prétend que la CGT a abandonné cette indépendance, et que les révolutionnaires doivent donc la défendre.
Ainsi, à propos du vote NFP appelé par Binet, le NPA écrit :
Les militants du NPA-Révolutionnaires dans les syndicats s’y sont opposés, certainement pas au nom d’une quelconque neutralité politique ou d’une version frelatée de la charte d’Amiens, mais pour défendre la nécessaire indépendance des syndicats vis-à-vis de cet attelage de la gauche de gouvernement.
Le NPA-R ne défend donc pas la neutralité des syndciats mais leur indépendance.
Le passage précédent est le coeur du long article du NPA-R à propos de sa politique dans les syndicats face aux appels de SUD et de la CGT à voter NFP.
Passons sur le fait que des militants révolutionnaires pourraient très bien mettre en avant une version "non frelatée" de la charte d’Amiens, car cette Charte fut un manifeste du syndicalisme révolutionnaire. Griffuelhes, Pouget leurs rédacteurs sont des figures à faire connaître aux travailleurs de la CGT. Nous critiquons cette charte du point de vue du bolchévisme, pas du point de vue de Binet. L’abolition du salariat, abandonnée par le NPA-R, est inscrite dans cette Charte. L’article du NPA-R devrait, au passage, par une brève remarque, faire comprendre sa position sur la Charte d’Amiens, au lieu de sembler la mettre à la poubelle.
Mais surtout, l’indépendance des syndicats n’est pas un slogan révolutionnaire, ni l’indépendance des syndicats vis-à-vis de cet attelage de la gauche de gouvernement.
Le NPA-R défend l’ "autonomie engagée" d’Edmond Maire
Rappelons qu’Edmond Maire (1931-2017) fut secrétaire général de la CFDT de 1971 à 1988. Il fut confronté aux suites de Mai 1968 et aux élections présidentielle de 1974 puis 1981.
Le NPA-R est né en décembre 2022 d’une scission du NPA créé en 2009 par la LCR, qui s’y est auto-dissoute. Le NPA a jeté à la poubelle en 2009 ce que la LCR avait gardé de révolutionnaire. Le NPA-R prétend garder en 2022 ce que le NPA avait de révolutionnaire, mais est en fait sur la ligne du NPA de 2009, jetant à la poubelle ce que la LCR avait de marxiste.
Pour preuve : le NPA-R reprend en 2024 la position du réformiste Edmond Maire à propos des liens entre partis et syndicats, position qui avait été critiquée par la LCR dans une brochure en 1975 :
Edmond Maire se déclare chaud partisan de "l’autonomie engagée’, expliquant qu’en aucune situation le syndicat ne doit se subordonner à la stratégie d’un parti.
Où va la CFDT ? (taupe rouge, 1975)
Dans cette même brochure, la LCR mettait en garde les militants révolutionnaires qui se rassureraient par le fait qu’Edmond Maire mettait en avant "les luttes" (cette abstraction qui est le seul programme du NPA-R) :
Le pire, pour la gauche de la CFDT, serait de se laisser endormir par une prétendue nouvelle unanimité derrière l’affirmation commune de l’"autonomie engagée" et de la "priorité aux luttes sociales".
1) L’autonomie engagée 2) Priorité aux luttes sociales : sans doute sans le savoir, le NPA-R reprend la ligne politique réformiste de la CFDT des années 1970 !
Bien sûr Edmond Maire avait menti et son "autonomie" ne l’empêcha pas finalement d’appeler à voter Mitterrand en 1974. Le NPA-R diffuse-t-il encore ces brochures de la LCR ?
Pessimisme profond des Ah Qistes
Quand on réfléchit à la position du NPA-R, on se félicite d’avoir atteint l’essence du Ah Qisme.
Car réfléchissons une minute à cette absurdité : R. Preston l’auteur, interdit par avance aux militants de son parti le soutien de la CGT à n’importe quel "attelage de gouvernement", donc même si c’était le NPA-R qui dirigeait ce gouvernement !
Imaginons avoir construit un parti bolchévique qui devienne majoritaire dans les soviets ouvriers et propose comme slogan "tous le pouvoir aux soviets !". Si la CGT se ralliait à ce mot d’ordre, c’est-à-dire si la CGT se ralliait à un gouvernement ouvrier, à la dictature du prolétariat, le NPA-R, dans son syndicat, dénoncerait la CGT au nom de l’indépendance des syndicats ! Que les travailleurs partisans de la dictature du prolétariat prennent la direction de la CGT n’est pas imaginé par NPA-R ! Le NPA-R raisonne comme Ah Qi, en éternel opprimé.
Le NPA-R ne croit en fait même plus dans la possibilité d’une révolution. Or nous serions pour que la CGT se rallie à l’"attelage" d’un gouvernement ouvrier et paysan, à un gouvernement de la dictature du prolétariat, si la CGT était passée massivement au programme de Lénine.
Ces hypothèses sont certes peu probables, mais ce n’est pas par principe qu’on dénonce le ralliement de syndicats à un gouvernement.
L’idéal est de gagner toute la classe ouvrière à notre parti, on milite en permanence avec cet possibilité en tête. Comme cela ne marche presque jamais on doit appliquer une politique de Front unique ouvrier. Les syndicats sont des organes permanents de Front unique, et des bolchéviks pourraient en prendre la tête et y attirer toute la classe ouvrière. Mais comme cela non plus ne marche généralement pas, ce sont les soviets qui restent le seul cadre incontournable à la tête desquels les ouvriers pourront prendre le pouvoir. Lorsque cela arrive les syndicats peuvent être pour ou contre cette prise de pouvoir. Donc le caractère révolutionnaire de la CGT au moment de la prise du pouvoir par les soviet pourra varier de 0 à 100 %, mais il n’y a aucune raison d’exclure les 100 %, et même 50% serait une arme dans le rapport de force contre la bourgeoisie.
Mettre au vote le ralliement de la CGT au pouvoir des soviets serait de toute façon une nécessité en cas de révolution, une mesure du caractère favorable à la révolution ou pas de la CGT que le prolétariat révolutionnaire devra absolument avoir à sa disposition.
Dans ce cas il serait essentiel que les révolutionnaires dans la CGT appellent à voter pour le pouvoir des soviets, il seraient pour le ralliement de leur syndicat à cet "attelage de gouvernement de la gauche" (sous-entendu de la gauche des soviets que sont en général les bolchéviks).
Mais le NPA-R n’est pas partisan du pouvoir des soviets, se voyant seulement comme gauche de la gauche bourgeoise, il est donc normal que pour le NPA-R une situation où la question du gouvernement ouvrier se posera est inimaginable.
On nous dira qu’il est sous-entendu par le NPA-R que ce parti dénonce en 2024 le ralliement de la CGT à l’ "attelage d’un gouvernement de gauche" parce que ce gouvernement n’est pas prolétarien révolutionnaire mais bourgeois.
Le problème est que le NPA-R n’emploie plus ces termes ! Le NPA-R parle de révolution, jamais de révolution prolétarienne. Que le secrétaire général de la CGT est un agent de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier est le B A BA du marxisme depuis 1914, mais le NPA-R n’écrit jamais cela non plus. Le NPA parle pudiquement de Mélenchon ou Binet comme de la "gauche institutionnelle" au lieu d’en parler comme de "ministres bourgeois à la Millerand", d’"agents de la bourgeoisie à la Jouhaux".
Lénine et Trotsky représentaient aussi une gauche institutionnelle : l’aile gauche des institutions que furent les soviets ouvriers. Un bolchévik dans un syndicat est une gauche institutionnelle (car un syndicat est une institution), mais il combat la gauche bourgeoise dans ce syndicat. Nous sommes pour une institution : l’Etat ouvrier.
Le NPA-R crie victoire
Le NPA-R atteint le summum du Ah Qisme en déclarant que pour détacher les travailleurs de l’influence des directions syndicales réformistes aucune bataille politique, sous forme d’un front unique ouvrier, n’a été nécessaire : la bataille est déjà gagnée !
En effet, les appels de la CGT à voter Front populaire, c’est à dire la manoeuvre de l’ennemi, a détruit l’ennemi lui-même, comme nous l’enseignent les arts martiaux chinois :
La question n’est pas de savoir si cela laissera des traces en accentuant encore la distance entre la masse des travailleurs et les organisations syndicales. C’est une certitude.
Une certitude ! Nous sommes malheureusement d’accord avec le NPA-R, car Radio-NPA utilise le concept centriste totalement flou de "distance", qui permet de gagner à chaque coup quoi qu’il advienne.
Une distance se mesure, mais le NPA-R ne précise pas comment il mesure cette distance entre les travailleurs et les organisations syndicales : des travailleurs syndiqués rendent-ils leur carte ? Dans les dizaines de congrès syndicaux qui ont lieu au mois de juin (unions, fédérations) des voix, des motions, des résolutions, votes ont-ils incarné cette "distance" que seul le NPA a remarqué ? Dans les syndicats où le NPA-R prétend que ses militants se sont prononcé contre la position de Binet, ont-ils proposé un quelconque vote sur une résolution ? Combien de syndiqués, combien de syndicats concernés ? Combien de votes pour Binet, combien contre ?
Une distance définie en termes concrets par un parti trotskiste se mesure, une distance Ah Qiste ne se mesure pas.
Le fait que cette distance entre les travailleurs et les organisations syndicales, ou entre les syndiqués de base et la bureaucratie (cet aspect essentiel n’est pas discuté par le NPA-R) ne soit pas mesurable par la NPA-R est dû au ralliement de ce parti à cette bureaucratie. Reprenons la citation ci-dessus
Les directions syndicales, notamment celles des syndicats dont les militants sont de bien des luttes, CGT et Solidaires, avaient appelé à voter NFP dès le premier tour. (…) La question n’est pas de savoir si cela laissera des traces en accentuant encore la distance entre la masse des travailleurs et les organisations syndicales. C’est une certitude.
Quel mélange centriste : les organisations syndicales comprennent des travailleurs combattifs, des militants révolutionnaires, des militants du NPA-R lui-même. Ces organisations syndicales comprennent les pires bureaucrates. Un ouvrier peut donc s’éloigner des organisations syndicales ou s’en rapprocher sur une base réactionnaire, ou sur une base révolutionnaire. Un éloignement ou rapprochement massif des travailleurs par rapport aux syndicats peut signifier une évolution vers la révolution, ou le contraire. Par exemple si le RN arrive au gouvernement et que FO voit un afflux d’adhésions, on pourrait s’inquiéter !
Le NPA-R utilise des catégories inadaptées, reprises du NPA-anticapitaliste ou LO : les syndicats, notre camp social, le camp des travailleurs, etc. Ce que nous voulons mesurer en premier n’est pas la distance entre les travailleurs et les organisations syndicales, mais la distance entre les travailleurs et une politique révolutionnaire. Les Gilets jaunes ne se sont pas rapprochés des syndicats, mais se sont rapprochés d’une politique révolutionnaire.
Une nouvelle politique : se serrer les coudes
Malgré le « c’est certain ! » Ah Qiste, malgré les vertus de sa "distance" magique, le NPA-R est très pessimiste. Car les travailleurs qui s’éloignent des syndicats, ne se rapprochent apparemment pas des révolutionnaires : le NPA-R ne pose même pas la question dans son article. Où vont-ils ces travailleurs qui ont « mis à distance les syndicats, c’est une certitude » ? Mystère.
En tout cas au lieu d’attirer les travailleurs à sa politique avec la tactique du Front unique ouvrier, le NPA-R préconise le Front unique entre révolutionnaires seulement, réinventant l’huile de coude :
C’est même une nécessité urgente de la période et une évidence : se serrer les coudes face à l’adversité d’une extrême droite puissante et additionner nos forces pour peser dans les crises politiques et sociales que nous sommes en train de vivre et qui vont s’accélérer.
Se serrer les coudes ! Est-ce une reprise de la méthode mise au point par les bonnets jaunes du Québec ? A priori non car le NPA-R n’a pas un bon souvenir des Gilets jaunes
Le NPA-R se rallie-t-il au capital financier par l’intermédiaire du capital commercial breton ? Nous en doutons. Le NPA-R n’a pas franchi le même pas que le NPA-Poutou. Le NPA-R préfère rester centriste.
Le NPA-R veut rester centriste, donc les utopies petites-bourgeoises sont les plus adaptées. Or la conquête de l’Ouest a été accomplie par une petite bourgeoisie qui pendant des décennies a trouvé un territoire restant longtemps en dehors de la domination du grand capital. Cette petite bourgeoisie compensait sa concurrence des petits capitalistes entre eux par le « serrage de coude » face aux grands propriétaires, aux compagnies ferroviaires, etc
Les camarades marxistes qui se moqueraient du « serrage de coude » comme d’un slogan manquant de sérieux du point de vue marxiste, ne doivent pas oublier la dimension socialiste utopique-petite-bourgeoise-progressiste chez les paysans moyens-pauvres qu’a eu ce slogan. A part dans certains westerns, ce courant politique fut illustré dans la série bien connue La petite maison dans la prairie, et le serrage de coude en est bien un des éléments :
Conclusion
Le NPA-R prétend se distinguer du NPA-anticapitaliste de Poutou, qui est passé armes et bagages dans le camp réformiste à l’occasion du NFP. Mais le rôle que joue le NPA-R, analogue à celui de LO, est typique du centrisme : empêcher les travailleurs souhaitant s’éloigner du réformisme de trouver leur chemin vers le marxisme, en les attirant par un verbiage pseudo marxiste ou pseudo révolutionnaire.
Or si les révolutionnaires, ce sont le NPA-R ou LO, c’est déprimant, des travailleurs renoncent aux idées marxistes et vont en chercher d’autres. Ceux qui se rapprochent de ces deux partis ont comme seule perspective : "serrons nous les coudes" du NPA-R , ou "tenons bon, n’ayons pas peur " de LO. Sous entendu : nous restons une élite révolutionaire incomprise dans cette période de recul, nous ne pouvons rien faire à part nous auto-congratuler.
En tout cas, ni LO ni le NPA-R n’ont mené la moindre bataille de fraction dans les syndicats contre le ralliement des confédérations au NFP.
Le NPA-R est bien à droite des positions qu’exprimait la LCR dans la question des syndicats face aux élections, avec sa brochure Où va la CFDT ? en 1975.
Cette brochure de 1975 décrit en particulier l’opération travailliste effectuée par le PS pour utiliser la CFDT en vue des élections de 1974. Des analogies avec ce que LFI tente de faire à la CGT existent sans doute, cette brochure de la LCR mérite donc d’être relue.
Si le NPA-R voulait être l’héritier des tendances révolutionnaire du NPA et de la LCR, le NPA-R aurait dû par exemple repartir de cette brochure, l’actualiser, la critiquer. Mais le NPA-R fondé en 2022 a, on le voit, la même démarche que le NPA en 2009 : oublier le peu qu’il restait de marxisme dans la LCR.
Messages
1. Le « Ah Qisme chinois » du NPA-R ou comment créer des luttes qui n’existent pas ou faire passer une défaite pour une victoire , 24 juillet, 10:01
Une autre formule Ah Qiste dans l’article du NPA-R concerne la fraternité avec LO, qui se serait approfondie d’après le NPA-R :
On ne voit pas de trace, chez LO, de cette fraternité envers le NPA-R