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Les mystères de l’origine de l’homme
vendredi 3 janvier 2025, par
Les mystères de l’origine de l’homme
On entend souvent dire que la formation d’un homme parmi les êtres vivants reste mystérieuse, que les origines de l’homme sont encore inexpliquées ou insuffisamment expliquées, que l’on ne peut pas dire que l’on sait tout sur la bifurcation entre animal et homme. Et c’est vrai mais en même temps ce n’est pas si étonnant que cela car c’est vrai pour l’origine de tous les animaux. Pire que cela, dès qu’on manie la notion d’origine d’un phénomène nouveau, on est sûr qu’il n’y a aucune réponse simple à la question : qu’est-ce qui a permis cette apparition de nouveauté émergente ?
Si on y réfléchit plus profondément, on s’aperçoit qu’aucun phénomène nouveau n’a une seule « origine » mais de multiples, car tout est interconnecté, dépend de multiples facteurs, suit plusieurs histoires interdépendantes avec chacune de nombreuses nouveautés émergentes et suit des histoires multiples entre lesquelles le choix n’est pas évident ni direct.
Pour ce qui est de l’homme, il est impossible de dire clairement : « à partir de là, le développement d’un homme moderne devait nécessairement se faire ». Ce « là » n’existe pas ou plutôt n’est pas unique. Il y a bien des « à partir de là, il y a eu un changement radical » mais jamais un changement qui suffit à produire l’homme tel que nous le connaissons.
Il n’y a ni un moment, ni un endroit, ni une circonstance, ni une activité, ni une propriété physiologique qui devait tout entrainer pour mener à… nous. Mener à nous signifie partir de ce que l’on ne peut qu’appeler « un animal » et donner ce que l’on ne peut qu’appeler « un homme ».
En fait, ce type de recherche d’une origine de l’homme est équivalente à l’idée d’« une création » alors que l’homme, pas plus qu’aucune espèce, n’a été créé.
Examinons en détail comment cette recherche d’une origine de l’homme ne peut mener qu’à des fausses conceptions de l’homme et de l’univers, vivant comme non vivant.
Cette recherche a été menée d’abord sur l’Univers matériel avant de l’être sur le Vivant. La question (fausse) qui a été posée peut être résumée ainsi : « qu’est-ce qui dans l’Univers a été déterminant pour que l’homme puisse exister ».
C’est un peu une manière de dérouler à l’envers le fil de l’Histoire. On trouve ainsi des « conditions de départ » indispensables et on remarque qu’elles sont bien entendu réunies, démontrant (croit-on) que l’Univers a été mis en place pour permettre la formation de l’homme. C’est la thèse créationniste du « dessein intelligent ».
C’est un peu comme l’histoire d’un enfant qui voit qu’un canard est né dans la mare d’à côté, qui cherche comment la mare s’est formée, pourquoi elle a été préservée, pourquoi des canards ont pu s’y installer et, en remontant le temps, découvre que l’Univers a été formé pour permettre à ce bébé canard d’apparaitre. Un conte pour enfants en bas âge en fait…
Pourquoi affirmons-nous qu’il n’y a pas une histoire de l’homme mais plusieurs ?
Commençons par examiner la physiologie humaine. De quand date-t-elle ? On peut dater l’apparition au sein du Vivant de chaque partie du corps humain et on ne trouve jamais la même date qu’il s’agisse de la dentition humaine, du crâne humain, du bassin, des membres, du cerveau, de la position du corps, etc. Chaque partie du corps humain est née à une époque très différente et il n’existe pas un élément du corps qui ait entrainé l’apparition de tous les autres.
Ensuite, on peut examiner de quand datent les apparitions de nouveautés dans les capacités humaines. Là encore, on ne trouve ni une date unique, ni un lieu unique, ni une histoire unique, mais plusieurs. L’utilisation d’outils, par exemple, a été observée de multiples fois à des époques différentes, par des êtres différents, dans des lieux différents. Il n’y a pas une origine unique. De même pour l’origine de la vie en communauté, pour celle de la construction d’habitations fixes, pour celle des différents modes de production, de la cueillette, de la chasse, de l’utilisation du feu, de la gravure, de la peinture, de la construction de barques, de bijoux, etc. En termes de comportement, on ne peut pas non plus dire « c’est là que l’homme a véritablement commencé ».
L’homme n’a commencé ni en marchant, ni en parlant, ni en riant, ni en faisant l’amour, ni en fondant des villages, ni en taillent des pierres, ni en fondant des métaux, ni en chassant tel ou tel type d’animal, ni en cueillant de telle ou telle manière, ni en stockant ses produits, ni en accumulant des richesses, ni en les distribuant de manière égalitaire ou inégalitaire, ni en bâtissant des villages, des villes ou des monuments. Ou, plus exactement, l’homme s’est formé en faisant tout cela. Et il s’est formé en des milliers de fois.
Cela ne veut pas dire que tout s’est passé tranquilement, continument, sans rupture, sans choc, sans révolution, mais par des milliers de discontinuités, de révolutions, de chocs, d’émergences de structures nouvelles.
L’homme moderne n’est pas apparu en une fois. Il provient d’un très grand nombre de sauts qualititifs au sein du Vivant : apparition des mammifères, des singes, des grands singes, des australopithèques, des homo d’Ethiopie, des homo habilis, des homo ergaster, des homo rodolfiensis, des homo gartengensis, des homo georgicus, des homo ergaster, des homo erectus, des homo antecessor, des homo heidelbergensis, des homo floresiensis, des homo naledi, des homo rhodesiensis, des homo luzonensis, des homo neanderthalensis, des homo denisovensis, homo sapiens, homme de Cromagnon, homme du Paléolithique archaïque, homme du Paléolithique moyen, homme de l’Acheuléen, homme du Paléolithique supérieur, homme de l’Aurignacien, homme du Gravettien, homme du Solutréen, homme du Magdalénien, homme du Mésolithique, homme du Néolithique, homme de l’Age du Bronze, homme de l’Age du Fer, homme d’avant et après la naissance des classes sociales, avant et après les villes, avant et après l’agricuture, avant et après l’Etat, avant et après la naissance de la propriété privée, homme de l’Antiquité, homme du Moyen-Age, homme de la Renaissance, homme de l’Age moderne, homme du capitalisme, homme de l’effondrement du système…
Et encore, rien ne prouve que des étapes radicales essentielles de la formation de l’être humain, du processus d’hominisation, de l’homme social ne nous échappent entièrement ou partiellement ou encore soient mal comprises. D’ailleurs, on ne cesse de découvrir de nouvelles étapes…
Etablir une liste d’étapes successives ne signifie même pas trouver un déroulement car il ne s’agit d’une simple succession. Chaque type d’homo ne découle pas du précédent. Chaque étape de l’homme social ne suit pas nécessairement la précédente ou pas de la même manière dans une région et dans une autre, à une époque et à une autre. Le développement n’est pas linéaire, continu, progressif, il y a des reculs, des chutes, des régressions, des influences permettant de sauter des étapes, etc. Nous sommes dans le domaine des actions contradictoires, révolutions mais liées à des contre-révolutions, du développement inégal et combiné, de la dialectique des forces adverses rétroagissant, etc.
Dès lors que l’on choisit un trait que l’on considère comme spécifique ou un acte comme déterminant et on oriente de manière arbitraire le tableau, on transforme l’histoire. Certains considèrent comme acquis que l’homme découle directement de l’apparition du gros cerveau, ou découle inéluctablement de l’utilisation méthodique d’outils ou encore découle forcément de la vie en collectivité, etc. D’autres décident que c’est la marche ou encore la cueillette ou bien la constitution de réserves, la spécialisation dans le travail, l’esclavage, etc. Les histoires qu’ils développent peuvent être très intéressantes mais elles sont partiales.
En fait, le simple fait de prendre comme point de départ l’homme moderne et de remonter dans le temps est un présupposé, celui selon lequel toute l’histoire devait nécessairement produire cet homme là. Or rien ne prouve cela. Et si on devait le croire, il faudrait penser aussi que tout est fait pour produire les virus actuels, les bactéries actuelles, les insectes actuels, etc. Tout l’Univers s’est construit pour arriver à… la blatte dite germanique et à l’escargot moderne, sans même parler de covid-19 ?! On peut aussi bien partir de l’éléphant moderne et prétendre que tout le développement de l’Univers y menait…
Bien sûr, on peut parler des énigmes de l’évolution de l’homme, puisque de nombreux éléments nous échappent et vont sans doute nous échapper longtemps mais pas au sens où il y aurait une cause métaphysique, une puissance non naturelle qui agirait là derrière avec la volonté de produire l’homme et la société humaine.
L’émergence de structures nouvelles est parfaitement naturelle et elle est l’un des fondements de la Physique sans Métaphysique.
Quelles questions subsistent ?
Pourquoi toutes les autres espèces d’homme ont disparu, y a-t-il eu des croisements, qu’est-ce qui a contribué à la survie, quelle est la raison et la place de l’intelligence humaine, existe-t-il un « propre de l’homme », l’homme est-il un animal et d’abord un singe, le néanderthalien est-il notre cousin, notre frère, notre ancêtre, notre oncle, ou de la même espèce, l’avons-nous éliminé volontairement, etc.
Comme on le voit, nous n’affirmons pas qu’il n’y a pas de question, mais plutôt qu’il n’y a pas de réponse définitive et qui réponde à tout. Le passé reste difficile à reconstituer…
Sur Sapiens…
https://www.matierevolution.fr/spip.php?page=recherche&recherche=sapiens
Quand Sapiens a émergé en Afrique
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/quand-sapiens-a-t-il-emerge-en-afrique_179238
Et autres mystères…
https://www.mnhn.fr/fr/quand-les-humains-ont-ils-quitte-l-afrique-et-pourquoi
On peut, par exemple, se demander à partir de quand peut-on dire que l’homme a commencé, est-ce juste de distinguer aussi radicalement l’homme et le singe, l’intelligence est-elle le point fort de l’homme, où va l’évolution humaine, les néanderthaliens ne doivent-ils pas être qualifiés eux aussi d’hommes, les propriétés physiologiques ont-elles été plus déterminantes que les propriétés sociales, peut-on encore révolutionner grandement l’arbre de l’évolution des êtres humains, y a-t-il réellement une opposition entre homme et animal, y a-t-il des traces dans l’homme actuel de toutes les sortes d’hommes qui ont précédé, etc...