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La dialectique, arme de combat de la Révolution française

lundi 3 novembre 2025, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

La dialectique, arme de combat de la Révolution française

Dans le texte qui suit nous ne voulons pas juste rapporter des remarques historiques sur une révolution, celle qui s’est déroulée en France en 1789-1795. Notre but est bien plus général. Nous voulons faire remarquer que lorsque le peuple travailleur sort de ses gonds au point de cesser de s’auto-censurer, de cesser de se taire, de quitter passivité, pessimisme, fatalisme et soumission, il exprime la nécessité historique, le besoin profond de toute la société humaine, c’est-à-dire quelque chose de philosophique et c’est cela qui est la signification de la dynamique radicale de transformation des sociétés, qui en est la dialectique et que l’on appelle « la révolution ». Souvent les historiens reconnaissent la révolution française, la révolution russe ou la révolution espagnole mais « la révolution » comme phénomène profond, philosophique, leur est étrangère et les classes possédantes, ainsi que leurs gouvernants, tiennent à en ignorer l’existence. Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants s’emparant d’une idée de changement radical, la transformant en force, la mettant en pratique, et voilà que la dynamique d’une société qui semblait vouée à l’immobilisme apparaît, les capacités des opprimés et des exploités qui n’étaient pas encore apparues aux concernés deviennent évidentes pour tous. Ce qui semblait ordre immuable apparaît une simple absurdité et que l’on l’ait accepté si longtemps parait incroyable. Oui, la révolution, c’est des millions d’êtres humains qui se mettent à faire ensemble… de la philosophie, et même à écrire une page nouvelle de la philosophie de l’Histoire !

Dès ses débuts, la Révolution française a été l’union des contraires, des hommes et des femmes, des pauvres et des riches, des bras nus et des bourgeois, de la liberté et de la dictature, de la guerre et de la paix, de la force et du droit, des jeunes et des vieux, des possédants et des démunis, du nationalisme et de l’internationalisme, de l’amour et de la haine, du pouvoir institutionnel et des comités de base du peuple travailleur en dehors de toute institution, de l’ordre et du chaos, etc.

La dialectique s’est manifestée de mille manières au cours de la Révolution française (1789-1794) : contradictions dialectiques internes de la France de l’Ancien Régime, contradictions dialectiques du camp révolutionnaire, contradictions dialectiques de la République, la révolution comme la contre-révolution s’appuyant sur des forces politiques et des classes aux intérêts contraires, sur des intérêts nationaux et étrangers contradictoires, caractère dialectique de la dynamique révolutionnaire transformant le négatif en positif (la guerre en contre-révolution puis en révolution, puis à nouveau en contre-révolution), dialectique du passage entre révolution (et contre-révolution) politique et révolution (et contre-révolution) sociale, nombreux passages de la quantité à la qualité notamment lors des deux grandes offensives révolutionnaires, dialectique de l’interaction des trois Etats de l’Ancien Régime, dialectique de la lutte des classes au sein de la révolution et au sein de la contre-révolution, dialectique de la relation entre religion et politique, entre social et politique, entre guerre et paix, coexistence et combat du négatif et du positif(qui est négation de la négation) , dialectique de la dualité de pouvoir (notamment dualité oyauté/République et dualité pouvoir bourgeois/pouvoir populaire), dialectique comme arme de guerre de la révolution qui transforme chaque arme de la réaction en arme de la révolution (et inversement pour la contre-révolution populaire), dialectique entre la réalité historique et la conscience des dirigeants et du peuple, dialectique entre les pensées féodale, bourgeoise et populaire, dialectique entre les dirigeants et les masses, etc. Sans la dialectique, jamais la Révolution française n’aurait pu être capable de transformations idéologiques, sociales et politiques aussi radicales, aussi profondes, en un temps aussi court, transformant en un très petit nombre de transitions rapides et brutales un peuple écrasé, dominé, divisé, exploité, opprimé, inorganisé, sans conscience en sa propre force, soumis, apeuré et plutôt respectueux devant le pouvoir royal et nobiliaire en l’exact contraire. La Révolution française est la manifestation la plus probante de l’affirmation dialectique de Hegel que tout ce qui existe mérite de périr, parce que rien de ce qu’elle a combattu, qu’elle a détruit ou qu’elle a construit n’a été éternel. Plus dur avait été l’oppression subie et ressentie par le peuple, plus forte, plus profonde, plus durable a été l’élan révolutionnaire des masses. La transformation qu’elles ont réalisée, alors qu’elles ont dû combattre une résistance contre-révolutionnaire terrible, est quasiment incroyable. Bien sûr, l’effort des classes possédantes dans les années qui ont suivi a été d’effacer cette leçon afin que les peuples ne recommencent plus jamais.

Ou trouve-t-on la fameuse négation de la négation de la dialectique ? Les dettes de la France, la guerre européenne, la religion, la misère, tout s’est transformé de manière ultra-rapide de moyen de nier la révolution en moyen de nier la contre-révolution et inversement.

L’Ancien Régime niait le droit des individus pour donner tout le pouvoir aux rois et aux féodaux. La Révolution s’en est servi pour magnifier le droit des peuples en niant le droit des rois.

L’Ancien Régime divisait le peuple en petites unités régionales, les provinces, sans droit commun, sans langue commune, sans intérêt commun. La Révolution a fait l’inverse, unifiant par un élan extraordinairement rapide, le peuple en une unité nationale fondée sur une idéologie des intérêts populaires, le bien commun du peuple, qu’aucune réaction contre-révolutionnaire, même victorieuse, ne pourra anéantir.

En se liant à toutes les dictatures royales et féodales d’Europe, l’Ancien Régime s’était donné des défenseurs étrangers très puissants et dont les armées devaient écraser la révolution. Cette dernière s’en est servi pour accuser la royauté et la noblesse de trahison nationale et les traiter en criminels.

La royauté a poussé la France des débuts de la révolution à la guerre en Europe afin de détruire la force révolutionnaire du peuple. Cette dernière a retourné le défit : elle a vaincu les armées européennes de la réaction unies aux nobles de France ! La guerre, loin de tuer la révolution, lui a donné un élan extraordinaire et a poussé la révolution à déraciner complètement la noblesse en France.

Mais c’est dés le tout début de la révolution française qu’elle a retourné les armes de la royauté contre elle. Le roi prétendait utiliser les dettes de l’Etat français pour faire reculer le Tiers Etat et le forcer à payer. Au lieu de pleurnicher, de négocier des amendements, une diminution des sacrifices, au lieu de céder sur le fond, le Tiers Etat a choisi non de nier l’importance des dettes, non de nier l’importance des sacrifices nécessaires mais de nier la royauté elle-même, son droit à décider, son droit à gérer, son droit à dominer, son droit à gouverner. Vous êtes en faillite, tirez-vous ! C’était là l’acte révolutionnaire premier ! Et c’est toute l’arme dialectique de la négation de la négation : détruire en utilisant l’arme qui a chargée de vous détruire, qu’il s’agisse des dettes, de la guerre, de la religion, de la misère, de la terreur même ! Il faut retourner les armes de l’ennemi au lieu de pleurnicher de manière défensive !

Eh oui ! C’est une grande leçon pour le monde d’aujourd’hui ! Le peuple travailleur de 1789 a retourné contre le pouvoir des exploiteurs et des oppresseurs l’arme des dettes ! Il a transformé la constatation de faillite en acte d’accusation du pouvoir. Il a transformé le peuple de victime en vainqueur. Il a transformé le roi en accusé et en condamné. Il n’a pas détruit qu’un roi. Il a détruit le principe même de la royauté. Il a fait du peuple le seul roi, le seul gouvernement, le seul législateur, le seul dominant. Oui, c’est une négation de la négation puisque la royauté et la féodalité niait les droits du peuple, les droits des individus, les droits des manants.

Oui, l’auto-organisation est une arme de négation de la négation. Dès le premier pas, en refusant de se laisser dissoudre par le roi, l’assemblée du Tiers Etat a nié le droit du pouvoir de d’autoriser ou de ne pas autoriser le peuple à s’assembler. Et cet acte allait mener à toutes les formes d’auto-organisation du peuple jusqu’aux plus pauvres, jusqu’aux comités de piques, jusqu’aux bras nus, jusqu’aux sections populaires.

En prenant la tête d’une guerre révolutionnaire en Europe, le peuple travailleur n’a pas fait que défendre la nation, il a appelé tous les peuples à la lutte pour la liberté. Il venait à peine de construire, d’inventer l’union nationale et il l’a niée dialectiquement, il l’a dépassée en fondant l’union des peuples d’Europe !

En prenant la tête de la lutte des déchristinisateurs, le peuple opprimé a nié le lien entre le pouvoir et l’Eglise. En cautionnant le pouvoir royal et l’ordre féodal, la religion catholique de France niait les droits du peuple à n’obéir à aucune idéologie d’Etat, à ne suivre que ses propres croyances individuelles ou familliales. Le peuple a nié cet ordre qui niait ses propres droits. Il a détruit l’ordre catholique qui prétendait renforcer l’ordre royal et féodal. Cette négation de la négation a radicalisé la révolution française. Le peuple a saisi les biens de l’Eglise qui avaient été accumulés sur son dos ! Il a interdit l’exercice de la religion aux prêtres qui ne reconnaissaient pas sa République !

Il est triste de constater que non seulement les classes possédantes et leurs historiens ne savent plus rien sur la force révolutionnaire de la dialectique, mais que les faux révolutionnaires, opportunistes et réformistes en réalité, n’en connaissent pas non plus le premier mot…

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4937

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2828

La dialectique est inséparable de la révolution sociale.

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Pourtant, aujourd’hui encore, la stratégie du prolétariat ne peut se passer de la dialectique !

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article8300

Il faut en effet, par une négation de la négation, transformer les dettes, les guerres, la misère, l’oppression religieuse, les oppressions nationales, raciales, de genre, d’âge, toutes les armes de l’ennemi en armes de la révolution, en niant radicalement (à la racine) tout droit au pouvoir capitaliste, à la propriété capitaliste, à la morale capitaliste, à l’appareil d’Etat capitaliste et à l’ordre capitaliste mondial, à l’impérialisme.
Les gouvernants, les classes possédantes et les auteurs ont beau cacher cette réalité : il n’y a pas de force supérieure à la dialectique de la révolution sociale des masses auto-organisées. Elles ont renversé toutes les bastilles de la réaction, elles ont battu à plates coutures à coups d’enthousiasme révolutionnaire de la noblesse et des armées régulières de toute l’Europe, supérieurement organisées et armées, elles ont détruit des siècles d’embrumissement des consciences par l’Eglise, elles ont changé la peur de camp, elles ont transformé des esclaves en hommes libres, des sans voix en porte-paroles de tous les peuples de la terre. Il n’y a pas changement plus radical que la révolution sociale. Sa dynamique est presque incroyable et, en même temps, parfaitement naturelle. La relation entre la résistance au changement est tout aussi dialectique : la révolution n’a pas pu construire la liberté qu’en détruisant la liberté, n’a pu démolir la royauté qu’en recréant une royauté, n’a pu supprimer des lois inégalitaires qu’en construisant de nouvelles lois inégalitaires et pourtant, la France d’après la Révolution française ne pourra jamais revenir sur les transformations profondes réalisées, ne pourra rétablir la féodalité, la noblesse, l’ancien mode de production, les anciennes lois, l’Ancien Régime. Le monde entier n’est plus le même après la Révolution française et les plus grands esprits du monde de l’époque l’ont reconnu.

Goethe, émerveillé par la victoire de 1792 de l’armée des volontaires révolutionnaires français à Valmy contre l’armée prussienne, l’armée de métier plus forte d’Europe, à laquelle il avait assisté du côté allemand et qui allait être le début des victoires de la Révolution française contre la réaction féodale et royale européenne :

« D’aujourd’hui et de ce lieu date une ère nouvelle dans l’histoire du monde ! »

Hegel dans « La Raison dans l’Histoire » :

« Aucune puissance ne peut détruire l’esprit d’un peuple, soit du dehors, soit du dedans, s’il n’est déjà lui-même sans vie, s’il n’a déjà péri. »

« Aux alentours de la Révolution française, il semblait que 1’univers se fût soudainement élargi à l’infini : par-delà l’œuvre émancipatrice accomplie par les Lumières, un nouveau monde se découvrait qui débordait : telle une crue printanière, le paysage formé et arrangé comme le jardin de l’humanisme traditionnel. »

Dans une lettre à Schelling de 1795, Hegel faisait ce bilan de la Révolution française : « Au lieu de quémander leurs droits foulés aux pieds, les peuples se les approprieront. »

Rappelons que la dialectique est la loi du changement au travers du développement des contradictions et des sauts de la dynamique, une loi dans laquelle les contraires se combinent et se transforment l’un dans l’autre, le négatif en positif qui est une négation de la négation. Négatif et Positif ne sont pas les seuls possibles ; les deux peuvent construire de nombreuses combinaisons en se liant et en interagissant. Pour Hegel, le positif n’est rien d’autre que la négation de la négation.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5126

Hegel dans son « Cours d’histoire de la philosophie » :

« Il faut rendre justice à l’aspect négatif… On doit reconnaître la contradiction présente dans l’existence. Les vieilles institutions qui n’avaient plus de place dans le sentiment développé de la liberté consciente de soi et de l’humanité, qui avaient leur base et leur appui dans l’apathie… de la conscience, qui ne correspondaient plus à l’Esprit qui les avait établies, et qui pourtant malgré la nouvelle culture scientifique continuaient à passer pour sacrées et justes devant la raison, les philosophes français l’ont abattu… Cet aspect se comporta destructivement contre ce qui était détruit en soi… La révolution française a été rendue inévitable par le rigide entêtement des préjugés, de l’orgueil, la totale absence de pensée, l’avidité. Les philosophes n’ont eu que des pensées générales, une idée abstraite de ce qui devait être… »

Hegel, dans « Science de la Logique » :

« La seule chose nécessaire pour obtenir la progression scientifique, et vers la compréhension de laquelle il faut essentiellement s’efforcer, - c’est la connaissance de cette proposition logique : le négatif est également positif, ce qui est contredit ne se résout pas en zéro, en néant abstrait, mais essentiellement en la négation de son contenu particulier (…) Elle est un concept nouveau, mais plus élevé, plus riche que le précédent, car elle s’est enrichie de sa négation, autrement dit de son opposé ; elle le contient donc, mais aussi plus que lui, elle est l’unité d’elle-même et de son opposé. »

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article567

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3895

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2175

La dialectique de Hegel (puis de Marx) est apte à comprendre les révolutions car c’est une pensée révolutionnaire.

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Hegel, contrairement à nombre d’intellectuels modernes, sait que la révolution est porteuse de nouveauté, que le monde change radicalement, qualitativement, que ce qui nous semble éternel n’est qu’une illusion, que la force du changement n’est pas à chercher à l’extérieur mais au sein même de l’ancienne société. Et c’est cela qui est le plus étonnant, donc le plus révolutionnaire dans la pensée d’Hegel car l’existence de forces révolutionnaires au sein d’un ordre qui semble solide, stable et durable. Même une roche ne l’est pas et pas davantage la société humaine. C’est le principal message d’Hegel : le changement radical existe potentiellement au sein de l’ordre apparemment le plus solide.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4912

Hegel dans ses « Leçons sur la philosophie de l’Histoire » :

« La pensée, le concept de droit se fit tout d’un coup valoir et le vieil édifice d’iniquité ne put lui résister. Dans la pensée du droit, on construisit alors une constitution, tout devant reposer sur cette base… C’était un superbe lever du soleil. Tous les êtres pensants ont célébré cette époque. Une émotion sublime a régné en ce temps-là, l’enthousiasme de l’esprit a fait frissonner le monde... »

Evoquant l’œuvre des révolutionnaires français, Hegel écrit dans « Encyclopédie des sciences philosophiques » :

« En pleine tempête révolutionnaire, leur entendement s’est manifesté dans la fermeté avec laquelle ils ont réussi à faire naître l’ordre éthique du monde nouveau contre la puissante alliance des partisans de l’ordre ancien ; dans la fermeté avec laquelle ils ont réalisé, l’un après l’autre, et dans leur détermination et leur opposition les plus extrêmes, tous les moments constitutifs du développement de la nouvelle vie politique. C’est précisément en menant chacun de ces moments jusqu’à la pointe extrême de son unilatéralité, en poussant chaque principe unilatéral jusqu’à ses dernières conséquences, qu’ils ont été conduits par la dialectique de la raison historique mondiale à une situation politique dans laquelle toutes les unilatéralités antérieures de la vie politique paraissent levées. »

« ...conduits par la dialectique de la raison historique mondiale… » voilà ce que remarque de manière géniale Hegel sur la révolution française qui conduit à la révolution mondiale !

Une dialectique productrice de nouveauté créatrice, voilà ce que constate Hegel, réalisant que chaque jour en France apporte des nouveautés renversantes, au point qu’on ne peut pas imaginer ce qui va encore arriver. Il répond à ceux qui demandent ce qui va maintenant se passer en France : « Attendez pour le savoir que j’aie reçu la dernière gazette. Il est impossible de l’imaginer tant cela peut être à nouveau un fait incroyable. »

Le journal « Les révolutions de Paris » écrit au lendemain de la proclamation de la République : « Nous sommes les premiers et les seuls qui donnons à notre révolution pour bases les saintes lois de l’égalité, en cela d’un avis différent de la charte anglaise qui admet un roi, une noblesse et deux Chambres, haute et basse. »

Un révolutionnaire de cette époque affirme fièrement : « Nous créons ce qui n’a pas existé. »

Rien de plus dialectique que les révolutions et parmi celles-ci que la Révolution française (ou plutôt les deux révolutions de 1789 et1793).

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4774

En effet, la révolution est un bel exemple du fait que « tout ordre devra céder place au désordre menant à un nouvel ordre » et que « tout ce qui est mérite de disparaitre et de mourir ».

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4176

Oui, la révolution dévoile d’un seul coup que l’ancien ordre social est brusquement devenu irréel, fondé sur des mensonges, et cette situation est une découverte brutale pour tous les dominants comme pour les dominés. L’ordre ancien est brutalement coupé de la réalité économique et sociale.

Engels dans « Ludwig Feuerbach » :

« Or, la réalité n’est aucunement, d’après Hegel, un attribut qui revient de droit en toutes circonstances et en tout temps à un état de choses social ou politique donné. Tout au contraire. La République romaine était réelle, mais l’Empire romain qui la supplanta ne l’était pas moins. La monarchie française de 1789 était devenue si irréelle, c’est-à-dire si dénuée de toute nécessité, si irrationnelle, qu’elle dut être nécessairement abolie par la grande Révolution dont Hegel parle toujours avec le plus grand enthousiasme. Ici la monarchie était par conséquent l’irréel et la Révolution le réel. Et ainsi, au cours du développement, tout ce qui précédemment était réel devient irréel, perd sa nécessité, son droit à l’existence, son caractère rationnel ; à la réalité mourante se substitue une réalité nouvelle et viable, d’une manière pacifique, si l’ancien état de choses est assez raisonnable pour mourir sans résistance, violente s’il se regimbe contre cette nécessité. Et ainsi la thèse de Hegel se tourne, par le jeu de la dialectique hégélienne elle-même, en son contraire : tout ce qui est réel dans le domaine de l’histoire humaine devient, avec le temps, irrationnel, est donc déjà par destination irrationnel, entaché d’avance d’irrationalité : et tout ce qui est rationnel dans la tête des hommes est destiné à devenir réel, aussi en contradiction que cela puisse être avec la réalité apparemment existante. La thèse de la rationalité de tout le réel se résout, selon toutes les règles de la dialectique hégélienne, en cette autre : Tout ce qui existe mérite de périr. »

La première des contradictions dialectiques est celle de l’Ancien Régime. Il est là pour empêcher tout changement en défaveur de la noblesse et la première classe sociale qui va le déstabiliser, avant la bourgeoisie, avant le petit peuple, c’est… la noblesse ! La contre-révolution nobiliaire est le début de la période pré-révolutionnaire.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9r%C3%A9volution_fran%C3%A7aise

Les contradictions de l’Ancien Régime :

https://www.gauchemip.org/spip.php?article4071

Jacques d’Hondt écrit : « La Révolution française est l’éclatement des contradictions économiques, sociales, politiques. C’est parce que le régime était empêtré dans ses contradictions et ne savait plus comment « s’en sortir », que Louis XVI a convoqué les Etats Généraux. Entre autres, est alors apparue une contradiction politique évidente : c’est parce qu’il se sentait impuissant dans une situation difficile, et d’abord parce qu’il ne savait plus où et comment trouver de l’argent pour résoudre la crise financière que Louis XVI a reconnu, de facto, sa dépendance de l’Assemblée des Etats. Il se présentait devant elle, à cet égard, en solliciteur. Et en même temps, contradictoirement, il prétendait lui parler en maître ! (…)
Ce qui paraissait d’abord cruellement négatif se mue en facteur positif pour qui sait s’en servir. Le déficit financier qui accable la nation, en 1789, et que l’on veut faire endosser au Tiers-Etat, devient pour celui-ci une arme terrible contre la Monarchie absolue. (…)

En 1789, Hegel en tire la leçon : « Comme sont aveugles ceux qui peuvent croire que des institutions, des constitutions, des lois qui ne s’accordent plus avec les mœurs, les besoins et l’opinion des gens, que l’esprit a quitté en fuyant, peuvent continuer à se maintenir.

Les institutions, dit Hegel, ne s’accordent plus avec les mœurs ; donc auparavant elles s’accordaient avec elles. Là où il n’y avait pas de contradiction, une contradiction est peu à peu apparue. C’est cela la contradiction vivante et active, le devenir contradictoire, la naissance, l’aiguisement puis l’éclatement et la résolution de la contradiction dans les choses et dans les idées.

Et c’est cela que les interprètes dogmatiques de la logique classique ne peuvent ni comprendre ni admettre. Aussi ne parviennent-ils ni à comprendre ni à admettre une révolution. Pour eux, ce qui est, est : ce qui n’est pas, n’est pas – et il ne peut y avoir de troisième terme. Or, entre la féodalité et le capitalisme, entre la monarchie et la république, il fuat bien qu’il y ait un passage. Et c’est ce passage qui est révolutionnaire. (…)

Dans la révolution, tout sans cesse, devient. Et c’est ce devenir, cette fluidité qu’il faut saisir et si possible contrôler. Comme le dit Hegel, « Tout est, et aussi n’est pas. Car tout coule, est en perpétuel changement. »

Source :

https://www.persee.fr/doc/cafon_0395-8418_1991_num_63_1_1565

La Révolution française a démontré qu’un ordre apparemment solide comme le roc peut casser brutalement… comme le roc. Le pays qui était l’un des plus solides piliers de la réaction féodale en Europe, une royauté apparemment irrémédiablement attachée au nom de France a tellement cassé que la royauté y est morte, que la féodalité a disparu en une nuit, que le pays s’est transformé en le plus formidable ennemi de la féodalité en Europe, chassant à la pointe des baïonnettes de ses soldats volontaires la plus solide des armées européennes, celle de la Prusse, présumée invincible pour des armées de métier entrainées et contraignant les chefs d’Etat européens à reconnaitre le nouveau pouvoir révolutionnaire alors que ces chefs d’Etat avaient proclamé leur volonté d’écraser dans le sang cette révolution et de remettre en selle le roi de France et la noblesse de France. Du droit absolu du monarque on passe directement au droit absolu du peuple. De la monarchie absolue on passe à la République absolue. De la lettre de cachet au droit du peuple à disposer de lui-même. Du règne de l’Eglise catholique à la laïcité républicaine. Des droits féodaux au droit individuel et à la liberté individuelle. L’Univers cesse d’un seul coup de tourner autour du Roi Soleil et le centre est partout ! Un renversement de l’ordre absolu apparent… et la création de toutes pièces d’un ordre nouveau. De la France impensable sans sa royauté à la France nouvelle impensable avec une royauté, il n’y a eu qu’un pas.

Le passage dialectique de l’ordre au désordre puis à un nouvel ordre est avéré et ce n’est pas, loin de là, la seule manifestation dialectique de la Révolution française.

Eh oui ! C’est la dialectique de l’ordre et du désordre que l’on retrouve à bien d’autres niveaux et dans d’autres domaines…

https://www.matierevolution.org/spip.php?article6814

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5028

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article25

Ainsi, la révolution française est à la fois bourgeoise et prolétaire (au sens des comités et sections de bras nus), à la fois libertaire et autoritaire, à la fois anti-étatique et constructrice d’un nouvel Etat, à la fois

https://shs.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2015-3-page-254?lang=fr

https://journals.openedition.org/chrhc/13302

Au sein de la Révolution française, toutes les remarques historiques que l’on peut faire ont un caractère éminemment dialectique. L’imbrication des contraires mène à une dynamique extraordinairement novatrice et entrainant l’émergence de nouveautés.

Ainsi est la contradiction entre le caractère spontané et tumultueux de l’auto-organisation et le caractère structuré et manipulé par en haut du pouvoir au cours de la révolution.

L’auto-organisation se manifeste sans cesse dans la Révolution française, même si c’est toujours en contradiction, en dualité de pouvoir avec l’Etat : assemblées électorales locales des cahiers de doléance et des Etats généraux refusant de se dissoudre en 1789, sections s’érigeant en permanence en 1792, clubs, mouvement sans culotte, sociétés populaires en 1793, enragés, légions des volontaires, comités de surveillance, organisations révolutionnaires, comités de piques, associations de femmes, comités révolutionnaires, communes insurrectionnelles en 1794, etc. La bourgeoisie jacobine a plus ou moins accompagné, encadré, manipulé ce mouvement de masse mais elle ne l’a jamais réellement soutenu et elle a sans cesse œuvré pour la remise en place d’un Etat bourgeois fort, le contraire du pouvoir populaire.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5794

Sont en contradiction dynamique au sein de la révolution française la démocratie bourgeoise et la dictature des masses populaires…

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article244

Se mêlent au sein de la révolution et de manière contradictoire la collaboration de classe entre bourgeois et exploités et aussi la lutte radicale entre eux.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1082

En fait, il y a une révolution bourgeoise au sein de la révolution des plus démunis, des bras nus et une révolution quasi prolétarienne au sein de la révolution bourgeoise. Rien de plus dialectique que la révolution permanente qui pousse sans cesse plus loin sa radicalité sociale.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1398

Ces contradictions internes dialectiques et violentes expliquent que le changement soit aussi brutal et impressionnant. Encore aujourd’hui, on est saisis d’étonnement par la rapidité et de la radicalité de la transformation. Le roi qui était adulé et admiré par le peuple est décapité et sa descendance déchue. La royauté est déracinée et la féodalité supprimée en une nuit. Les propriétés féodales et religieuses sont vendues.

D’une France extrêmement divisée, qui était une juxtaposition de provinces, de régions, d’entités administratives aux règles diverses, de dialectes, de pouvoirs locaux, de règles et lois régionales, de peuples d’origines diverses, la révolution a fait en un temps record une nation unifiée, consciente d’elle-même, de Paris à Marseille et parlant politiquement et socialement d’une seule voix.

D’un pays soumis de longue date au féodalisme et à la royauté, il fait exactement l’inverse, le peuple devenant brutalement un ennemi de tout ce qui représente noblesse et pouvoir royal.

D’un pays très divisé socialement et politiquement, la révolution a cimenté un peuple. Mais ce peuple qui se croyait uni continuait à contenir des contradictions en son sein.

Daniel Guérin dans « La lutte des classes sous la première république » :

« Dans un article de janvier 1849, Engels indiqua la « révolution permanente » comme un des traits caractéristiques de la « glorieuse année 1793 ». Le premier, Marx aperçut qu’en France, en pleine révolution bourgeoise, les enragés, puis les babouvistes avaient introduit un embryon de révolution prolétarienne. Dès 1845, donc avant Michelet, Marx observait, dans « La sainte famille », que « le mouvement révolutionnaire, qui eut comme représentants principaux, au milieu de son évolution, Leclerc et Roux et finit par succomber un instant avec la conspiration de Babeuf, avait fait éclore l’idée communiste (…) » Et, deux ans plus tard, à propos des babouvistes, il soulignait que « la première apparition d’un parti communiste réellement agissant se produit dans le cadre de la révolution bourgeoise ».(…) Engels ajoutait : « Lorsque, plus tard, je lus le livre de Bougeart sur Marat, je constatai qu’à plus d’un égard, nous n’avions fait qu’imiter inconsciemment le grand modèle authentique de l’Ami du Peuple (…) et que celui-ci, comme nous, refusait de considérer la Révolution comme terminée, voulant qu’elle soit déclarée permanente. »
Marx et Engels, en effet, s’inspirèrent de cette conception historique de la révolution permanente pour en faire une règle de conduite pour les révolutions futures. (…) C’est ainsi qu’en mars 1850 (…), ils écrivirent à la Ligue des communistes : « Il est de notre intérêt et de notre devoir de rendre la révolution permanente, jusqu’à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été chassées du pouvoir, que le prolétariat ait conquis le pouvoir public (…) ». Et ils terminaient leur appel en lançant ce « cri de guerre » : la révolution en permanence ! En avril de la même année, Marx et Engels fondèrent avec les blanquistes une Société universelle des communistes révolutionnaires dont l’article premier s’engageait à maintenir « la révolution en permanence jusqu’à la réalisation du communisme ». C’est dans le même sens que Lénine – qui savait la circulaire de mars 1850 pour ainsi dire par cœur et la citait fréquemment – écrira en 1905 : « Nous sommes pour la révolution ininterrompue ».
Trotsky, qui a approfondi et développé sur ce point la pensée marxiste, écrit : « L’idée de la révolution permanente fut mise en avant par les grands communistes de la première moitié du 19ème siècle, Marx et ses disciples, pour faire pièce à l’idéologie bourgeoise qui, comme on le sait, prétend qu’après l’établissement d’un Etat « rationnel » ou démocratique, toutes les questions pourraient être résolues par la voie pacifique de l’évolution et des réformes. (…) La Révolution permanente, au sens que Marx avait attribué à cette conception, signifie une révolution qui ne veut transiger avec aucune forme de domination de classe, qui ne s’arrête pas au stade démocratique, mais passe aux mesures socialistes et à la guerre contre la réaction extérieure, une révolution dont chaque étape est contenue en germe dans l’étape précédente, une révolution qui ne finit qu’avec la liquidation totale de la société de classe. » (dans « La révolution permanente »)
(…) Comme l’écrivait Trotsky : « La distinction entre révolution bourgeoise et révolution prolétarienne, c’est l’alphabet. Mais, après avoir appris l’alphabet, on apprend les syllabes qui sont formées de lettres. L’histoire a réuni les lettres les plus importantes de l’alphabet bourgeois avec les premières lettres de l’alphabet socialiste » (…) Dès 1905, il écrivait en effet : « Une définition sociologique générale, « révolution bourgeoise », ne résout nullement les problèmes de politique et de tactique, les antagonismes et les difficultés que pose le mécanisme même de cette révolution bourgeoise. Dans les cadres de la révolution bourgeoise de la fin du 18ème siècle, qui avait pour but objectif la domination du capital, la dictature des sans-culottes se trouva possible. Dans la révolution du début du 20ème siècle, qui s’avère également bourgeoise par ses objectifs immédiats, on voit se dessiner en toute proche perspective l’inéluctabilité ou du moins la probabilité de la domination politique du prolétariat. » (dans « Histoire de la révolution russe »)
(…) Les deux points de vue desquels doit être considérée la Révolution française, l’un ayant trait aux conditions objectives de l’époque (révolution bourgeoise), et l’autre au mécanisme interne du mouvement révolutionnaire (révolution permanente), ne sont contradictoires qu’en apparence. Je vais maintenant expliquer pourquoi.
Le fait qu’au cours même d’une révolution bourgeoise la dynamique interne de la Révolution conduise le prolétariat à prendre plus ou moins conscience de ses intérêts propres de classe et à chercher, plus ou moins confusément, à s’emparer du pouvoir ne contredit pas la conception matérialiste de l’histoire selon laquelle les rapports matériels conditionnent de façon impérieuse l’évolution des sociétés. Il ne justifie pas une thèse « volontariste » qui, négligeant ce qui est objectivement possible, s’imaginerait qu’il suffit de vouloir pour pouvoir. La théorie de la révolution permanente reste sur le terrain solide du matérialisme historique. Elle explique la tentative de dépasser la révolution bourgeoise, non par des raisons d’ordre psychologique, non par l’intervention « idéaliste » de la volonté humaine, mais par certaines circonstances d’ordre purement « matériel ». Voilà comment. Une société, et par conséquent les rapports matériels existant au sein de celle-ci, n’est jamais homogène parce que tout le processus historique est fondé sur la loi du développement inégal des forces productives. Lénine a fait ressortir un aspect de cette loi lorsque, dans son analyse de l’impérialisme, il souligne la « disproportion dans la rapidité du développement des différents pays », les « différences entre la rapidité du développement des différents éléments de l’économie mondiale » et qu’il énonce : « Il ne peut y avoir, en régime capitaliste, de développement égal des entreprises, des trusts, des branches d’industrie, des pays. »
Trotsky a montré que « de cette loi universelle d’inégalité des rythmes découle une autre loi que, faute d’une appellation plus appropriée, l’on peut dénommer loi du développement combiné », en ce sens qu’une société en cours d’évolution est « une combinaison originale des diverses phases du processus historique », « des éléments retardataires avec des facteurs des plus modernes ». L’auteur de l’ « Histoire de la Révolution russe » a illustré de façon très frappante cette loi en l’appliquant à la Russie du début du 20ème siècle. Mais elle a une portée beaucoup plus générale. Elle s’applique à toutes les sociétés modernes. Déjà Marx, en 1847, en avait fait l’application à l’Allemagne. Il avait observé que « dans ce pays, où la misère politique de la monarchie absolue existe encore avec toute sa séquelle de castes et de conditions mi-féodales en décomposition, il existe déjà d’autre part partiellement, conséquence du développement industriel et de la dépendance de l’Allemagne du marché mondial, les oppositions modernes entre la bourgeoisie et la classe ouvrière avec la lutte qui en résulte ». Et il fondait sur « cette situation contradictoire » sa conception de la révolution permanente : « La bourgeoisie allemande se trouve donc déjà, elle aussi, en opposition avec le prolétariat, même avant de s’être politiquement constituée comme classe. » Trotsky ne fait qu’approfondir la pensée de Marx lorsqu’il souligne que la « théorie de la révolution permanente était fondée sur cette loi (…) de l’inégalité de l’évolution historique ».
L’application de la loi du développement combiné à la Révolution française nous permet de comprendre pourquoi la grande Révolution revêtit le double caractère d’une révolution bourgeoise et d’une révolution permanente. Elle nous explique pourquoi, malgré le fait que les conditions objectives de l’époque ne permettaient encore que la victoire de la bourgeoisie, la révolution bourgeoise portait déjà dans ses flancs un embryon de révolution prolétarienne. C’est que la France de 1793 était, du point de vue de l’évolution des formes de production et de propriété, une combinaison hétéroclite d’éléments rétrogrades et d’éléments modernes, de facteurs qui retardaient sur la révolution bourgeoise et d’autres qui tendaient à enjamber la révolution bourgeoise. Les conditions archaïques de l’appropriation et de la culture du sol dans certaines régions comme la Vendée et la Bretagne avaient contribué à maintenir ces provinces dans la nuit de la servitude. Par contre, le progrès de la technique, les débuts de la révolution industrielle, l’évolution économique qui avait concentré dans les villes, et surtout dans la capitale, face à une bourgeoisie déjà riche et puissante, une masse déjà considérable de travailleurs, avaient fait prendre aux sans-culottes (et notamment aux sans-culottes parisiens) sur les paysans de l’Ouest et du Midi une avance de plusieurs siècles. Paris comptait déjà, en 1793, plus de 700.000 habitants.
(…) Deux mondes chevauchaient l’un sur l’autre : dans la voiture même qui conduisait Louis, roi par la grâce de Dieu, à l’échafaud, avait pris place, en tant que représentant de la Commune parisienne, l’enragé Jacques Roux, pionnier (encore balbutiant) de la révolution prolétarienne.
Existait-il un prolétariat ?
Penchons-nous un instant sur les sans-culottes de l’an II : nous serons frappés par le caractère composite de leurs traits. Eux-mêmes sont le produit du développement combiné Si l’on posait la question sous la forme simpliste : existait-il un prolétariat en 1793, il faudrait répondre à la fois par non et par oui. Sans doute n’existait-il pas de prolétariat au sens que ce mot a pris au 19ème siècle, c’est-à-dire de larges masses de travailleurs ayant perdu la propriété de leurs moyens de production et concentrés dans de vastes entreprises. (…) Par ailleurs, la différenciation au sein du tiers état était déjà accentuée et ne cessa, pendant les cinq années de la Révolution, de s’approfondir. Le bourgeois de 1789 était déjà un personnage considérable. Propriétaire terrien, gros négociant, industriel, titulaire d’une charge (office de justice, de finances, etc…), son genre de vie, ses manières, son costume même l’apparentaient bien davantage à la classe aristocratique qu’à celle des travailleurs manuels. L’inflation, la vie chère, d’un côté, et de l’autre les fructueuses acquisitions de biens nationaux, les énormes bénéfices réalisés sur les fournitures de guerre creusèrent un début de scission entre bourgeois et sans-culottes. Le pauvre se paupérisa davantage, tandis que la richesse du riche se fit plus insolente.
La différenciation existait déjà, bien qu’à un degré moindre, entre la petite bourgeoisie et les travailleurs manuels. Englober, comme on le fait parfois, sous le vocable « petite bourgeoisie » ou de « démocratie » toutes les couches sociales qui constituaient l’aile avancée de la Révolution est, à mon avis, trop simpliste. La petite bourgeoisie de cette époque jouait déjà, bien que d’une façon encore embryonnaire, un rôle intermédiaire entre la bourgeoisie et les ouvriers. (…) Le parti jacobin, à la fois petit-bourgeois à la tête et populaire à la base, reflétait cette contradiction. (…) Ainsi la manifestation du 4 septembre 1793 fut spécifiquement ouvrière ; elle réunit presque exclusivement des compagnons, et les petits bourgeois semblent bien avoir éprouvé quelque inquiétude : l’incident entre Chaumette et l’ouvrier Tiger est, à cet égard, significatif. Les grèves de l’hiver et du printemps 1794 furent également, et par leur nature même, des mouvements spécifiquement prolétariens dont les petits bourgeois jacobins se désolidarisèrent et qu’ils calomnièrent en les traitant de « contre-révolutionnaires ». Enfin, au cours des journées de Prairial (mai 1795), nous verrons les petits patrons du faubourg Saint-Antoine jouer un rôle nettement distinct de leurs compagnons : alors que ces derniers, de leur propre mouvement, eussent continué la lutte, les premiers, effrayés par le caractère de classe que celle-ci avait prise, poussèrent à une transaction avec la bourgeoisie thermidorienne (transaction qui fut fatale aux insurgés). (…) Désirant employer un vocable qui marque, sans l’exagérer, la différenciation relative existant entre petits bourgeois et travailleurs, j’ai emprunté à Michelet le terme expressif de bras nus. L’historien observe que, si la défense de Nantes contre les Vendéens eût été bourgeoise seulement, Nantes était perdue. « Il fallait, écrit-il, que les bras nus, les hommes rudes, les travailleurs prissent violemment parti contre les brigands ». (…) Le caractère composite de la « sans-culotterie » de 1793 ne doit jamais être perdu de vue si l’on veut comprendre le mécanisme complexe de la dernière phase de la Révolution. (…)
Marx a montré dans « La question juive » comment le mouvement révolutionnaire, « en déclarant la révolution à l’état permanent », s’était mis « en contradiction violente » avec les conditions objectives de la révolution bourgeoise, ce qui eut pour conséquence finale « la restauration de la religion, de la propriété privée, de tous les éléments de la société bourgeoise ».
Engels a donné de ce reflux, commun à toutes les révolutions de type ancien (c’est-à-dire des époques où la révolution prolétarienne était encore objectivement impossible), diverses analyses. Après avoir montré comment un embryon de prolétariat groupé autour de Thomas Münzer, en Allemagne, au début du 16ème siècle, formula les rudiments de revendications communistes, il écrit : « Mais, en même temps, cette anticipation, par-delà non seulement le présent, mais même l’avenir (…) devait, au premier essai d’application pratique, retomber dans les limites bornées que permettaient seules les conditions de l’époque ». « Ce n’était pas seulement le mouvement d’alors, c’était tout son siècle qui n’était pas mûr pour la réalisation des idées que lui-même n’avait commencé d’entrevoir que très obscurément. La classe qu’il représentait, bien loin d’être complètement développée et capable de soumettre et de transformer la société tout entière, était juste en train de naître. Le bouleversement social qui se présentait vaguement à son imagination avait encore si peu de fondements dans les conditions matérielles existantes que celles-ci préparaient même un ordre social qui était absolument l’opposé de l’ordre social rêvé par lui. » Il fut donc aisé à la bourgeoisie, conduite par Luther, de briser le mouvement. (…) Ailleurs, à propos des révolutions de Paris, Engels décrit ainsi le reflux : « Le prolétariat, qui achetait de son sang la victoire, apparaissait après la victoire avec ses revendications propres. Ces revendications étaient plus ou moins obscures et même confuses, selon le degré correspondant de développement des ouvriers parisiens, mais, en définitive, elles tendaient à la suppression de l’antagonisme de classe entre capitalistes et ouvriers. (…) Mais la revendication même, si indéterminée qu’elle fût encore dans sa forme, contenait un danger pour l’ordre social établi ; les ouvriers qui la posaient étaient encore armés ; pour les bourgeois qui se trouvaient au gouvernail de l’Etat, le désarmement des ouvriers était donc le premier devoir. D’où, après chaque révolution où les ouvriers avaient été vainqueurs, une nouvelle lutte, qui se termine par la défaite des ouvriers. »
Et, dans un autre texte, Engels développe : « Après le premier grand succès, c’était la règle que la minorité victorieuse se scindât en deux : une des moitiés était contente du résultat obtenu, l’autre voulait encore aller plus loin, posait de nouvelles revendications. (…) Ces revendications plus radicales s’imposaient bien dans certains cas, mais fréquemment pour un instant seulement : le parti le plus modéré reprenait la suprématie, les dernières acquisitions étaient perdues à nouveau en totalité ou partiellement ; les vaincus criaient alors à la trahison ou rejetaient la défaite sur le hasard. Mais en réalité, la chose était le plus souvent ainsi : les conquêtes de la première victoire n’étaient assurées que par la deuxième victoire du parti plus radical ; une fois ceci acquis, c’est-à-dire ce qui était momentanément nécessaire, les éléments radicaux disparaissaient à nouveau du théâtre des opérations et leur succès aussi. Toutes les grandes révolutions des temps modernes, à commencer par la grande Révolution anglaise du 17ème siècle, accusèrent ces traits qui paraissaient inséparables de toute lutte révolutionnaire. »
(…) Le point exact où la Révolution atteint son apogée et où le reflux commence (…) je le place dès la fin de novembre 1793. (…) Depuis 1789 jusqu’à la date qui vient d’être proposée, le mouvement révolutionnaire, je le montrerai, est allé, par bonds successifs, constamment de l’avant parce que les limites objectives de la révolution bourgeoise n’avaient pas encore été atteintes. (…)
La théorie de la révolution permanente comporte un corollaire que, pour la clarté de mon analyse, je n’ai fait qu’effleurer dans l’exposé qui précède. Du fait même que la révolution est permanente, c’est-à-dire que le problème de la révolution prolétarienne se pose déjà (bien que d’une façon encore plus ou moins embryonnaire) au cours de la révolution bourgeoise, la bourgeoisie révolutionnaire, de son côté, n’est pas occupée uniquement par le souci de liquider la classe dont elle prend la succession ; elle s’inquiète aussi de ce qui se passe à sa gauche ; elle s’alarme en constatant que les masses laborieuses, dont le concours actif lui est indispensable pour en finir avec l’ancien régime, et entre les mains desquelles elle a dû mettre des armes, essaient de profiter des circonstances pour obtenir la satisfaction de leur revendications propres. La peur que lui inspire l’avant-garde populaire la fait renoncer à porter des coups trop rapides et trop brutaux à la contre-révolution. Elle hésite à chaque instant entre la solidarité qui l’unit au peuple contre l’aristocratie et celle qui unit l’ensemble des possédants contre les non-possédants. Cette pusillanimité la rend incapable d’accomplir jusqu’au bout les tâches historiques de la révolution bourgeoise.
Il faut donc que l’avant-garde populaire lui force la main, la pousse en avant, lui arrache littéralement les mesures radicales, dont elle sent bien la nécessité mais qui l’effraient. (…)
A la veille de 1789, la bourgeoisie, répétons-le, n’était plus que très partiellement une classe inférieure. Elle était liée assez étroitement avec l’absolutisme royal et la classe des grands propriétaires fonciers. Elle détenait déjà une part considérable du pouvoir économique. En outre, elle avait été admise à ramasser les miettes du festin féodal (beaucoup de bourgeois avaient reçu des titres de noblesse, jouissaient de rentes féodales, avaient des charges, portaient culotte et bas comme les nobles). (…) La violence avec laquelle les masses populaires s’attaquèrent à l’ancien régime effraya, dès le début, les bourgeois.
Georges Lefebvre observe, dans sa « Grande peur de 1789 » : « Exaspéré par la faim, le paysan menaçait l’aristocratie d’un assaut irrésistible. Mais la bourgeoisie, elle-même, n’était pas à l’abri. Elle ne payait pas non plus sa part d’impôts ; elle possédait maintes seigneuries : c’était elle qui fournissait aux seigneurs leurs juges et leurs intendants ; c’était des bourgeois qui prenaient à ferme la perception des droits féodaux. » (…)
Sur le plan purement politique, on note la même hésitation de la bourgeoisie devant l’accomplissement de ses tâches historiques. C’est ainsi que, le 14 juillet 1789, elle eut littéralement la main forcée. (…) « Ainsi, le signal de la conquête violente de la Bastille ne fut pas donné par la bourgeoisie. Ce fut malgré les efforts de conciliation de celle-ci que le peuple s’empara de la vieille geôle. Si les sans-culottes n’avaient pas forcé la main à la bourgeoisie, l’Assemblée nationale aurait fini par succomber dans sa rébellion contre les baïonnettes royales. De même, sans la marche sur Versailles, le 5 octobre, des bras nus affamés et sans leur irruption dans l’enceinte de l’Assemblée, la Déclaration des droits de l’homme n’eût pas été sanctionnée. Sans la vague de fond du 10 août 1792, la bourgeoisie eût reculé devant la République et devant le suffrage universel.
Au début de 1793, nous verrons l’aile la plus importante et la plus riche de la bourgeoisie (la Gironde) lâcher pied par peur et par haine des sans-culottes, hésiter devant les mesures radicales qui seules pouvaient permettre de sauver la Révolution et, finalement, glisser vers le royalisme. Nous verrons ensuite la fraction la plus audacieuse de la bourgeoisie (la Montagne) qui supplanta celle qui avait trahi la cause de la Révolution, hésiter à son tour à pousser la lutte jusqu’au bout. Il faudra l’intervention des faubourgs pour qu’elle se décide à châtier les chefs de la Gironde, à débarrasser l’armée des officiers réactionnaires. (…) Ainsi, pour que la société fût entièrement purifiée des défroques féodales et absolutistes, fallait-il déjà, à la fin du 18ème siècle, l’intervention propre du « prolétariat ». La révolution bourgeoise n’aurait pas été menée jusqu’à son terme si elle ne s’était accompagnée d’un embryon de révolution prolétarienne. (…) Engels tire de l’étude comparée des révolutions anglaise et française la conclusion que « sans l’élément plébéien des villes, la bourgeoisie seule n’aurait jamais mené la bataille jusqu’à la décision » et il ajoute : « il semble que ce soit là, en fait, une des lois de l’évolution de la société bourgeoise. »
Nous allons considérer maintenant la Révolution française du point de vue des formes du pouvoir populaire. La théorie de la révolution permanente nous aidera à en découvrir certains aspects qui, trop souvent, ont échappé aux historiens républicains. Ceux-ci se sont contentés de nous présenter la grande Révolution comme le berceau de la démocratie parlementaire. Ils n’ont pas aperçu (ou voulu apercevoir) que, du fait même qu’elle fût, en même temps qu’une révolution bourgeoise, un embryon de révolution prolétarienne, elle portait en elle le germe d’une nouvelle forme de pouvoir révolutionnaire dont les traits s’accuseront au cours des révolutions prolétariennes de la fin du 19ème siècle et du 20ème siècle. Ils n’ont pas marqué suffisamment la filiations historique qui, de la Commune de 1793, mène à celle de 1871, et encore moins, bien entendu, celle qui de la Commune de 1793 et de 1871 mène aux soviets (conseils) de 1905 et 1917. Ils n’ont pas vu que les données essentielles du problème du pouvoir tel qu’il s’est posé au prolétariat au cours de la Révolution russe (dualité de pouvoirs, contrainte révolutionnaire du prolétariat) se manifestent déjà, bien que sous une forme encore embryonnaire, au cours de la Révolution française, et notamment, dans sa dernière phase.
(…) Nous voyons les premiers symptômes de dualité de pouvoirs dès juillet 1789. A l’orée de la Révolution, il y a dualité de pouvoirs non seulement entre le roi et l’Assemblée nationale, mais déjà entre l’Assemblée nationale, interprète des volontés de la haute bourgeoisie, et la Commune de Paris, cette dernière s’appuyant sur les couches inférieures du tiers état de la capitale. (…) La dualité de pouvoirs se manifesta d’une façon beaucoup plus accusée à l’occasion de l’insurrection du 10 août 1792. Dès la seconde quinzaine de juillet, les sections avaient nommé des délégués qui s’étaient réunis à l’Hôtel de Ville. (…) Le 10 août, l’assemblée des sections se substitua à la Commune légale et se constitua en Commune révolutionnaire. Celle-ci se présenta face à l’Assemblée bourgeoise comme l’organe de la volonté populaire. (…) Mais la dualité de pouvoirs est un fait révolutionnaire et non constitutionnel. Elle peut durer un certain temps, mais pas très longtemps. (…) Tôt ou tard, l’un des pouvoirs finit par éliminer l’autre. (…) « La dualité de pouvoirs est, en son essence, un régime de crise sociale : marquant un extrême fractionnement de la nation, elle comporte, en potentiel ou bien ouvertement, la guerre civile. » Au lendemain du 10 août, les pouvoirs de la Commune révolutionnaire de Paris et ceux de l’Assemblée s’équilibrèrent un instant. Cette situation qui provoqua une crise politique aiguë, ne dura que quelques semaines. L’un des deux pouvoirs dut finalement s’effacer devant l’autre, et ce fut la Commune.
Le 31 mai 1793, la dualité de pouvoirs prit de nouveau une forme ouverte. Comme au 10 août, une Commune révolutionnaire s’était substituée à la Commune légale et, face à la Convention et à son Comité de Salut public, elle avait fait figure de nouveau pouvoir. Mais la dualité ne dura, cette fois, que l’espace d’un matin. Le pouvoir officiel s’empressa, nous le verrons, de faire rentrer dans le néant la Commune insurrectionnelle.
Après la chute des Girondins, la lutte entre la Convention et la Commune, entre le pouvoir bourgeois et le pouvoir des masses, continua sourdement. (…) La lutte prit, à nouveau, un caractère aigu, en novembre 1793, lorsque la Commune, se substituant à la Convention, entraîna le pays dans la campagne de déchristianisation et imposa à l’Assemblée le culte de la Raison. La bourgeoisie riposta en rognant les pouvoirs de la Commune qui, par le décret du 4 décembre, fut étroitement subordonnée au pouvoir central.
En février-mars 1794, la lutte se raviva encore une fois entre les deux pouvoirs. Au cours de cette dernière phase, le pouvoir des masses, nous le verrons, était davantage représenté par les sociétés populaires des sections, groupées en un comité central, que par la Commune elle-même. Mais les dirigeants de cette dernière, poussés par le mouvement des masses, eurent des velléités de coup d’Etat. Ce fut le suprême épisode de la dualité de pouvoirs. La bourgeoisie accusa les partisans de la Commune de vouloir « avilir la représentation nationale » et elle brisa le pouvoir populaire, donnant ainsi le coup de grâce à la Révolution. »

Lire encore :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4728

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4708

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3033

https://www.persee.fr/doc/cafon_0395-8418_1991_num_63_1_1565

Et la terreur ?

https://www.matierevolution.org/spip.php?article6636

Le caractère dialectique de la stratégie du prolétariat révolutionnaire

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article8300

Pourquoi on a comparé le mouvement des Gilets jaunes à la Révolution française ? Parce que ce mouvement ne se contentait pas de revendiquer, de combattre, de dénoncer le gouvernement, qu’il niait tout le pouvoir politique et social des exploiteurs, leur direction de l’Etat et de la société. Et la révolution française leur démontrait que le peuple travailleur peut décider de nier dialectiquement le droit à l’exploitation et le droit à l’oppression. Si les circonstances sont là, leur seule décision change la réalité.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5281

Que vient faire la philosophie dialectique dans la politique des révolutionnaires ?

https://www.matierevolution.org/spip.php?article3617

Exproprier les expropriateurs, se servir des guerres et des dettes comme de toutes les oppressions pour les retourner contre les guerriers capitalistes et les impérialistes oppresseurs, annihiler ceux qui veulent éradiquer l’humanité, déclarer la guerre aux bellicistes, mettre la main sur les finances de ceux qui nous coupent les robinets financiers, supprimer tous les droits politiques de ceux qui nous refusent no droits politiques, casser les organisations de ceux qui veulent nous interdire de nous organiser, tirer sur les généraux qui nous tirent dessus, réquisitionner les trusts qui nous envoient la faillite à la gueule, fermer la gueule des prêtres liés au pouvoir et manipulateurs pédophiles des enfants, licencier les licencieurs, supprimer le droit de polluer l’opinion aux médias qui refusent de diffuser nos opinions, refuser le droit de participer à notre démocratie aux exploiteurs qui nous refusent nos droits démocratiques, désarmer les armées capitalistes et armer le peuple travailleur, mettre les internationalistes à la tête des peuples qui subissent une oppression nationale et la retourner contre l’impérialisme, décapitaliser les accumulateurs de capitaux, c’est bel et bien cela, la négation de la négation révolutionnaire !

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