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Les anticipations sur la crise du capitalisme d’un institut de prospective qui n’a rien de révolutionnaire ni d’anticapitaliste : le LEAP et son GlobalEurope Anticipation Bulletin

lundi 19 janvier 2009, par Robert Paris

« Anticiper, c’est prévoir pour agir »

15 janvier 2009

« En 2007, LEAP/E2020 avait annoncé que les banques américaines et le consommateur américain
étaient tous deux insolvables. Il y a plus d’un an, notre équipe avait estimé à 10.000 milliards USD le
montant d’ « actifs-fantômes » qui allait disparaître du fait de la crise. Ces deux annonces étaient en
complet décalage avec les analyses dominantes du moment ; la suite a montré qu’elles étaient
pourtant parfaitement justifiées. En fonction de la même logique d’anticipation, LEAP/E2020 estime
aujourd’hui que le monde est entré dans une nouvelle séquence de la phase IV de la crise systémique
mondiale (la phase dite de « décantation »), à savoir la séquence d’insolvabilité globale.

Contrairement à ce que les dirigeants politiques mondiaux, à l’image de leurs banquiers centraux,
semblent penser, le problème de liquidité qu’ils essayent de résoudre par des baisses historiques de
taux d’intérêts et une création monétaire illimitée, n’est pas une cause mais une conséquence de la
crise actuelle. C’est bel et bien un problème de solvabilité qui crée les « trous noirs » dans lesquels
disparaissent les liquidités, qu’ils s’appellent bilans des banques1, endettements des ménages2, faillites
d’entreprises ou déficits publics. Avec une estimation conservatrice des « actifs fantômes » mondiaux
portée désormais à plus de 30.000 milliards USD3, notre équipe considère que le monde fait
désormais face à une insolvabilité généralisée frappant évidemment en premier lieu les pays et les
organisations (publiques ou privées) surendettés et/ou très dépendants des services financiers.
Evolution des capitalisations boursières mondiales en 2008 (en milliers de milliards de Dollars US) -
Source : Thomson financial Datastream, 01/2009

Selon LEAP/E2020, telle est la situation qui prévaut en ce début
d’année 2009 pour l’ensemble du système financier mondial, une part importante de l’économie de la
planète et tous les acteurs économiques (Etats compris) qui ont fondé leur croissance de ces
dernières années sur l’endettement. La crise a traduit et amplifié un problème de solvabilité globale.
Le monde est en train de prendre conscience qu’il est beaucoup plus pauvre que la dernière décennie
le lui avait laissé croire. Et 2009 est l’année qui va obliger tous les acteurs économiques à tenter
d’évaluer concrètement l’état de leur solvabilité, sachant que nombre d’actifs continuent encore à
perdre de la valeur. La difficulté est qu’un nombre croissant d’opérateurs ne font plus confiance aux
indicateurs et instruments de mesure traditionnels. Les agences de notation ont perdu toute
crédibilité. Le Dollar US n’est plus qu’une fiction d’unité de mesure monétaire mondiale dont nombre
d’Etats tentent de se dégager au plus vite6. Donc toute la sphère financière est à juste titre suspectée
de n’être plus qu’un immense trou noir. Pour les entreprises, plus personne ne sait si les carnets de
commande sont fiables7 puisque, tous secteurs confondus, les clients annulent massivement les
commandes8 ou n’achètent plus, même quand les prix sont cassés, comme le confirme la forte baisse
des ventes de détail de ces dernières semaines9. Et pour les Etats (et autres collectivités publiques),
c’est dorénavant l’effondrement des recettes fiscales qui fait craindre une envolée des déficits pouvant
entraîner là aussi des faillites. D’ailleurs, des milliardaires russes10 aux pétromonarchies du Golfe
arabique en passant par l’Eldorado commercial chinois11, ce sont toutes les « poules aux oeufs d’or »
des entreprises et des établissements financiers de la planète (et notamment européennes, japonaises
et nord-américaines12) qui s’avèrent désormais insolvables ou tout juste solvables. La question de la
solvabilité de l’état fédéral et des états fédérés américains13 (comme de celle de la Russie ou du
Royaume-Uni) commence d’ailleurs également à être posée dans les grands médias internationaux ;
tout comme d’ailleurs celle des grands fonds de pension par capitalisation, grands acteurs de
l’économie globalisée de ces vingt dernières années.

Pour LEAP/E2020, la tendance est donc claire : la séquence qui commence en ce début d’année 2009,
c’est bien celle de l’insolvabilité globale.

A ce propos, LEAP/E2020 émet une recommandation à destination des institutions financières internationales, et surtout de
leurs responsables des services statistiques : il est urgent de mettre en place une comptabilité internationale alternative, fondée
sur un panier de devises (par exemple : 25% USD, 25% Euro, 25% Yen et 25% Yuan en attendant un panier global décidé par
les dirigeants politiques) car la cessation de paiement des Etats-Unis et la rupture du système monétaire mondial que nous
anticipons à l’été 2009 va immédiatement entraîner une catastrophe en matière de comptabilisation des valeurs et des flux
financiers mondiaux. Il est donc urgent, même si cela résulte de discussions officieuses et de comptabilités « au noir » de
doubler les statistiques actuelles faites essentiellement en Dollars US par une version de « sauvegarde » effectuée dans un
panier de devises. Cela permettra d’assurer une continuité des statistiques le temps d’une reconstruction du système monétaire
mondial.

Une série d’articles du Spiegel (18/12/2008), intitulée « Le calme avant la récession mondiale », illustre très bien la crise vue
d’Allemagne. Et la chute généralisée du transport de marchandises en zone Euro illustre bien ce fait. Source : Libération,
12/01/2009

L’un des indicateurs avancés de l’économie mondiale est indéniablement le marché des machines-outils, car ce sont elles qui
servent à produire les objets manufacturés. Les commandes de machines-outils permettent d’anticiper 6 mois à 1 an à l’avance
l’état de l’industrie manufacturière mondiale. Les deux grands fabricants et exportateurs mondiaux de machines-outils étant
l’Allemagne et le Japon, l’évolution de leur production et exportation dans ce secteur est donc un indice très fiable de l’avenir de
l’industrie manufacturière mondiale. En l’occurrence, il s’avère très sombre pour 2009 puisque, à l’image de l’Allemagne, le
Japon a enregistré en Novembre 2008 une chute vertigineuse de 16,2% de ses commandes par rapport à Octobre 2008, soit la
pire baisse depuis 1987 quand ces statistiques ont commencé à être disponibles. Source : MarketWatch, 15/01/2009

Aux Etats-Unis, 2009 risque de voir 25% des commerces de détail fermer leurs portes. Source : ClusterStockAlleyInsider,
27/12/2008

Les « milliardaires russes » en sont réduits à quémander l’aumône du Kremlin, qui lui même voit ses réserves financières
fondre à vue d’oeil. Source : Spiegel, 08/01/2009

Un « El Dorado chinois » qui en 2009 est en train de se transformer en bourbier socio-économique. Sources : Janelanaweb,
25/12/2008 ; Yahoo/Reuters, 07/01/2009 ; Guardian, 13/01/2009

La toute récente faillite de Nortel, leader nord-américain de l’industrie des télécommunications en est un exemple flagrant.
Sources : USAToday, 28/12/2008 ; Reuters, 02/01/2009

L’action actuelle des gouvernements et des banques centrales est inefficace et
dangereuse pour les épargnants
A partir de ce constat, il est aisé d’évaluer dorénavant l’efficacité des actions des banques centrales et
des plans de « relance » ou de « stimulation » gouvernementaux mis en place au cours de l’année
2008 ou prévus pour les semaines à venir. Elle est non seulement marginale, mais elle est même
probablement source de problèmes majeurs à venir.
Evolution de la dette réelle du Royaume-Uni (2005-1013) - Source : MarketOracle 12/2008

Ainsi, les baisses de taux d’intérêt jusqu’à des niveaux quasiment nuls, suivant l’exemple de la
Réserve fédérale américaine, sont non seulement inefficaces en cas de crise de solvabilité car elles ne
font qu’inciter à s’endetter plus alors que le problème est justement que les acteurs économiques
deviennent tous rétifs à l’endettement. C’est leur offrir ce qu’ils ne veulent plus et cela bénéficie
essentiellement aux banques qui empruntent à taux zéro tout en continuant à prêter à des taux non
négligeables. Il est ainsi peu surprenant que les principaux médias se fassent l’écho de cette
« nécessité » de baisse des taux sur l’exemple de la Fed.

Or les banques centrales qui ont eu la sagesse de ne pas suivre la Fed doivent continuer à agir suivant
leur propre ligne d’action car, pour le moment, les actions de la Fed sont une série ininterrompue
d’échecs qu’illustre la Dépression qui désormais frappe les Etats-Unis15. Ainsi, selon LEAP/E2020, la
Banque Centrale Européenne doit dorénavant arrêter de baisser son principal taux d’intérêt puisque
ces baisses n’ont plus aucune efficacité de stimulation ; et puisqu’elles obligent ensuite les banques
centrales à se reposer sur la « facilitation quantitative » (quantitative easing) qui n’est qu’un
euphémisme pour dire qu’elles doivent faire tourner la planche à billets et se substituer directement
aux distributeurs habituels du crédit (à savoir les banques). A ce stade, un deuxième épisode tragique
de la crise se prépare avec un retour massif de l’inflation, alimentée par ces quantités massives de
nouvelle monnaie.
Inflation aux Etats-Unis, hors nourriture et énergie (01/2005 - 11/2008) - Source : US Bureau of
Labor Statistics, 01/2009

Avec plus de 3 millions de saisies immobilières en 2008 aux Etats-Unis, soit plus de 10 millions d’Américains jetés à la rue, on
ne peut pas parler d’autre chose que d’un échec flagrant des politiques de la Fed et du Trésor américain depuis que la crise a
débuté. Les saisies immobilières ont en effet augmenté de 81% en un an et de 300% depuis 2006. Pour le reste, les banques
US continuent à tomber en faillite ou bien à avoir besoin de nouvelles injections de centaines de milliards de Dollars US, le tout
sur fond d’un endettement public qui va dépasser les 10% du budget en 2009 avec 44 états sur 50 en déficits croissants. Et les
médias financiers internationaux, tout comme les experts, continuent à présenter la Fed et le Trésor américain comme des
modèles à suivre. Pour faire naufrage, il n’y a aucun doute qu’ils ont la bonne technique. Pour s’en sortir, c’est indéniablement
ceux qu’il ne faut pas écouter ou copier. D’ailleurs, en Asie également, des voix se font entendre qui recommandent à la Chine
et au Japon de se démarquer rapidement des choix américains pour faire face à la crise. Sources : MarketWatch, 15/01/2009 ;
Asia Times, 24/12/2008b ; Bloomberg, 24/12/2008.

A ce propos, il est utile de tordre le cou à la fable que répètent à longueur d’articles les médias financiers et qui ferait de Ben
Bernanke un spécialiste de la crise actuelle parce qu’il a fait une thèse sur la crise des années 1930. Tout d’abord, comme l’a
expliqué LEAP/E2020 à plusieurs reprises, cette crise n’a rien à voir avec celle de 1929 si ce n’est qu’elle sera terrible dans ses
conséquences socio-économiques et que les Etats-Unis en sont l’épicentre. D’autre part, l’analyse de Ben Bernanke sur la crise
de 1929 se résume à une réponse par la fourniture illimitée de liquidités, c’est-à-dire le contraire de ce qu’avaient fait les
dirigeants de l’époque … dans le cas d’une crise de liquidités, ce qui n’est pas le cas de l’actuelle crise systémique globale. Pour
résumer, l’expertise de Ben Bernanke en la matière (qui est illustrée par deux années d’échecs ininterrompus à enrayer la crise
aux Etats-Unis) est du même ordre que celle d’un historien ayant étudié la guerre de 1914-18 pour préparer le conflit de
1939-1945. Les Français ont très bien fait cela : ils ont construit la Ligne Maginot. On connaît la suite... Donc si les autres
banquiers centraux veulent suivre « Bernanke-Maginot », libre à eux, mais qu’ils sachent déjà qu’ils perdent alors la guerre face
à la crise.

Vers une guerre mondiale des taux d’intérêts pour capter l’épargne globale
D’ailleurs, la nouvelle étape que franchit la Fed montre bien que, sans le reconnaître, elle commence à
se rendre compte qu’elle fait face à un problème d’insolvabilité généralisée aux Etats-Unis (et dans les
pays connexes comme le Royaume-Uni16), affectant l’état fédéral, les états fédérés, les entreprises,
les banques et les ménages. Ainsi a-t-elle commencé17 à racheter les Bons du Trésor émis par le
gouvernement fédéral américain. C’est bien entendu de la création monétaire pure et simple illustrant
le fait que Washington est obligé de financer ses déficits désormais astronomiques par l’émission de
milliers de milliards de nouveaux Dollars. Et cela ne fait que reporter le problème de solvabilité sur la
Fed dont le bilan, déjà encombré d’actifs toxiques rachetés aux banques ces derniers mois, se voit
encore dégradé par l’achat massif de Bons du Trésor US (T-Bonds) qui ne trouvent plus d’acheteurs
(quoiqu’en disent les médias financiers dominants). Il serait en effet très étonnant que la Fed se sente
obligée d’acheter des Bons du Trésor US si d’autres acheteurs étaient prêts à les acquérir. Et le
contexte général incite à suspecter que la Fed achète les Bons du Trésor US depuis de nombreux mois
déjà, via ses « Primary Dealers ». Deux indices alimentent cette analyse : d’une part, la Fed refuse de
divulguer qui a bénéficié (et donc à quelle fin) de plusieurs dizaines de milliards de Dollars d’injection
de sa part18 ; d’autre part, même l’Allemagne, assise sur une économie saine, une orthodoxie
budgétaire de référence et des excédents très importants, commence à avoir des difficultés à placer
ses propres Bons du Trésor (les Bunds)19.

La Banque d’Angleterre s’est lancée elle aussi dans l’impression sans limite de Livres Sterling. Et pour tenter de camoufler
l’ampleur de la création monétaire envisagée, le gouvernement britannique fait disparaître l’obligation (datant de 1844) pour la
Banque centrale anglaise de publier son bilan hebdomadaire. Source : Telegraph, 12/01/2009. Et là aussi des voix s’élèvent
pour dénoncer une fuite en avant désastreuse qui tente de guérir l’endettement par un endettement encore plus grand ou, pour
reprendre notre analyse, qui prétend guérir l’insolvabilité par un apport de liquidité. Source : Independent, 11/01/2009.

En fait ce processus est en action depuis déjà plusieurs années selon LEAP/E2020 qui l’avait analysé dans différents numéros
du GEAB dès 2006, mais il était à l’époque effectué discrètement via les « Primary Dealers ». Désormais, la crise oblige à le
faire publiquement et directement étant donnés les montants impliqués.

Bloomberg, peu suspect de sentiments anti-Wall Street, a d’ailleurs intenté un procès à la Réserve fédérale à ce sujet,
notamment pour savoir quels étaient les actifs apportés en garantie à la Fed par les banques aidées… pour l’instant sans aucun
résultat (source : SeekingAlpha, 15/12/2008). Et ce n’est pas du futur Secrétaire d’Etat au Trésor (Timothy Geithner), qui a
notamment laissé Citigroup devenir un géant aux pieds d’argile en relâchant sa régulation par la Fed de New-York dont il était
le président, qu’on risque de voir naître une farouche volonté de transparence en la matière.
Source : Bloomberg, 07/01/2009

La Chine ralentit ses achats de Bons du Trésor US et autres titres étrangers - Evolution du pourcentage
du PNB chinois consacré à l’accroissement de ses réserves de change - Sources : National Bureau of
Statistics / Banque populaire de Chine / CEIC Data (01/2009)
Aussi, en écartant le conte pour enfants qui ferait des T-Bonds US un placement si sûr et recherché
que spontanément la planète entière serait prête à les acheter, même avec un rendement négatif, la
seule explication possible reste que la Fed achète (ou fait acheter) en cachette déjà depuis des mois
les Bons du Trésor US.
Cette situation est d’ailleurs totalement logique dans le cadre d’une séquence d’insolvabilité globale.
Les Etats-Unis avaient besoin d’attirer 80% de l’épargne mondiale pour financer leurs déficits au
moment où l’économie mondiale était florissante et leurs déficits bien inférieurs à ceux qui gonflent
depuis six mois. Aujourd’hui où leurs déficits ont « explosé » de 400% minimum (sinon 1.000% d’ici
fin 2009)20 tandis que la planète a perdu (et continue à perdre) des milliers de milliards d’actifs
financiers21, la problématique quotidienne de Washington est devenue : comment emprunter en 2009
500% au moins de l’épargne mondiale (et on suppose ici une stabilité de l’épargne mondiale
disponible alors que la perte de valeurs d’actifs est probablement très supérieure à la tendance
croissante à l’épargne du fait de la crise) ?

L’estimation actuelle d’un déficit public fédéral américain pour 2009 à 1.200 milliards USD est très timorée car elle n’inclut pas
le plan de relance de Barak Obama, elle voit en « rose » le coût réel des sauvetages initiés depuis 6 mois et elle sous-estime les
pertes de recettes fiscales. Pour notre équipe, le déficit fédéral américain 2009 se situera au minimum dans la zone des 2.000
milliards USD (contre 455 Milliards USD en 2008). Ainsi pour l’instant personne ne comptabilise la demande de plus de 1.000
milliards des états fédérés ou le « trou de financement » des retraites par les entreprises américaines qui atteindra plus de 100
milliards USD juste pour l’année 2009. Sources : Reuters, 13/01/2009 ; NewYorkTimes, 13/01/2009

Les réserves de change de la Chine ont baissé en 2008 pour la première fois depuis 5 ans. Source : Bloomberg, 22/12/2008.

C’est bien entendu une mission impossible, qui condamne le Dollar comme devise de référence22, sauf
à tricher et à maquiller la création monétaire en investissement de l’épargne mondiale ; et/ou, comme
l’a déjà anticipé LEAP/E2020, à déclencher une « guerre mondiale de l’emprunt d’Etat » qui va voir les
Etats obligés d’accroître considérablement les taux offerts pour leurs emprunts et se livrer à une
surenchère sans merci pour financer leurs déficits.
Le monde de 2009 est devenu insolvable et la guerre des taux va commencer23, ruinant ceux qui ont
investi dans les Bons du trésor d’états incapables de rester solvables si les taux montent fortement,
c’est-à-dire, d’états (et autres acteurs économiques) fortement endettés.
Fondamentalement, ce qu’essayent de faire actuellement les banques centrales qui imitent la Fed,
c’est de rendre solvable des acteurs économiques qui ne le sont plus et qui ne peuvent plus l’être
puisque leur modèle économiques s’est effondré. Leur espoir est qu’en maintenant la fiction d’une
solvabilité suffisamment longtemps par un apport massif de liquidités, la reprise surviendra et
permettra de masquer l’opération. C’est malin mais, hélas, on ne triche pas avec l’Histoire. Or la crise
actuelle est de dimension historique. Sa durée pour nombre de pays (dont les Etats-Unis) risque
d’égaler celle de la crise de 1873-1896 tandis que son impact socio-économique ressemblera à celui
de 1929 mais à l’échelle de la planète24. La stratégie des banques centrales américaine et britannique
conduit à un désastre car une fois l’évidence installée dans les esprits que la crise va durer bien audelà
de 2009 (point d’inflexion que notre équipe situe autour de Mars 2009, voir GEAB N°30),
l’insolvabilité des acteurs publics et privés concernés sera impossible à camoufler et les milliers de
milliards engloutis dans l’apport de liquidités deviendront des dettes explosives pour les Etats et les
banques centrales qui les auront créées.

D’ailleurs, durant la période de Noël dernier, la Chine a discrètement autorisé ses opérateurs des principales régions
exportatrices à utiliser le Yuan au lieu du Dollar US pour commercer avec les pays de l’ASEAN. Ce test grandeur nature
préfigure une évolution accélérée dans cette direction dans la seconde moitié de 2009. Source : TimesofIndia, 25/12/2008. Pour
bien anticiper 2009, il est désormais nécessaire d’analyser la vision chinoise de l’année 2009 et des risques qu’elle comporte.
Cet article de Xinhuanet, consacré aux prévisions pour 2009 et intitulé « Changements prononcés dans le paysage politique et
économique mondiale », est très instructif en la matière. Source : Xinhuanet, 28/12/2008

Et elle sera parallèle à une guerre commerciale puisque les Etats-Unis, avec leurs plans de sauvetage à répétition qui ignorent
les règles de concurrence de l’OMC et leur nouvelle majorité démocrate, vont céder aux sirènes des grands groupes industriels
des secteurs automobile et sidérurgique et mettre en place une politique de « Buy American ». Source : CNBC, 02/01/2009

Cette crise de 1873-1896, appelée aussi « Grande Dépression » par les économistes, a été la première à avoir une réelle
envergure mondiale. Sa durée démontre que les crises peuvent s’étaler sur une très longue période de temps, plus longue
encore que celle des années 1930. Cette crise a en effet duré 23 ans. Son déroulement comporte nombre de similitudes avec
celle que nous traversons aujourd’hui : crise de l’immobilier, bulles financières, fragilité des banques trop exposées à une forte
spéculation, insolvabilité d’un grand nombre d’opérateurs, contamination par les flux financiers et commerciaux d’une première
mondialisation, investissements sans discernement dans l’ « Eldorado » américain (aujourd’hui la Chine par exemple). Le travail
remarquable de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff , dont est extrait le graphique ci-joint sur la corrélation des pics de
chômage et des crises bancaires, pourrait ainsi utilement être complété par l’analyse de cette crise de 1873-1896. Pour
compléter, on peut aussi lire un intéressant article sur cette crise, avec un regard plus canadien/québécois, dans le Devoir
(09/10/2008).

Périodes de chômage et crises bancaires : analyse des pics - Accroissement en pourcentage du taux de
chômage (à gauche) / Durée de la récession (en année) - Source : Reinhart/Roggoff, US National Bureau
of Economic Research (19/12/2008)
Concrètement, les gouvernements doivent arrêter de penser en termes de plans de « relance » ou de
« stimulation » car il n’y aura pas de solution de continuité entre hier et demain. Ils doivent au
contraire mettre en place des « plans de traversée de crise », à savoir une double démarche de
protection des populations les plus exposées (notamment les chômeurs ou les actifs susceptibles
d’être licenciés prochainement) et des acteurs économiques sains (c’est-à-dire non endettés et
disposant d’un modèle économique viable dans les années à venir), tout en soutenant les processus
socio-économiques nouveaux qui seront profondément différents de ce que le monde a connu ces
dernières deux décennies.
En surveillant le langage des dirigeants, il sera possible de déterminer à quel moment les premiers
commenceront à comprendre dans quelle crise le monde est dorénavant entré. Pour 2009,
LEAP/E2020 se fait peu d’illusion hélas en la matière. Préparez-vous donc à un dangereux cocktail
d’inefficacité, de déni de réalité et de surenchère, le tout sur fond de course généralisée à l’épargne
mondiale.

2- Telescope

‘15-UP AND 14-DOWN’, VINGT-NEUF
TENDANCES-CLES POUR 2009 – Quinze
sujets-clés de 2008 vont s’évanouir d’ici la fin
2009 /
Quatorze thèmes vont monter en
puissance au cours de l’année 2009
Face au flux croissant d’information qui inonde nos boîtes emails, les sites web et les médias
classiques (TV, presse écrite, radio), LEAP/E2020 a décidé de vous offrir un panorama résumé de
quinze sujets qui, selon notre équipe, auront disparu de l’actualité d’ici la fin 2009 et de quatorze
autres au contraire qui vont prendre de l’importance au cours de cette année. Outre l’intérêt
intellectuel de cette contribution de LEAP/E2020, qui bien entendu reflète nombre des analyses de nos
chercheurs au cours des derniers mois, elle vise à permettre une meilleure perception des priorités au
sein de l’actualité. Cette liste peut ainsi aider très concrètement le lecteur du GEAB à mieux utiliser le
temps nécessairement limité qu’il consacre à la lecture de l’actualité. Réduire le temps perdu à lire des
articles sur des sujets qui sont déjà secondaires en terme d’impact sur le cours des évènements, ou
au contraire prendre le temps d’approfondir des thèmes qui demain seront au coeur des évolutions à
venir, voilà ce à quoi souhaite servir cette liste des 29 « Up and Down » de 2009. C’est une aide à la
décision pour l’année à venir particulièrement concrète.

Quinze thèmes qui vont monter en puissance d’ici fin 2009

1. Les faillites d’Etats :
Les faillites en général, qu’elles soient d’Etats, de collectivités locales (régions, villes,...) ou de sociétés
vont hélas connaître une croissance très forte en 2009, notamment dans les pays de la zone la plus
touchée par la crise (voir GEAB N°28) comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, mais aussi bien
entendu dans tous les pays où le niveau d’endettement de ces organismes est très élevé. Pour ce qui
est des ménages, le phénomène suivra la même tendance. Cette situation devrait inciter les
investisseurs à se méfier tout particulièrement des bons du trésor émis par des Etats fortement
endettés. Pays baltes, Mexique, Etats-Unis, Turquie, Argentine, Thaïlande, Royaume-Uni... sont tous
candidats désormais à des situations de cessation de paiement. Ils sont directement exposés à
l’accroissement du risque de dislocation géopolitique au cours de l’année 2009.

2. La Très Grande Dépression US :
L’échec de toutes les actions entreprises par les autorités américaines depuis plus d’un an pour
enrayer l’entrée en récession des Etats-Unis a désormais conduit le pays à un niveau de contraction
économique sans précédent depuis les années 1930. L’effondrement récent du déficit commercial
américain illustre particulièrement la paralysie qui gagne tout l’appareil productif du pays. En 2009, le
nombre de chômeurs va s’accroître à un rythme mensuel moyen d’au moins 500.000 personnes selon
les chiffres officiels - ce qui correspond à près de 1 million de nouveaux chômeurs réels par mois (en
intégrant les personnes ne trouvant pas à s’employer à temps plein). Le taux de chômage officiel
dépassera largement les 10% qui marquent symboliquement une situation dépressionnaire. Et plus la
crise s’accentue moins l’impact des fonds empruntés par l’Etat fédéral devient sensible. C’est la
tragique spirale dans laquelle s’enfonce actuellement le pays.

Evolution tendancielle du retour d’un Dollar de dette supplémentaire investi dans l’économie

américaine (1966 – 2014) - Source MarketTicker, 01/2009
3. Le Royaume-Uni, homme malade de l’Europe :
Parmi les grands pays européens, le Royaume-Uni va en effet apparaître clairement en 2009 comme
celui qui fait totalement naufrage, alors que les autres, à des degrés divers, doivent seulement faire
face à une période de croissance négative autour de -1% annuellement. Ce sont simultanément la
valeur de sa monnaie, la valeur de son PNB et le nombre de personnes ayant un travail qui vont
connaître une chute profonde. Fin 2009, il est envisageable que le FMI et l’UE aient conjointement mis
le Royaume-Uni sous tutelle comme ils viennent de le faire avec l’Ukraine, la Lettonie et la Hongrie. La
Livre Sterling est d’ailleurs jugée comme n’ayant plus aucun avenir comme devise internationale par
86% des Européens sondés dans le GlobalEuromètre de Janvier 2009.

4. Les Etats-Unis, homme malade de la planète :
Et les Etats-Unis vont apparaître clairement d’ici la fin 2009 comme étant l’homme malade de la
planète, à savoir une superpuissance en déclin accéléré entraînant dans sa chute tout ce qui était lié à
elle d’un peu trop près. Etant donné que ce pays a été le centre du système mondial depuis soixante
ans, cela fait du monde ! Après la prise de conscience au Printemps 2009 que le nouveau président,
Barak Obama, n’est pas un magicien et que le pays continue à s’enfoncer dans la dépression, le
monde va assister au début d’une prise en main de nombreux « attributs du prince » par tout ou
partie des autres grandes puissances.

5. L’industrie et l’agriculture comme activités économiques essentielles :
A l’occasion de cette première année de récession globale, l’ensemble des responsables politiques et
économiques de la planète vont (re)découvrir qu’il n’y a pas d’économie solide sans secteurs industriel
et agricole puissants. Cette tendance va inverser des décennies de croyances aveugles dans la
suprématie des services, qui n’étaient que le suivisme du chemin qui a conduit les Etats-Unis et le
Royaume-Uni dans leurs impasses actuelles.

6. L’instabilité sociale :
Récession globale oblige, l’instabilité sociale va être un phénomène global également en 2009. Les
régimes autoritaires comme les démocraties, les pays riches comme les pays pauvres, tout le monde
va y être confronté. La Russie et la Chine vont être confrontées au double problème de l’absence de
travail pour les classes populaires et de rupture du contrat « enrichissement contre pouvoir » passé
entre les classes moyennes émergentes et le pouvoir politique. Les Etats-Unis comme le Royaume-Uni
doivent s’attendre en 2009 à de violentes éruptions sociales devant les pertes massives d’emplois et
l’absence de filet social suffisant et/ou l’inefficacité de ce dernier. Les pays, comme la France, qui
continuent à pratiquer une politique de privatisation et de déconstruction sociale, à la mode d’ « avant
la crise », vont rencontrer des problèmes du même type. Et bien entendu dans une grande quantité
de pays, les émeutes de la pauvreté et de la faim vont se multiplier.

7. L’antisémitisme aux Etats-Unis :
Il est déjà en forte hausse ces derniers mois comme peut le constater un observateur attentif des
commentaires sur les forums de débats des grands médias américains (alors qu’il était confiné
traditionnellement à des sites marginaux). L’année 2009 va en effet voir se former aux Etats-Unis le
type de conjonction de tendances qui a marqué les flambées d’antisémitisme en Europe au XIX° et XX
° siècles : une grave crise socio-économique, une responsabilité directe du monde financier associée à
des scandales médiatiques impliquant des personnalités de confession juive, une forte représentation
communautaire dans les organes de décision liés à la crise, et une recherche de « responsables » au
fur et à mesure de l’aggravation de la crise et de la démonstration d’impuissance des élites
dirigeantes. Alors qu’Israël et la communauté juive surveillent l’Europe en matière d’antisémitisme,
notre équipe pense que c’est aux Etats-Unis qu’est en train de se former un « perfect storm » en la
matière.

8. Le partenariat stratégique UE-Russie :
Le réalisme va marquer la relation UE-Russie au cours de l’année 2009. C’est une évolution majeure
par rapport aux années passées. Après l’irréalisme communautaire qui consistait à traiter la Russie
comme un banal état candidat à l’entrée dans l’UE, alors qu’il n’était ni candidat ni banal ; puis
l’irréalisme moscovite qui estimait qu’avec la richesse énergétique il suffisait de mélanger poigne de
fer et division par les cadeaux pour obtenir tout de l’UE ; on a enfin atteint un état d’équilibre réaliste,
illustré d’ailleurs par la récente crise du gaz, où les deux parties savent désormais qu’elles ne sont pas
aussi fortes que chacune le pensait hier, et qu’elles ont crucialement besoin d’atouts dont l’autre
dispose. Finances et stabilité côté UE vont s’échanger contre énergie et sécurité côté Russie. 2009 va
ainsi marquer le début d’une grande réorganisation de l’architecture de sécurité européenne. L’envoi
d’observateurs de l’UE pour surveiller le gazoduc russo-ukrainien en est une première illustration.

Dépendance des pays européens vis-à-vis du gaz russe (en % de la consommation annuelle) -
Source WaG/Reuters, 01/2009

9. L’inflation :
Pour tous les pays dont les banques centrales auront joué aux apprentis-sorciers en faisant tomber
leurs taux d’intérêt à 0% ou à peu près, l’inflation sera une donnée essentielle d’ici la fin 2009. Avec la
création monétaire débridée qui accompagne partout cette baisse radicale des taux, les économies en
question vont être caractérisées par un afflux formidable de liquidités dans le contexte de PNB en
forte contraction (notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Chine, dans les pays pétroliers,...) ;
l’inflation sera alors le seul moyen pour laisser la « pression » ainsi créée s’échapper puisque,
contrairement aux espoirs de nos apprenti-sorciers, il n’y aura pas de relance économique. En effet,
comme souvent répété depuis trois ans dans le GEAB, cette crise ne résulte pas d’un problème de
liquidités mais de solvabilité.
10. Les systèmes de protection sociale :
Décriés il y a encore peu comme étant des éléments archaïques, empêcheurs de « croître au
maximum », ces systèmes régulateurs vont faire leur grand retour politique en 2009 quand il va
devenir de plus en plus évident, au fur et à mesure de l’aggravation de la crise, que les pays qui
résistent le mieux (et là il s’agit de ceux qui évitent les émeutes, les grandes grèves, les révoltes, pas
seulement de ceux qui ont un point en plus de croissance) sont ceux qui disposent des systèmes de
protection sociale les plus efficaces et efficients. Les Etats-Unis, grands promoteurs de la réduction
des systèmes de protection sociale au cours des dernières décennies, vont d’ailleurs être obligés de
s’ « européaniser » à grande vitesse pour éviter une déliquescence sociale et géographique du pays.
Les pays émergents vont également devoir utiliser une partie de leurs réserves pour construire ou
renforcer ces systèmes, qui jouent également un rôle majeur pour garantir une certaine stabilité de la
consommation des ménages.

11. Les blocs régionaux :
L’année 2009 va voir les grandes régions du monde accélérer leur intégration pour mieux résister à la
crise. Cette tendance résultera dans un renforcement du protectionnisme interrégional, mais aussi
dans une intégration commerciale intra-régionale accrue. Si la tendance est claire en Asie, où Chine,
Japon et Corée du Sud sont en pointe, en Europe bien entendu mais en Amérique latine également,
elle est moins claire en Amérique du Nord où la nouvelle administration démocrate semble plutôt
opposée à un approfondissement de l’ALENA. Et ni le Mexique, ni le Canada n’ont pour l’instant
envoyé de signaux particuliers pour un rapprochement accru avec les Etats-Unis.

12. L’Eurozone :
C’est l’intégration régionale par excellence. On a déjà vu comment dès la fin 2008 l’accélération de la
crise a conduit à l’émergence du premier sommet de l’Eurozone. Cette tendance va s’accentuer en
2009. Par ailleurs, l’UE (et en son coeur l’Eurozone) est conduite à prendre en main de manière
rapidement croissante plusieurs aspects de son destin en 2009 : la crise gazière du début 2009 a déjà
accéléré l’émergence d’une politique énergétique unique qui va notamment échanger la stabilité des
prix (désormais au coeur des attentes de Moscou) contre la stabilité de l’approvisionnement ; la
Géorgie et la crise gazière ont contribué à donner de la substance au futur partenariat stratégique UERussie
dont la réforme de l’architecture de sécurité du continent marquera une seconde étape ; la
conduite des opérations de lutte contre les pirates au large de la Corne de l’Afrique est un autre
exemple du renforcement européen. Enfin, un grand défi sera abordé en 2009 avec l’inévitable mise
en place d’une agence commune d’emprunts pour assurer la viabilité du tandem Euro/marché unique.

13. L’instabilité au Moyen-Orient :
Israël/Palestine, Egypte, Irak, Iran, Afghanistan, Pakistan,... la très Grande dépression US va entraîner
un vide stratégique dans cette région explosive. En effet, quoiqu’en dise la nouvelle administration
américaine, les contraintes budgétaires vont peser lourdement sur l’influence diplomatique et militaire
des Etats-Unis dans la région dès 2009 (même si notre équipe estime que c’est en 2010 que se fera le
plus brutalement sentir ce phénomène). L’ensemble des (dés)équilibres de la région étant généré et
entretenu par Washington, cet affaiblissement structurel ne peut qu’aggraver l’instabilité et les conflits
dans la région au cours de l’année à venir. Cette éventualité ne sera d’ailleurs pas vue d’un mauvais
oeil par les intérêts souhaitant voir remonter le cours du pétrole.

14. Yen, Yuan, Euro :
Yen, Yuan et Euro sont les trois grandes devises dont notre équipe estime qu’elles ne risquent pas de
s’effondrer en 2009. Elles sont appuyées sur des économies fortes dotées de puissantes composantes
manufacturières et agricoles. Depuis des années, elles possèdent des excédents de balances des
paiements et des excédents commerciaux. Leurs sociétés sont stables (même si la Chine est moins
assurée d’une évolution positive dans ce domaine) et elles ont un fort taux d’épargne des ménages.
Elles sont donc peu sensibles au risque de dislocation géopolitique qui va se renforcer au cours de
l’année à venir ; alors qu’ils menacent d’autres devises (voir dans la partie suivante).

Evolution de l’épargne des ménages pour les cinq pays indiqués (1993-2006) - Source : OCDE,
12/2007

15. Les grands scandales financiers dont un méga-Madoff :

Le scandale Madoff de la fin 2008 n’est que le premier d’une série qui va marquer l’année 2009. Il a
ainsi généré une cohorte de mini-scandales dont personne n’a encore vu la fin et qui ont montré
comment les fonds d’investissements « sérieux » investissaient en fait en grand nombre dans
l’apparence du sérieux et sur la réputation sans comprendre quoi que ce soit aux produits et firmes
retenus. Mais de manière plus inquiétante, Madoff ne représente pas une « aberration » de Wall
Street, il est en fait un symbole vivant du système financier qui s’écroule actuellement. La contraction
brutale de l’économie réelle globale va rendre visible une multitude d’autres tromperies qui n’étaient
viables que tant que le plus grand nombre acceptait d’y croire. Le scandale Madoff a éclaté parce que
soudain, la crise s’aggravant, il n’a plus trouvé de nouveaux investisseurs pour pouvoir payer les
intérêts des investisseurs précédents. C’est exactement ce que fait le gouvernement américain depuis
plus d’une décennie. Et il a désormais des besoins encore plus grands. Alors, attendez-vous en 2009 à
un scandale financier d’une ampleur vraiment historique en 2009, un méga-Madoff,... entrainant une
multitude de banques, de pays et d’établissements financiers dans son sillage.

Quatorze thèmes qui s’évanouiront en cours d’année 2009

1. Les services financiers comme pilier d’une économie nationale :
L’année 2009, avec la poursuite de l’effondrement de Wall Street et de la City (et également des
centres financiers secondaires comme Singapour et Dubaï), va démonter que les services financiers ne
peuvent pas être des piliers d’une économie nationale. Seuls survivront les pôles financiers qui
s’appuient sur une forte économie réelle (c’est ce qui sauvera Hong-Kong) et qui donc ne constituent
qu’une composante, parmi d’autres, de l’économie d’un pays. D’une part, les services financiers se
contractent encore plus vite que le reste de l’économie en cas de récession liée à une crise financière
puisqu’ils sont attaqués sur tous les fronts ; et d’autre part, les services financiers sont hautement
délocalisables à l’époque d’Internet (encore plus que les industries de main-d’oeuvre) donc ils ne
peuvent être les piliers de rien de durable. En 2009, tout ce qui dépend de la vitalité de ces centres
financiers va donc s’enfoncer dans la crise à un rythme encore plus rapide que le reste de l’économie.

2. La globalisation :
La globalisation telle qu’on l’a connue au cours des dernières décennies est bien morte et 2009 sera
l’année inscrite sur sa pierre tombale. L’effondrement du commerce international va être
particulièrement fort en 2009. On en a déjà une illustration avec la chute vertigineuse des
exportations chinoise, japonaise et allemande (les trois poids-lourds de l’exportation mondiale) ; ou
avec la réduction brutale du déficit extérieur des Etats-Unis en Décembre 2008 (passant de près de 60
milliards USD à près de 40 Milliards USD) sur fond de contraction générale du commerce extérieur des
Etats-Unis (baisse simultanée des importations et des exportations). Le cycle de Doha n’a plus aucun
avenir. Les blocs régionaux ont le vent en poupe. Si le G20 ne parvient pas à jeter les bases d’un
nouveau système monétaire mondial, la crise des paiements des Etats-Unis de l’été 2009 poussera
l’ensemble de la planète dans une logique de blocs économico-commerciaux aux intérêts
progressivement de plus en plus antagonistes. En ce sens, 2009 est une année-charnière pour ce que
sera le monde d’ici 2015 : un monde réorganisé sur une base multipolaire, ou bien un monde de blocs
en conflits.

3. Les Etats-Unis comme puissance militaire globale :
Ce statut charnière de l’année 2009 sera également illustré par les évolutions décisives que va
connaître la puissance stratégique américaine. Dans le cadre du processus de dislocation géopolitique
qu’alimente cette crise, l’année en cours va montrer les premiers signaux clairs que les Etats-Unis ne
parviennent plus à tenir le rang auquel ils ont prétendu depuis vingt ans, à savoir une puissance
globale, présente partout et tout le temps. Du Moyen-Orient à l’Europe en passant par l’Asie centrale
et l’Asie de l’Est, 2009 va marquer le début du grand reflux stratégique : rapatriement des troupes,
fermeture des bases, arrêt des grands programmes militaires, restrictions budgétaires affectant la
diplomatie et les grandes fondations, espaces stratégiques laissés libres aux puissances régionales,...
C’est en Amérique latine que cette évolution pourrait connaître une inversion car selon notre équipe
les tendances y restent ouvertes : soit on assiste en 2009 aux mêmes évolutions qu’ailleurs dans le
monde ; soit on constate au contraire un retour à une vision impériale des Etats-Unis vis-à-vis de
l’Amérique latine, sorte de doctrine Monroe modernisée.

4. Brown, Merkel, Obama et Sarkozy :
Début 2008, Angela Merkel était la chouchou des médias qui voyaient en elle le seul leader fort de
l’UE. Dans la deuxième moitié 2008, elle a été éclipsée par deux « héros anti-crise » à savoir Gordon
Brown et Nicolas Sarkozy qui se voient depuis deux mois dépassés par un « sauveur », Barak Obama.
Pour LEAP/E2020, les quatre personnages finiront l’année 2009 très loin des sommets de la gloire.
Angela Merkel est apparue clairement comme hésitante et très provinciale dans sa réaction face à la
crise, ce qui n’est pas très prometteur pour l’avenir. Brown et Sarkozy ont mangé leur « pain blanc »
en promettant de vaincre la crise. Ils ont déjà perdu et leurs côtes de popularité repartent à la baisse
avec une forte probabilité de crise socio-politique dans les deux pays d’ici l’été 2009. Enfin, Barak
Obama reste le seul qui bénéficie encore du doute. Cependant, pour notre équipe, le contenu de son
plan de relance et l’équipe économique responsable (voir GEAB N°30), son affichage très fantaisiste (à
la Sarkozy) du nombre d’emplois qu’il créera (on est passé de 2,5 millions à 4 millions en quelques
semaines sans vraiment comprendre d’où provenait un tel accroissement) et la non prise en compte
de l’impossibilité de continuer à accroître les déficits publics américains, nous font anticiper qu’il
terminera l’année 2009 très loin des attentes qu’il suscite aujourd’hui.

5. La gestion autoritaire de la modernisation économique à la Russe et à la Chinoise :
Mais si ces leaders « occidentaux » sont mal partis pour 2009, Vladimir Poutine et Hu Jintao ne
doivent pas pour autant être donnés vainqueurs en terme de crédibilité à la fin 2009. A Moscou, le
pouvoir est aujourd’hui affolé à l’idée d’une crise sociale majeure car les classes moyennes russes ont
désormais goûté à la société de consommation et elles seront beaucoup moins prêtes à se serrer la
ceinture que cela n’était le cas il y a une dizaine d’années lors de la précédente crise économique
russe. A Pékin, l’affolement est tout aussi perceptible avec en prime la peur de ne pas pouvoir trouver
rapidement d’emploi à des dizaines de millions de travailleurs. Les deux régimes ont fait un pari
semblable : réussir la modernisation économique à l’occidentale sans adopter la démocratie. La
situation économique en 2009 va être le test par excellence de la pérennité d’un tel pari. Pour
LEAP/E2020, les deux régimes vont être obligés de recourir à des méthodes de plus en plus
autoritaires pour tout simplement rester au pouvoir. Cela marquera la fin des expériences en question
et ternira définitivement l’image des deux leaders.

6. L’OTAN :
Entre une guerre en train d’être perdue en Afghanistan, une identité de plus en plus incertaine en
Europe où les liens vitaux des Européens et des Russes occupent l’actualité chaque jour un peu plus
(y compris par les crises), un leader (les Etats-Unis) et son second (le Royaume-Uni) en pleine
dépression socio-économique, des budgets militaires qui vont subir le choc de coupes budgétaires
massives d’ici 2010,... l’OTAN va passer une année 2009 bien sombre. Les exigences de
l’administration Obama pour un accroissement des contributions européennes à la guerre en
Afghanistan vont rapidement envenimer la situation, tout comme les problèmes croissants du Joint
Strike Fighter que les Alliés européens rechignent de plus en plus à financer.

7. Les profits des entreprises :
L’année 2009 sera selon notre équipe l’une des pires de l’histoire moderne en ce qui concerne les
profits des entreprises dans le monde entier. Même si la crise s’aggrave en 2010, les entreprises
auront entamé une adaptation brutale en 2009 réduisant leurs coûts et amenuisant la chute de leurs
marges. Alors qu’en 2009, elles n’ont rien vu venir. Jusqu’à l’été 2008, la plupart pensait traverser un
orage limité et de courte durée. Dans les gros pays exportateurs, c’est même jusqu’à l’automne que
les entreprises ont continué à croire à un tel scénario (sauf, bien entendu, celles dont les dirigeants
lisent le GEAB). Elles ne se sont donc pas adaptées à la chute brutale de leurs revenus qui va
caractériser 2009. Autant dire que leurs profits 2009 seront au mieux très faibles et, plus
généralement, que nous allons assister à des pertes massives dans tous les secteurs, pour toutes les
catégories d’entreprises. C’était en 2008 qu’il fallait anticiper, y compris pour ceux qui ont continué à
investir en bourse.

8. Le Dollar, la Livre Sterling et le Franc Suisse :
Services financiers démesurés, économie manufacturière et/ou agricole désuète ou délocalisée,
protection sociale sous-développée, balance commerciale et/ou des paiements lourdement déficitaire,
endettement généralisé,... la combinaison de ces cinq facteurs déterminera l’ampleur de la chute de la
devise en 2009. La Livre Sterling arrive largement en-tête de la série, suivie de très près par le Dollar
US et enfin, un peu plus loin derrière, on trouve le Franc Suisse. Le prochain grand choc monétarofinancier,
probablement l’explosion de la bulle des « bons du trésor US », dans les six premiers mois
de 2009, servira de déclencheur à cette évolution.

9. Le système de Bretton Woods :
C’est peut-être l’évolution la plus importante qui caractérisera 2009. Selon notre équipe, le système de
Bretton Woods, faisant du Dollar US le pilier du système monétaire mondial, ne passera pas l’année
2009. Que ce soit du fait de la cessation de paiement des Etats-Unis (anticipée pour l’été 2009) à
cause de l’explosion de la bulle des Bons du Trésor US (au printemps 2009), ou bien en raison de la
mise en place de la monnaie unique des pétromonarchies du Golfe fin 2009 (le Khaleeji) qui accroîtra
automatiquement le prix du pétrole pour les Etats-Unis puisque la nouvelle monnaie sera indexée à
50% sur l’Euro et le Yen aussi, ce ne sont pas les causes qui manquent pour enterrer Bretton Woods.
Mais il reste une grave incertitude : les dirigeants mondiaux, par exemple du G20, seront-ils en
mesure d’anticiper cette évolution et de jeter les bases du futur système (voir les GEAB précédents) ?
ou bien assistera-t-on à une implosion généralisée du système monétaire mondial en 2009 ?

Composition de la monnaie unique du Golfe, le Khaliji, qui sera lancée le 01/01/2010 (pays
concernés et composition du panier de devises-références) - Source : GulfNews, 01/2009

10. Les « milliardaires » :
Cela fait au moins une décennie que les médias nous détaillent chaque année le nombre croissant de
« milliardaires » sur la planète, en nous précisant que c’est bien entendu un signe indéniable de la
force du système dans lequel nous vivons. Si c’est le cas, alors en 2009, via cet indicateur, le système
va montrer un grave signe d’affaiblissement car le nombre de milliardaires va fortement baisser. Audelà
de l’anecdote, cet indice montrera que la crise écrème le système également par le haut et
qu’elle se présente bien comme un problème général de solvabilité car la plupart des milliardaires de
ces dernières années n’étaient en fait que milliardaires en « emprunts », tout comme les piliers
mêmes du système actuel. Leur chute est donc un indicateur avancé de l’état à venir du système.

11. Le pouvoir d’achat des classes moyennes :
Mais il n’y a pas que les milliardaires dont le nombre va chuter en 2009. Sur toute la planète, le
pouvoir d’achat des classes moyennes va également baisser fortement. S’il était lié aux revenus du
capital, l’effondrement de ces derniers entraîne une baisse importante de la richesse des ménages
concernés. S’il était lié aux revenus du travail, la montée rapide du chômage va amputer pour un
grand nombre de foyers les revenus de l’année à venir. En la matière, le discours « optimiste » des
dirigeants peut s’avérer un piège mortel pour les ménages car il ne les incite pas à anticiper les
évolutions négatives et donc à réduire à temps leurs dépenses pour éviter d’être pris dans l’engrenage
du surendettement qui survient très vite dès que le chômage frappe (surtout quand la protection
sociale est faible).

12. Les Bons du trésor US :
C’est, selon notre équipe, la « pyramide ultime » (ou « schéma global de Ponzi » comme on l’appellait
aux Etats-Unis jusqu’à ce que Madoff éclipse totalement l’escroquerie du dénommé Ponzi). Le Trésor
et la Réserve fédérale des Etats-Unis se sont lancés en 2009 dans une opération de la dernière chance
consistant à emprunter tout ce qui se peut emprunter sur la planète tout en imprimant autant de
Dollars US que possible, en pariant sur deux évolutions qu’ils ne maîtrisent absolument pas : d’abord
que la récession économique ne dure pas au-delà de la fin 2009, ensuite que le reste du monde ne
perde pas confiance dans la monnaie américaine. Tous ses facteurs sont bien entendu
interdépendants. Si la récession aux Etats-Unis perdure au-delà de la fin 2009, alors le monde perdra
confiance dans la contrepartie US entraînant un effondrement généralisé de la valeur des Bons du
Trésor sur fond de hausse rapide des taux d’intérêts pour tenter d’enrayer l’hémorragie, et de ce fait
accentuer encore la récession, tout en rendant exorbitant le service de la dette des Etats-Unis. Ce qui
nous conduit à la cessation de paiement... et donc à nouveau à des T-Bonds totalement dévalués. La
fuite hors du Dollar correspond à un scénario analogue sauf que c’est l’inflation gigantesque de la
masse monétaire en Dollars qui entraîne une dépréciation accélérée de la devise US et une liquidation
générale des avoirs libellés en Dollars... dont les Bons du Trésor US. L’équipe de LEAP/E2020 ne
parvient pas à anticiper 2009 sans que l’une ou l’autre de ces éventualités ne se réalise. Peut-être
notre équipe manque-t-elle d’imagination ? En tout état de cause, les Bons du Trésor US représentent
à notre avis l’ultime piège pour les investisseurs car, une fois la crise déclenchée, ils seront tous
piégés à l’intérieur car personne n’en voudra plus.

13. La reprise économique :
A défaut de survenir en 2009, on peut être certain qu’elle sera le « monstre du loch Ness » des
médias et des dirigeants en 2009. Ils la verront tous au tournant du prochain trimestre ou semestre.
Chaque semaine, les experts trouveront dans tel ou tel indicateur le signe que le début du
commencement de la fin de la crise est en train d’apparaître. Ne vous laissez pas berner. Il n’y aura
de reprise en 2009 nulle part sur la planète. Seul 2010 pourra être plus positif dans certaines régions
(voir le GEAB N°28). Et d’ailleurs, vers le printemps 2009, nos dirigeants vont commencer à changer
de discours pour ne plus parler de plans de « relance » ou de « stimulation » (car il n’y aura pas de
relance), mais bien de plans « anti-crise » (qui seront des plans de traversée, d’accompagnement de
la crise).

14. Les CDS (Credit Default Swaps) :
Les faillites d’entreprises qui vont se multiplier en 2009, au-delà de tout ce que pouvaient prévoir les
modèles sous-tendant les CDS vont faire imploser le marché des CDS, faute de contreparties pour
payer. C’est la prochaine « bombe financière » qui en 2009 va affecter massivement les banques et
les établissements financiers. La mode des CDS devrait disparaître du même coup.
Evolution des flux de capitaux vers/hors USA (1980-2008) (en bleu : capitaux étrangers aux
Etats-Unis / en rouge : capitaux américains à l’étranger) - Source : Federal Reserve Bank of St
Louis / Itulip

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