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"Mille milliards de dollars" (1982) avec Patrick Dewaere : un bon film contre les multinationales franco-américaines complices du nazisme

jeudi 22 août 2024

Dans son ouvrage L’empire du mal ? Dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis, Roger Martin donne de bonnes raisons de voir le film Mille milliards de dollars :

Il a longtemps été de bon ton de dauber sur le réalisateur Henri Verneuil. Un bon artisan, pas un metteur en scène, pouvait-on lire ici et là. On ne saurait cependant que trop recommander son Mille milliards de dollars réalisé en 1982 avec Patrick Dewaere. Outre qu’il s’agit d’un excellent film noir, c’est aussi une implacable démonstration des faits évoqués ci-avant , et naturellement le personnage interprété par Mel Ferrer est directement inspiré par Henry Ford

Les « faits ci-avant » sont relatés dans l’entrée Ford du dictionnaire :

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FORD (Henry)

Quoi de plus américain que Ford ? La tarte aux pommes et le base-ball ? Ca n’est pas si sûr !
Pourtant, Henry Ford, le fondateur de la Ford Motor Company, est l’illustration éclatante que le Capital n’a pas de patrie et que s’il avait dû en avoir une dans les années 1930, c’était vraisemblablement l’Allemagne nazie qui l’aurait emporté.

Les faits sont suffisamment avérés aujourd’hui pour qu’on puisse rappeler que le magnat américain n’avait pas attendu 1939, ni même 1933, pour manifester ses sympathies pour le Fürher. Dès le début des années 1920, Ford sera un des bailleurs de fonds du Parti nazi allemand, ce qui apparaît clairement dans les souvenirs de Kurt Ludecke, attaché d’ambassade aux Etats-Unis, et dans le témoignage de Winifred Wagner, la belle-fille de Richard Wagner, qui servit d’intermédiaire.

Hitler, d’ailleurs avait orné son bureau d’une gigantesque photographie représentant Ford et fait traduire plusieurs pamphlets et ouvrages portant sa signature, bien qu’ils aient en réalité été écrits par d’autres, et avant tout Le Juif International évoqué dans Mein Kampf.

Hitler ne se privait pas pour répéter qu’il voyait en Henry Ford "comme une inspiration". On comprend pourquoi lorsqu’on considère que de 1919 , date à laquelle il acquiert le Deadborn Independent, à 1927, lorsqu’il s’en sépare, Ford usera du journal pour publier et signer des dizaines d’articles antisémites écrits par ses collaborateurs, au premier rang desquels Ernest Liebold, son secrétaire particulier.

Le 18 août 1938, Ford organisera même à Dearborn une réception pour fêter sa Grande-Croix de l’Ordre de l’Aigle, la plus haute décoration pouvant être décernée par le Reich à un étranger. Ford est alors le quatrième non-Allemand — et le seul Américain — à être ainsi honoré de cette décoration, quelques mois à peine après Benito Mussolini. Un honneur rehaussé d’une lettre de félicitation d’Hitler. A cette occasion, Ford portera un toast à l’Allemagne nazie et déclarera, lyrique : : "Je souhaite le succès de la jeune et puissante Allemagne nazie dans sa mission d’éradication de toutes les vermines dégénérées qui souillent la race blanche".

Rien de très étonnant de la part d’un industriel qui offrait un exemplaire de la traduction de Mein Kampf ou du Juif international à tout acheteur d’un de ses véhicules. De la part du mécène militant qui finançait l’envoi gratuit aux bibliothèques de son pays de Protocole des Sages de Sion !

On aurait tort pourtant de considérer qu’il s’agissait là d’une position strictement personnelle sans rapport avec les activités économiques de Ford.. C’est toute la politique du groupe qui le portait à commercer avec l’Allemagne nazie. Une attitude qu’il partageait avec d’autres consortiums et sociétés comme General Motors, Union Carbide, General Electric, Kodak, ITT ou Morgan.

En 1939, les succursales allemandes de Ford et General Motors fournissaient ainsi 70% du marché automobile germanique. Quand les soldats américains arrivèrent en Europe pour combattre le nazisme, ils eurent la surprise dans bien des cas de découvrir que leur ennemi roulait en camions Ford et volait dans des avions de fabrication Opel, la filiale de General Motors. On ajoutera que c’est Exxon - Esso - qui fournissait l’essence !

Les faits sont avérés. Le 12 mars 1972, une commission d’enquête du Sénat des Etats-Unis, en proie aux attaques violentes des avocats de Ford et General Motors, soulevait un lièvre et soulignait que ces deux sociétés avaient adapté leurs usines allemandes à la production militaire avant même de l’avoir fait pour les usines situées sur le territoire national.

Des révélations qui n’en étaient pas en réalité puisque, dès 1946, un enquêteur de l’armée américaine, Henry Schneider, avait pu affirmer, sans être contredit, que Ford-Allemagne était "un arsenal du nazisme en ce qui concerne les véhicules militaires" et que cette situation était parfaitement connue des dirigeants du groupe. D’autres enquêteurs et historiens confirmaient ces appréciations, ajoutant que Ford avait livré à l’Allemagne le caoutchouc nécessaire à l’équipement en pneumatiques des véhicules, General Motors de son côté fournissant la technologie indispensable à la production de carburant synthétique.

Dans son ouvrage Trading With The Ennemy, l’historien Charles Highman affirme en outre que
les filiales françaises de Ford continuèrent à produire des camions pour le régime hitlérien après 1941 et ouvrirent une succursale en Algérie destinée à combler les besoins de Rommel en camions et voitures blindées. Henry Morgenthau, le secrétaire d’Etat au trésor, confiait en personne en avril 1943 au président Roosevelt que "la production française profitait entièrement à l’Allemagne, qui en échange affiche clairement sa volonté de protéger les intérêts de Ford".

Higham et d’autre chercheurs ne limitent pas leurs enquêtes à Ford ou General Motors. ils mettent en lumière les rapports contre nature entretenus avec l’Allemagne nazie par la compagnie d’aviation Curtiss-Wright, la Standart Oil, ITT, la Chase National Bank, la Union Banking Corp., dont Prescott Bush — le grand-père — était un des dirigeants.

Il faudra attendre 1942 pour que, cédant aux pression du gouvernement Roosevelt, Ford et ses confrères acceptent de cesser leur collaboration. Officiellement en tout cas. En janvier 1942, la Ligue anti-diffamation, la principale association juive du pays, recevra une lettre de repentance de Ford, exprimant à présent ses voeux que disparaisse l’antisémitisme. Une lettre controversée, selon certains historiens écrit par quelqu’un d’autre et purement tactique, destinée à permettre le sauvetage de l’empire automobile.

Un repentir sans doute exigé par le gouvernement mais qui portera ses fruits juteux. La Seconde Guerre mondiale à peine terminée, Ford et d’autres sociétés obtiendront des indemnités colossales pour les destructions et dommages subis par leurs filiales allemandes pendant les bombardements alliés !

Dictionnaire iconoclaste des USA (R. Martin, 2005)

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