1896 : le PPS de Galicie mène dans son organe "Naprzod" une campagne publique antisémite, mysogyne et anti-russe contre Rosa Luxemburg

Dans sa lettre, écrite de Zürich le 24 mai 1896 à K. Kautsky (directeur de la revue théorique Neue Zeit), Rosa Luxemburg ajoute en pièce jointe (sans doute sous forme de sa traduction en allemand), un article du bimensuel Naprzod (En avant, synonyme de l’allemand Vorwärtz , titre du quotidien du SPD - Parti socialiste d’Allemagne), organe du Parti Socialiste Polonais de Galicie.

Dans sa lettre, R. Luxemburg ne dénonce pas le caractère antisémite de l’article du PPS, mais le souligne dans la pièce jointe par sa note à propos de la ville de Berditchev, connue encore aujourd’hui pour être un centre de la culture et juive, voir par exemple ici.

Le caractère misogyne est évident. R. Luxemburg n’est plus une camarade mais une "mademoiselle", "bonne femme hystérique".

De plus, le caractère antisémite est mêlé à des allusions anti-russes. Le dernier mot de l’article de Naprzod "Russkich", n’est pas polonais et correspond à peu près à notre "les Russkoffs".

Rosa Luxemburg est donc prise à parti publiquement par le PPS comme une femme juive russe, la 5ème colonne bref complice de bas-étage des principaux occupants de la Pologne : les Russes.

Naprzod numéro 20 du 14 mai 1896.

Traduction tirée de « Rosa Luxemburg - Vive la lutte » Maspéro p. 49. Nous complétons en italique la traduction là où elle semble avoir été édulcorée.

***

Mademoiselle Rosa Luxemburg — cette bonne femme querelleuse et hystérique — a fait paraître dans la Neue Zeit un article où elle prétend accuser les socialistes polonais d’un crime effroyable : elle prétend en effet démontrer que nous sommes d’ardents patriotes, non pas « au sens de cet amour personnel de la patrie » (!) qui existerait en Europe occidentale), mais en ce sens que nous avons l’ambition de rétablir la Pologne ! Manifestement notre patriotisme ne plaît pas à cette demoiselle Rosa Luxemburg, que tous ceux qui en Pologne ont le coeur et la tête où il faut, ont laissé tomber : nous n’y pouvons rien (il n’y a pas de médicaments contre cela).

Nous nous en consolons en nous disant que les meilleurs des (hommes, maris) socialistes « d’Europe occidentale » comprennent parfaitement notre patriotisme et encouragent nos efforts. Notre bourgeoisie, guidée par sa peur et on instinct politique, qualifie nos efforts de « cosmopolites », tandis qu’avec quelques autres « Russes » de Berditchev demoiselle Rosa se sent secouée de convulsions hystériques à la pensée de notre patriotisme polonais. Il semble bien que, quoi que nous fassions, nous ne puissions satisfaire ni l’une ni l’autre partie : nous nous en tiendrons à notre opinion. Nous regrettons simplement qu’une revue allemande sérieuse se soit laissée prendre au piège de demoiselle Rosa qui en Suisse, voudrait faire accroire aux gens qu’elle représente quelqu’un ou quelque chose en Pologne. Le socialisme polonais n’es pas tombé assez bas pour que demoiselle Rosa, en compagnie de quelques « Russes » sournois de Berditchev, s’arroge le droit de parler en son nom.

[1] Note de Rosa Luxemburg : allusion antisémite [Maspéro : Berditchev, ville d’Ukraine, était presque entièrement peuplée de juifs] à deux camarades russes — de la Neue Zeit — qui ont tenté au Congrès de Zürich de régler le conflit des mandats polonais.