Reniant Arlette Laguiller, Nathalie Arthaud et LO riment avec Madame Figaro et Bernard Arnault, derrière le slogan de Louis XVI : "taxer les ultra-riches est inutile !"

Agitation

Nathalie Arthaud s’est pris les pieds dans le tapis récemment avec la taxe Zucman. Déstabilisée par le fait que le PS d’Olivier Faure ait repris allègrement cette idée de faire payer les riches, N. Arthaud, rejoignant Bernard Arnault, a déclaré cette taxe "inutile".

Dans son agitation, N. Arthaud est donc contre le slogan "Faire payer les riches par la taxe Zucman",

Que LO ait réagit sans réfléchir face à ce bluff du PS, est illustré par le fait que des taxes du type Zucman faisaient partie de son programme de 2022 :

sur le plan de l’immobilier, je remarque que cela ne choque pas la bourgeoisie de voir l’explosion des prix, à l’achat comme à la location. D’abord parce qu’elle a largement les moyens d’assurer ces dépenses, ensuite parce que toute une partie de ses revenus provient de la spéculation immobilière et des plus-values réalisées dans les opérations de vente et de revente.

Il faudrait bien sûr imposer une taxation sur ces sommes colossales.

Les Echos : Présidentielle 2022 : le programme fiscal de Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière)

Faute avouée est à moité pardonnée, mais LO étant LE parti qui contrairement à celui de Lénine et Trotsky (1903-1923), n’avouera jamais s’être trompé, justifie sa bourde récente, en contradiction avec son programme de 2022, par une couche de "propagande".

Propagande

Les militants de LO se retrouvant sans doute en porte à faux dans les entreprises, ont eu droit à un article de "propagande" dans la revue Lute de classe. LO persiste et signe :

Ceux qui pointent du doigt les «  ultra-riches  » ou, plus vaguement encore, «  l’oligarchie  », emploient d’ailleurs ces termes pour ne pas désigner les capitalistes, la bourgeoisie et son ordre social qui repose sur l’exploitation, la propriété des grands moyens de production, de communication, du commerce comme des banques.

C’est aujourd’hui plus que jamais la perspective de la réquisition des profits, des dividendes distribués, et l’expropriation de la bourgeoisie dont les révolutionnaires doivent propager l’idée. Il ne faut pas seulement condamner les inégalités et les injustices, mais préparer le renversement d’un système d’exploitation aux mains d’une bourgeoisie de plus en plus parasitaire.

ISF, taxe Zucman  : la lutte contre le grand capital et ses faux-semblants

Passons sur l’erreur théorique de LO : si ! les termes d’ultra-riches et oligarques sont très bien définis ! (pour le deuxième, relire "La république" où Platon décrit l’oligarchie comme l’un des cinq régimes politiques), mais pour les marxistes, ils ne sont pas les concepts fondamentaux, ceux liés aux classes sociales, sur lesquels sont fondés leurs analyses.

Remarquons surtout que ceux qui dénoncent les « ultra-riches » et l’ « oligarchie » sont donc en fait pour LO des défenseurs du capitalisme ! Ceux qui dénonçaient "Versailles" en 1789 étaient sans doute aussi des complices de Louis XVI, car ils auraient dû dénoncer "les rapports de production féodaux".

On comprend grâce à LO que Babeuf, que l’on croyait le fondateur du communisme moderne, était un complice caché de Thermidor, car il ne s’attaquait qu’aux riches, pas aux capitalistes, 20 après qu’Adam Smith ait très bien décrit ce capitalisme :

Qu’il cesse enfin, ce grand scandale que nos neveux ne voudront pas croire ! Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvre, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés.

La conjuration de Babeuf

Certes LO dira que c’est Marx qui expliqua tout cela plus tard. Nous sommes preneurs, avez vous retrouvé dans Marx un passage sur les taxes ? Non, LO se contente de la question des salaires :

Analysant en 1865 les rapports entre les salaires, les prix et les profits, Marx, tout en soutenant l’objectif des augmentations de salaire, engageait les ouvriers à ne pas «  s’exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne  ». Il expliquait qu’ils ne pouvaient que retenir «  le mouvement descendant  » de leur condition, mais non «  en changer la direction  », qu’ils n’appliqueraient «  que des palliatifs, mais sans guérir le mal  ». Et au lieu du mot d’ordre ancien  : «  Un salaire équitable pour une journée de travail équitable  », il les invitait à inscrire sur leur drapeau le mot d’ordre révolutionnaire  : «  Abolition du salariat  ». Alors que l’économie capitaliste démontre son impuissance à résoudre les problèmes fondamentaux de l’humanité et mène celle-ci vers une guerre mondiale, la classe ouvrière doit combattre non pas pour «  faire payer les ultra-riches  » ou «  répartir les richesses  », mais pour renverser le capitalisme et exproprier la bourgeoisie.

Et tout cela sans dictature du prolétariat ! Même Jaurès ne se limitait pas à l’expropriation économique de la bourgeoisie, mais demandait son expropriation politique.

On note premièrement que cette référence à Marx sur la question des salaires détruit la position de N. Arthaud contre la taxe Zucman. Car Marx était pour l’abolition du salariat, mais soutenait les revendications salariales. C’est toute la question du lien entre le programme minimum (augmentation des salaires) et le programme maximum (abolition du salariat) qui est posée. Mais N. Arthaud ne connait pas ce concept, et ce n’est pas dans la revue LdC qu’elle va s’instruire à ce sujet !

LO au sujet de la taxe Zucman rejette tout programme minimum, cela s’appelle le gauchisme. Mais le fait que dans ses éditos LO oublie en revanche tout programme maximum, ne retenant que le programme minimum, est le signe que chez LO le gauchisme n’est qu’une maladie sénile, pas infantile. Le sectarisme est un opportunisme qui a peur de lui-même ! (Trotsky)

On note aussi que dans cet article de la revue LdC, LO "redécouvre" à cette occasion l’objectif d’abolition du salariat, qui n’apparait jamais dans ses éditos !

Arlette Laguiller était à juste titre pour "faire payer les riches"

Deuxièmement, rappelons que du temps d’Arlette Laguiller, LO collait des affiches avec le slogan "Faisons payer les riches !" :

lire le numéro complet sur le thème : faire payer les riches

"Faire payer les riches" est la revendication qui initia la Grande Révolution de 1789, et ce slogan popularisé par le PC stalinien dans années 1930, était repris à juste titre par Lutte ouvrière régulièrement à l’époque d’Arlette Laguiller :

Areltte Laguiller n’était pas dans la ligne de N. Arthaud qui écrit en 2025 :

Conclusion

Certes l’utilisation d’un tel slogan, comme celui des "200 familles", a des limites, comme tout slogan. En 1993 LO voulait sans doute faire plaisir au PC en reprenant une de ses formulations, alors qu’aujourd’hui c’est dans Solidaires et la CGT que LO s’installe, or les organisations syndicales se cantonnent à la question des salaires.

Ces slogans ne sont pas d’un niveau très élevé, mais si Bernard Arnault a remis en selle le PS en "dénonçant" cette taxe Zucman, c’est parce que les appels au 10 septembre sont imprégnés de cette revendication : « A bas les oligarques ! Rendez nous l’argent que vous nous avez volé ! » Oligarque est un terme plus sophistiqué que "riche", car il a un aspect économique et politique, Platon l’a bien illustré. Ignorer ce sentiment politique et le dénigrer comme réformiste, c’est une erreur de LO, ou alors le signe que cette organisation est bien morte.

Le fait que LO raye de la liste de ses slogans celui d’ "imposer les très riches" est un signe du sectarisme professoral de cette organisation, qui retient ses militants en leur faisant croire qu’ils sont "supérieurs" aux autres travailleurs et militants, car eux ont "compris" Le Capital, souvent sans l’avoir lu.

Pour comprendre qu’en période de calme comme actuellement en France, ce ne sont pas nécessairement nos slogans qui diffèrent beaucoup de ceux des réformistes, mais surtout la manière dont nous les défendons, notre but final étant le pouvoir du prolétariat, on peut lire et relire le Discours sur la tactique (Rosa Luxemburg, 1898)